1-Opening Titles 1.41
2-Tricks Of The Trade 3.16
3-The Dealers 1.35
4-The Creation 4.40
5-Rubbing It In 2.24
6-Research 2.38
7-On The Run Again 1.39
8-Tokens Of Rembrandt 1.52
9-A Note 0.39
10-Re-Creation 3.16
11-Police Search 1.29
12-Harry's Gift 1.22
13-The Reveal 1.15
14-Forgive Me 1.54
15-The Eyes 2.08
16-To Catch A Train 2.19
17-The Truth 1.18
18-Interlude 1.29
19-Front Page News 1.29
20-A Murder? 1.50
21-Bad Deal 2.54
22-Change Of Fortune 3.12
23-Reprise 3.28

Musique  composée par:

John Ottman

Editeur:

RCA Victor
09026 68971 2

Musique produite par:
John Ottman
Producteur exécutif pour
Morgan Creek:
James G.Robinson
Directeur chargé de la musique
pour Morgan Creek:
Mark Berger
Monteur de la musique:
Lia Vollack
Assistant monteur:
Amanda Goodpaster
A&R Direction pour
RCA Victor:
Bill Rosenfield

Artwork and pictures (c) 1997 Morgan Creek Productions Inc./BMG Entertainment. All rights reserved.

Note: ***
INCOGNITO
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by John Ottman
Spécialiste des thrillers et des films d'action, John Badham a eu l'occasion d'aborder différents sujets tout au long de sa carrière en usant systématique de ce même style de film. Avec 'Incognito', il traite désormais avec un certain cynisme du monde des faussaires de l'art (ici, la peinture). Harry Donovan (Jason Patric) est un faussaire de génie, qui a tout appris de son père (Rod Steiger). Il vit en reproduisant à la perfection des toiles de grand maître et les revend ensuite une fortune, et ce malgré l'incompréhension de son père qui ne voit pas d'un très bon oeil le fait que son fils gâche son talent en vivant d'un travail malhonnête. Trois clients contactent alors Donovan, chaleureusement recommandé par son ami John (Ian Holm), afin de lui passer une commande un peu particulière: reproduire pour 500000 dollars une toile rarissime de Rembrandt, perdu en pleine mer il y a près de 300 ans. Donovan réalise à la perfection une fausse toile inspirée de Rembrandt et parvint à convaincre tous les experts, sauf une, le professeur Marieke (Irène Jacob) qu'il rencontre à Paris et avec qui il passe une nuit d'amour à l'hôtel. Mais Alastair Davies (Thomas Lockyer), l'un des trois clients, décide de changer de programme et menace Donovan d'une arme à feu. Pris au piège, Donovan doit fuir avec sa précieuse toile, accusé injustement d'avoir abattu l'un de ses trois clients, un important homme d'affaire japonais. Harry retrouve Marieke et s'enfuit avec elle, poursuivit par la police à travers tout le pays. Et voilà que ce qui commençait avec une intrigue surprenante (une étude du monde des faussaires de l'art) se termine finalement en polar lambda, dans lequel le héros est accusé injustement d'un meurtre qu'il n'a pas commis, et qui doit prouver son innocence après que la police ait finit par l'arrêter. Cela rappelle inévitablement 'The Fugitive', mais en nettement moins inspiré, la faute à une mise en scène molle, sans idée, et à quelques rares scènes d'action d'une nullité honteuse pour un expert des films d'action (cf. scène où Donovan s'échappe d'un bar avec trois agents à ses trousses, scène filmé entièrement avec un ralenti maladroit et ridicule). L'interprétation de certains acteurs laisse parfois à désirer, de même que la relation entre le personnage de Jason Patric et d'Irène Jacob ne contient pas vraiment l'alchimie nécessaire à ce type de relation. A noter que le film est très peu connu, puisqu'il est directement sorti en vidéo et ne semble même pas avoir obtenu son public. Au final, une honnête série-B hollywoodienne sympa mais que l'on oubliera très rapidement!

John Ottman nous livre un score tout à fait personnel sur 'Incognito', puisqu'on y retrouve tout ce qui fait l'essence de ses traditionnelles partitions thriller: un thème simple, guère mémorable mais envoûtant, des orchestrations de qualité avec un brin de fantaisie, quelques rares morceaux d'action percutants, etc. Ottman reprend les formules habituelles du genre sans jamais les dépasser, mais il n'empêche que le score possède son propre charme dans le film. Comme d'habitude, Ottman, qui semble décidément poursuivi par la malchance, a dû faire face à un nouveau problème d'envergure (rappelons que le compositeur avait déjà eu à affronter des problèmes de sessions d'enregistrement sur 'Lake Placid' par exemple), et qui concerne cette fois-ci l'enregistrement du score d'Incognito. Effectivement, quelque temps après que le score ait été mixé, Ottman s'est aperçu que l'enregistrement contenait un très grave problème lié à une carte Dolby défectueuse utilisée lors du mixage. Il a fallut que le compositeur et son équipe passent plusieurs mois à tenter de remasteriser l'enregistrement en corrigeant les sérieux problèmes audio qui traînaient sur les masters, et avec de la persévérance, ils ont fini par sauver l'enregistrement de justesse, qui faillit bien être perdu. Ce genre d'infortune est assez exceptionnelle, mais cela prouve néanmoins bien que le métier de compositeur pour le cinéma n'est jamais facile (ajoutons ainsi que les délais de post-production sont de plus en plus courts aujourd'hui - heureusement qu'Ottman s'entendait bien avec John Badham et que ce dernier l'a soutenu dans sa démarche!).

Le thème principal est exposé dans le traditionnel 'Opening Titles' du générique de début, thème qui semble déjà annoncer de par ses couleurs instrumentales vives (piano, cordes, vents, harpe, trompettes, castagnettes, guitare 'hispanisante', choeur samplé, etc.) tout le reste du score, dans un style mystérieux mais pas forcément très sombre. 'Tricks of The Trade' confirme que nous avons à faire là à un Ottman qui maîtrise son sujet puisqu'il nous permet d'entendre un morceau au rythme plus vif, plus soutenu et même assez entraînant. Le morceau accompagne une des premières scènes où Donovan prépare son matériel pour le portrait de Rembrandt. La vivacité du dialogue et du contrepoint des différentes sonorités instrumentales (une très grande qualité du score de 'Incognito') exprime ici la détermination du faussaire et sa passion pour la peinture, ce qui expliquerait alors l'utilisation parfois fantaisiste des différentes sonorités instrumentales (incluant même ici quelques notes de clavecin et un saxophone très discret), Ottman nous proposant au passage une nouvelle variante du thème principal illustrant l'exploit artistique du faussaire. Toujours est-il que sa musique apporte à ce moment là une énergie considérable à la scène, comme si la musique illustrait à ce moment là le bouillonnement intérieur de l'artiste sur le point de créer une 'fausse' oeuvre non dénuée d'un certain génie. A l'instar de ce peintre faussaire, Ottman s'amuse lui aussi à peindre avec ses différentes 'couleurs' instrumentales, ce qui expliquerait alors la très grande qualité des orchestrations du score, incluant aussi quelques percussions inventives, avec notamment les castagnettes qui illustrent l'un des protagonistes espagnols du film, mais aussi le tambourin, le wood block, les cloches, les percussions métalliques diverses, etc. Même l'électronique a son mot à dire avec la présence parfois envoûtante de ces choeurs samplés qui rappellent beaucoup ici le précédent score d'Ottman pour 'Snow White: A Tale of Terror'.

Ottman va développer par la suite une ambiance à la fois mystérieuse et dramatique, tout à fait caractéristique de son style orchestral et musical. On notera par exemple l'utilisation intéressante des percussions dans 'The Dealers' qui évoque avec une certaine recherche la tension qui s'opère assez rapidement entre Donovan et ses trois clients douteux, tout comme le formidable 'Creation', véritable clé de voûte de la partition, réexplore la recherche instrumentale de 'Tricks of the Trade' dans la scène où Harry peint enfin son imitation d'un Rembrandt. Les instruments dialoguent ici avec une certaine recherche et un contrepoint intelligent, preuve du savoir-faire d'un jeune compositeur toujours plein d'idée (à noter par exemple l'utilisation étonnante d'effets de trille à la trompette) et d'un travail d'orchestration remarquable pour John Ottman et ses deux fidèles complices, Larry Groupé et Damon Intrabartolo. Comme 'Tricks of the Trade', 'Creation' évoque à nouveau la passion de l'artiste faussaire en élaborant une véritable 'peinture' musicale dans laquelle chaque instrument forme une somme de couleur fantaisiste et intéressante, non seulement d'un point de vue musical mais aussi par rapport au film. On regrettera le fait que le reste du score tombe dans un style atmosphérique un peu plus bateau et moins intéressant, un défaut que l'on retrouve malheureusement assez souvent chez Ottman.

Ceci étant dit, on pourra apprécier le climat mystérieux d'un 'Rubbing It In', d'un 'Research' (avec une utilisation intéressante d'un saxophone) ou d'un 'Tokens of Rembrandt' où le thème est suggérer au piano. Pour un thriller de ce genre, la musique est d'ailleurs étonnamment mélancolique et douce, Ottman ayant apparemment tenu à éviter les ambiances cafardeuses habituelles hormis deux ou trois morceaux d'action qui permettent de relancer un peu l'intérêt d'un score un peu trop monotone par la suite, et ce malgré ses grandes qualités musicales. 'Police Search' fait ainsi la part belle aux cuivres, au piano, aux vents et aux cordes sur fond d'ambiance de traque alors que la police commence à rechercher Donovan partout dans le pays. Ottman apporte alors son lot de tension et de danger à cette séquence, tout comme dans 'On The Run Again' où notre héros s'enfuit avec Marieke. Dans un même esprit, on pourra aussi évoquer 'Forgive Me' et 'The Reveal' avec leur utilisation étonnante des différentes percussions. On appréciera aussi une petite touche d'intimité plus douce dans le petit Love Theme de 'A Note' après la scène d'amour entre Harry et Marieke, un morceau qui évite le côté sirupeux habituel, et qui revient dans 'Interlude' au saxophone, avec quelques petites touches hispanisantes discrètes à la guitare et aux castagnettes (comme dans le final du film avec 'Change of Fortune'). D'un point de vue 'musique de suspense', 'To Catch A Train' remplit bien ses fonctions en évoquant le danger qui pèse sur Donovan et Marieke alors que la police les traque partout où ils vont, de même que 'The Truth' ou 'Bad Deal' dévoilent l'aspect plus noir de la partition et rompt un peu avec le style plus atmosphérique lent et monotone du reste du score. Pour finir, on pourra apprécier un excellent morceau d'action à la Bernard Herrmann dans 'Front Page News' et son inventivité orchestrale qui ne peut que rappeler le grand compositeur des musiques de thriller pour Alfred Hitchcock (le compositeur n'ayant d'ailleurs jamais caché son admiration pour ce musicien légendaire).

Sans être l'un des grands chef-d'oeuvres de John Ottman, le score de 'Incognito' possède à la fois les avantages et les inconvénients du compositeur: tout d'abord, de très grandes qualités d'un point de vue des orchestrations et du développement du motif principal. Ensuite, la musique représente bien la passion de ce faussaire de génie et des ennuis qu'il a avec la police tout au long du film. D'un autre côté, le score est un peu répétitif, monotone par moment (la faute à un côté mou de la mise en scène du film, qui se répercute quand même sur la musique d'Ottman). Il est dommage d'attendre le milieu du film pour voir apparaître quelques bons morceaux d'action et de suspense qui viennent un peu relancer l'intérêt du score, très réussi malgré tout. On pourra peut-être aussi reprocher le manque de respiration dans l'écriture -toujours très soutenue- du score d'Ottman, un défaut qui rappelle parfois celui que l'on trouve très souvent chez Danny Elfman. Ceci étant dit, 'Incognito' n'en demeure pas moins une petite partition thriller de très bonne facture, preuve du savoir-faire exemplaire du compositeur qui, au fil des années, ne cesse d'affirmer un style sûr et maîtrisé, tout en commençant à s'éloigner petit à petit de ses influences qui se ressentaient encore dans son inoubliable partition pour 'Usual Suspects'. Si le film de John Badham est totalement passé inaperçu, il ne fait nul doute que la musique de John Ottman aura su attirer les esprits en se hissant un cran nettement au dessus du film pour lequel cette musique a été composée.


---Quentin Billard