1-Ouverture 3.00
2-Film 1939 1.44
3-Romance Viviane 1.55
4-Complices 3.29
5-Arrivée à Bordeaux 1.41
6-Crazy Fred 2.21
7-Faux-Semblants 2.02
8-Tendres Complices 2.52
9-Lourde Menace 3.08
10-Quatuor 2.55
11-Grand Départ 4.57
12-Seule dans la Nuit 3.06
13-Route Dangereuse 2.19
14-La Plage 3.20
15-Prise au Piège 1.24
16-Film 1942 2.28
17-Bon Voyage 2.53*

*Interprété par Isabelle Adjani
Composé par Gabriel Yared
Paroles de Jean-Paul Rappeneau

Musique  composée par:

Gabriel Yared

Editeur:

East West/Warner Music
256 4603782

Supervision musicale:
Jean-Pierre Arquié
Consultant musical pour ARP:
Valérie Lindon
Directeur répertoire films
Warner Music:
Alexandre Diotallevi
Album conçu et
réalisé par:
Gabriel Yared,
Jean-Pierre Arquié

Artwork and pictures (c) 2003 ARP Sélection. All rights reserved.

Note: ***
BON VOYAGE
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Gabriel Yared
Après sept ans d'absence, Jean-Paul Rappeneau revenait au devant de la scène avec 'Bon Voyage', sorte de comédie romantique qui se déroule en France pendant l'occupation allemande, de juin 1940 à 1942. L'histoire commence lorsque Viviane Denvers (Isabelle Adjani), une célèbre actrice très réputée, se fait agresser dans sa luxueuse chambre d'hôtel par un dénommé Arpel. Peu de temps après, Viviane passe un coup de fil à Frédéric (Grégori Derangère), un homme qu'elle avait perdu de vue depuis de nombreuses années. Elle lui demande de se rendre en vitesse dans sa chambre d'hôtel. Frédéric ne se doute pas encore de ce qu'il va y découvrir: le corps de Arpel gît inerte, par terre. Confuse, Viviane lui explique qu'était saoul, qu'il a tenté de l'agresser et qu'ils se sont battus. Elle lui demande de l'aider à faire disparaître le corps, mais les ennuis commencent alors pour Frédéric, qui se fait arrêter par la police et se retrouve en prison. Au même moment, les Allemands commencent à rentrer dans le pays et à envahir la France. Tous les prisonniers sont libérés d'urgence. Dans la confusion, Frédéric s'échappe avec Raoul (Yvan Attal), un petit brigand rencontré brièvement en prison. Quelque temps après, ils se retrouvent dans un train qui les amènent à Bordeaux, là où doit se réunir le gouvernement pour prendre une décision cruciale concernant l'avenir de la France. C'est dans le train que Frédéric rencontre Camille (Virginie Ledoyen), la jolie assistante d'un scientifique qui a inventé l'eau lourde et qui doit tout faire pour éviter que ce produit chimique dangereux atterrisse entre les mains des Allemands. Pendant ce temps, Viviane s'est réfugiée dans les bras de Jean-Etienne Beaufort (Gérard Depardieu), qui n'est autre que le Premier ministre du gouvernement français. Tous ces personnages vont se croiser et s'éloigner progressivement, leurs destins se retrouvant étrangement liés à un même personnage central: Frédéric.

'Bon Voyage' relève ainsi le parti pris dangereux de traiter une histoire romantique en pleine période de l'occupation Nazie en France pendant la seconde guerre mondiale. La mise en scène de Rappeneau est subtile, maîtrisée et sûre, maintenant constamment le rythme, la tension. Seulement voilà, on ne sait pas toujours où le réalisateur veut en venir, quel est son objectif: a t'il voulu évoquer la défaite française lors de l'occupation allemande, a t'il voulu évoquer la fuite de citoyens français en quête de liberté ou voulait-il se centrer exclusivement autour de la relation amoureuse très tourmentée et impossible entre Frédéric et Viviane? Rappeneau mélange ainsi tous ces éléments divers dans un cocktail qui fonctionne plutôt bien, même s'il est certain que le film ne méritait pas forcément les Césars qu'il a pu recevoir (on a déjà vu mieux). On retiendra néanmoins un bon point à son actif, une certaine retenue, une pudeur touchante dans la manière dont le réalisateur évoque la romance troublée entre Frédéric/Viviane puis Frédéric/Camille. Le film renvoie ainsi aux bonnes vieilles comédies romantiques américaines des années 30/40, avec une certaine légèreté de ton qui contraste avec la tension et la confusion lié à la débandade de la France sous les premières années de l'occupation allemande. Bref, une comédie romantique/dramatique rétro et sympathique mais loin d'être franchement indispensable!

Gabriel Yared signe un score de facture très classique pour 'Bon Voyage'. Le compositeur, qui a été nominé aux Césars comme meilleure musique en 2003 (c'est une habitude chez lui: n'oublions pas son Oscar pour 'The English Patient' en 1996 ou son César pour 'L'Amant' en 1991) a écrit une jolie partition symphonique qui alterne ainsi éléments romantiques rétro et moments de tension plus agités. Le premier élément remarquable que l'on pourra relever ici, c'est le caractère très rétro de la musique, qui nous renvoie à son tour aux anciennes partitions romantiques pleine d'élans lyriques suaves des comédies romantiques du Golden Age hollywoodien des années 30/40. Gabriel Yared a parfaitement su relever le défi en adoptant ce ton lyrique raffiné qui correspond désormais à une époque révolue. Pour se faire, le compositeur va même jusqu'à écrire la musique pour un film diffusé au début du film et censé avoir été tourné en 1939. Pour parfaire le réalisme du style, Yared a conservé l'enregistrement poussiéreux/mono de cette époque, une idée intéressante qu'il reprendra dans 'Film 1942' pour le final du film. Yared dévoile alors son superbe thème principal dans 'Romance Viviane', très joli thème romantique confié à des cordes (avec quelques vents et un piano) au lyrisme intime proche d'un Newman ou d'un Waxman, évoquant la romance entre Frédéric et Viviane. On retrouve ici tout le charme de ces musiques romantiques du cinéma américain des années 40 transposée sous la plume d'un Yared visiblement inspiré par son sujet. Le compositeur nous dévoile aussi très rapidement un second thème plus mélancolique associé aux péripéties de Viviane, et qui semble évoquer ses tourments incessants. Le thème romantique restera omniprésent tout au long du film (à noter sa reprise très hollywoodienne aux cordes dans 'Arrivée à Bordeaux').

'Complices' dévoile l'autre facette du score, celui de la tension, avec ces traits de cordes envoûtants qui suggèrent l'inquiétude. On retrouve régulièrement ces traits de cordes dans tous les moments tendus du film et plus particulièrement dans les nombreux moments de confusion ou de poursuite avec les agents allemands. 'Crazy Fred' participe à son tour à cette tension avec un nouveau motif confié à des clarinettes sur fond de cordes agitées pour la scène de l'évasion hors de la prison. 'Lourde menace' s'affirme alors dans un style encore plus massif, dans une scène de poursuite avec des agents allemands, Yared développant le sentiment de danger et de menace avec un ostinato de cordes entêtant (emprunté à 'Crazy Fred') et une accentuation du pupitre des cuivres, et plus particulièrement des trompettes. On regrettera néanmoins le côté nettement plus banal et moins inspiré de ces passages de tension qui s'avèrent être largement moins intéressants en comparaison du matériau romantique très 'old fashion' et de toute beauté. Néanmoins, nul ne peut reprocher au compositeur de ne pas avoir montré la double facette légère/sérieuse du film de Jean-Paul Rappeneau à travers sa musique.

Le reste du score est du même acabit: 'Quatuor' reprend le matériau mélancolique associé à Viviane et à ses tourments entre le Premier ministre et Frédéric (à noter ici l'importance du piano) tandis que 'Grand Départ' reprend le motif de clarinettes et cordes agitées de 'Crazy Fred' pour évoquer le départ précipité vers l'Angleterre. 'Route dangereuse' s'avère être plus brutal avec des cuivres plus sombres et des cordes agitées pour la scène de la fusillade sur la route. 'La plage' reprend le magnifique thème romantique cordes/piano/vents pour la séparation sur la plage, avant d'aboutir au sombre 'Prise au piège' où le compositeur met l'accent sur des sonorités plus sombres, cédant progressivement la place à la romance (scène du baiser final dans la salle de cinéma - une fin très astucieuse qui résume là toute la démarche du réalisateur sur 'Bon Voyage'). A noter que l'album inclut aussi 'Bon Voyage', la chanson interprétée par l'actrice que joue Isabelle Adjani dans la séquence cinématographique à la fin du film.

Bilan final positif pour cette très jolie partition symphonique rétro, qui nous renvoie à une ère cinématographique révolue. On regrettera le côté très quelconque des passages plus sombres et tendus du score, qui rivalisent difficilement avec les pièces romantiques du reste de la partition de Gabriel Yared. La musique apporte cette touche rétro indispensable au film de Rappeneau et nous plonge dans cette atmosphère musicale des comédies romantiques des années 40, période à laquelle se déroule justement l'histoire du film. Sans pour autant être un grand chef-d'oeuvre du genre (loin de là!) ni même la partition de l'année, 'Bon Voyage' reste malgré tout une très belle partition orchestrale!


---Quentin Billard