1-A Monologue 2.50
2-Jin-Roh Main Theme
(Opening Version) 2.37
3-Dark Star 2.06
4-Sting 0.37
5-Mad Black 0.49
6-Damp 0.19
7-Gray Black 0.38
8-Blue Clouds 3.10
9-Silence & Wind 1.19
10-Fragrance Rain 1.09
11-Latest Flame 3.01
12-Curse 2.50
13-Pride 2.53
14-Unit One 1.57
15-Long Destiny 0.58
16-The Force 3.41
17-Keel 3.12
18-Angel 1.34
19-Shadows of Rainbow 1.36
20-Seal 2.41
21-The Top 4.37
22-Grace (Jin Roh
- Main Theme) 7.18*

*Interprété par Gabriela Robin
Composé par Hajime Mizoguchi

Musique  composée par:

Hajime Mizoguchi

Editeur:

JVC-Victor VICL-60569

Album produit par:
Hajime Mizoguchi

Artwork and pictures (c) 1998 JVC-Victor. All rights reserved.

Note: ****
JIN-RÔ
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Hajime Mizoguchi
Si vous êtes de ceux qui pensent que le genre du dessin animé est réservé aux enfants, vous risquez fort de passer à côté de ce bijou du cinéma d'animation japonais qu'est 'Jin-Rô' (La brigade des loups). Au même titre que le célèbre 'Ghost In The Shell' de Mamoru Oshii, 'Jin-Rô' est un autre conte philosophique profondément dramatique sur une toile d'action et de violence plutôt réaliste. Considéré quasiment à l'unanimité comme l'un des chefs-d'oeuvre du cinéma d'animation japonais, 'Jin-Rô' est ce genre de film qui ne peut laisser indifférent, qui s'apprécie au fil des visions, surtout grâce à sa complexité narrative d'une originalité étonnante. Réalisé par Hiroyuki Okiura d'après un script de Mamoru Oshii, 'Jin-Rô' nous transporte dans le Japon de l'après seconde guerre mondiale (dans un passé fictif). Afin de mettre fin à la dépression de l'après-guerre et aux révoltes sociales anarchiques qui ne cessent d'ébranler le pays, le gouvernement a décidé de mettre en place une politique de répression radicale à travers une unité spéciale de policiers-militaires armés jusqu'aux dents, la 'Police de Sécurité Métropolitaine nommée la 'POSEM'. Les policiers d'élite de la POSEM sont chargés de réguler et de mettre fin aux émeutes qui bouleversent les rues de la ville, dirigés en partie par la Secte, une organisation de militants terroristes anarchiques. Mais les temps changent et une nouvelle ère de prospérité économique s'ouvre enfin sur le pays. Aujourd'hui, la POSEM n'a plus lieu d'être et ses dirigeants cherchent une solution pour que l'unité spéciale continuer d'exister. L'idée serait de s'unir avec la police régulière pour éviter la dissolution, mais cette fusion est impossible tant que les Panzers continuent d'agir. Les Panzers constituent l'unité de choc de la POSEM, des soldats surentraînés et prêts à tout pour éliminer les membres de la Secte. Les Panzers dérangent la police et cette dernière met alors au point une conspiration visant à dissoudre cette unité pour de bon. Cependant, la 'Brigade des loups', un groupe secret de contre-espionnage, s'intéresse à son tour aux Panzers et cherche à mettre fin à la conspiration.

Kazuki Fuse est l'un des soldats des Panzers. Au cours d'une mission dans un souterrain de la ville, il a été incapable de tirer sur une jeune terroriste qui explosa devant ses yeux en activant la bombe qu'elle transportait dans ses mains. Traumatisé par cet acte de fanatisme inhumain, Fuse se voit mis à pied pendant un certain laps de temps. C'est là qu'il rencontre Kei Amamiya, la jeune soeur de la fille qui s'est tué devant lui dans le souterrain. Les deux individus ne se connaissent pas encore très bien, mais ils vont très vite tomber inconsciemment amoureux l'un de l'autre. Très vite, on comprend que chacun des deux protagonistes cache un lourd secret qui finira par éclater à un moment ou un autre. Leur histoire est racontée sous la forme d'une analogie métaphorique au célèbre conte enfantin du 'petit chaperon rouge'. La fille qui s'est tué dans le souterrain portait déjà un chaperon rouge, un signe pour symboliser les jeunes qui aident au transport des bombes pour la Secte. Le loup, c'est bien évidemment Fuse et la Brigade des loups, Fuse étant sans cesse comparé à un loup tout au long du film, et ce malgré son amour secret et ambigu pour Kei (le titre, 'Jin-Rô', signifie 'homme-loup'). La complexité de l'histoire vient donc des analogies incessantes entre l'histoire de Kei et Fuse et le conte du petit chaperon rouge, analogies qui s'expriment ici dans un cadre réaliste et humain, qui nous montre un monde cruel où les loups dévorent les petits chaperons rouges, etc. C'est l'incroyable pertinence de cette brillante analogie rendue ici tragique qui rend 'Jin-Rô' aussi exceptionnel, surtout d'un point de vue narratif, le réalisateur maîtrisant pleinement son sujet, ce qui ne l'empêche pas de nous livrer quelques rares scènes d'action d'une grande violence (les impacts de balle sont d'une brutalité étonnamment sanguinaires, comme si le réalisateur cherchait à faire mal au spectateur). Mais c'est la qualité de l'animation et des émotions des personnages qui se dégage ici, avec un réalisme saisissant. On ressent vraiment tous les tourments qui hantent l'esprit de Fuse, sauf lorsque ce dernier porte son énorme combinaison de soldat Panzer massivement armé et qui semble devenir inhumain derrière cette lourde carapace de métal. Le film peut alors s'interpréter sur plusieurs plans. Soit on y voit une métaphore sur la cruauté du monde à travers l'analogie du 'petit chaperon rouge', soit on y voit un drame pur et dur dans lequel la mort a raison d'un amour impossible, soit on y voit tout simplement un film violent et réaliste sur les tourments d'un homme face à sa double nature d'homme et d'animal. Dans tous les cas, que l'on regarde le film au premier ou au second degré, 'Jin-Rô' demeure un pur chef-d'oeuvre de l'animation japonaise que vous ne devez manquer sous aucun prétexte, car des films aussi beaux, aussi durs et aussi complexes sont rares de nos jours!

La partition de Hajime Mizoguchi est sans aucun doute l'un des éléments forts de 'Jin-Rô'. Il se dégage de cette partition un lyrisme tellement sombre et poignant qu'il est impossible à l'écoute de ce score de ne pas ressentir tous les frissons que procure cette musique aussi bien à l'écran que dans le film. Confié à un orchestre symphonique avec de temps en temps du synthé et une guitare acoustique, le score de 'Jin-Rô' s'articule essentiellement autour de cette ambiance lyrique/mélancolique qui hante toute la partition tout au long du film (la partie orchestrale étant confié au Czech Philharmonic Orchestra de Prague, l'orchestre fétiche de Mizoguchi, qui se trouve être aussi violoncelliste). Ainsi, l'ouverture du film se fait sur un 'A Monologue' bien sombre, sorte d'élégie plaintive pour cordes que l'on entend lors du monologue introductif qui sert à planter les décors et le contexte de l'histoire. On n'est guère loin par moment du célèbre 'Adagio' pour cordes de Samuel Barber. Avec ce sombre 'A Monologue', Mizoguchi annonce d'emblée de jeu tout l'univers dramatique et sombre du chef-d'oeuvre d'Okiura, avec une pointe de lyrisme à la Gustav Mahler saisissante pour une introduction de ce genre. Le générique de début contraste brutalement avec cette introduction en dévoilant le 'Jin-Rô Main Theme' sous la forme d'une pièce pour synthé sur fond de rythmiques modernes électro avec guitare électrique, guitare basse et voix samplées. Ce choix radical de passer de l'orchestre lyrique à la Mahler à une pièce 100% électronique moderne peut paraître surprenant, mais il contribue néanmoins à apporter un relief considérable à cette excellente partition. Avec l'introduction se déroulant dans les rues de la ville, le 'Jin Roh Main Theme' évoque au passage un univers musical électronique urbain certes anachronique pour l'époque à laquelle se déroule le film mais qui a au moins le mérite de surprendre alors que l'introduction laisser présager autre chose.

Finalement, 'Dark Star' nous permet de revenir à l'orchestral lorsque Fuse est jugé pour la faute qu'il a commise au cours de son opération dans le souterrain. Les cordes résonnent ici de manière plus sombre, quasi désolée. Il ne fait aucun doute que le compositeur a cherché à retranscrire tout le climat dramatique et tragique du film à travers sa musique inspirée, tout comme il a aussi magnifiquement illustrée les tourments qui hantent l'esprit de Kazuki Fuse. Toujours aussi sombre, 'Mad Black' renforce ce climat de désolation avec des cordes toujours aussi sombres qui semblent indique qu'aucun espoir n'est permit. La première touche d'espoir et de paix est suggérée par le joli 'Blue Clouds' avec son apaisante partie de guitare sèche sur fond de cordes (on appréciera au passage les grandes qualités d'écriture du compositeur qui maîtrise parfaitement son écriture pour cordes avec un lyrisme étonnant), évoquant Fuse lorsque ce dernier décide de se balader pour chercher la paix. A noter que la partie de piano est interprétée par la grande Yoko Kanno, compositrice nippone plus connue pour sa musique d'animes tels que 'Escaflowne' ou 'Cowboy Bebop', mais qui se trouve être avant tout l'épouse d'Hajime Mizoguchi. 'Blue Clouds' est ainsi très représentatif de ce lyrisme émouvant qui se dégage de la partition de 'Jin-Rô', mais un lyrisme très soutenu et quasi-européen d'esprit - on pense très souvent à du Georges Delerue.

L'influence de Georges Delerue ainsi évidente dans 'Silence of Mind', les cordes apportant leur lot d'intimité et d'émotion à l'une des premières scènes entre Fuse et la jeune Kei. Le magnifique thème principal du score nous est enfin dévoilé dans 'Fragrance Rain', illustrant l'amour impossible entre Fuse et Kei. Le thème s'avère être à la fois mélancolique et méditatif, avec une très belle écriture alliant le thème à la guitare, les cordes et le piano. C'est le classicisme d'écriture de la partie de cordes qui surprend et qui nous ferait presque croire que cette partition a été écrite par un musicien européen. Le thème principal reste sans aucun doute l'atout majeur du score, et son apparition dans le film au cours d'une scène entre les deux protagonistes principaux sous la pluie nous rappelle avec subtilité qu'un destin cruel les attend. L'influence de Delerue est encore perceptible dans 'Latest Flame' et ses cordes poignantes avec piano, rappelant une fois encore la relation idéale mais tourmentée entre Fuse et Kei. Comment ne pas ressentir la tristesse poignante qui se dégage de la première partie de 'Curse' qui annonce une fois encore une conclusion bien tragique? A noter que la seconde partie fait intervenir les cuivres au cours d'une montée plus dramatique dans le film. Toujours dans cette optique de douceur et de tristesse, le thème principal est repris dans l'excellent 'Pride' qui semble vouloir une fois de plus signifier un amour impossible entre le loup et le chaperon rouge, un amour contrarié par la nature de l'un et de l'autre. Les cordes s'ajoutent au piano et viennent transformer l'ensemble en une véritable élégie poignante pour un amour impossible et blessé. Voici sans aucun doute l'un des plus beaux morceaux de tout le score de 'Jin-Rô'!

Plus sombre et plus électronique, 'The Force' évoque Fuse et les membres de la Brigade des loups en faisant réintervenir les rythmiques modernes et la guitare électrique du 'Main Title' lorsque Fuse et Kei descendent dans les égouts, poursuivis par les conspirateurs. Finalement, ce sont les percussions qui prennent ici le dessus sans pour autant sombrer dans la cacophonie. Effectivement, la musique demeure toujours assez retenue et mesurée, même dans les moments plus tendus du film comme c'est le cas pour cette séquence dans les égoûts, qui apporte à son tour un peu de relief au film et empêche le score de sombrer dans la monotonie. Mizoguchi nous réserve d'ailleurs une pièce avec une rythmique jazzy discrète dans 'Keel' et sa guitare intimiste sur fond de cordes et de guitare basse. La fusillade finale dans les égouts est soulignée dans 'The Top' sans pour autant décrire musicalement la violence de la séquence. Mizoguchi introduit sa pièce sur fond de violoncelles/contrebasses à l'unisson avant que les cordes viennent apaiser l'ambiance générale de la pièce. Plutôt que d'avoir recours à un traditionnel morceau d'action orchestral à l'Hollywoodienne, Mizoguchi a préféré jouer sur un certain décalage sans pour autant effacer sa musique de l'image, qui conserve une touche dramatique toujours aussi importante à l'écran (à noter ici l'utilisation des cuivres et des vents) et qui semble vouloir nous amener progressivement à un final tragique au cours d'un crescendo dramatique saisissant où finissent par dominer des cuivres sombres, et ce avant que l'orchestre finisse par s'apaiser avec les cordes, une harpe et des vents. La magnifique chanson du générique de fin, 'Grace', interprétée par Yoko Kanno sous le pseudonyme de Gabriela Robin, reprend le thème principal dans une version absolument vocale avec cordes absolument saisissante. Après un final aussi tragique, vous ne pourrez pas rester insensible à la beauté éthérée de cette magnifique chanson finale, ultime touche d'émotion pour un film finalement très dur.

Vous l'aurez donc compris, la partition d'Hajime Mizoguchi pour 'Jin-Rô' est aussi indispensable que le film lui-même. La musique apporte une touche d'émotion considérable au film, avec ce lyrisme européen et ces cordes plaintives à la Georges Delerue. Mizoguchi est violoncelliste et il nous donne à entendre quelques belles parties de son instrument, accompagné par son orchestre traditionnel de Prague. Son style orchestral est un savant mélange entre classicisme Mahlerien et modernisme, deux termes qui pourraient très bien servir à résumer l'esprit du Japon d'une manière générale. Comme le film de Hiroyuki Okiura, on ne peut rester insensible à une partition d'une telle beauté, et pour un film de cette qualité, on ne pouvait rêver de meilleure musique. Bilan plus que positif donc pour un score de manga que vous devez posséder et découvrir absolument! Un petit bijou en somme.


---Quentin Billard