1-Interimsliebenden
-Rausch Remix 5.00*
2-Three Thoughts 4.00**
3-Main Title 2.23
4-Dr. Moreau 1.54
5-The Colony 5.12
6-Moreau's Demise 2.45
7-The Serum 2.38
8-The Island 2.23
9-The Button 1.27
10-The Stranded 2.41
11-Alissa's Death 2.44
12-Epilogue 1.08
13-The Funeral 2.06
14-Brandenburg Concerto #2
In F Major, Second Mvt. 3.39***
15-Concerto for 2 Violins
in D Minor, Second Mvt. 7.15+
16-Trout
(not in film soundtrack) 5.20++

*Ecrit et interprété par
Einstürzende Neubauten
**Ecrit et interprété par
Einstürzende Neubauten
***Ecrit par J.S. Bach
+Ecrit par J.S. Bach
++Ecrit et interprété par
Monk & Canatella Band

Musique  composée par:

Gary Chang

Editeur:

Milan Records
73138 35772-2

Musique produite par:
Gary Chang
Chargé de la musique pour
New Line Cinema:
Dana Sano
Producteur de l'album
pour New Line Cinema:
Mark Kaufman
Manager du projet musical
pour New Line Cinema:
Julie Glaze
Manager de production musicale:
Jack Daro
Assistant de production musicale:
Curt Taylor
Préparation de la musique par:
Hayen Music Productions
Monteurs de la musique:
Richard Whitfield,
Sherry Weintraub

Score électronique
interprété par:
Gary Chang
Production et supervision
de l'album:
David Franco
Producteurs exécutifs
pour Milan:
Emmanuel Chamboredon,
Toby Pieniek

Artwork and pictures (c) 1996 New Line Productions, Inc. All rights reserved.

Note: ***
THE ISLAND OF DR. MOREAU
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Gary Chang
Nouvelle adaptation du célèbre roman de H.G. Wells, 'The Island of Dr. Moreau' fait suite à 'Island of Lost Souls' (1933) et la version de 1977 réalisé par Don Taylor, avec Burt Lancaster et Michael York dans les rôles principaux. Hélas, cette nouvelle version ne brille ni de par son originalité ni de par sa subtilité. Déjà, le projet s'annonçait mal lorsque, lors du premier jour de tournage, le réalisateur Richard Stanley (aussi scénariste du film) fut remercié par les producteurs qui engagèrent alors John Frankenheimer pour finir le film. Par la suite, le tournage se déroula dans des conditions difficiles (l'acteur David Thewlis a gardé un très mauvais souvenir de ce film). L'histoire, elle, est toujours la même: à la suite du crash de son appareil, Edouard Douglas (David Thewlis), un membre des nations unies, est recueilli sur une mystérieuse île près de la mer de Java par un certain Montgomery (Val Kilmer). Cette île appartient en réalité au docteur Moreau (Marlon Brando), un scientifique fêlé qui s'est mit en tête de mener à bien ses sinistres expériences visant à croiser l'ADN humain et animal pour mettre au point une nouvelle race parfaite, dénuée de toute forme de mal. Douglas, qui espérait utiliser une radio sur l'île pour demander du secours, ne tarde pas à découvrir les méfaits des expériences de Moreau. Lorsqu'il comprend qu'on le retient prisonnier sur l'île, Douglas n'a plus qu'une idée en tête: tout faire pour tenter de s'échapper de cette île maléfique et des expériences maudites du Dr. Moreau. Malheureusement, le film, qui possède un sujet grave et inquiétant (l'orgueil des scientifiques qui tentent de se prendre pour dieu, les méfaits de la manipulation génétique, etc.), ne va pas jusqu'au bout de ses idées et déçoit par une mise en scène banale indigne du grand John Frankenheimer (on sent bien que ce dernier a prit un coup de vieux). Pour ne rien arranger à l'affaire, les concepteurs du film n'ont aussi pas à se vanter d'avoir fait la plus belle erreur de casting que l'on ait pu voir depuis longtemps dans un film américain aussi calibré. Ainsi, David Thewlis et son air ahuri a un rôle inutile et creux, tout juste bon à faire la morale à Moreau de temps à autres genre 'c'est pas bien ce que vous faites'. Val Kilmer est quand à lui le sous-fifre de Moreau, dont le personnage semble ici aussi creux et sans aucune profondeur (et sa descente dans la folie à la fin du film paraît bien exagérée et excessivement maladroite). Enfin, last but not least, Marlon Brando mérite ici la palme du mauvais acteur tant sa composition du Dr. Moreau paraît mille fois ridicule et agaçante, avec son look de pape du dimanche, sa poudre blanche sur le visage ou son étrange machine ridicule qui surplombe sa tête pour le maintenir à une température constante. Il faut par exemple voir le personnage se plaindre de la chaleur comme un vieux gâteux centenaire. Comment un acteur aussi mythique de Marlon Brando a put en arriver là? C'est triste à dire, mais le jour où Brando a signé pour 'The Island of Dr. Moreau', il aurait mieux fait de rester au lit au lieu de se ridiculiser aussi lamentablement sur ce film. Si Frankenheimer s'interroge au passage sur les conséquences des excès de la science moderne à travers une histoire dérangeante et inquiétante (il montre bien les questionnements existentielles et angoissées des créatures du Dr. Moreau), il ne fait qu'un livrer un film de commande tristement plat et sans relief, indigne du talent de ce très grand cinéaste qui n'est plus aujourd'hui que l'ombre de lui-même. Si 'The Island of Dr. Moreau' évoque la déchéance d'un scientifique et de ses expériences maudites, il évoque aussi malheureusement la déchéance d'un réalisateur qui, arrivé à la fin de sa vie, ne croyait visiblement plus en ce qu'il faisait.

Gary Chang retrouve John Frankenheimer après avoir signé la musique de cinq de ses précédents films et téléfilms incluant '52 Pick-Up' (1986), 'Dead Bang' (1989), 'The Burning Season' (1994), 'Against The Wall' (1994) et 'Andersonville (1996). Pour sa sixième collaboration à un film de Frankenheimer, Gary Chang nous livre une partition orchestrale sombre et atmosphérique, parfaitement ancrée dans l'esprit du film. Si le compositeur accorde une part importante à l'orchestre, il n'oublie pas d'ajouter une bonne dose de percussions tribales évoquant la sauvagerie des créatures du Dr. Moreau, sans oublier les traditionnelles touches électroniques héritées ici d'un score comme 'Under Siege'. Le compositeur semble en dire long sur l'ambiance du film dès les premières secondes de son sinistre 'Main Title'. Alors que l'on voit défiler à l'écran une série d'images évoquant les manipulations génétiques et les expériences horrifiques de Moreau, la musique fait monter la tension jusqu'à ce qu'un ostinato de percussions exotiques/électroniques se mette en place sur fond de cordes martelées et d'un thème de cuivres sombres. Voilà en tout cas une ouverture simple et sans surprise d'une grande efficacité dans le générique de début, et qui annonce le côté plus horrifique du film lié aux méfaits des expériences du scientifique fou. Le thème principal de la partition est quand à lui ici associé au Dr. Moreau en personne. Gary Chang nous le dévoile fièrement dans le magnifique 'Dr. Moreau', thème ample et dramatique confié à des cordes dramatiques soutenues par un choeur qui évoque le drame des utopies du scientifique qui, en voulant bien faire (améliorer l'humanité), se retourneront contre lui. Le choeur personnifie à merveille ici cette idée d'humanité. Impossible d'ailleurs de ne pas vibrer à l'écoute du thème poignant et puissant de 'Dr. Moreau', qui constitue à lui tout seul l'attraction majeure du score de 'The Island of Dr. Moreau'.

Dans 'The Colony', Chang évoque la rébellion des créatures de Moreau, réutilisant les cordes martelées du 'Main Title' et les percussions exotiques associées aux mutants. On appréciera ici le côté 'tribal' de la musique, accentué par quelques nappes électroniques sombres et des touches exotiques en tout genre (dans lesquelles on distingue un didjeridoo australien ou des sons proches de ceux que produisent les singes). Chang plonge le spectateur dans une atmosphère sombre qui évoque l'inquiétude que suscite les créatures de Moreau tout en accentuant l'impression de Douglas d'être prisonnier de l'île maudite. De la même façon, le compositeur évoque la mort du scientifique dans le sombre 'Moreau's Demise' avec un crescendo de tension accentué par les dissonances des cordes, des vents et du choeur en arrière-fond. Une fois encore, Chang se base ici sur le style de son 'Main Title' où l'on retrouve les percussions exotiques liées aux créatures qui s'en prennent à leur propre créateur. Le compositeur s'amuse même à incorporer des cris particulièrement sauvages et chaotiques au cours de la seconde partie du morceau, accentuant le caractère brutal et féroce des mutants. Heureusement, Chang apporte aussi un peu de calme et d'émotion à sa partition comme le démontre le poignant 'The Serum' où l'on retrouve le thème mélancolique de Moreau qui prend ici un caractère plus résigné et quasiment recueilli, accentué ici par des sonorités électroniques plus douces, quelques cordes et une harpe - le morceau évoque dramatiquement l'impossibilité de guérir Aissa (Fairuza Balk) alors que Douglas découvre que tout le sérum a été détruit.

On pourra apprécier le côté plus mystérieux de 'The Island' lorsque Douglas et Montgomery arrivent ensemble sur l'île de Moreau, le morceau se concluant sur un intrigant motif de piano aux sonorités étouffées, une idée intéressante qui aurait méritée d'être plus développé tout au long de la partition. Mais c'est évidemment la facette plus sauvage et sombre du score qui domine ici, comme nous le prouve 'The Button' avec ses percussions tribales ou 'The Stranded' dans la scène où les créatures se révoltent et s'en prennent à Douglas et Aissa. Chang suggère efficacement l'anarchie qui s'empare de la colonie de l'île de Moreau, une idée que l'on retrouve dans 'Aissa's Death' avec ses percussions électroniques héritées de 'Under Siege' et ses percussions tribales sauvages, lorsque les créatures pendent Aissa. 'Epilogue' amène une touche plus mélancolique et sombre à l'épilogue final qui nous propose une brève réflexion sur la bestialité de l'homme qui rappelle la bestialité des créatures du Dr. Moreau, le morceau étant dominé ici par un petit ostinato mélodique et d'inquiétantes nappes de synthétiseur. C'est d'ailleurs avec une certaine émotion que le score se termine sur l'album par un ultime retour du thème de Moreau dans le poignant 'The Funeral', dominé par des cordes, des vents, une harpe et un glockenspiel.

Pour sa sixième collaboration à un film de John Frankenheimer, Gary Chang - habitué aux productions de seconde catégorie et aux téléfilms sans grande envergure - nous livre une partition orchestrale de qualité, dans laquelle il démontre qu'il n'est jamais aussi inspiré que lorsqu'il compose pour un film de Frankenheimer. Avec 'The Island of Dr. Moreau', Gary Chang a eu l'occasion d'évoquer en unisson avec le réalisateur une musique exprimant l'idée de l'humanité corrompue, de la perversité scientifique, de la sauvagerie, de l'orgueil humain, etc. Partition tour à tour violente, atmosphérique, sereine et poignante, 'The Island of Dr. Moreau' est une très bonne BO qui constitue sans aucun doute ce que Gary Chang a fait de mieux pour le cinéma hollywoodien en général, un score à découvrir sur l'excellent album publié par Milan, qui nous propose une bonne sélection du score original avec quelques chansons et deux pièces de source-music composées par J.S. Bach. Voilà en tout cas une partition solide à réserver à ceux qui s'intéressent à ce compositeur totalement méconnu qu'est Gary Chang!


---Quentin Billard