'Off Limits' (Saigon, l'enfer pour deux flics) met en scène les excellents Willem Dafoe et Gregory Hines dans le rôle de deux flics américains chargés d'enquêter sur le meurtre d'une prostituée dans le Saigon de 1968. Buck McGriff (Willem Dafoe) et Albaby Perkins (Gregory Hines) sont chargés du sale boulot à Saigon, en pleine période de la guerre du Viêt-Nam (ils font partie du CID, service inter-armé, une unité spéciale de la police militaire). Ils enquêtent ensemble sur le meurtre d'une prostituée asiatique, sur laquelle on a retrouvé un insigne appartenant à un haut gradé de l'armée américaine. McGriff et Perkins vont donc devoir suivre la piste de cinq suspects qu'ils ont retrouvés avec l'aide de l'ancien enquêteur qui a été envoyé sur le front après avoir été écarté de l'affaire. Les deux flics savent que leur enquête va être difficile et que leurs supérieurs de l'armée vont tout faire pour leur mettre des bâtons dans les roues. Heureusement, ils peuvent compter sur l'aide de sergent Dix (Fred Ward) qui se montre toujours amical avec eux et les aide à progresser dans leur enquête. Mais les deux flics ont un autre problème à résoudre: ils sont sur la juridiction de Lime Green (Kay Tong Lim), un haut gradé vietnamien qui ne les aime pas et qui sait lui aussi qu'ils vont avoir du mal à affronter leurs propres supérieurs. Après une enquête difficile, McGriff et Perkins finissent par retrouver la trace du colonel Armstrong (Scott Glenn), l'un des cinq suspects de la liste, mais ce dernier se suicide devant leurs yeux d'une manière tout à fait étonnante. Alors qu'ils croient s'être enfin débarrassés du coupable, les meurtres reprennent à nouveau. Ils savent que le criminel est toujours en liberté. Le film de Christopher Crowe reste donc bien rythmé, avec une part importante accordée aux émotions des deux héros du film, que l'on sent souffrir tout au long du film et au cours de leur enquête. C'est d'ailleurs ce côté humain intéressant qui rompt un peu avec le côté plus hollywoodien et quelconque du reste du film. Au final, voilà donc un polar intéressant bien qu'un peu trop prévisible par moment!

Dans 'Off Limits', James Newton Howard a écrit un score d'action entièrement électronique, dans la lignée de ses musiques de synthé typiquement 'eighties' que le compositeur écrivait à cette époque. En ce sens, ne vous attendez donc pas à quelque chose de très subtil ou de grandement mémorable. Le score de 'Off Limits' est d'ailleurs tout l'inverse de cela. A l'écoute de la musique dans le film, on a véritablement l'impression d'entendre une musique de synthé 'cheap' écrite pour une modeste série-B à petit budget. Autant dire que pour un polar aussi captivant, il est dommage que la musique ne soit pas à la hauteur du sympathique film de Christopher Crowe. Le score se partage donc entre morceaux d'action très 'cheap' et passages plus atmosphériques évoquant les difficultés des deux flics au cours de leur enquête, sans oublier quelques passages plus mélancoliques où le compositeur fait intervenir son 'Nicole's Theme', thème intimiste associé à soeur Nicole, la religieuse interprétée dans le film par Amanda Pays, et qui évoque sa relation avec McGriff. Si ce n'était pas une religieuse, on pourrait presque dire qu'il s'agit ici d'un 'Love Theme' tout à fait banal dans son genre (d'ailleurs, est-ce un hasard si le 'Love Theme' du score est similaire au 'Nicole's Theme'?).

On reconnaît ici le style action 'cheap' typique du James Newton Howard des années 80, et ce dès le début du film, lors de la première scène de poursuite du film, à laquelle le compositeur ajoute une guitare électrique pour rendre la musique plus 'électrifiante' et rythmée à l'écran. Des pièces comme 'Chase', 'Sapper Chase', 'Car Bombing' ou 'Final Chase' (probablement le morceau d'action le plus nerveux et le plus réussi du score, pour la poursuite finale et l'affrontement contre le tueur qui détient Nicole dans l'église) font donc la part belle aux synthétiseurs avec des percussions électroniques et acoustiques, interprétées par Jeff Porcaro, Joe Porcaro, Emil Richards et Michael Fisher, qui se trouvent être les percussionnistes habituels de James Newton Howard. La musique fait monter la tension tout au long du film et donne du rythme aux scènes d'action comme lors de la montée en hélicoptère vers la zone de guerre dans 'The War Zone' et son rythme martial qui se dégage un peu du reste du score. On pourra tout simplement regretter le manque de nuance et de relief apporté au compositeur qui, visiblement, n'en était encore qu'à ses débuts à cette époque (il ne maîtrisait pas encore l'orchestre et les grosses musiques d'action qui ont fait sa renommée depuis 1993 avec 'The Fugitive'). Effectivement, puisque le film se déroule à Saigon, pourquoi ne pas avoir choisi d'écrire quelques passages aux sonorités plus asiatiques? Apparemment, Howard a préféré opter pour une approche monocorde soulignant essentiellement l'action et le suspense, ce qui fonctionne bien dans le film mais déçoit par rapport aux réelles capacités musicales du compositeur. La musique reste donc efficace, sombre et rythmée à l'écran, mais en dehors d'un 'Love Theme' sympathique sans plus, difficile de retenir quelque chose de bien intéressant dans ce score. Un score dont on se dispensera volontiers pour mieux découvrir des partitions plus tardives de l'un des meilleurs compositeurs hollywoodiens d'aujourd'hui!


---Quentin Billard