1-Hotaru
(Lucioles) 6.03
2-Episode I - Yoru
(Episode I - Nuit) 2.02
3-Keimai 4.04
4-Sensou mata ha kushuu
(les bombardiers continuent,
la guerre est là) 4.02
5-Episode II - Setsuko 1.12
6-Haha (Maman) 5.00
7-Hotaru (Lucioles) 11.35
8-Ogawa no Hotowa
- Hotaru no Iru Yuugure
(Au bord du ruisseau
- La dernière nuit
des Lucioles) 3.59
9-Soyokaze to Akai
Higasa no Gensou
(Illusion d'une brise et
d'une ombrelle rouge) 4.52
10-Kuroi Ame Natsukusa
(Pluie noire et plantes d'été) 6.37

Musique  composée par:

Yoshio Mamiya

Editeur:

Tokuma Japan Communications
32ATC-158

Album produit par:
Yoshio Mamiya

Artwork and pictures (c) 1988 Studio Ghibli. All rights reserved.

Note: ***
HOTARU NO HAKA
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Yoshio Mamiya
Difficile de parler d'un film aussi fort et aussi bouleversant que l'incomparable 'Hotaru no Haka', que nous connaissons mieux dans nos contrées sous le titre de 'Le tombeau des lucioles'. Chef-d'oeuvre incontestable du film d'animation japonais, 'Le tombeau des lucioles' est une expérience inoubliable, un film dont on ne ressort pas indemne émotionnellement parlant. Le réalisateur Isao Takahata, spécialiste des dessins animés japonais, s'est basé sur un roman autobiographique d'Akiyuki Nosaka pour nous raconter une histoire à la fois simple et bouleversante, celle de deux jeunes enfants livrés à eux-mêmes durant la seconde guerre mondiale au Japon en 1945. Les bombardements américains obligent le jeune Seita (14 ans) et sa petite soeur Setsuko (4 ans) à quitter la demeure familiale pour se réfugier dans un abri souterrain. A sa sortie, Seita découvre que la maison a été entièrement détruite et que sa mère a été atrocement blessée durant les bombardements. Elle meurt peu de temps après. Afin de ne pas faire souffrir sa petite soeur, Seita décide de ne rien dire à cette dernière et de la divertir malgré des conditions de vie difficiles. Les deux enfants sont alors recueillis par leur tante qui les héberge et les nourris pendant un temps, jusqu'à ce que cette dernière commence à se plaindre d'eux en souhaitant qu'ils travaillent à leur tour et qu'ils prennent leurs propres responsabilités. Seita et Setsuko décident alors de quitter la maison de leur tante et s'installent dans un abri au bord d'un lac où vivent des lucioles qui brillent de mille feux la nuit. Mais, jour après jour, la faim se fait ressentir, et la santé de la petite Setsuko commence à se dégrader progressivement à cause de la malnutrition. La petite fille mourra en silence, devenant à son tour une autre victime des méfaits la guerre, laissant seul au monde Seita, qui n'aura rien pu faire pour la sauver.

Avec 'le tombeau des lucioles', Isao Takahata a donné ses lettres de noblesse au film d'animation japonais. Après ce film, difficile de croire encore que les dessins animés ne sont réservés qu'aux enfants, tant la puissance émotionnelle du 'tombeau des lucioles' l'oriente irrémédiablement vers un public d'adulte. La mise en scène du film reste sobre, au même titre que l'animation. L'un des atouts du film, c'est de ne porter aucun jugement sur la guerre ou sur les conséquences tragiques des bombardements sur certaines villes japonaises en 1945. Takahata se contente uniquement de raconter une histoire simple et bouleversante, qui s'oriente vers une conclusion que l'on sait inexorablement tragique dès le début du film, annonçant la mort du jeune Seita. Comme de nombreux enfants à cette époque, Seita et Setsuko sont livrés à eux-mêmes dans des conditions extrêmes, sans famille, sans abri, sans argent. Le film nous montre ainsi l'innocence des enfants face aux horreurs de la guerre, un élément capital symbolisé par le personnage de la petite Setsuko qui connaîtra à son tour un destin tragique. Difficile alors de rester insensible lorsque l'on voit la petite fille commencer à mourir lentement sous les yeux impuissants de son frère qui ne peut rien pour elle, mais qui aura tout fait pour faire en sorte qu'elle puisse encore rigoler et vivre heureuse pendant quelques temps, comme n'importe quelle fillette de son âge. Dès lors, on comprend mieux le titre du film: 'le tombeau des lucioles', c'est le symbole du mélange entre le drame (la mort de la fillette - l'abri d'un foyer familial perdu qui devient le tombeau) et les lucioles (la lumière dans les ténèbres - symbole de l'espoir d'un avenir meilleur pour les deux enfants). A ce sujet, les scènes avec les lucioles sont d'une très grande poésie, le film en lui-même étant un véritable bijou de poésie et d'art. Comment rester insensible face à un spectacle aussi bouleversant, aussi simple dans sa narration, une trame narrative sans artifice, sans effets larmoyants gratuits, une histoire simple, dure et poignante pour un film finalement très dur, probablement l'un des films les plus tristes de toute la production d'animation du cinéma japonais. Si vous êtes du genre déprimé, il est clair que 'Le tombeau des lucioles' n'est pas fait pour vous, mais si vous souhaitez voir l'un des plus beaux films d'animation que le Japon nous ait offert à ce jour, ne manquez pas ce chef-d'oeuvre absolu et unique qu'est 'Le tombeau des lucioles'!

Etant donné la simplicité poignante du traitement du sujet, la musique du 'tombeau des lucioles' ne pouvait qu'adhérer à son tour à cette esthétique de la simplicité et de la modestie absolue. C'est le parti pris qu'a tenu à respecter le compositeur Yoshio Mamiya - compositeur de la musique du film d'animation 'Horus, prince du soleil', première collaboration entre Isao Takahata et Hayao Miyazaki qui s'occupait alors de l'animation, le film datant de 1968. Pour sa seconde collaboration à un film d'animation de Takahata (20 ans après 'Horus'), Mamiya signe une petite partition orchestrale simple et modeste, à laquelle vient s'ajouter quelques petites pièces de synthétiseur plus discrètes. Le 'Main Title' du film (honteusement absent de cette édition mais curieusement présent sur l'album 'drama' contenant la musique complète du film mais avec dialogues et bruitages) est sans aucun doute le plus beau morceau de tout le score, émouvant de par la simplicité de sa courbe mélodique qui évoque l'innocence des deux enfants. Le thème est interprété ici par un synthétiseur aux sonorités fines et cristallines (doublé par un piano), la nostalgie poignante évoquant le souvenir d'une enfance détruite par la guerre. Impossible de ne pas ressentir toute la tristesse et la poésie du chef-d'oeuvre d'Isao Takahata à l'écoute de ce superbe thème d'une simplicité exemplaire et qui ouvre le film sur une tonalité poétique émouvante. Mamiya évoque alors la dévastation de la bombe atomique dans 'Sensou mata ha kaushuu' où il utilise des cordes sombres dissonantes avec un clavecin et un piano dans un registre atonal plutôt inquiétant. Il évoque alors l'inquiétude des enfants et la menace qui pèse sur eux, suggérant de manière toujours aussi épurée l'horreur de la guerre. La mort de la mère ('Haha') reflète alors la tristesse typique de cette partition avec un clavecin et des cordes lyriques et mélancoliques, qui, une fois encore, suggère les méfaits de la guerre sur le ton de la retenue qui apporte beaucoup au film (preuve qu'il n'y a pas besoin d'en faire des tonnes pour faire une musique très émouvante).

Mamiya évoque par la suite la relation entre Seita et Setsuko sur le ton de l'innocence et de la douceur, utilisant cordes, piano et vents comme pour la scène au bord de l'étang, avant que tout commence à aller mal. On notera l'utilisation d'une flûte de pan qui vient apporter une certaine couleur supplémentaire non négligeable à la partition. Le compositeur utilise aussi un son de boîte à musique dans 'Episode II - Setsuko', évoquant une fois encore la joie innocente des enfants qui se distraient au bord de la plage, comme dans 'Keimai', où Mamiya utilise un petit motif sautillant et léger avec cordes, clarinettes, flûtes, piano et clavecin. C'est le thème de 'Hotaru' qui attire alors notre attention, petit thème de flûte de pan qui sera associé dans le film aux lucioles. Le thème apporte une certaine poésie au film, avec son thème nostalgique et rêveur qui fait penser ici à certains thèmes de Joe Hisaishi pour des films d'Hayao Miyazaki (on pense par exemple à certains passages de 'Nausicaa', surtout lorsque intervient par la suite dans le morceau le piano). A noter que le compositeur réutilise le thème principal de l'ouverture dans une très belle variante au violon pour une scène dans le petit aménagement que se sont construit Setsuko et Seita après qu'ils aient quitté leur tante.

S'il y a bien une scène dans laquelle la musique devait absolument éviter de tomber dans la facilité des excès larmoyants, c'est bien celle de la mort de la petite Setsuko. Yoshio Mamiya a décidé de réutiliser le thème de cordes/clavecin entendu lors de la scène de la mort de la mère au début du film, suivi du thème des lucioles interprété par la flûte de pan, et qui conclut le film sur une dernière touche plus paisible et nostalgique, sans aucune mièvrerie. A noter, pour finir, qu'il n'existe malheureusement pas de version complète du score, ce qui est une véritable honte, étant donné le statut culte du film de Takahata. Apparemment, ce qui était annoncé comme le 'soundtrack' original du score du 'Tombeau des lucioles' est devenu un album réunissant un peu plus de 40 minutes de musique où manquent à l'appel de nombreux morceaux comme le 'Main Title' (pourtant le morceau incontournable du score!), de même que l'album nous fait entendre de nombreuses pièces inédites non utilisées dans le film (à la place, on aurait quand même préféré entendre les morceaux manquants!). Il faudra donc se contenter de l'album 'drama' avec dialogues et bruitages pour pouvoir entendre les morceaux manquants. Au final, même si l'on a très vite fait le tour de cette petite BO à cause de son côté très simple et modeste, on ne peut qu'être ému à l'écoute d'une musique qui retranscrit à merveille la poésie et la tristesse du film sans forcément jamais réussir à les dépasser. On se serait peut-être attendu à une partition plus mémorable, plus développé, plus profonde. Néanmoins, le résultat est là et la musique, qui joue sur une retenue émouvante, évoque à la fois l'innocence des enfants face aux horreurs de la guerre, un sujet grave auquel le compositeur japonais a su rendre discrètement hommage, sans pour autant signer là un chef-d'oeuvre, et ce même si le film d'Isao Takahata est bel et bien un monument du cinéma d'animation nippon!


---Quentin Billard