1-Lonely Man 1.50
2-A Friend of Mine 1.18
3-You Like the Moustache? 1.37
4-New Car 1.10
5-Donnie Gets Involved 2.21
6-This Ain't New York 1.27
7-Donnie & The Morman 1.13
8-Mickey Mantle Arrives 1.24
9-You Belong to Me Now 2.07
10-Father and Son 2.29
11-The Raid 0.57
12-Dust Off the Guns 1.42
13-The Call 2.54
14-The Shoot-Out 1.47
15-Lefty Sees the Light 2.21
16-Donnie's Taken Out 2.27
17-The Real Donnie 2.08
18-The Final Call 0.58
19-Donnie and Lefty 4.27

Musique  composée par:

Patrick Doyle

Editeur:

Varèse Sarabande
VSD-5834

Album produit par:
Patrick Doyle
Score produit par:
Maggie Rodford
Montage de la musique:
Robin Clarke, Roy Prendergast
Producteur exécutif musique:
Budd Carr, Allan Mason

Artwork and pictures (c) 1997 TriStar Pictures. All rights reserved.

Note: ***
DONNIE BRASCO
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Patrick Doyle
Le film de Mike Newell s'inspire de l'histoire vraie de Joseph D. Pistone, un flic du FBI qui infiltra la mafia de New York durant plusieurs années dans les années 70. C'est Johnny Depp qui interprète Joe Pistone, qui se fait passer pour Donnie Brasco, un joaillier de New York qui a réussi à se lier d'amitié avec un modeste mafieux du nom de Ben 'Lefty' Ruggiero (Al Pacino) dans les années 1978. Avec beaucoup de patience, Donnie/Joe finira par infiltrer le clan Bonanno, l'une des plus puissantes familles mafieuses de la côte Est américaine. La supercherie sera tellement forte que Donnie finira par devenir le bras-droit du nouveau chef de la bande, Sonny Black (Michael Madsen). Régulièrement, Pistone doit tenir au courant le FBI de l'évolution de l'opération, au grand dam de sa femme Maggie (Anne Heche), qui commence à s'inquiéter des absences prolongées de son mari et qui ne voit pas d'un très bon oeil le fait que Joe refuse de lui expliquer en quoi consiste réellement son travail, prétextant qu'il fait cela pour la protéger. Mais de fil en anguille, la situation va finir par se complexifier et devenir de plus en plus tendue, Pistone commençant à sympathiser véritablement avec Lefty et à s'identifier à ceux qu'il doit faire arrêter. L'opération qui ne devait durer que quelques mois durera finalement plus de trois ans.

Film de gangster dans la plus pure tradition du genre, 'Donnie Brasco' dresse un excellent portrait de Joe Pistone, aujourd'hui recherché par la mafia qui a mit sur sa tête une prime de 500000 dollars à qui le retrouvera. Si le film de Mike Newell n'évite pas les clichés habituels des films de mafieux tout en lorgnant du côté des spécialistes du genre tels que Scorsese ('Goodfellas'), De Palma ('Scarface') ou Coppola ('The Godfather'), 'Donnie Brasco' s'impose néanmoins par la qualité de la mise en scène et de l'ambiance générale qui se dégage du film. Ainsi, Newell a préféré opter pour le registre du drame en montrant cette histoire d'un flic infiltrant la mafia sous un angle plus dramatique et humain. Le personnage central de Johnny Depp est un flic honnête et accroc à son travail qui finit par ne plus savoir qui il est réellement, alors que tout commence à aller trop loin et qu'il est temps pour lui de raccrocher. On assiste aussi à la lente désagrégation de son couple, Pistone étant alors incapable d'aimer et de s'occuper de sa femme et de ses filles, devant continuellement jongler entre son dangereux travail et sa vie de famille qu'il ne peut plus assumer. Et, comme si cela ne suffisait pas, il doit en plus faire face à un terrible dilemme: mener à bien son opération et risquer de faire condamner son nouvel ami Lefty (excellent Al Pacino, grand habitué des rôles de mafieux) ou tenter de sauver Lefty et risquer d'être découvert. On ne peut s'empêcher de trembler lorsque l'on sent que Pistone est sur le point d'être découvert, comme pour la scène violente dans le restaurant japonais (on se serait d'ailleurs passé d'une scène violente aussi gratuite). C'est en ce sens la plus grande réussite de 'Donnie Brasco', qui réussit à nous montrer un film de gangster sous un angle plus psychologique et dramatique, très éloigné des effets sanguinolents des films de Scorsese ou des touches noires des films de De Palma.

La participation de Patrick Doyle sur 'Donnie Brasco' paraît évidente, étant donné que le compositeur avait déjà mis en musique un film à l'ambiance similaire, 'Carlito's Way' (1993). Pour 'Donnie Brasco', Doyle nous ressort son orchestre symphonique habituel et joue à nouveau sur le terrain du classicisme cher au compositeur écossais, apportant une importante dose émotionnelle au film de Mike Newell - il s'agit ici de la seconde collaboration entre les deux hommes, collaboration qui débuta en 1992 sur 'Into the West' et qui se prolongera sur 'Harry Potter & The Gobelet of Fire'. Le score de 'Donnie Brasco' est ainsi assez proche de ce qu'a fait Doyle sur 'Carlito's Way'. On y retrouve ainsi le même goût pour l'écriture lyrique des cordes mélancoliques, des thèmes empreints d'une certaine tristesse quasi élégiaque et de quelques morceaux plus sombres et inquiétants. 'Lonely Man' introduit le score en décrivant la solitude du personnage principal dans une situation difficile où il est le seul à pouvoir s'en tirer. On notera ici l'importance accordée aux vents et aux cordes mélancoliques et parfois même amères. Pour Doyle, le film ne nécessitait nullement une approche orchestrale plus massive et appuyée, ce qui explique finalement le fait que le compositeur ait opté pour une certaine retenue et une plus grande finesse dans sa musique, reflétant la trame psychologique/dramatique du film de Mike Newell.

La tension est entretenue dans 'Friend of Mine' lorsque Lefty présente Donnie à ses camarades mafieux. On notera ici l'importance des timbales qui seront fréquemment utilisés dans les passages sombres pour suggérer que quelque chose de grave est sur le point de se passer. A cela s'ajoute d'inquiétantes tenues de cordes avec des vents sombres et quelques trompettes. Si la scène peut paraître anodine sans musique, avec 'Friend of Mine' qui l'accompagne, elle prend toute son ampleur: on comprend dès lors que Pistone s'engage dans une opération très risquée où la menace d'être découvert plane sur lui à chaque instant. Dans 'You Like the Moustache?', Doyle développe le thème mélancolique associé à Pistone avec cordes et violoncelle, un très beau thème lyrique et doux comme le compositeur sait si bien en écrire. Les morceaux plus dramatiques et intimistes alternent très souvent avec des passages plus tendus qui rappellent la complexité et le danger de l'infiltration de Pistone/Brasco, comme nous le suggère le sombre 'New Car' et son travail autour des cordes, des vents et des petites percussions (avec les fameuses timbales). 'Donnie Gets Involved' joue sur la même ambiance avec son côté plus menaçant aux cordes, avec ces timbales toujours synonymes de tension et de menace.

'Donnie & The Morman' résume bien l'esprit du score avec ses cordes tendues et ses percussions suggérant le danger. 'You Belong to Me Now' nous permet de retrouver le thème associé à Pistone sur un ton toujours très mélancolique avec cordes et trompette solitaire (Pistone comprend qu'il est devenu le bras droit de Sonny Black), un très beau thème dont le lyrisme sincère et authentique ne peut que consolider l'attrait des béophiles pour la musique de Patrick Doyle. 'Father and Son' développe ce climat mélancolique sur un ton toujours assez sombre, évoquant les difficultés de Pistone à mener en même temps sa vie de famille. Très vite, l'ambiance lyrique de ces morceaux est interrompue par 'Dust Off the Guns' où l'on retrouve des petites percussions (style bongas) avec des cordes et des vents plus sombres, comme dans 'Call' et ses timbales menaçantes. 'Shoot-Out' est d'ailleurs sans aucun doute l'un des morceaux les plus sombres du score, avec une guitare basse et des cordes très sombres lors de la scène de la fusillade où Sonny Black et ses hommes tuent les membres d'un autre clan qui voulait leur peau. La fin de la scène où ils découpent les corps penche même vers l'atonalité macabre très brève.

Il est question du personnage d'Al Pacino dans 'Lefty Sees the Light' où Doyle développe le thème mélancolique de Lefty que l'on reconnaît grâce à sa formule d'accompagnement de deux notes de flûtes répétées avec des cordes plus élégiaques qui évoquent le côté pathétique de Lefty, prisonnier de sa condition de porte-flingue de la mafia alors qu'il aimerait s'évader vers d'autres horizons et avoir une vie meilleure, alors qu'il considère quelque part qu'il est prisonnier de son destin, d'où le côté assez triste et retenu de ce thème. Dans 'Donnie's Taken Out', c'est la fin de l'opération de Donnie, la tension atteignant ici son paroxysme lors de la scène où le FBI intervient. Doyle nous propose ici un excellent travail autour des cordes frénétiques dans un registre proche du style thriller de Bernard Herrmann. 'Real Donnie' évoque alors la scène où Pistone a terminé son infiltration, et lorsque le FBI prend des photos de Lefty et ses compagnons à la sortie d'un bâtiment. On notera ici l'utilisation du thème de Lefty, rendu plus sombre par le poids des timbales synonymes de danger, qui annoncent très clairement ici un destin funèbre pour le gangster, une idée qui se concrétisera dans 'Final Call' où Doyle nous propose une superbe reprise du thème mélancolique de Pistone aux violons, tandis que 'Donnie and Lefty' conclut la partition sur une dernière touche d'émotion et de mélancolie avec une très belle écriture lyrique et retenue des cordes, résumant avec amertume la difficulté que rencontrent Donnie et Lefty dans leurs vies respectives.

Certes, 'Donnie Brasco' est loin d'être ce que Patrick Doyle a fait de mieux pour un film. Peut-être est-ce dû au caractère intimiste et très retenu de la partition, qui s'avère être assez répétitive à la longue et pas toujours très surprenante, à l'inverse de 'Carlito's Way', dans lequel le compositeur nous réservait par exemple la surprise du long morceau d'action pour le climax final du film. Ici, 'Donnie Brasco' joue à fond la carte de la musique psychologique intimiste et sombre sans jamais basculer dans l'action, même si certaines pièces s'avèrent être plus agitées que d'autres en fonction des moments où la tension dans le film devient très importante. Le principal atout du score vient donc de ces deux très beaux thèmes attachés respectivement aux personnages de Donnie Brasco et Lefty Ruggiero, tandis que l'autre point fort réside dans la qualité des morceaux de suspense plus sombres, souvent dominés par des timbales, véritable métaphore du danger et souvent annonciatrice ici d'un futur bien noir pour les personnages. En somme, 'Donnie Brasco' est une sympathique partition dramatique qui mérite d'être découverte au même titre que 'Carlito's Way', et ce même si l'on est loin ici de la qualité de cette précédente partition écrite pour un autre film de gangster!


---Quentin Billard