1-Les égarés 2.11
2-La maison abandonnée 3.33
3-Un printemps 1940 1.53
4-Traversée de la rivière 2.32
5-L'échapée 2.10
6-Le grand amour
que j'attendais 1.33
7-Le garçon aux yeux gris 2.34
8-La baignade 2.47
9-Odile 2.34
10-Avant la guerre 1.58
11-L'adieu 1.18

Musique  composée par:

Philippe Sarde

Editeur:

Universal Music France
9809887

Album produit par:
Stéphane Lerouge

Artwork and pictures (c) 2003 Universal Music France. All rights reserved.

Note: ***
LES ÉGARÉS
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Philippe Sarde
Avec 'Les égarés', André Téchiné, le monsieur drame du cinéma français, s'inspire d'un roman de Gilles Perrault et évoque le destin d'une femme et de ses deux enfants dans la France occupée de 1940. Obligée de quitter Paris après l'invasion allemande, Odile (Emmanuelle Béart), une institutrice, s'enfuit avec ses deux enfants Philippe et Cathy. Attaqués sur la route de l'exode par des avions allemands, les trois individus rencontrent Yvan, un jeune ado de 17 ans assez mystérieux et au crâne rasé. Ensemble, ils errent dans la forêt et découvrent une maison abandonnée où ils décident de s'installer provisoirement, loin de la guerre et des bombardements sur les routes et les ponts. Yvan se lie très vite d'amitié avec les deux enfants et commence à se sentir attiré d'Odile. Cette dernière est une femme forte qui cache ses sentiments et entretiens des rapports ambigus avec Yvan. 'Les égarés' est encore un énième drame se déroulant pendant la seconde guerre mondiale, sauf qu'ici, la guerre n'est qu'une toile discrète servant de base à une intrigue plus intimiste et dramatique, une sorte d'histoire initiatique où les trois protagonistes principaux - Odile, Yvan et Phillippe (la petite Cathy étant visiblement mise en retrait dans le film), apprennent à vivre ensemble malgré leurs visions du monde souvent différentes et parfois antagonistes. Téchiné nous propose une sorte de réflexion sur les rapports civilisés en temps de guerre, le tout se déroulant dans un endroit isolé, dans une belle maison au charme d'antan. En choisissant de filmer 95% de son film dans cette maison isolée loin de la guerre, Téchiné offre au film un ton paisible et bucolique qui ne fait qu'accentuer les sentiments et les relations entre les protagonistes principaux, le tout filmé avec une certaine retenue, une finesse académique parfois même un peu ennuyeuse, car à force d'être trop académique, le film finit par susciter un certain ennui, et la seule scène un tant soit peu audacieuse - la scène d'amour bestiale entre Yvan et Odile - arrive hélas un peu trop tard, même si c'était purement volontaire. Reste la performance remarquable d'Emmanuelle Béart, qui confirme une fois encore la qualité de son jeu d'actrice particulièrement douée pour les drames intimistes de ce genre.

Fidèle collaborateur d'André Téchiné, Philippe Sarde a écrit une bonne partie des musiques des films de Téchiné, que ce soit 'Barocco', 'Les voleurs', 'Ma saison préférée', 'Les innocents', 'Hôtel des Amériques', etc. La partition orchestrale de Philippe Sarde pour 'Les égarés' ne marquera certainement pas la collaboration entre les deux compères mais reste malgré tout une partition de qualité bien que très mineure dans cette collaboration. A la retenue et la finesse académique du film, Philippe Sarde répond par une musique orchestrale toute aussi académique, mettant en avant les cordes, les vents, le piano et l'accordéon, qui évoque la France traditionnelle et campagnarde des années 40. Le score s'articule autour d'un thème principal simple, confié à un accordéon auquel répond un petit motif de deux clarinettes aux sonorités douces. Très présent tout au long du film, le thème sera répété inlassablement sans aucune variation, installant une espèce de routine qui renvoie au ton paisible et bucolique du film de Téchiné. Dans 'La maison abandonnée', Sarde utilise un violon serein intimiste sur fond de cordes douces et chaleureuses pour évoquer la jolie maison dans laquelle s'installent les quatre individus en quête de paix et de repos (comme dans 'La baignade' et son solo de violon interprété par le grand Stéphane Grappelli). Le temps passe lentement au son du bucolique 'Traversée de la rivière' avec son accordéon et sa petite formation de cordes tandis, comme dans 'L'échappée' et son climat plutôt nostalgique et quasi-rêveur.

La partie plus 'franchouillarde' et stéréotypée du score (accordéon, valse limite bal musette, etc.) évoquée dans 'Ce grand amour que j'attendais' est quasiment gommé dans le film, Sarde et Téchiné ayant opté pour une répétition quasi systématique du thème de la première piste de l'album. Comme souvent, le compositeur écrit plusieurs morceaux et le réalisateur fait ensuite un choix dans le montage du film, mais le choix est ici fort habile, car la musique, bien que très répétitive et peu nuancée tout au long du film, évoque à merveille cette idée du temps qui passe et ces émotions toutes en retenues qui finissent par devenir routinières. Plus sombre, 'Odile' reste l'un des morceaux les plus répétés tout au long du score, avec un début assez sombre et mystérieux pour cordes et piano et une suite plus chaleureuse où vient s'ajouter une hautbois mélodique et des cordes plus douces. Sarde a ainsi parfaitement réussi à évoquer le côté à la fois froid en apparence et sensible à l'intérieur du personnage d'Emmanuelle Béart, ce qui explique bien évidemment l'omniprésence du morceau tout au long du film. Plus mélancolique, 'L'adieu' évoque la séparation finale avec des cordes et un accordéon nostalgique tandis que Sarde nous propose une dernière reprise légèrement variée du thème principal aux vents et aux cordes. A noter que c'est le sombre 'Un printemps 1940' qui accompagne le générique de fin - le réalisateur aurait d'ailleurs quand même pu mettre de la musique jusqu'à la fin du générique, ce n'est pas très professionnel comme attitude! A noter, pour finir, que la majeure partie du score des 'égarés' est en fait repris d'un ancien score de Sarde, 'L'adolescente' (1978), que le compositeur a réutilisé ici à la demande du réalisateur - du coup, le score n'est pas vraiment original!

'Les égarés' est le genre de partition intimiste et modeste réussie mais dont on a très rapidement fait le tour et que l'on oubliera certainement très vite. On est loin ici de l'audace de certaines musiques écrites par Philippe Sarde dans les années 60/70, même si, évidemment, le film d'André Téchiné ne s'y prêtait pas vraiment. Académique, sobre et retenue comme le film lui-même, la musique des 'égarés' évoquent parfaitement les sentiments et l'isolement de ces quatre personnages dans une France campagnarde loin de la guerre. 'Les égarés' s'inscrit donc dans le courant des partitions intimistes anodines que le compositeur a écrit dans les années 80/90 avec un professionnalisme constant et une qualité d'écriture irréprochable - bien que parfois très conventionnelle et sans grande originalité, comme c'est le cas ici - en plus, la majeure partie du score est reprise d'un score préexistant du compositeur. Un Sarde de qualité, certes, mais un Sarde mineur!


---Quentin Billard