Même les plus grands réalisateurs font parfois des films totalement sans intérêt. C'est le cas de Ridley Scott et de son 'Someone to Watch Over Me' (Traquée), modeste série-B à suspense entièrement dénué de toute originalité (à noter que le titre du film fait allusion à la chanson homonyme de George et Ira Gershwin, utilisée dans le film). Claire Gregory (Mimi Rogers), une jeune femme riche, est le témoin involontaire du meurtre d'un de ses amis par un sinistre gangster du nom de Joey Venza (Andreas Katsulas). Le policier Mike Keegan (Tom Berenger) devient alors le garde du corps de Claire, chargée de la surveiller tous les jours chez elle, dans sa luxueuse demeure où il est d'abord accueilli froidement, puis finit par succomber au charme de Claire et devient son amant. Dès lors, Mike, marié à Ellie (Lorraine Bracco) avec qui il élève leur fils Tommy (Harley Cross) dans une modeste demeure de Queens, comprend qu'il a commis une erreur et commence à ressentir des remords. Il ne sait plus très bien où il en est dès à présent, perdu pour sa passion soudaine pour Claire et sa propre femme. C'est alors que Venza, qui menace Claire, décide d'envoyer un tueur chez elle, qui abat un autre garde du corps. Dès lors, la jeune femme n'est plus en sécurité et l'obsession de Mike ne fait qu'aggraver la situation dès très tendue.

Voilà donc un scénario digne d'une série-B lambda tout juste bonne à regarder un dimanche soir sur M6. Ne vous attendez donc pas à quelque chose de particulièrement renversant avec 'Someone to Watch Over Me'. On retrouve ici tous les stéréotypes habituels du genre sans aucune imagination - le garde du corps qui tombe amoureux de la femme qu'il protège, le méchant qui menace la jeune femme, etc. Tom Berenger et Mimi Rogers assurent un duo charmant et dramatique dans cette histoire mélangeant suspense policier et romance dramatique. Face à eux, Andreas Katsulas s'impose comme un parfait méchant au regard absolument sinistre et éprouvant. Pour le reste, Ridley Scott signe un polar passionnel sans aucune imagination, sans le brio et l'audace habituelle du réalisateur. Après deux chefs-d'oeuvre comme 'Alien' et 'Blade Runner', Ridley Scott déçoit totalement avec un 'Someone to Watch Over Me' sans grand intérêt.

Michael Kamen participe pour la seule et unique fois à un film de Ridley Scott pour 'Someone to Watch Over Me'. Son score oscille comme le film entre suspense/thriller et romantisme/intimisme, avec le style orchestral habituel du compositeur. A vrai dire, le score n'a rien de bien original et reste dans la lignée de ce que Kamen a écrit pour 'Lethal Weapon' et 'Die Hard'. Ainsi, le score commence dès la scène où Claire est témoin du meurtre, avec cordes frénétiques dissonantes et synthé atmosphérique sombre. L'utilisation de l'élément électronique annonce d'ailleurs très clairement 'Die Hard' puisque le compositeur réutilisera dans le score du célèbre film de John McTiernan les mêmes éléments synthétiques. Après un premier passage évoquant la terreur de Claire, le score imposera très vite une ambiance plutôt intimiste et mélancolique, avec des cordes, un saxophone jazzy solitaire associé à Mike Keegan et une sorte de guitare du synthé (réutilisé aussi dans 'Die Hard'). On appréciera ici l'utilisation du saxophone associé aux sentiments et à la solitude de Mike face à ses propres remords lorsqu'il devient l'amant de Claire et ne sait plus où il en est avec sa femme. On appréciera par exemple ce plan où on le voit marcher la nuit et apercevoir au coin d'une rue un saxophoniste solitaire, véritable métaphore musicale du personnage. On regrettera néanmoins le manque de thème qui rend l'écoute assez difficile.

Mais si Kamen développe ces morceaux intimistes avec ces orchestrations et son saxophone à la 'Lethal Weapon', ce sont les morceaux de suspense qui attirent ici notre attention, comme dans la scène où Mike poursuit Venza après qu'il ait menacé Claire dans des toilettes. On notera ici l'utilisation de glissendi de cordes et d'effets de dissonance aux vents et aux cordes dans un style atonal très clairement inspiré ici de Penderecki et de Ligeti. On retrouve ce morceau amplifié et toujours aussi macabre pour la scène où le garde du corps se fait abattre par le tueur dans l'appartement luxueux de Claire, et c'est la prise d'otage finale qui permet à Kamen de développer ces ambiances atonales sinistres au cours d'un ultime crescendo de tension sous la forme d'un sombre compte à rebours menaçant. Les quelques passages plus intimistes apportent un peu de relief au score et permettent ainsi au compositeur de souligner les deux facettes thriller et romantique du film de Ridley Scott (à noter que le score est encore inédit à ce jour, comment beaucoup d'anciennes partitions du compositeur malheureusement!). Reste que le score ne marquera certainement pas les esprits et reste un petit effort mineur dans la carrière du regretté Michael Kamen.


---Quentin Billard