1-Main Title &
Storm Sequence 5.08
2-The Night Visitor 2.12
3-To Scarborough 2.42
4-The Abduction of Lucy 3.34
5-Night Journeys 5.12
6-The Love Scene 2.04
7-Meeting In The Cave 3.29
8-The Bat Attack 2.46
9-For Mina 2.15
10-Dracula's Death 2.57
11-End Titles 3.58

Musique  composée par:

John Williams

Editeur:

Varèse Sarabande
VSD-5250

Album produit par:
John Williams
Préparé pour
Varèse Sarabande par:
Robert Townson, Tom Null

Artwork and pictures (c) 1979 Universal Pictures. All rights reserved.

Note: ***1/2
DRACULA
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by John Williams
Nombreux sont les réalisateurs à s'être intéressé à la célèbre histoire du Dracula de Bram Stoker. Le spécialiste des séries-B à petit budget John Badham est l'un d'entre eux. Réalisé en 1979, le film a quasiment été conçu pour Frank Langella, l'acteur ayant fait impression en revisitant à Broadway le personnage de Dracula dans les années 70. Le but de Badham et des producteurs de chez Universal était donc de renouer avec le succès de la performance du célèbre acteur en proposant un blockbuster rétro qui renouerait avec l'esprit des vieilles productions horrifiques de la Hammer, sauf qu'ici, le comte Dracula serait plus axé sur le côté séducteur que sur la facette horrifique et monstrueuse du plus célèbre des vampires. En ce sens, le personnage de Frank Langella annonce par moment celui qu'interprètera 13 ans plus tard Gary Oldman dans la célèbre version de Francis Ford Coppola, mais sans le côté maudit de ce dernier. En 1913, à la suite d'une terrible tempête, un navire fait naufrage sur les bords des côtes anglaises de Whittby. A son bord, on ne retrouve qu'un seul survivant, le comte Dracula, venu de Transylvanie avec des caisses remplies de sa terre natale. Il semblerait que les autres membres de l'équipage aient été massacrés par une entité inconnue. Le comte Dracula décide alors de s'installer dans un lugubre château de Carfax Abbey. C'est alors qu'il fait la connaissance du Dr Jack Seward (Donald Pleasance), qui travaille dans un asile d'aliénés. Il fait aussi la connaissance de sa fille Lucy (Kate Nelligan) et de son amie Mina Van Helsing (Jan Francis), qui se sent alors irrésistiblement attirée par Dracula, qui ne mettra que peu de temps à séduire la jeune femme et à faire d'elle une de ses semblables après l'avoir mordu au cou et bu de son sang. C'est alors qu'arrive le professeur Abraham Van Helsing (Laurence Olivier) qui, après un long voyage en Europe, découvre avec horreur que sa fille est morte et commence à enquêter sur les mythes des vampires.

Le 'Dracula' de John Badham (qui triompha deux ans avant avec son célèbre 'Saturday Night Fever') s'impose avant tout par une tête d'affiche majestueuse incluant quelques stars telles que Frank Langella, Laurence Olivier ou Donald Pleasance, abonné aux films d'horreur depuis le succès du 'Halloween' de John Carpenter un an avant 'Dracula'. De facture extrêmement classique, le film ne surprend guère et suit la voie des productions horrifiques rétro du 'Golden Age' hollywoodien, Langella en profitant pour se la jouer ici Bela Lugosi dans la peau de ce Don Juan immortel et buveur de sang. Si l'acteur impose ici un certain charisme, on ne pourra pas en dire autant du grand Laurence Olivier qui déçoit ici dans le rôle d'un Van Helsing plutôt fade, très éloigné de la remarquable performance du survolté Anthony Hopkins dans la version de 1992. Au final, il est clair que cette nouvelle version de 'Dracula' ne marquera certainement pas les esprits même si l'on pourra apprécier le charme de sa mise en scène rétro et de son atmosphère gothique à l'ancienne - château brumeux, Dracula apparaissant dans un nuage de fumée, caverne macabre, etc.

La partition symphonique de John Williams pour 'Dracula' est à l'instar du film de John Badham: une oeuvre de facture très classique composée à l'ancienne, dans la lignée des grandes partitions pour les productions horrifiques du 'Golden Age' hollywoodien. La musique de Williams n'a donc rien à envier aux célèbres partitions de James Bernard pour les anciens Dracula (on pense par exemple à la musique pour la version de 1958 réalisée par Terence Fisher). C'est donc sans surprise que le compositeur dévoile son thème principal au cours du traditionnel 'Main Title' qui affirme évidemment tout l'univers sombre et sensuel du film, deux termes qui résument parfaitement le concept du film de John Badham. A travers sa mélodie de cordes à la fois lugubre (les notes rapides et presque agressives qui forment la courbe mélodique du thème) et envoûtante (le côté répétitif et mémorisable de la ligne mélodique), John Williams a parfaitement su retranscrire la dualité qui hante le Dracula version Frank Langella. C'est aussi l'occasion pour le compositeur d'asseoir les orchestrations signées Herbert Spencer et l'ambiance générale de sa partition, avec un pupitre de cordes amples, des vents très présents et des cuivres agressifs (superbe performance du traditionnel London Symphony Orchestra). Après l'exposition initiale du thème principal en ouverture, Williams dans un premier grand mouvement orchestral mouvementé lors de la séquence de tempête où le compositeur affirme un style symphonique étoffé et virtuose, dans la lignée des grandes partitions 'Golden Age' de Franz Waxman ou Miklos Rozsa. Une ouverture d'une telle qualité ne peut donc que laisse présager une suite des plus excitantes, ce qui reste bien étonnant quand on sait à quel point le compositeur était pourtant étranger à l'époque aux films de vampire - peut-être est-ce ce qui lui a permit de prendre un tel recul nécessaire pour son inspiration artistique?

Dès lors, le compositeur pose les bases de sa partition et propose un long travail de développement du thème de Dracula qui sera omniprésent tout au long de la partition, comme pour évoquer le côté puissant et maléfique du personnage. Abordant le film sous l'angle de la terreur et d'une certaine sensualité sombre, John Williams évoque les méfaits de Dracula en usant de tout le potentiel de l'orchestre dans un langage symphonique à mi-chemin entre l'atonalité du 20ème siècle et le postromantisme flamboyant et tourmenté d'un Wagner ou d'un Strauss. 'The Night Visitor' est ainsi très représentatif de la dualité du personnage de Dracula, le morceau se focalisant sur des cordes sombres avec un pupitre de violoncelles/altos particulièrement présents, avec quelques vents et des cors plus doux qui semblent évoquer l'étrange fascination qu'exerce le célèbre comte Transylvanien sur les femmes qu'il séduit. A noter l'utilisation d'un orgue, stéréotype traditionnel lié aux mythes gothiques des vampires que Williams exploite dans les moments-clés mettant en scène Dracula. Plus rythmé, 'To Scarborough' est un superbe exemple de musique d'action typique du John Williams des années 70 avec un excellent travail de contrepoint autour du pupitre de cuivres massif, des percussions et des cordes frénétiques, installant ici un climat d'urgence pour une scène de poursuite en calèche. A noter que le morceau nous renvoie très clairement ici à certains grands moments de 'Star Wars', composé deux ans avant 'Dracula'.

On appréciera le côté sombre de 'The Abduction of Lucy' lorsque Dracula enlève Lucy Seward pour la séduire et boire son sang. On retrouve ici un Williams plus atonal dans la lignée d'un 'Close Encounters of The Third Kind' ou d'un 'The Fury', avec ses cordes sombres jouant sur les effets de dissonances et de glissendi stridents. Le compositeur développe ici le sombre motif lié à Dracula et en profite pour nous proposer une nouvelle évocation agitée des méfaits de Dracula sur Lucy, qui semble être comme hypnotisée par le vampire maléfique. 'Night Journeys' nous plonge dans une atmosphère nocturne plus sombre où les cordes hésitent continuellement entre raffinement postromantique et ambiance brumeuse, parmi laquelle se trouve une série de variations incessantes du motif de Dracula qui passe habilement d'un instrument à l'autre avec le talent unique du célèbre compositeur. En ce sens, les variations instrumentales du thème de Dracula permettent de rappeler que le vampire semble être partout et plus puissant que jamais. On appréciera ici l'utilisation très brève d'une petite formation chorale féminine qui renforce la dualité séducteur/monstre de Dracula. Si 'The Love Scene' nous permet de retrouver une reprise puissante du thème de Dracula pour une des scènes de séduction du film, 'For Mina' développe de manière plus surprenante une atmosphère de tristesse raffinée particulièrement forte associée à Mina Van Helsing dans un style plutôt résigné, introduit par un motif unique développé ici par une trompette puis par les vents et les cordes.

C'est avec la dernière partie du film que l'on découvre sans surprise les meilleurs morceaux d'action/terreur du score, à commencer par le brumeux 'Meeting In The Cave' et le brutal 'The Bat Attack', qui fait brièvement monter la tension lors d'un premier affrontement avec Dracula et Van Helsing dans une caverne souterraine. Williams joue ici sur une très forte atmosphère d'atonalité macabre et sur les effets de cordes incluant trémolos rapides, traits virtuoses de contrebasses/violoncelles, glissendi stridents et autres clusters, tout en incluant un pupitre de cuivres omniprésent (trombones dans le grave), un piano martelant ses basses de manière menaçante et des flûtes/piccolos dissonants et même la présence discrète d'un orgue à la fin du morceau, le tout évoquant la terreur inspirée par Dracula lorsque ce dernier attaque sous la forme d'une chauve-souris. Williams confère dans 'The Bat Attack' un côté insaisissable au personnage campé par Frank Langella avec ses orchestrations inventives et la fluidité de ses traits instrumentaux. La confrontation entre Van Helsing et Dracula dans 'Dracula's Death' prolonge ce climat d'atonalité chaotique et permet à la partition d'atteindre son point culminant où le compositeur développe le thème du célèbre comte durant 3 minutes d'une intensité orchestrale remarquable et virtuose, avec ses cordes sombres, ses timbales pesantes, ses cuivres agressifs et son orgue gothique pour la mort de Dracula débouchant sur l'excellente conclusion du 'End Titles', ultimes variations du thème du plus célèbre des vampires pour le générique de fin du film.

Partition restée malheureusement dans l'ombre des mastodontes symphoniques que sont 'Superman' et 'The Empire Strikes Back', 'Dracula' fait partie des oeuvres méconnues de John Williams qu'il serait bon de redécouvrir, ne serait-ce que pour comprendre à quel point John Williams, à la fin des années 70, était plus que jamais au sommet de son art, après avoir signé des partitions ancrées à jamais dans l'histoire de la musique de film comme 'Jaws', 'Star Wars', 'Close Encounters of The Third Kind' ou bien encore 'The Fury' et 'Superman', autant d'oeuvres symphoniques qui témoignent, comme 'Dracula', de l'immense talent d'un compositeur qui dédia son art au cinéma hollywoodien avec une ferveur artistique rarement égalée à l'époque et encore moins aujourd'hui, où Williams est encore capable de signer des bijoux orchestraux comme les 'Harry Potter'. Véritablement et uniquement dédiée au célèbre vampire, la partition de 'Dracula' est un vrai hymne aux ambiances musicales gothiques et brumeuses des grandes partitions horrifiques du 'Golden Age' hollywoodien, duquel le compositeur s'est toujours montré comme l'héritier direct, quelque part entre Alfred Newman et Erich Wolfgang Korngold. Certes, 'Dracula' n'a peut-être pas le charisme d'un 'Superman' ni le génie d'un 'The Empire Strikes Back', il n'en demeure pas moins un score de qualité qui mériterait d'être enfin redécouvert et apprécié à sa juste valeur!


---Quentin Billard