1-Main Title 3.53
2-Henry and Harry 5.11
3-Number Please 4.34
4-The Kite 4.40
5-Runaways 6.28
6-Mexican Tune 2.57
7-End of Calvin 3.54
8-End Title 2.09

Musique  composée par:

Jerry Goldsmith

Editeur:

Varèse Sarabande CD Club
VCD-9102-07

Edition limitée à
1500 exemplaires
Produit par:
Jerry Goldsmith
Montage de la musique:
Ken Hall
Superviseur de production:
Tom Null
Producteur exécutif:
Robert Townson

Artwork and pictures (c) 1981 Universal City Studios. All rights reserved.

Note: ***
RAGGEDY MAN
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Jerry Goldsmith
Directeur artistique sur des films de Terrence Malick comme 'Badlands' ou 'Days of Heaven', Jack Fisk s'est lancé dans la réalisation en 1981 en tournant 'Raggedy Man' (L'homme dans l'ombre). En 1944, une femme nommée Nita (Sissy Spacek) travaille dans une cabine de téléphone public dans une petite ville du Texas. Divorcée, elle y vit seule avec ses deux enfants, Harry et Henry. Un soir, elle fait la rencontre de Teddy (Eric Roberts), un marin en permission qui apprend par téléphone que sa fiancée l'a quitté pour un autre homme. Teddy décide alors de rester habiter avec Nita et se lie très vite d'amitié avec elle et ses deux enfants. Mais sa relation avec Nita va très vite faire jaser toute la ville et provoquer les commérages des voisins, qui ne voient pas d'un très bon oeil la présence de Teddy chez Nita. Intrigués, Calvin (William Sanderson) et Arnold (Tracey Walter), deux types qui traînent dans le bar du coin, se mettent en tête de rendre une visite surprise à Nita durant la nuit. Après le départ de Teddy, obligé de quitter Nita qui ne peut plus supporter les commérages écrasants du voisinage, Calvin et Arnold se rendent chez elle et sont sur le point de la violer au moment où intervient un mystérieux individu qui passe la majeure partie de ses journées caché dans l'ombre, et qui règle leur compte aux deux agresseurs. 'Raggedy Man' est donc un énième drame sans grand relief, qui nous montre la vie difficile de certaines femmes durant la seconde guerre mondiale aux Etats-Unis, obligées de travailler dur durant cette période de crise. Aux conditions de travail difficile de la protagoniste principale interprétée par Sissy Spacek s'ajoute les difficultés avec le voisinage. Jack Fisk nous montre ainsi le drame d'une femme obligée de travailler dur pour élever seule ses deux enfants, et qui, au moment où elle redécouvre l'amour en compagnie de Teddy, doit faire face à l'hostilité grandissante et éprouvante des habitants de cette petite ville Texane. Hélas, le manque de rythme et l'absence totale d'idée de mise en scène font de 'Raggedy Man' un petit film sans grand intérêt, d'autant que la fin laisse un peu à désirer (on se demande bien à quoi cela sert d'apprendre cela juste à la fin du film?) et que le film provoque un certain ennui faute d'une réelle ambition de cinéaste du metteur en scène, qui signe donc un premier film honnête mais pas très convaincant, et qui vaut surtout pour l'interprétation de la propre femme de Jack Fisk, Sissy Spacek.

Jerry Goldsmith a écrit un score orchestral sympa et sans prétention pour 'Raggedy Man'. S'il est certain que 'Raggedy Man' fait partie de ces scores mineurs composés par le maestro californien au début des années 80, on ne peut néanmoins qu'apprécier le charme et la simplicité de cette musique. Basé sur un unique thème principal exposé dès le 'Main Title', le score de Goldsmith décrit l'histoire de cette femme qui vit seule avec ses deux enfants dans une cabine publique du Texas et qui redécouvre l'amour dans les bras d'un marin. Afin de retranscrire la dimension sentimentale du film de Jack Fisk, Goldsmith nous offre donc un très joli thème principal confié à une flûte avec cordes, guitare et harmonica, thème qui sera associé dans le film à la romance entre Nita et Teddy. Goldsmith a choisi de donner un côté 'americana' folklorique à sa musique en utilisant la guitare et l'harmonica, qui servent ici à évoquer le Texas des années 40 dans un style très traditionnel (évidemment, on pense tout de suite ici à certaines musiques western du Goldsmith des années 60/70). Le joli thème de flûte, simple et frais, n'est pas sans rappeler un autre thème plus célèbre, 'Carol Ann's Theme', que le compositeur écrira la même année pour 'Poltergeist' de Tobe Hooper, et qui rappele par la même occasion un autre thème plus ancien que Goldsmith avait écrit pour 'The Other' de Robert Mulligan. On appréciera donc ici la simplicité du thème principal, Goldsmith n'hésitant pas à le confier tour à tour à une guitare ou un harmonica (on pense aussi à une utilisation de l'harmonica assez similaire dans 'Magic'), tout en mettant de côté les traditionnelles cordes romantiques qui conservent ici un rôle plutôt harmonique.

Après une ouverture aussi simple et modeste, Goldsmith nous réserve quelques bons moments comme 'Henry and Harry' qui développe de nouveau le sympathique thème principal associé ici à l'innocence des deux fils de Nita, tandis que l'ouverture du morceau se fait au son d'une pièce aux accents mariachi mexicain, entendu en tant que 'source music' dans les scènes du bar en plein centre ville, devant lequel les jeunes Henry et Harry passent régulièrement pour rejoindre leur maison. Goldsmith nous offre même une version plus complète de cette musique 'à la mexicaine' dans 'Mexican Tune', apparemment hérité ici de partitions telles que 'High Velocity' ou 'Caboblanco' (on pense aussi une fois encore à certaines anciennes partitions western du maestro, où le compositeur avait déjà eu l'occasion de s'exercer à ce genre de musique mexicaine folklorique). On appréciera ici l'écriture des trompettes en duo avec marimba et guitare, même si le morceau jure complètement avec le reste du score et tombe un peu comme un cheveu sur la soupe (il s'agit avant tout d'une simple 'source music' écrite pour le film). Mais, loin de vouloir se limiter à une simple évocation bucolique et folklorique de cette romance contrariée sur fond de seconde guerre mondiale, Goldsmith nous réserve quelques surprises comme la présence inattendue de quelques morceaux de suspense/action beaucoup plus sombres et dissonants. C'est le cas par exemple dans une section de 'Number Please', dans lequel le compositeur utilise quelques éléments électroniques un peu bizarres mélangés à des cordes et des vents dissonants avec quelques petites percussions particulières que le maestro affectionne tant. Le morceau accompagne la scène de l'agression finale, écrite dans le style thriller habituel du compositeur. Goldsmith utilise alors une ambiance plus atonale et agressive avec son lot de cordes dissonantes, de vents agressifs et de trompettes brutales, le tout étant très proche du style suspense/thriller de 'Outland', composé un an avant 'Raggedy Man'.

Toujours aussi désireux de souligner toutes les différentes facettes des films qu'il met en musique, Jerry Goldsmith mélange différents éléments ici afin de retranscrire le côté à la fois sombre et dramatique du film de Jack Fisk. Ainsi, après quelques passages intimistes, des moments enjoués et même des petites pièces mexicaines, Goldsmith nous donne à entendre toute la partie suspense/thriller du score évoquant les problèmes que rencontre Nita avec les deux agresseurs, Calvin et Arnold. Mais avant d'évoquer l'agression finale, Goldsmith utilise déjà plus discrètement et brièvement ces passages à suspense lors des scènes où l'on voit le mystérieux vagabond défiguré errer seul dans la rue, la musique utilisant alors diverses ressources sonores, à la fois électroniques et orchestrale, pour donner un côté mystérieux et inquiétant à ce drôle de personnage guère recommandable. Goldsmith s'autorise même un petit détour du côté des musiques de manège/cirque dans 'Runaways', dans la scène où Teddy emmène les deux enfants à la fête foraine au bord de la plage. On notera le début du morceau, imitant les musiques de fête foraine avec un son proche d'un orgue de barbarie, tandis que les synthétiseurs sont utilisés de manière plus légère, incorporés à l'orchestre principalement constitué ici de cordes, des vents et de petites percussions enjouées. C'est ce climat de légèreté et d'entrain simple et frais que l'on retrouve dans le joli 'The Kite' pour la scène du cerf-volant, nous permettant de réentendre une très belle reprise du thème aux cordes et à l'harmonica. Evidemment, c'est 'End of Calvin' qui attirera finalement notre attention, renouant avec l'ambiance de suspense sinistre de 'Number Please' pour la scène où l'individu mystérieux caché dans l'ombre tue Calvin. 'End of Calvin' paraît encore plus brutal et sombre que 'Number Please', faisant monter la tension d'un cran au cours de cet affrontement final que Goldsmith a voulu rendre visiblement très sérieux et très sombre, avec cordes dissonantes, cuivres agressifs, vents sombres et atonalité macabre à souhait. Finalement, le thème est repris une dernière fois de manière paisible et bucolique dans le 'End Title'.

C'est grâce à sa diversité d'ambiance que le score de 'Raggedy Man' nous touche par sa simplicité et la qualité d'écriture incontestable de la musique, et ce malgré sa grande modestie et son côté assez peu mémorable. Pour un petit film aujourd'hui tombé dans l'oubli, le score de 'Raggedy Man' est tout à fait appréciable en plus d'être parfaitement ancré dans l'histoire et l'ambiance du film de Jack Fisk. Il nous rappelle aussi à quel point Jerry Goldsmith était décidément un grand maître de la musique de film qui savait toujours trouver le meilleur de lui-même sur chaque film qu'il mettait en musique, que ce soit une petite production sans prétention que tout le monde oubliera sûrement dès la prochaine décennie ou une grosse machine hollywoodienne pop-corn saturée d'effets spéciaux spectaculaires. Si vous préférez les scores plus modestes et frais de Jerry Goldsmith, il ne fait nul doute que 'Raggedy Man' devrait vous satisfaire pleinement, énième preuve de l'immense talent du regretté maestro californien!


---Quentin Billard