1-La canopée 3.13
2-Kom et Margad 0.54
3-La chute de Kom 1.33
4-Le roi dans la jungle 4.37
5-La princesse empoisonnée 1.38
6-Kom et Gina au château 2.40
7-Le labyrinthe et
le premier baiser 2.44
8-Le complot de Gorine
et Serignole 1.31
9-La danse du roi
et de la princesse 1.35
10-La machine volante 1.11
11-La fête au château 2.40
12-Le dragon est en feu 2.07
13-La chanson de Kom 2.47*
14-Le lac gelé 1.41
15-La chanson Sérignole 1.31**
16-Gina est poursuivie 1.00
17-Le désastre sur la glace 2.53
18-Gina et Kom
se retrouvent 3.06
19-A la recherche
des fleurs bleues 3.16
20-Le combat final 1.24
21-La princesse est guérie 1.58
22-Le château des singes 1.53
23-Assimiler (la chanson
des livres) 3.44***

*Interprété par
Stéphane Peccoux
**Interprété par Jean Piat
***Interprété par José Germain,
Nadia Farès et Stéphane Peccoux.

Musique  composée par:

Alexandre Desplat

Editeur:

Milan Records 67284

Album produit par:
Alexandre Desplat

Artwork and pictures (c) 1999 Milan/MK2 Diffusion. All rights reserved.

Note: ***1/2
LE CHÂTEAU DES SINGES
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Alexandre Desplat
Il est amusant de constater que depuis toujours, le cinéma d'animation français tourne autour des mêmes personnes, que ce soit Paul Grimault, René Laloux ou Jacques-Rémy Girerd, fondateur du studio d'animation français Folimage Valence Production et réalisateur du récent 'La prophétie des grenouilles'. Jean-François Laguionie fait partie à son tour de ces réalisateurs de référence, auteur de films d'animation tels que 'Gwen, le livre de sable' ou le récent 'L'île de Black Mor'. 'Le château des singes' est le deuxième long-métrage d'animation du réalisateur qui, après 'Gwen, le livre de sable' en 1985, fit une longue pause de plus d'une dizaine d'années avant de se lancer dans un nouveau projet d'animation. 'Le château des singes' est un dessin animé d'une facture très classique, avec une animation de qualité, des personnages attachants et une action omniprésente. Coproduction franco-germano-anglaise, 'Le château des singes' nous invite à partager l'aventure de Kom, un jeune singe de la tribu Woonko qui vit dans la canopée, au sommet des plus hauts arbres. Selon une croyance ancestrale qui hante la tribu depuis des siècles, il est dit que tout ce qui se trouve en bas est maudit et n'est peuplé que de monstres et démons en tout genre. Mais l'intrépide Kom est le seul à ne pas croire à ces légendes ancestrales et décide de braver l'interdit en descendant dans les profondeurs de la forêt, où il tombe par mégarde et disparaît. Arrivé en bas, il découvre un autre monde, celui des Laankos, un peuple civilisé gouverné par le roi des singes dans un magnifique et immense château. Sauvé par le roi, Kom est recueilli puis soigné par Gina et le vieux maître Flavius. Ensemble, ils décident de lui enseigner la civilisation et les habitudes de leur peuple. Très vite, Kom finit par devenir le favori du roi qui le nomme officiellement bouffon du roi. Mais au même moment, le sinistre chambellan complote contre le roi et projette de prendre le pouvoir en maintenant endormie la princesse jusqu'à ce qu'il puisse enfin accéder au trône par un subterfuge machiavélique.

'Le château des singes' est une énième preuve de la bonne santé du cinéma d'animation français qui tente désespérément depuis plusieurs années de contrer l'hégémonie américaine. Refusant de se prendre vraiment au sérieux, le film de Jean-François Laguionie se veut comme une sorte de pastiche de Shakespeare, auquel le réalisateur fait référence à deux reprises dans deux répliques du film, un pastiche un peu édulcorée et infantilisé mais qui reste toujours très agréable et jamais simplet. Ici, Kom, le héros singe, est un personnage intrépide qui découvre la complexité et la futilité de certaines habitudes de la civilisation moderne incarné par les habitants du château des singes. Kom les incite alors à retourner à une vie plus simple et plus proche de la nature. Mais il doit aussi se heurter aux ambitions démoniaques d'un traître et à la modeste Gina, qui commence à croire que sa nouvelle vie auprès du roi va l'éloigner d'elle. Ceci étant dit, il serait fort hasardeux d'essayer de relever des messages ou des thèmes sous-jacents dans 'Le château des singes,' qui reste un pur divertissement mélangeant aventure et poésie sur un ton toujours très bon-enfant et sans aucun artifice visuel particulier - à noter l'utilisation de quelques chansons qui nous renvoient très clairement ici à la vieille mode des numéros vocaux instaurés par les productions Disney d'antan. Le film de Jean-François Laguionie n'a peut-être pas la carrure des monuments de Grimault ou Laloux, mais il n'en reste pas moins un très sympathique film d'animation français!

C'est Alexandre Desplat qui signe la musique orchestrale du 'Château des singes', un Desplat mineur mais néanmoins très motivé par son sujet. Afin d'évoquer l'univers des singes et de la forêt, le compositeur utilise l'orchestre traditionnel auquel il ajoute divers éléments exotiques (percussions, flûte, etc.). Légère, entraînante et fraîche, la musique de Desplat se veut comme un parfait complément émotionnel du film de Laguionie. Dès l'introductif 'La canopée', le compositeur assoit le style de son oeuvre avec une flûte exotique, une harpe et quelques cordes et vents légers. Desplat évoque la tribu des Wonkoos de la canopée avec une certaine fraîcheur. Le classicisme d'écriture raffinée des cordes est contrebalancé à l'écran par la légèreté de l'écriture des vents, de la harpe et de la flûte exotique lié aux singes. On évite pas par moment le traditionnel style mickey-mousing qui reste néanmoins mineur ici, Desplat préférant opter pour une approche orchestrale moins sautillante mais plus fraîche et moins morcelée, lié à la fougue du jeune Kom que le compositeur nous décrit dans 'Kom et Margad' qui développe le thème principal de la partition de Desplat. Le thème associé à Kom reste toujours très simple et frais, avec son petit motif de 6 notes exposé ici par un piano doublé par une flûte et des pizzicati de violons. On notera une fois encore la fraîcheur de l'écriture toujours très sautillante des vents (ici, clarinettes et bassons), nous rappelant une fois encore à quel point Alexandre Desplat est passé maître dans l'art de manier l'orchestre symphonique et d'explorer tout son potentiel musical, et ce quelque soit le sujet du film. Plus sombre, 'La chute de Kom' nous dévoile une facette plus inquiétante du style musical de Desplat dans la scène où Kom tombe en bas de la forêt et traverse l'abîme tant redoutée. Plus descriptif, le morceau accompagne la chute avec des cordes dissonantes accompagnés d'étranges effets sonores de flûtes ou de violons évoquant les démons mythiques des profondeurs.

Le climat se veut plus rassurant avec 'Le roi dans la jungle' lorsque le roi sauve Kom et le ramène au château. Desplat change ici d'ambiance et utilise les percussions exotiques avec cordes, cuivres, vents et instruments aux sonorités exotiques évoquant (harpe, flûte, cithare, percussions, etc.). On retrouve d'ailleurs l'utilisation plus mystérieuse de la cithare dans 'La princesse empoisonnée', instrument lié ici aux sinistres comploteurs. Desplat se plaît ainsi à varier les ambiances tout au long du film en gardant à l'esprit une certaine légèreté entraînante qui nous renvoie au côté simple et agréable du film de Laguionie. Ainsi, 'Kom et Gina au château' nous permet de retrouver le sympathique thème enjoué de Kom aux cordes et aux vents dans un style plein de fraîcheur (les orchestrations y sont pour beaucoup) comme dans 'Le labyrinthe et le premier baiser' où Desplat manie les rythmes avec habileté (petit tempo de valse, rythmes sautillants plus mickey-mousing, etc.) liés à la bonne humeur et à la complicité de Kom et Gina, le compositeur nous offrant même un peu de poésie lors de la scène du premier baiser. Inventif, 'Le complot de Gorine et Sérignole' fait un usage intéressant de la cithare, de la clarinette, des cordes et des instruments exotiques sur fond de rythmes enjoués et ironiques liés aux méchants. La valse de 'La danse du roi et de la princesse' paraît plus nuancé avec son cor anglais soliste et ses cordes, comme pour évoquer l'empoisonnement de la princesse et la menace qui pèse sur le roi malgré la scène où les deux dansent ensemble.

'La machine volante' nous dévoile un nouveau thème majestueux à la John Debney pour la scène de l'envol de la machine volante construite par le roi tandis que l'amusant 'La fête au château' évoque les festivités royales avec une légèreté exemplaire (flûtes, bassons, cithare, clarinettes, etc.). Mais, loin de vouloir s'arrêter à ce style d'ambiance, Desplat continue de varier les plaisirs et passe ainsi par un style plus sombre dans 'Le dragon en feu' dans la scène où les comploteurs font brûler le dragon construit par le roi pour travers l'immense lac. On retrouve un thème de cordes plus amples qui évoque alors le drame de la scène (thème qui n'est pas sans rappeler le David Arnold de 'Last of The Dogmen', preuve des influences américaines sures du compositeur français). Plus sombre, 'Gina est poursuivie' fait un bien bel usage de l'orchestre, des rythmiques inventives et de la cithare pour la scène où Gina est poursuivie par les comploteurs. Plus l'histoire avance, et plus la musique s'assombrit petit à petit, sans jamais vraiment basculer dans un style très dramatique. C'est par exempole avec beaucoup de finesse que Desplat évoque le drame de la glace brisée lors de la traversée du lac dans 'Le désastre sur la glace', le compositeur gardant toujours ce ton léger et plein de finesse tout au long du film. 'A la recherche des fleurs bleues' nous permet de retrouver une très jolie variante quasi nostalgique du thème de Kom aux cordes et aux vents lorsque ce dernier retourne chez les Woonkos pour chercher les fleurs bleues censées guérir le mal de la princesse. Même le 'combat final' n'a rien de très dramatique mais reste suffisamment sombre pour maintenir la tension durant la confrontation finale contre le chambellan, toujours illustrée par la cithare avec un pupitre plus massif de cuivres avant de déboucher sur un final plus enjoué où la finesse et la légèreté reprennent le dessus. Le thème de Kom revient une dernière fois dans 'La princesse est guérie'. A noter pour finir les trois chansons du score écrites par Desplat, la poignante 'La chanson de Kom', l'ironisante 'La chanson Sérignole' et l'entraînant 'Assimiler' lors de la scène de l'apprentissage de Kom.

La conclusion s'impose donc d'elle-même. 'Le château des singes' reste sans aucun doute l'une des plus agréables compositions orchestrales d'Alexandre Desplat, qui signe ici sa première partition pour un long-métrage d'animation. Avec une fraîcheur d'orchestration et une certaine inventivité parfois fantaisiste, Desplat livre l'accompagnement musical parfait pour le film de Jean-François Laguionie qui, à l'instar du film, demeure toujours simple et léger, sans aucun artifices musicaux particuliers. Evidemment, 'Le château des singes' n'a rien d'un chef-d'oeuvre impérissable et ne marquera certainement pas les annales du genre, mais il n'empêche que l'on ne peut que se laisser capturer par la qualité de cette composition orchestrale qui nous rappelle une fois encore à quel point Alexandre Desplat fait plus que jamais partie des grands noms de la musique de film française, des musiciens inspirés d'une nouvelle génération qui compte parmi elle des compositeurs aussi talentueux que Philippe Rombi, Bruno Coulais, Eric Neveux, Pascal Estève et bien d'autres encore. En somme, voilà un très sympathique score à découvrir si ce n'est pas déjà fait!


---Quentin Billard