Quand le réalisateur français Mathias Ledoux (ancien réalisateur d'émissions des 'Nuls' sur Canal+) s'intéresse aux dérives d'internet, cela donne 'Three Blind Mice' (Une souris verte), thriller froid qui met en scène Edward Furlong dans la peau de Thomas Cross, un jeune informaticien anglais qui passe la majeure partie de son temps sur des sites internet de webcam. Un jour, en se connectant sur une webcam de la jeune Cathy, Thomas assiste avec horreur au meurtre de la jeune femme. Pris de panique, il envisage alors d'appeler la police mais se rend vite compte qu'il n'a aucune idée de l'endroit où habite la jeune femme, qu'il ne connaît pas non plus, malgré le fait qu'il se connecte régulièrement sur son site web depuis quelques mois, entretenant une relation platonique avec elle par le biais du net. C'est alors qu'intervient Claire Bligh (Emilia Fox), une spécialiste du crime informatique venue prêter main forte à la police qui enquête sur le meurtre de Cathy. Unique témoin du meurtre, Thomas mène alors son enquête aux côtés de Claire et d'un de ses amis spécialisé dans l'informatique. Ils découvrent alors qu'une organisation criminelle secrète commet régulièrement ses méfaits à travers le net un peu partout dans le monde, mais au moment où ils semblent enfin avoir trouvé une piste, Claire est brusquement dessaisie de l'enquête. Pour Claire et Thomas, il paraît évident que la police ne s'intéresse plus du tout à cette sinistre affaire de meurtre sur le net. Ensemble, ils décident donc de tendre un piège aux tueurs en utilisant eux-mêmes un site webcam afin de démasquer pour de bon les criminels.

A l'heure où internet est plus que jamais présent dans le monde entier et dans des millier de foyers, le film de Mathias Ledoux s'interroge sur les dérives du web et la façon dont les criminels peuvent s'en servir pour accomplir leurs sinistres desseins. Ainsi, 'Three Blind Mice' s'avère être une énième mise en garde sur les dangers d'internet, un sujet de plus en plus fréquent au cinéma (déjà abordé dans 'The Net' d'Irwin Winkler). Sur fond de meurtre et d'enquête policière, 'Three Blind Mice' est donc un thriller particulièrement banal et sans grande originalité qui ne vaut que par la performance d'Edward Furlong, qui s'était fait plutôt discret ces derniers temps au cinéma. Le film est plombé par une mise en scène soporifique et sans imagination et une direction d'acteur tout à fait quelconque. Voilà donc le genre de film à l'intrigue intéressante mais qui dérive vite vers une ambiance de téléfilm/série-B lambda sans âme. Dommage!

Le compositeur français Eric Neveux s'était déjà fait remarqué avec des partitions telles que 'Intimité' (2001) ou 'Monique' (2002). A l'instar de Philippe Rombi, Alexandre Desplat, Nicolas Errera ou Pascal Estève, Eric Neveux fait partie de cette nouvelle génération de compositeurs français prêts à prendre la relève de Sarde, Duhamel et co. Malheureusement, ce n'est pas avec sa modeste partition électronico-expérimentale pour 'Three Blind Mice' qu'Eric Neveux réussira à s'imposer comme un nouveau grand compositeur français de musique de film. Très attiré par la musique électronique, Neveux signe pour le thriller de Mathias Ledoux une partition 100% atmosphérique et expérimentale, dénuée de toute construction thématique. Afin de renforcer l'univers technologique du film (internet, les webcams, les réseaux informatiques, etc.), Neveux utilise divers samples et loops électroniques et un orchestre, sonorités diverses qu'il combine ensemble tout au long du film afin de créer une atmosphère musicale particulière, à la fois sombre et intrigante. Dès l'ouverture du film ('Opening Credits'), Neveux impose le ton sombre du score avec un mélange entre cordes et samples électro imitant des sons informatiques. On ressent déjà ici un certain sentiment de danger, de menace qui évoque bien cette ambiance de meurtre et d'enquête policière. La scène du meurtre dans 'Screened Death' permet à Neveux de s'orienter très clairement vers de l'atonalité macabre et chaotique avec une série de clusters électroniques extrêmement dissonants évoquant la violence de la scène (saupoudré d'un petit zest d'expérimental). C'est cette ambiance chaotique qui attire ici notre attention dans la scène en question.

Plus quelconque, 'An Interview with Claire' développe les sonorités électroniques 'informatiques' du début (genre son de vieux ordinateurs des années 80) avec une guitare solitaire associé à Claire Bligh, sons que l'on retrouve dans 'Hacker Under Influence' évoquant le personnage de Thomas. Neveux utilise ici un ostinato de sons électroniques rétro avec des tenues de cordes, quelques percussions et une basse électrique afin de créer une ambiance plutôt mystérieuse et moderne à la fois. Désireux de toujours explorer plus en avant ces atmosphères quasi expérimentales, Neveux prolonge son travail dans le sombre 'Manipulation' avec tenues de synthétiseur et guitare solitaire, tandis que les loops techno/électro de 'Frank's Get Away' font monter la tension pour la scène avec Frank Cross (Craig Kelly), le frère de Thomas. On appréciera la parfaite cohérence de la musique à l'écran qui, avec ses nombreuses touches électroniques, renforce véritablement l'intrigue informatique du film. Les scènes de caméra espion sont représentées dans 'Spycam' d'une façon toujours aussi intrigante, avec rythmiques électro parfois bizarres et tenues de cordes plus quelconques.

La musique installe très vite dans le film une ambiance répétitive assez monotone, idéale pour créer un climat envoûtant dans le film. Pourtant, malgré le climat assez répétitif de sa musique, Eric Neveux fait intervenir une nouvelle idée dans 'The Bogyn', un son électronique aigu proche du théremin autrefois employé au cinéma dans des partitions telles que 'Spellbound' de Miklos Rozsa ou 'The Day the Earth Stood Still' de Bernard Herrmann. Ce son électronique comparable à celui d'un théremin possède ici un côté mélodique intéressant, que l'on entend surtout dans la dernière partie du film, et qui renforce le mystère lié à l'enquête de Claire et Thomas. Du coup, la musique nous fait clairement ressentir que quelque chose de nouveau va bientôt arriver. 'A Spy in the Mirror' est tout à fait représentatif quand à lui du côté électro/expérimental de 'Three Blind Mice', avec son loop de batterie et ses diverses couches électroniques à la frontière entre la techno et l'électro, le genre de musique parfaite pour l'ambiance moderne du thriller de Mathias Ledoux. On retrouve alors le motif 'théremin' de 'The Bogyn' dans 'Computer Store' qui, avec sa rythmique électronique et ses cordes, continue de créer une certaine tension au fur et à mesure que les deux héros se rapprochent d'une vérité horrifiante. Commence alors la séquence du piège de la webcam de Claire dans 'Bait Claustrophobia' où réintervient le son de théremin sur fond d'atmosphère électronique lourde suggérant la menace qui pèse sur la jeune femme à ce moment là. Le film se conclut sur un 'See How They Run' plus intimiste mais qui n'augure d'aucune façon une fin heureuse, mettant en avant les cordes avec le retour du son de théremin symbole de mystère et de danger.

Aucun doute possible: la partition d'Eric Neveux pour 'Three Blind Mice' a de quoi réjouir les amateurs de musiques électros en tout genre tendance Chemical Brothers, Air, Jeff Mills, The Youngsters ou Massive Attacks, surtout que le compositeur français connaît son sujet sur le bout des doigts étant donné qu'il vient lui-même du monde de la musique électro (un genre qui recouvre énormément de dérivés musicaux tels que la techno, la house, la drum 'n bass, l'indé, la hardcore, etc. ) et qu'il défend énergiquement ce genre musical depuis plusieurs années déjà, ayant fondé en 1998 'Microbe', son propre label indépendant. Avec le thriller de Mathias Ledoux, on sent à quel point le compositeur s'est fait plaisir tout en créant l'atmosphère musicale adéquate pour cette histoire de meurtre sur internet. Reste que le score n'a rien de follement mémorable et ne marquera certainement pas les annales, d'autant que la musique s'adresse avant tout aux inconditionnels de l'électro. Comme annoncé précédemment, ce n'est pas encore avec 'Three Blind Mice' qu'Eric Neveux réussira à s'imposer comme l'un des grands noms de la musique de film française. Il n'empêche que si le compositeur choisi des projets plus stimulants à l'avenir, il se pourrait bien qu'il puisse créer la surprise en composant un jour là où on ne l'attendrait pas. C'est en tout cas tout le bien qu'on puisse lui souhaiter!


---Quentin Billard