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1-Benediction and Dream 2.31*
2-The Floating Bed 1.29 3-El Conejo 2.29** 4-Paloma Negra 3.17*** 5-Self-Portrait with Hair Down 1.09 6-Alcoba Azul 1.36* 7-Carabina 30/30 2.43+ 8-Solo Tu 1.22 9-El Gusto 2.18"" 10-The Journey 2.56 11-El Antifaz 2.28++ 12-The Suicide of Dorothy Hale 0.48 13-La Cavalera 1.40 14-La Bruja 1.57+++ 15-Portrait of Lupe 2.13 16-La Llorona 2.22# 17-Estrella Oscura 1.48* 18-Still Life 1.31 19-Viva la Vida 2.16## 20-The Departure 2.13 21-Coyoacan and Variations 2.34 22-La Llorona 2.20### 23-Burning Bed 1.08 24-Burn It Blue 5.26" *Interprété par Lila Downs Ecrit par Elliot Goldenthal **Interprété par Cojolites ***Interprété par Chavela Vargas Ecrit par Thomas Mendez +Interprété par El Poder Del Norte Traditionnel ++Interprété par Liberacion Miguel Galindo, Alejandro Marehuala et Gerardo Garcia Ecrit par Luis Arcaraz Torras +++Interprété par Salma Hayek et Los Vega Traditionnel #Interprété par Chavela Vargas Ecrit par Luis Mars ##Interprété par Trio/Marimberos Paroles de Hernan Bravo ###Interprété par Lila Downs et Mariachi Juvenil de Tecalitian Ecrit par Luis Mars "Interprété par Caetano Veloso et Lila Downs Musique de Elliot Goldenthal Paroles de Julie Taymor et Elliot Goldenthal ""Interprété par Trio Huasteco Caimanes de Tamuin Traditionnel. Musique composée par: Elliot Goldenthal Editeur: Deutsche Grammophon 289 474 150-2 Musique produite par: Teese Gohl, Elliot Goldenthal Montage de la musique: Curtis Roush Musique électronique produite par: Richard Martinez Artwork and pictures (c) 2002 Miramax Film Corp. All rights reserved. Note: ***1/2 |
FRIDA
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ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
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Music composed by Elliot Goldenthal
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Pour son nouveau long-métrage, la réalisatrice Julie Taymor s'intéresse à la vie de la peintre mexicaine Frida Kahlo qui se fit connaître au début du 20ème siècle pour son oeuvre surréaliste, ses positions politiques en faveur du communisme et ses frasques sexuelles tourmentées. Julie Taymor s'inspire ici du roman homonyme de Hayden Herrera, dont les droits avaient été achetés dès 1983 par la productrice Nancy Hardin qui n'avaient alors pas réussi à trouver un seul studio intéressé par l'adaptation cinématographique du roman de 'Frida'. Des années passèrent jusqu'au jour où l'actrice Salma Hayek, qui cherchait depuis longtemps à interpréter ce rôle (elle est aussi mexicaine d'origine), s'investit dans la production de ce film qui failli se faire en 1997 et qui se concrétisera finalement en 2002 sous la caméra de Julie Taymor et le soutien des producteurs de chez Miramax (il fallut six ans à l'actrice pour pouvoir enfin réaliser son passionnant projet). Il faut dire que de nombreuses actrices ont postulés pour camper le rôle de la célèbre peintre mexicaine, avec entre autre Madonna, Laura San Giacomo, Jennifer Lopez, etc. Pour Salma Hayek, 'Frida' représente la concrétisation d'un rêve, un rôle taillé sur mesure qui, selon ses propres dires, faisait réellement "partie de sa vie". Salma Hayek s'est totalement investi dans le film de Julie Taymor, que ce soit dans son propre rôle, dans la production du film et même dans la peinture de certains tableaux que l'on aperçoit dans le film, et qui auraient apparemment époustouflés par leur maîtrise l'équipe du film - c'est dire à quel point l'actrice est en symbiose parfaite dans son rôle.
Le film nous permet ainsi de suivre l'histoire de la peintre mexicaine, partant de sa jeunesse lorsqu'elle était encore étudiante et qu'elle rencontra le peintre Diego Luna (Alfred Molina) en 1923, qui deviendra son fidèle mentor et son mari en 1929, jusqu'à ses derniers instants sur son lit de souffrance (Frida Kahlo mourra en 1954 dans son pays natal - elle n'était alors âgé que de 47 ans!). Après un terrible accident de bus survenu à l'âge de 18 ans, Frida fut paralysé pendant de nombreux mois, mutilée et blessée à vie (il lui fallut subir plus d'une trentaine d'opérations chirurgicales tout au long de sa vie pour pouvoir tenter de remarcher à nouveau et de stabiliser son corps). Elle n'eut alors comme seule accroche à la vie que son mari Diego Luna et sa passion pour la peinture, une manière pour elle de survivre à travers son art, dans laquelle elle exprima toutes ses craintes, ses angoisses, ses souffrances, ses tourments, ses blessures. Le film évoque au passage la bisexualité de Frida et son étrange rapport passionnel de haine/amour avec son mari, un homme dont l'infidélité était une seconde nature mais qui aima pourtant sa femme jusqu'au bout malgré les dures épreuves qu'ils durent traverser ensemble (il faut dire que Diego avait 20 ans de plus qu'elle et que son imposante corpulence par rapport à Frida le fit généralement mal voir de l'entourage familial de sa femme). Pour finir, le film illustre le rapport de Frida Kahlo avec le communisme dans les années 20/30 et de sa liaison secrète et scandaleuse avec le célèbre révolutionnaire russe Léon Trotsky (Geoffrey Rush) en 1938, qui fut assassiné peu de temps après en 1940 par un sbire de Staline. La réalisatrice a apporté une poésie poignante à son film, illustré par quelques scènes de transition hallucinée et surréalistes où s'exprime de façon plus artistique le talent de la réalisatrice, qui maîtrise son sujet de bout en bout malgré quelques longueurs. Salma Hayek est évidemment d'une justesse confondante dans son rôle où se mélangent noirceur, amour, passion et souffrance, dans un film qui dresse le portrait d'une artiste engagée à l'oeuvre puissante et aux thèmes universels sur les tourments de l'âme et du corps humain. Evidemment, qui dit Julie Taymor dit musique d'Elliot Goldenthal, qui se trouve être le mari de la réalisatrice dans la vraie vie. Après un 'Titus' déjanté et très remarqué, il faut croire que le compositeur d'Alien3 a su une fois encore trouver l'inspiration auprès de sa muse, puisqu'il signe une partition aux rythmes et aux sonorités mexicaines/hispanisantes où se reflète toute la poésie et la noirceur du film. Pour les besoins du film, Goldenthal s'est intéressé ici à la musique folklorique mexicaine en général, le compositeur précisant néanmoins dans le livret de l'album que la musique varie d'une région à l'autre du Mexique. Goldenthal utilise donc ici une petite formation instrumentale incluant une guitare acoustique mexicaine, une guitare espagnole classique, une guitarron (guitare basse mexicaine), un accordéon, une harpe mexicaine, un marimba et un harmonica de verre (le compositeur précise que l'instrument a été inventé par le célèbre Benjamin Franklin) avec l'orchestre traditionnel, sans oublier l'apport des différents solistes vocaux, incluant la célèbre chanteuse Chavela Vargas, originaire du Costa Rica (et ancienne amante de la vraie Frida Kahlo, sa participation à la bande originale du film n'étant donc guère anodine!), le célèbre chanteur brésilien Caetano Veloso et la chanteuse Lila Downs. A la première écoute de la musique dans le film, on est surpris par le côté intime et mélodique de la musique, une facette moins connue du style du compositeur et que le musicien assume complément avec une certaine aisance. L'apport vocal est aussi un élément majeur dans la musique de 'Frida' puisque, comme le précise le compositeur lui-même dans le livret de l'album, le chant occupe une place importante à Mexico, où on peut trouver partout dans les rues de la ville des gens en train de chanter pour différentes occasions et moments de la journée. Comme annoncé précédemment, le score de 'Frida' est essentiellement dominé par un côté mélodique et intimiste des plus plaisants, bien loin des expérimentations enragées de 'Alien3', 'Titus' ou 'In Dreams'. C'est un Goldenthal intimiste et minimaliste qui nous est donné d'entendre ici, bien que la facette plus atonale du compositeur transparaît aussi au détour de brefs passages où Goldenthal fait intervenir l'orchestre et ses quelques sonorités électroniques évoquant le côté surréaliste de certaines scènes de transition imitant les peintures de Frida. 'Benediction and Dream' s'ouvre au son de la voix de Lila Downs, dont la vocalise solo introduit la dimension intimiste du score, un élément guère anodin quand on sait que la chanteuse est née d'un père américain et d'une mère mexicaine, à l'image de Frida, née d'un père allemand et d'une mère mexicaine. C'est ce mélange de cultures qui affirme ici toute la dimension universelle du film qui, en plus de s'appliquer au portrait de Frida Kahlo, nous renvoie à l'affirmation d'une nation et aux sujets universels abordés dans l'oeuvre de la peintre mexicaine. La vocalise de Lila Downs est suivie d'une première apparition du thème associé à Frida, joué ici par un glass harmonica envoûtant et repris par les guitares. On notera ici l'utilisation de ces harmonies en tierce parallèle aux guitares, un élément tout à fait représentatif de cette musique mexicaine populaire et mélodique, une couleur harmonique qui apporte une certaine tendresse quasi nostalgique à la musique de Goldenthal dans le film. 'The Floating Bed' développe un thème plus hispanisant d'esprit aux guitares avec un rythme tapé sur les cordes plus typé musique latine/d'Amérique du sud, accompagnant avec un certain entrain la scène où Frida déménage sur son lit (une scène introductive qui semble déjà en dire long sur le côté fantaisiste du personnage), et que l'on retrouvera dans 'Portrait of Lupe'. 'Self-Portrait with Hair Down' accompagne la scène où Frida passe le temps en faisant son propre portrait après s'être coupé les cheveux. L'intimité de la scène (l'isolement de la femme mutilée dans son art) est retranscrite ici par les guitares intimistes en tierces parallèles avec une nouvelle mélodie où respire une certaine nostalgie émouvante et douce, avec ce côté latin particulièrement raffiné et sensible. A noter que Goldenthal reprend ce thème associé aux oeuvres de Frida dans l'excellent 'The Journey', où interviennent aussi des cordes plus sombres. On retrouve cette même ambiance de nostalgie et de douce solitude dans 'Solo Tu' où la guitare développe une atmosphère latine/hispanisante rêveuse qui n'est pas sans rappeler par moment certaines pages du compositeur espagnol Joaquin Rodrigo, et que l'on pourrait considérer ici comme le 'Love Theme' du score, associé à la relation entre Frida et Diego, avec une pointe de mélancolie plus proche de l'héroïne du film (le mélange entre styles espagnols/cubains/mexicains/brésiliens est aussi révélateur de cette idée de mélange des cultures très important ici par rapport à l'idée du film). On retrouve un Goldenthal plus étrange et expérimental dans 'El Cavalera' accompagnant une scène de transition illustrant une sorte de cauchemar réalisé en technique d'animation (un aspect étrange et original du film). Le compositeur utilise ici les cordes avec la guitare mexicaine et des saxophones samplés sur synthé et qui donnent un côté bizarre au morceau. On est guère loin par moment des fantaisies farfelues de 'The Butcher Boy', à la différence que dans 'Frida', cet aspect là reste véritablement mineur. Mais on appréciera néanmoins la cohérence du compositeur vis-à-vis du lui-même, un musicien qui, bien qu'on lui offre un sujet totalement différent de ce qu'il compose habituellement, arrive encore à conserver sa propre personnalité de musicien plus avant-gardiste/expérimental sans que cela puisse porter le moindre de tort au film. Comme d'habitude, Elliot Goldenthal s'impose par un sens inné des choix musicaux qu'il propose pour le film qu'on lui offre et qui lui ont et lui permettront toujours de se distinguer des autres compositeurs américains de sa génération. Plus l'histoire avance, plus la musique nous fait ressentir une certaine mélancolie, une tristesse intimiste où la solitude côtoie une certaine nostalgie amère, comme c'est le cas dans 'The Departure' où revient le thème de guitare de 'Self-Portrait with Hair Down' associé à Frida et à son isolement dans la peinture, ainsi que ses problèmes avec Diego. Goldenthal continue ainsi de développer ses différentes mélodies, nous proposant même dans 'Coyoacan and Variations' une série de variations autour du thème hispanisant de 'The Floating Bed', d'abord repris par la guitare puis développé par un accordéon et des cordes, avec toujours cette même atmosphère latine intimiste et nostalgique qui apporte une poésie certaine au film de Julie Taymor. A ce sujet, la réalisatrice a d'ailleurs précisé que sa collaboration avec son mari a été particulièrement enrichissante sur 'Frida', puisque Goldenthal a parfois réussi à donner une orientation musicale à certaines scènes où la réalisatrice ne savait pas quel type de musique devait alors être utilisé. Le compositeur s'est à son tour réellement investi dans le film, créant une orientation musicale bénéfique pour le film et son ambiance à la fois mélancolique et poétique dans laquelle la musique a joué un rôle déterminant, preuve qu'une musique de film n'est en rien accessoire ou mineur dans un film, surtout lorsqu'on la confie à des personnes de goût qui expriment toute leur passion pour leur art. Du point de vue des touches fantaisistes du score de 'Frida', l'album exclut malheureusement un superbe morceau jazzy agressif et survolté entendu dans la scène où Diego peint le mur du Rockefeller Center aux Etats-Unis, Goldenthal utilisant une batterie, pizz de contrebasse, section de cuivres frénétiques avec saxophone et piano, le tout dans un style free-jazz/swing qui n'est pas sans rappeler certaines expérimentations jazzy du compositeur sur 'Titus'. Evidemment, le morceau rompt brutalement avec le reste du score, donnant à la scène une certaine tension particulièrement intéressante, preuve du talent d'expérimentateur du compositeur. On s'enfonce dans l'obscurité avec le sinistre 'Estrella Oscura' qui évoque les tourments et la souffrance de Frida dans une atmosphère quasi cauchemardesque où se mélangent la voix de Lila Downs, les voix lointaines, les cordes et les sonorités électroniques dissonantes qui renforce alors la dimension plus psychologique du film. Soucieux de ne pas trop assombrir le film plus qu'il ne l'est déjà, Goldenthal revient très vite à son matériel thématique/mélodique comme dans 'Still Life' où il reprend le très beau 'Love Theme' mélancolique joué ici par un piano solitaire. Finalement, l'histoire se conclut au son du tourmenté 'Burning Bed' - scène où le lit de Frida brûle, évoquant de manière quasi hallucinée l'artiste qui se consume dans son art. On notera ici l'utilisation d'arpèges de cordes avec la guitare pour l'un des plus beaux passages du score, hélas bien trop bref pour qu'on puisse l'apprécier à sa juste valeur dans le film. 'Burn It Blue' conclut le film avec une chanson écrite par Goldenthal et interprété ici avec justesse par le grand Caetano Veloso et Lila Downs dans une sorte d'ultime pensée musicale dédiée à Frida Kahlo (à noter le mélange paroles anglaises/mexicaines évoquant une nouvelle fois cette idée de mélange des cultures). Les paroles, signées Julie Taymor, nous renvoient à la romance passionné entre Frida et Diego, une idée déjà présente dans la musique puisque le duo Caetano Veloso/Lila Downs est déjà en soi très évocateur. Voilà en tout cas la conclusion parfaite pour une oeuvre de qualité, émouvante, intimiste, mélancolique et entraînante, où se résume toute la passion du compositeur pour son art à travers les images raffinées du film de Julie Taymor. Il faut croire que les efforts de Goldenthal ont frappés les esprits (et les oreilles) puisque le compositeur a été dignement récompensé d'un oscar pour sa partition pour 'Frida'. On serait d'ailleurs en droit de se dire qu'il est honteux que ce grand compositeur n'ait pas été récompensé plus tôt pour une oeuvre majeure comme 'Alien3', mais l'on pourra néanmoins se consoler en se disant que même l'académie a remarqué et apprécié son travail, ce qui, généralement, est un signe de qualité. Evidemment, 'Frida' n'a ni le génie ni la puissance musicale de 'Alien3' et encore moins le potentiel artistique et expérimental de 'Titus' ou le raffinement baroqueux et atonal de 'Interview with the Vampire'. La plupart des fans du compositeur risquent fort de rester sur leur faim à la première écoute de cette musique dans le film, surtout ceux qui sont habitués à son style orchestral atonal/chaotique/expérimental habituel. Mais Goldenthal est un musicien éclectique ouvert à tous les genres musicaux, et 'Frida' lui a enfin donné l'occasion de changer de registre et de s'exprimer dans une ambiance musicale plus intimiste, lyrique et minimaliste, sans négliger pour autant ses traditionnelles touches fantaisistes plus insolites, apportant finalement au film une poésie rare et poignante. Il serait donc particulièrement dommage de faire l'impasse sur une partition d'une telle beauté et d'une telle qualité, même si 'Frida' n'est pas le chef-d'oeuvre que fut en son temps 'Alien3' dans sa propre catégorie (un score génial qui aurait très nettement du recevoir un oscar!). Voilà en tout cas de quoi raviver la passion des béophiles pour l'art d'Elliot Goldenthal, un musicien passionnant (et passionné) qui, décidément, n'a pas fini de nous surprendre et de nous faire rêver! ---Quentin Billard |