1-Introduction 1.32
2-Young Alexander 1.36
3-Titans 3.59
4-The Drums of Gaugamela 5.19
5-One Morning at Pella 2.11
6-Roxane's Dance 3.25
7-Eastern Path 2.58
8-Gardens of Delight 5.23
9-Roxane's Veil 4.40
10-Bagoas' Dance 2.28
11-The Charge 1.40
12-Preparation 1.41
13-Across The Mountains 4.12
14-Chant 1.38
15-Immortality 3.18
16-Dream of Babylon 2.41
17-Eternal Alexander 4.37
18-Tender Memories 2.59

Musique  composée par:

Vangelis

Editeur:

Sony Classical SK 92942

Produit par:
Vangelis

Artwork and pictures (c) 2004 Warner Bros. All rights reserved.

Note: ****
ALEXANDER
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Vangelis
Pour un sujet aussi démesuré, il fallait un film totalement démesuré! C’est ce que semble avoir parfaitement compris Oliver Stone, qui rêvait depuis longtemps de mettre en scène la vie d’Alexandre le Grand (Colin Farrell), célèbre conquérant macédonien qui soumit la Grèce révoltée et réunit le peuple autour de son pouvoir, avant d’entamer une vie de conquêtes grandioses. Pour Oliver Stone, résumer une vie aussi exceptionnelle en 2h50 était une vraie gageure, mais c’est néanmoins le pari qu’a tenté de relever fièrement le réalisateur. On suit ainsi la naissance d’Alexandre en 356 avant J.C. à Pella en Macédoine, fils du roi Philippe II (Val Kilmer) et d’Olympias (Angelina Jolie), fille du roi des Molosses en Epire. Au cours de son enfance, Alexandre est élevé et formé par le philosophe grec Aristote (Christopher Plummer), qui lui inculque les principales valeurs morales, politiques et philosophiques. A 16 ans, Alexandre devient régent du pays alors que son père est parti au combat. A l’âge de vingt ans, Philippe II est assassiné. Alexandre devient ainsi le nouveau roi de Macédoine. Après avoir contré les révoltes de certaines citées grecques, Alexandre part pour l’Asie où il affronte bravement les troupes du roi des Perses Darius III et conquiert progressivement les régions côtières de l’Asie mineure. Arrivé en Egypte et dans le Delta du Nil, Alexandre bâtit une nouvelle citée intitulée ‘Alexandrie’. De retour en Mésopotamie, il combat une nouvelle fois Darius III et le défait au cours de la célèbre bataille de Gaugamèle. Il s’installe alors en Perse et tente de respecter les coutumes et les cultures perses en associant son peuple à la culture Perse, et ce malgré les vives protestations de ses généraux qui ne comprennent pas son attitude, qui marque le début de certaines tensions entre Alexandre et ses généraux, dont deux seront tués par la suite par Alexandre lui-même. En 327 avant J.C., il épouse Roxane (Rosario Dawson), fille d’Oxyartes et prend ensuite la route des Indes. Après avoir traversé l’Indus, Alexandre affronte les troupes du roi Poros. S’engage alors une terrible bataille particulièrement sanglante qui sera marqué par la mort de son fidèle cheval Bucéphale et se conclura en un véritable carnage, autant pour les troupes de Poros que pour celle d’Alexandre, blessé au cours de ce combat. Epuisés, affamés et en nombre inférieur, les hommes d’Alexandre veulent revoir leurs familles et leurs patries et insistent violemment pour revenir en Macédoine. Alexandre finit par céder et retourne dans son pays natal en 324 avant J.C., où il perd Héphaïstion (Jared Leto), son fidèle ami qui se trouve être son amant. Bouleversé, Alexandre lui organise des funérailles grandioses et commence à sombrer dans la déprime. En 323 avant J.C., au moment où il envisage de mener de nouvelles conquêtes vers les côtes arabes du Golfe persique, Alexandre meurt subitement à l’âge de 33 ans, à la suite de terribles fièvres probablement dues à un empoisonnement. Ses généraux se disputent violemment le partage de son immense empire.

‘Alexander’ est un film épique dans le sens propre du terme, un film grandiose mené de main de maître par un réalisateur passionné et transporté par son sujet. Malgré le côté excessivement long et démesuré de l’entreprise (2h50 pour un film n’évitant évidemment pas des longueurs), ‘Alexander’ est un film passionnant marqué par un casting de qualité, une mise en scène soignée – même si les batailles paraissent brouillonnes – et une musique inspirée. Pour Oliver Stone, l’autre grand défi était bien évidemment de trouver un acteur à la hauteur du personnage mythique d’Alexandre le Grand. On envisagea à l’origine Tom Cruise et Heath Ledger avant de choisir Colin Farrell qui a démontré toute l’étendue de son talent en campant un Alexandre passionné et grandiose. Pour le reste, Stone s’est entouré d’une solide équipe de techniciens, de conseilles historiques et militaires. Pour finir, on pourrait citer quelques chiffres pour résumer l’ampleur de la tâche. ‘Alexander’, c’est 20000 pièces de vêtements dessinées pour les besoins du film, 1500 figurants pour camper les soldats d’Alexander durant les principales scènes de bataille, quatre mois pour reconstituer la gigantesque ville mythique de Babylone, 150 million de dollars de budget, etc. C’est la seconde fois qu’un cinéaste illustre la vie d’Alexandre le Grand à l’écran, puisqu’en 1957, Robert Rossen avait déjà tourné ‘Alexander The Great’ avec Richard Burton dans le rôle du conquérant mythique. Coïncidence, au même moment où Oliver Stone commençait à mettre en chantier son film, le réalisateur Baz Luhrmann eut aussi l’idée d’adapter à l’écran la vie d’Alexandre, mais son projet, qui n’en est encore aujourd’hui qu’au stade de l’écriture, ne se réalisera peut-être jamais. C’est dire en tout cas l’intérêt que suscite ce grand personnage de l’Histoire auprès des gens du 7ème art. Le film de Stone a néanmoins été très nettement critiqué pour ses nombreuses longueurs et la façon dont le réalisateur a osé montrer la relation homosexuelle entre Alexandre et Héphaïstion, ce qui a évidemment choqué les mentalités ‘bien pensantes’ américaines et qui est aussi à l’origine de la censure du film en Grèce, où l’on a décidé de bannir le film, les grecs prétextant qu’il trahissait soi-disant la figure mythique d’Alexandre le Grand. Pourtant, tout est montré ici: les ambitions démesurées d’Alexandre, ses conquêtes grandioses, son souci de ne jamais détruire les cultures des peuples qu’il conquiert, ses idéaux d’un empire puissant et uni à travers une bonne partie de la planète, l’amour fou d’Alexandre pour son amant (suggérée avec une infime poésie dans le film), son appétit de conquête, ses tensions incessantes avec ses généraux, etc. Voilà en tout cas un film épique et grandiose, un film excessivement long et lourd mais absolument colossal, dur, sombre et beau à la fois. On aura rarement vu à l’écran un portrait aussi réaliste et intense de la vie d’une figure mythique de l’Histoire de l’humanité. Imparfait et parfois excessivement lourdingue, ‘Alexander’ n’en demeure pas moins une vraie réussite dans son genre, une expérience cinématographique qui ne laisse pas indifférent!

Un tel sujet ne pouvait qu’être mis en musique par un compositeur habitué à illustrer des récits grandioses de personnages hors du commun. Ainsi, ‘Alexander’ marqua le retour du grand Vangelis qui, après s’être fait discret pendant de très nombreuses années, revient sur le devant de la scène pour une partition orchestrale/électronique absolument grandiose. Le compositeur grec, qui avait connu un succès phénoménal avec le célèbre ‘1492 Conquest of Paradise’, a puisé dans le film d’Oliver Stone toute son inspiration afin d’accoucher d’une nouvelle grande partition qui a autant séduite ses fans qu’elle a déconcerté les autres. Moins originale et nettement plus stéréotypée que la musique de ‘1492’, la partition de ‘Alexander’ se veut pourtant comme le reflet musical quasi parfait de la grandeur du célèbre personnage incarné par Colin Farrell. Il faut dire que Vangelis a du se sentir relativement concerné par le sujet étant donné ses origines grecques. En tout cas, on ne doute pas un seul instant que le compositeur a ressenti un certain plaisir à faire partie d’une telle aventure, comme nous le prouve la qualité de sa nouvelle partition maîtrisée de bout en bout. Utilisant un orchestre symphonique traditionnel auquel viennent se greffer les traditionnels synthétiseurs chers au compositeur, la musique de ‘Alexander’ pourrait se voir comme le parfait continuateur de la précédente grande expérience musicale du compositeur pour ‘Mythodea’, grand spectacle organisé par le musicien et son équipe pour illustrer la mission de la NASA pour ‘Mars Odyssey’ en 2001.

La musique d’Alexander est aussi colossale et grandiose que ne l’est le film d’Oliver Stone. Comme dans ‘1492’, la partition utilise un thème principal mémorable sous la forme d’un hymne comme Vangelis les affectionne tant. Ce thème grandiose, c’est ‘Titans’, hymne soutenu par des cordes énergiques sur fond d’ostinato de percussions, de synthé et d’un choeur d’hommes majestueux. Ce thème s’articule autour d’un motif de 3 notes répétées qui sert de base à la mélodie héroïque associée à Alexandre. Le morceau est entendu dans le film lorsque Alexandre reçoit un accueil triomphant à son entrée dans Babylone. Inutile de préciser que l’on retrouve ici le grand Vangelis épique du ‘Conquest of Paradise’ de ‘1492’ même si ‘Titans’ est loin de posséder le côté universel et ample du mythique thème principal pour le film de Ridley Scott. ‘Introduction’ ouvre le film de manière majestueuse en annonçant à travers une variante le thème de ‘Titans’. Le compositeur utilise ici ses synthétiseurs atmosphériques et majestueux lorsque Ptolémée se lance dans son récit de la vie d’Alexandre, une introduction calme qui annonce malgré tout une très grande aventure hors du commun. ‘Young Alexander’ confirme le côté épique de la partition en unissant lors d’un magnifique morceau orchestre, choeurs et synthétiseurs pour la scène où le jeune Alexandre chevauche pour la première fois son fidèle cheval, Bucéphale. Le morceau possède une beauté vibrante qui nous renvoie clairement aux grands moments de ‘1492’. On regrettera néanmoins que ces morceaux soient souvent trop brefs sur l’album catastrophique de la musique de ‘Alexander’, qui, comme toujours chez Vangelis, ne respecte nullement la musique telle qu’on l’entend dans le film et omet énormément de musiques toutes aussi magnifiques, une déception qui rend l’album extrêmement frustrant et nous laisse sur notre faim (plus de la moitié de la musique entendue dans le film est absente du CD!).

‘The Drums of Gaugamela’ est quand à lui plus représentatif de la musique qu’on entend dans le film pour les deux grandes séquences de bataille. Ici, le morceau accompagne avec fureur et intensité la séquence où les troupes d’Alexandre affrontent celles de Darius III à Gaugamèle. Le morceau s’articule sur des cuivres massifs (souvent samplés), un ostinato de percussions électroniques renforçant le côté guerrier et sauvage de la musique, sans oublier l’utilisation de choeurs de d’une chorale de femmes bulgares qui apporte une touche ethnique intéressante tout au long de cette musique de bataille. L’ostinato de percussions peut paraître ici plutôt abrutissant et répétitif, mais il renforce néanmoins l’intensité de la bataille avec une certaine maestria. A noter une très belle envolée héroïque lorsque Alexandre et ses troupes chargent fièrement contre ses adversaires. De la même façon, ‘Preparation’ évoque les préparatifs de la bataille sur fond d’un ostinato de tambours martiaux hérité une fois de plus du ‘Mars’ des ‘Planètes’ de Holst. On regrettera ici le fait que les tambours soient samplés et sonnent comme des percussions MIDI plutôt cheap, une faute de goût que l’on excusera néanmoins, étant donné l’intensité de la musique à l’écran, captant toute la tension des préparatifs de l’immense bataille. De la même façon, ‘The Charge’ illustre avec férocité la bataille contre Poros à l’aide de percussions martiales, d’un orchestre et d’un choeur épique et sombre captant toute l’intensité dramatique de ce véritable carnage (le morceau paraît hélas bien plus court et terne sur l’album!).

Le reste du score se partage entre moments épiques et grandioses et morceaux plus atmosphériques parsemés de touches ethniques. C’est le cas par exemple de ‘Roxane’s Dance’, accompagnant la scène où Roxane entame sa danse sensuelle auprès d’Alexandre, qui finit par succomber à son charme. Vangelis utilise ici une flûte orientale sur fond de percussions arabisantes et de nappes de synthé. D’une façon similaire, ‘Eastern Path’ nous plonge dans une atmosphère plus méditative à l’aide d’un duduk sensuel sur fond de nappes de synthé, sans oublier ‘Gardens of Delight’ illustrant les jardins suspendus de Babylone à l’aide d’une voix féminine orientale avec harpe, percussions et synthés. Idem pour ‘Bagoa’s Dance’ pour une autre scène de danse où Vangelis utilise diverses percussions orientales avec des rythmes qui, curieusement, évoquent certains passages de ‘The Bourne Identity’ de John Powell. Reste ‘Roxane’s Veil’ qui jure un peu avec le reste de la partition, accompagnant la scène d’amour entre Alexandre et Roxane à l’aide d’une petite rythmique électronique, de nappes de synthé et d’un violon interprété par la célèbre violoniste classique Vanessa Mae. On pourra peut-être regretter ici l’intrusion de ce morceau électro/synthé qui n’a pas grand chose à voir avec le reste de la partition, même s’il possède néanmoins un côté méditatif assez plaisant avec la scène en question. Reste que l’on se serait néanmoins bien passé de la plupart des ces morceaux arabisants qui n’apportent pas grand chose de plus à la partition. Il aurait certainement été plus judicieux de faire entendre les passages hymniques et grandioses et la multitude de morceaux atmosphériques que semble avoir injustement écarté Vangelis sur son album.

On pourra néanmoins se consoler avec des morceaux splendides comme ‘Across The Mountains’, ‘Dream of Babylon’ ou ‘Eternal Alexander’. Le premier accompagne la scène où Alexandre et ses troupes franchissent les montagnes pour rejoindre l’Inde afin de livrer une bataille ultime contre le roi Poros. Avec son ostinato de cordes/timbales, ‘Across The Mountains’ illustre la détermination et l’appétit de conquête d’Alexandre, idée renforcée par la très belle utilisation de choeurs grandioses associées à la grandeur du mythique conquérant. ‘Dream of Babylon’ permet quand à lui de réentendre le superbe thème héroïque de ‘Titans’ pour l’entrée triomphante d’Alexandre à Babylone. ‘Eternal Alexander’ reste quand à lui un hymne poignant à Alexandre, entendu après sa mort, symbolisant son statut d’immortalité tout en évoquant le fait que l’Histoire se souviendra à tout jamais de lui. L’orchestre et les choeurs s’unissent de manière vibrante pour un dernier hymne adressé au ‘grand’. En revanche, ‘Chant’ et ‘Immortality’ s’avère être beaucoup plus sombre, accompagnant les derniers instants d’Alexandre avant sa mort. ‘Immortality’ se distingue par le côté sombre des cordes et du choeur, qui résonnent ici de manière funèbre et douloureuse, renforçant intensément le côté dramatique et extrêmement sombre de cette séquence.

Vous l’aurez compris, ‘Alexander’ est le nouveau chef-d’oeuvre de Vangelis qui a sut trouver dans les puissantes images du film d’Oliver Stone toute son inspiration en nous offrant une nouvelle partition épique et monumentale d’une qualité rare. On pourra regretter le fait que la musique s’avère être bien moins riche et audacieuse que celle du ‘1492’ de Ridley Scott qui, décidément, reste inégalée à jamais, y compris par le compositeur lui-même. Malgré son manque d’originalité flagrant et son côté parfois un brin répétitif dans le film, la musique d’Alexander a parfaitement sut capter toute la grandeur et la complexité du personnage d’Alexandre le Grand, retranscrivant avec brio ses exploits, sa bravoure, ses triomphes, ses tourments et ses échecs. On n’en attendait pas moins de la part d’un Vangelis qui, décidément, se fait de plus en plus rare de nos jours! Reste que, comme ‘1492’, ‘Blade Runner’ et bien d’autre, l’album est une véritable déception qui ne rend absolument pas hommage à la musique du film et délaisse près de 60% du score. Reste que si l’on veut se faire une idée exacte de l’immensité de cette nouvelle partition, il faudra éviter de l’écouter sur CD ou attendre une éventuelle édition complète. Malgré cela, ‘Alexander’ reste sans aucun doute le nouveau chef-d’oeuvre de Vangelis!


---Quentin Billard