1-Main Title 3.12
2-The Passion Theme 4.49*
3-The Funeral 3.30
4-The House Boat 4.34
5-Hot Wax and Champagne 5.38
6-The Fight 3.05
7-The Handcuffs 4.21+
8-The Parking Garage 2.57
9-Waiting for the Jury 3.19
10-Confrontation 1.39
11-Karma/End Credits 4.06

*Interprété par Warren Hill
Ecrit par Graeme Revell,
Jeff Silbar et Warren Hill
Produit par Peter Bunetta,
Rick Chudacoff
et David Franco
+Paroles de Darlene Koldenhoven.

Musique  composée par:

Graeme Revell

Editeur:

Milan Records
74321 12720-2

Produit par:
Graeme Revell
Montage de la musique:
Dick Bernstein
Programmation des synthés:
Graeme Revell
Producteur exécutif de la musique:
Stuart Boros
Supervision et production
de l'album:
David Franco

Artwork and pictures (c) 1993 De Laurentiis/MGM. All rights reserved.

Note: ***
BODY OF EVIDENCE
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Graeme Revell
Les thrillers érotiques ont connus leurs beaux jours à la fin des années 80 et tout au long des années 90, que ce soit ‘Sea of Love’ (1989), ‘Basic Instinct’ (1992), ‘Guilty as Sin’ (1993), ‘Love Crimes’ (1992) ou ‘Jade’ (1995). ‘Body of Evidence’ (1993) fait partie de ce type de thriller qui mêle meurtre, sexe et énigme policière sur fond de film de procès. Réalisé par l’allemand Uli Edel, ‘Body of Evidence’ met en scène Madonna dans l’un de ses rôles les plus sulfureux, taillé sur mesure pour la pop star adepte de la provocation. A Portland dans l’Oregon, un milliardaire du nom d’Andrew Marsh (Michael Forest) est retrouvé mort dans son lit, menotté, alors qu’il était en train de regarder une vidéo de ses exploits sexuels/sado-masochistes avec son amante, Rebecca Carlson (Madonna). Après avoir interrogé la secrétaire de Marsh, Joanne Braslow (Anne Archer), le procureur Robert Garrett (Joe Mantegna), totalement convaincue de la culpabilité de Rebecca, décide de faire condamner cette dernière pour meurtre, avec comme mobile les 8 millions de dollars qui lui étaient destiné après que son défunt amant ait changé les clauses de son testament. Rebecca ne nie pas avoir eu une relation sexuelle avec Andrew Marsh, mais en revanche, elle affirme n’être pour rien la cause de la mort de son amant (l’homme, plutôt âgé, souffrait d’un grave état cardiaque). Son avocat, Frank Dulaney (Willem Dafoe), peine à croire à l’innocence de sa cliente qui reste la coupable idéale, mais pourtant, il va finir par se laisser convaincre et va la défendre avec ardeur au cours du procès. Mais entre Frank et Rebecca se joue désormais un jeu pervers et dangereux, Frank se sentant irrésistiblement attiré par sa cliente qui l’initie aux pratiques sado-masochistes et à des jeux érotiques pervers en tout genre. Le procès s’annonce difficile, d’autant que Rebecca s’avère être une fieffée manipulatrice.

‘Body of Evidence’ s’avère être un thriller érotique sans surprise, reposant sur l’intrigue d’un meurtre sur fond de passion charnel et de pratiques sado-masochistes. Uli Edel recycle les formules habituelles du genre sans grande conviction, même si le réalisateur s’avère être particulièrement à l’aise avec sa mise en scène. Evidemment, Madonna reste l’attraction majeure du film, la pop star s’adonnant ici à une série de jeux érotiques sulfureux, entre fantasmes et perversions, une façon pour l’actrice/chanteuse de concrétiser son travail entrepris dans son fameux ouvrage ‘Sex’ (livre qui explicitait déjà de façon racoleuse et parfaitement vulgaire la sexualité débridée et provocatrice de la pop star). Du coup, le film se résume à une succession lourdingue de plans racoleurs qui transforment le long-métrage d’Uli Edel en un vulgaire film X sans grand intérêt. Pourtant, l’alchimie fonctionne assez bien entre Madonna/Willem Dafoe, avec une scène érotique quasi anthologique, celle où Rebecca fait couler de la cire de bougie sur le corps de Frank. Gratuites, ces scènes n’apportent finalement pas grand chose à l’intrigue du film et alourdissent considérablement un scénario banal et sans surprise (le rebondissement final est très prévisible!). On en vient même à se demander comment d’excellents acteurs comme Frank Langella, Jürgen Prochnow ou Julianne Moore ont pu accepter de tourner dans un film aussi minable (‘Body of Evidence’ a quand même reçu plusieurs ‘Razzie Awards’ en 1993, récompensant les plus mauvais films de l’année), qui n’est rien d’autre qu’un banal film érotique doublé d’une intrigue policière, et non un film policier doublé d’une intrigue érotique. Malgré quelques moments forts, ‘Body of Evidence’ ne pourra certainement pas prétendre rivaliser avec le ‘Basic Instinct’ de Paul Verhoeven, sorti un an auparavant sur un sujet vaguement similaire.

Le score de Graeme Revell pour ‘Body of Evidence’ s’affirme dans la continuité de son précédent travail sur le thriller ‘The Hand That Rocks the Cradle’ (1992). On retrouve ainsi les orchestrations froides et sombres de sa précédente partition thriller avec le concours du ‘Munich Philharmonic Orchestra’ (à noter que, exceptionnellement, Revell a assumé une partie des orchestrations aux côtés de son fidèle orchestrateur, Tim Simonec), dominé par des cordes et des vents sombres qui créent une ambiance psychologique plutôt adéquate. La partie orchestrale est complétée par une bonne dose de synthétiseurs, avec en particulier la basse électrique d’Eberhard Weber et quelques nappes de synthé plus atmosphériques. Pour finir, Revell fait aussi appel à quelques solistes comme le saxophoniste Warren Hill, la guitare et quelques voix féminines afin de recréer musicalement l’ambiance érotique du film d’Uli Edel. Le ‘Main Title’ du score pose d’emblée le ton de la partition (et du film) avec des cordes mystérieuses renforcées par des voix féminines envoûtantes et la guitare soliste aux accents vaguement hispanisants, suivie de quelques notes de guitare basse électrique. Ce sont les cordes qui suggèrent ici l’atmosphère thriller du film avec des orchestrations de qualité témoignant du savoir-faire de Revell et de Tim Simonec (on est très proche ici du style de ‘The Hand That Rocks The Cradle’). Le saxophone de Warren Hill apparaît au cours de la seconde partie du film pour un premier solo accompagné par un orchestre sombre, suggérant ici les premiers ébats sexuels de Rebecca Carlson. Le thème principal s’avère être le ‘Passion Theme’, décrivant la relation passionnelle, charnelle et orageuse entre Rebecca et Frank. Le morceau permet au saxophoniste de s’offrir un joli solo le temps d’un slow romantique un brin kitsch sur fond de basse électrique, batterie, cordes et clavier électrique, ‘The Passion Theme’ s’avérant être finalement un brin trop mielleux et ringard vis-à-vis de l’ambiance chaude et malsaine du film d’Uli Edel (on a du mal à ressentir dans ce thème le côté destructeur de la relation charnelle entre Rebecca et son avocat).

Si l’on peut considérer ‘The Passion Theme’ comme une éventuelle faute de goût de la part du compositeur, ‘The Funeral’ rassure d’emblée quand à la suite des évènements, le morceau accompagnant la scène des funérailles d’Andrew Marsh au début du film d’une façon plutôt sombre et mystérieuse à l’aide des cordes et des vents qui créent ici un certain sentiment d’ambiguïté et de doute au sujet de Rebecca Carlson, qui assiste à l’enterrement du vieil homme alors qu’elle est elle-même soupçonnée de l’avoir assassinée. La tension se fait alors grandement ressentir à travers la musique atmosphérique de Revell. La partition de ‘Body of Evidence’ se prolonge ainsi en alternant entre passages atmosphériques sombres et morceaux plus passionnés à l’ambiance 100% sensuelle garantie, comme en témoigne ‘The House Boat’ lorsque Frank se rend pour la première fois dans la maison de Rebecca et fait l’amour avec elle. La voix féminine (symbolisant le personnage de Madonna) est ici accompagnée par la basse électrique et les cordes (on appréciera l’écriture des cordes solistes à la fin du morceau, qui renforce le côté sombre et envoûtant de la musique). Mais le morceau le plus érotique et le plus sensuel reste sans aucun doute celui accompagnant la fameuse scène de la cire de bougie que verse Rebecca sur le corps de Frank au cours d’un jeu sexuel particulièrement pervers. Dans ‘Hot Wax & Champagne’, la basse électrique soliste introduit la scène sur un ton mystérieux tandis que les cordes accentuent le côté pervers de la scène avec le concours des synthés et de la guitare. D’une façon similaire, ‘The Handcuffs’ accompagne une scène de domination sexuelle entre Rebecca et son avocat à l’aide d’un motif de clavier électrique, de cordes et de la basse, le tout accompagné par un étrange choeur féminin chantant sur des paroles latines, témoignant ici du style plus expérimental du Graeme Revell du début de la fin des années 80 et du début des années 90 (cf. ‘Dead Calm’ ou ‘The Crow’). L’intervention inattendue du choeur féminin crée ici une ambiance particulière au cours de cette scène d’amour charnelle et violente, les voix féminines imposant un sentiment de trouble, de malaise, de mystère, même si la musique elle même ne suggère pas vraiment la violence de cet énième jeu sexuel pervers.

Dans le même ordre d’idée, ‘The Parking Garage’ illustre la scène d’amour dans le parking souterrain de façon très sombre et envoûtante à l’aide de percussions électroniques, de synthés, de la basse, du saxophone et d’un entêtant motif de marimba électronique qui évoque à merveille ici l’obsession charnelle de Frank pour sa cliente particulièrement perverse. On regrettera cependant le côté un peu stéréotypé de la musique, qui n’échappe pas toujours aux conventions des thrillers érotiques/série-B (synthé, saxophone, guitare basse, voix féminine sensuelle, etc.). On revient au style plus sombre et atmosphérique du score dans ‘Waiting for The Jury’ lorsque Rebecca et Frank attendent le verdict final du jury, le morceau se concluant de façon plus paisible avec un retour de la guitare soliste du ‘Main Title’. La partie thriller paraît du coup plus évidente dans ‘Confrontation’ où Revell laisse l’orchestre s’exprimer, tandis que le compositeur nous gratifie dans ‘The Fight’ d’un bref mais très excitant morceau d’action pour l’affrontement final dans la maison de Rebecca, où l’orchestre se déchaîne à l’aide de cordes tendues, de vents sombres et de percussions brutales, la coda calmant le jeu dans ‘Karma – End Credits’ où la guitare soliste mélancolique introduit une suite du score incluant le ‘Main Title’, ‘The Parking Garage’ et ‘The House Boat’ pour conclure le film, la boucle étant bouclée.

Si vous appréciez les partitions atmosphériques/mystérieuses du Graeme Revell du début des années 90, vous devriez trouver un certain intérêt à l’écoute de sa partition pour ‘Body of Evidence’. Mais, en dehors de quelques bonnes idées typiques du compositeur à une période où il s’autorisait encore quelques fantaisies musicales, le score de ‘Body of Evidence’ n’échappe malheureusement pas aux conventions des musiques érotiques/sensuelles avec son lot de voix féminines, de sonorités envoûtantes et d’un saxophone un peu trop connoté. Du coup, on a quasiment parfois l’impression d’écouter la musique d’une série-B érotique sans grande imagination, même si Revell arrive à y échapper de justesse en accentuant le côté sombre et mystérieux de sa musique (avec quelques passages parfois assez troublants). Voilà en tout cas une partition assez étonnante et réussie de la part de Graeme Revell, qui apporte beaucoup au film d’Uli Edel mais qui n'a finalement rien d'une oeuvre indispensable, un score atmosphérique et sensuel à réserver en priorité aux fans du compositeur.


---Quentin Billard