1-Sin City 1.55*
2-One Hour To Go 2.12*
3-Goldie's Dead 2.16**
4-Marv 2.10+
5-Bury The Hatchet 2.40**
6-Old Town Girls 0.45+
7-The Hard Goodbye 4.32**
8-Cardinal Sin 2.15+
9-Her Name is Goldie 1.01**
10-Dwight 2.11***
11-Old Town 3.16++
12-Deadly Little Miho 2.58++
13-Warrior Woman 2.19***
14-Tar Pit 2.12***
15-Jackie Boy's Head 0.36***
16-The Big Fat Kill 3.17***
17-Nancy 1.45*
18-Prison Cell 1.49*
19-Absurd 3.41#
20-Kiss of Death 1.58*
21-That Yellow Bastard 1.36*
22-Hartigan 1.44*
23-Sensemaya 5.59##
24-End Titles 3.16*

*Composé par Robert Rodriguez
**Composé par Graeme Revell
***Composé par John Debney
+Composé par Graeme Revell
et Robert Rodriguez
++Composé par
John Debney et
Robert Rodriguez
#Interprété par Fluke
##Ecrit par Silvestre Revueltas
Interprété par le
New Philharmonic Orchestra
Conduit par Eduardo Mata.

Musique  composée par:

Robert Rodriguez/
Graeme Revell/
John Debney

Editeur:

Varèse Sarabande
VSD-6644

Producteur exécutif:
Robert Townson
Coordinateur du score:
Lola Debney

American Federation of Musicians.

Artwork and pictures (c) 2005 Miramax Film Corp. All rights reserved.

Note: ***
SIN CITY
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Robert Rodriguez/
Graeme Revell/
John Debney
Pour son nouveau film, Robert Rodriguez crée la surprise en s’associant avec le célèbre auteur de comics books Frank Miller pour une transposition cinématographique totalement fidèle de la fameuse bande dessinée de Miller, ‘Sin City’. Relevant d’une démarche foncièrement jusqu’au-boutiste, ‘Sin City’ nous dévoile un univers urbain ténébreux et déshumanisé, où règne les criminels, les bandits de tout poil, les flics brutaux et les prostituées armées jusqu’aux dents. Rodriguez a donc décidé d’aller jusqu’au bout de son idée en confiant une partie de la réalisation du film à Frank Miller – qui est d’ailleurs crédité au générique - et ce malgré les contestations de la DGA (Directors’ Guild of America), ce qui obligea Rodriguez à quitter la guilde des cinéastes américains pour avoir un maximum de liberté sur son film, ayant réussi à trouver l’appui financier nécessaire auprès des producteurs de Miramax, Bob Weinstein et Harvey Weinstein, qui se trouvent être deux amis du réalisateur. Rodriguez endossa aussi la casquette de directeur de la photographie, chef monteur, producteur et assura une partie du mixage des bruitages sonores et des effets visuels, qu’il réalisa majoritairement chez lui, devant son ordinateur, sans oublier qu’il est aussi l’auteur d’une bonne partie de la musique entendue dans le film (que de talents pour un seul homme!). Et comme si cela ne suffisait pas, Rodriguez a fait appel à un de ses meilleurs amis qui n’est autre que Quentin Tarantino, qui, à la demande amicale de Rodriguez, a tourné une scène du film en étant rémunéré 1 dollar seulement, en souvenir du fait que Rodriguez avait écrit une partie de la musique de ‘Kill Bill Volume 2’ de Tarantino pour un dollar. A noter que le film est soutenu par un casting proprement hallucinant, que l’on pourrait surnommer ‘le festival des stars’, puisqu’il réunit de façon presque insolite Bruce Willis, Mickey Rourke, Jessica Alba, Clive Owen, Nick Stahl, Powers Boothe, Rutger Hauer, Elijah Wood, Rosario Dawson, Benicio Del Toro, Brittany Murphy, Michael Clarke Duncan, Carla Gugino, Alexis Bledel, Josh Hartnett, Michael Madsen et même Frank Miller lui-même dans le rôle d’un prêtre dans la seconde histoire avec le personnage du brutal Marv, interprété par Mickey Rourke (qui marque ici son grand retour au cinéma après un rôle secondaire dans ‘Desperado 2’, précédent film de Rodriguez). On reste quand même étonné du fait que les trois acteurs fétiches de Rodriguez, Salma Hayek, Danny Trejo et Cheech Marin, n’aient pas été de la partie cette fois-ci.

‘Sin City’, c’est donc incontestablement un film de ‘potes’, un film artisanal qui repousse les limites cinématographiques en nous proposant une transposition fidèle de la BD de Miller. Ainsi, les acteurs ont tous entièrement tourné le film devant une caméra numérique sur fond d’écran bleu, tous les décors ayant été ensuite rajoutés par ordinateur, comme l’avait fait récemment Kerry Conran pour ‘Sky Captain and The World of Tomorrow’. Afin de rester fidèle à cet univers violent de flics ripoux, de bandits de tous poils et de prostituées meurtrières, Rodriguez a tenu à conserver le ton noir et blanc de la BD en jouant sur les différents registres du gris et des effets de couleurs assez insolites pour un film, ce qui donne au final une esthétique graphique et visuelle exceptionnelle pour un film hollywoodien de ce genre. On retrouve aussi cette ambiance parfaitement héritée des films noirs des années 50 et des ‘pulps’ à l’ancienne, ces publications sur du papier en pâte de bois très populaire aux Etats-Unis qui relatent bien souvent des genres sensationnels (horreur, science-fiction, polar, etc.). Pour le reste, ‘Sin City’ est un mélange de violence pure et de sexe comme on en a rarement vu ces derniers temps dans le cinéma américain, et qui fait de ‘Sin City’ un film brutal et sans concession bien loin des conventions hollywoodiennes traditionnelles. On peut même dire que le film plonge à de nombreuses reprises dans une surcharge de violence gratuite et de gore sadique pas toujours nécessaire, même si la faute en incombe plus à Frank Miller qu’à Robert Rodriguez, qui n’a fait que retranscrire à la lettre l’oeuvre d’origine - on peut même se demander s’il n’aurait pas été préférable de réadapter différemment les histoires dans le film, en tenant réellement compte de l’apport du cinéma plutôt que d’essayer absolument de faire rentrer le contexte ‘BD’ dans le film.

Le point faible du film se trouve d’ailleurs là, dans le sens où il n’a finalement pas grand chose à raconter, les différentes histoires, reprises des différents épisodes du comics de Miller (citons pêle-mêle ‘Sin City’, ‘The Big Fat Kill’, ‘That Yellow Bastard’, etc.), se limitant bien souvent à une intrigue basique (un personnage se retrouve confronté à une situation dangereuse autour d’une pléiade de personnages non moins dangereux) et un développement bien souvent inexistant, sans reliefs et sans rebondissements. Si l’histoire du flic Hartigan (Bruce Willis) est sans aucun doute l’épisode le plus réussi, les autres récits sont parfois très limites et souvent prétexte à un déchaînement de violences et d’effets grand-guignolesques totalement gratuits - cf. scène tournée par Tarantino, où l’on voit le cadavre du personnage de Benicio Del Toro avec son canon logé dans sa tête parler avec sa gorge entrouverte – curieux comme cela rappelle par moment une scène hilarante de ‘Brain Dead’ de Peter Jackson – A ce sujet, l’épisode de Marv (Mickey Rourke) est sans aucun doute la partie la plus brutale du film et la moins intéressante de toute (à noter un Elijah Wood méconnaissable en psychopathe-cannibale déshumanisé et machinal, caché derrière ses lunettes blanches), même si, bizarrement, il s’agit du personnage qui a été le plus généralement apprécié du public. On appréciera néanmoins l’apport des quelques rares histoires d’amour comme celles entre Bruce Willis et Jessica Alba, qui apportent un certain relief au récit et qui aurait sans aucun doute mérité à être plus développé et mieux approfondi par Miller lui-même, au lieu de se cantonner au registre de la déshumanisation, du vice et du péché, qui finit à la longue par susciter un certain ennui, une certaine monotonie (le film dure quand même un peu plus de 2 heures!). Au final, ‘Sin City’ est un film étonnant sur la forme mais assez décevant sur le fond, un long-métrage à l’esthétique et aux visuels exceptionnels, qui rend un parfait hommage à la bande dessinée dans sa forme initiale, mais qui n’a finalement pas grand chose à raconter, se limitant bien souvent à de la poudre aux yeux. Reste que, pour un film de ‘copains’, ‘Sin City’ s’avère être un bien bel exploit dans son genre.

Habitué à des associations musicales souvent insolites, Robert Rodriguez s’est adjoint sur ‘Sin City’ les services de Graeme Revell et John Debney qui ont tout deux contribués à la musique du film aux côtés de Robert Rodriguez qui assure une bonne partie de la musique de son propre film. Le résultat est assez efficace à défaut d’être grandement mémorable. Rodriguez et ses deux compères ont optés ici pour une approche mélangeant free jazz, orchestre et électro dans un style assez décapant, parfaitement ancré dans l’univers noir du film. Ainsi, dès l’ouverture ‘Sin City’, Rodriguez nous dévoile son thème principal confié à un saxophone dont le côté rude et torturé du jeu renforce à merveille l’ambiance sombre de l’ouverture, agrémenté de cordes, synthé, batterie et de quelques cuivres graves aux sonorités grinçantes, idéal pour se plonger dans cette atmosphère noire. ‘One Hour to Go’ confirme l’orientation atmosphérique de la partition pour un morceau plus orchestral lors de la première scène avec Hartigan. L’épisode sanguinaire de Marv débute avec la première contribution musicale de Graeme Revell dans ‘Goldie’s Dead’, usant de sonorités électro/indus et de touches orchestrales dans la parfaite continuité de l’ouverture de Rodriguez. On notera ici l’utilisation efficace des rythmiques diverses (agrémenté d’une basse très rock) et des cuivres graves bourdonnants qui ne sont pas sans rappeler par moment les passages les plus étranges de ‘The Butcher Boy’ ou du ‘Titus’ d’Elliot Goldenthal. Ce travail de sonorité, qui ne coïncidence avec un aspect rythmique important, permet à Revell d’accentuer la noirceur de l’histoire et d’assurer la continuité musicale d’un bout à l’autre de la partition. Le morceau est suivi du sombre ‘Marv’ avec son saxophone sombre, ses synthés bizarres et sa rythmique rock indus parfaitement associée au personnage de Mickey Rourke, ambiance noire qui se concrétise dans ‘Bury The Hatchet’ et ‘Old Town Girls’, qui s’affirme clairement ici dans un style expérimental assez atypique, bien loin des conventions musicales hollywoodiennes du genre.

Revell prolonge son travail dans un ‘The Hard Goodbye’ plus orchestral et un atmosphérique ‘Cardinal Sin’ dominé par des cordes, des nappes de synthé et quelques voix lointaines associées au personnage du cardinal fou interprété par Rutger Hauer. Revell apporte même un bref soupçon d’humanité dans ‘Her Name is Goldie’ pour évoquer les sentiments de Marv pour Goldie (Jaime King) dont il s’est juré de venger sa mort par tous les moyens, le compositeur utilisant ici un piano et une voix féminine lointaine, comme surgissant du passé. Avec ‘Dwight’ débute la partie musicale de John Debney pour l’épisode avec Benicio Del Toro et Clive Owen. Debney prolonge à son tour le style électro/orchestral/rock de Revell et Rodriguez, ‘Old Town’ faisant la part belle à l’orchestre et aux rythmiques électroniques qui renforcent la tension de la scène des prostituées guerrières, amplifiée dans ‘Deadly Little Miho’ avec sa trompette soliste et ses cordes agressives associées au personnage de Miho, qui est aussi évoquée dans ‘Warrior Woman’ qui frôle la musique d’action/suspense avec ses cordes tendues dans un style plus conventionnel, le mélange saxophone/trompette/synthé/cordes trouvant un équilibre satisfaisant dans ‘Tar Pit’ pour la scène dans le marais. ‘Jackie Boy’s Head’ permet enfin à Debney de nous offrir un excellent morceau d’action accompagné par des congas, un saxophone free jazz déjanté et des cordes survoltées pour la confrontation avec les hommes de Manute (Michael Clarke Duncan). Debney atteint un climax dans ‘The Big Fat Kill’ (épisode avec Marv) où sa musique se rapproche clairement par moment du style musical des films noirs des années 40/50, une allusion maîtrisée bien qu’un peu trop brève, qui aurait gagné à être mieux exploitée et plus développée.

La partie finale est de nouveau dominée par Robert Rodriguez, débutant avec ‘Nancy’ dans un style plus orchestral où règne un suspense et une tension omniprésente pour la scène avec Hartigan et ses retrouvailles avec Nancy (Jessica Alba), la femme qui l’aime depuis qu’il l’a sauvé d’une mort certaine lorsqu’elle était enfant. ‘Prison Cell’ développe ce suspense orchestral avec une nette dominante des cordes sombres et glauques alors qu’Hartigan croupit en prison pour un crime qu’il n’a pas commit. ‘Kiss of Death’ tente d’apaiser le jeu avec un bref morceau de piano/cordes à la fois sombre et intimiste, évoquant l’impossibilité pour Hartigan d’aimer Nancy. Rodriguez surprend même en nous prouvant qu’il sait écrire des musiques d’action orchestrales d’une efficacité redoutable avec ‘That Yellow Bastard’ (épisode final avec le personnage jaune interprété par un Nick Stahl méconnaissable) pour la violente confrontation finale. A noter l’utilisation inattendue lors de cette scène de confrontation de la pièce de musique ‘contemporaine’ ‘Sensemaya’ du compositeur Silvestre Revueltas qui complémente magnifiquement cette séquence de fin, avec une reprise finale du thème principal avec son lot de percussions, de cordes, de guitares et de saxophones rugissants (‘Sin City End Titles’). Seule ombre au tableau, la partition de ‘Sin City’ s’avère être extrêmement répétitive pour ne pas dire uniforme. Le score manque de relief, de respiration, de surprises, car passé les premières minutes plutôt atypiques, la sauce ne prend plus vraiment étant donné que les compositeurs développent le même côté expérimental de façon systématique et lassante. Heureusement, certains morceaux tentent d’apporter quelques bosses à un parcours linéaire mais en vain. Si l’écoute de la partition de ‘Sin City’ s’avère néanmoins être à la fois captivante et déroutante par son mélange de styles (free jazz, rock urbain, électro, indus, orchestral, etc.) et son côté atypique, la musique dans le film finit très vite par lasser, d’autant qu’il y a quasiment 2 heures de musique non-stop sur les 2 heures de film! Reste que Rodriguez, Revell et Debney ont malgré tout parfaitement réussi à retranscrire toute la violence et la noirceur de l’oeuvre originale de Frank Miller, une partition que l’on conseillera en priorité à tout ceux qui s’intéressent à des partitions expérimentales qui sortent des sentiers battus.


---Quentin Billard