1-Seattle, 1974 1.31
2-The Tram (Main Title) 2.13
3-Cecil Wanders 2.51
4-The Drip Stain 3.23
5-Floatsam 1.46
6-Deluge in 10F 3.12
7-Mom From Hell 2.25
8-A Ghost in the Machine 3.58
9-New Nightmare 3.40
10-Hello Again Kitty 1.47
11-The Water Tower 2.37
12-The Sacrifice 3.56
13-Final Elevator 2.34
14-End Credits 5.57

Musique  composée par:

Angelo Badalamenti

Editeur:

Hollywood Records
HWD 162492

Musique additionnelle de:
Phil Marshall
Album produit par:
Angelo Badalamenti

Artwork and pictures (c) 2005 Touchstone Pictures. All rights reserved.

Note: ***
DARK WATER
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Angelo Badalamenti
Suivant la mode des remakes de film d’épouvante japonais, voici ‘Dark Water’ de Walter Salles, remake du film homonyme de Hideo Nakata sorti il y a environ 4 ans et qui s’affirmait dans la continuité du film qui l’a rendu célèbre: ‘Ring’. Après ‘Ring’ et ‘The Grudge’, c’est la troisième fois qu’Hollywood s’intéresse au remake d’un film d’épouvante nippon, un genre décidément très en vogue depuis quelques années au cinéma (même les français se mettent au genre du film fantastique/d’épouvante comme le prouve le récent ‘Saint Ange’ de Pascal Laugier). A première vue, comme dans ‘The Ring’, on pouvait se demander ce que ce remake U.S. pouvait bien apporter au film d’origine, déjà très réussi en soi (même s’il tirait incontestablement ses racines du décidément incontournable ‘Ring’). Le résultat s’avère finalement bien satisfaisant, le réalisateur brésilien Walter Salles signant là sa toute première incursion aux commandes d’un film hollywoodien, sur le registre du fantastique/épouvante. Les grandes lignes du scénario d’origine de ‘Dark Water’ ont été ici reprises, avec cette histoire d’une mère, Dahlia Williams (Jennifer Connelly), qui, à la suite d’un récent divorce, vient de s’installer avec sa petite fille Ceci (Ariel Gade) dans un appartement délabré de Roosevelt Island, quartier pauvre à l’extérieur de New York, où elle vient de se trouver un nouveau job. Dahlia doit élever seule sa fille alors qu’elle doit continuellement affronter en même temps son ex-mari qui la juge incapable d’élever l’enfant et lui conseille de se trouver un bon avocat afin de régler l’affaire de la garde de Ceci devant un tribunal. Hantée par le souvenir douloureux d’une mère cruelle qui ne l’a jamais aimé, Dahlia s’est juré de tout faire pour élever et protéger sa fille afin qu’elle ne vive pas ce qu’elle a connu dans sa propre jeunesse. Très vite, Dahlia découvre une étrange et inquiétante tache noire au plafond de sa chambre dû à d’incessantes infiltrations d’eau qui semblent impossible à colmater. Des évènements étranges commencent alors à se manifester, des bruits de pas provenant de l’étage du dessus, des chuchotements d’enfant, un sac à dos d’écolier qui semble ne jamais vouloir disparaître, etc. Décidée à éclaircir cet inquiétant mystère qui ne cesse de la tourmenter, Dahlia décide de monter à l’étage du dessus et de jeter un oeil dans la dite pièce qui semble apparemment abandonnée par ses anciens propriétaires. Etrangement, quelqu’un semble avoir oublié de couper l’eau de tous les robinets de la pièce, ceci expliquant l’inondation dans la pièce et l’obsédante tâche noire au plafond de la pièce où Dahlia dort. Mais plus les jours passent et plus les évènements mystérieux ne cessent de se produire et de se répéter. Dahlia va avoir fort à faire pour garder le contrôle de sa vie afin de ne pas craquer sous l’angoisse de cette mystérieux eau noire obsédante et les cauchemars qui ne cessent de la tourmenter chaque nuit, alors qu’il semblerait bien qu’un fantôme hante les lieux et que personne ne soit en mesure d’aider Dahlia et sa fille.

Le film de Walter Salles n’apporte donc pas grand chose de nouveau par rapport à l’original de Hideo Nakata. On y retrouve cette même ambiance de claustrophobie, de suspense psychologique et de drame intimiste, cette dimension étant d’ailleurs nettement plus présente que dans le film d’origine, qui avait parfois tendance à survoler la relation entre la femme et son ex-mari au profit d’une ambiance plus glauque et trouble. De la même façon, le réalisateur brésilien développe cette ambiance cafardeuse et glauque à souhait en installant une très solide atmosphère d’angoisse, de tourment, d’isolement et d’obsession quasi paranoïaque, avec une touche dramatique et émotionnelle non négligeable. A ce sujet, on ne pourra qu'apprécier le jeu de la toujours très talentueuse et magnifique Jennifer Connelly, qui transcende l’écran à chacune de ses apparitions en apportant une fragilité poignante à son personnage de mère tourmentée et déstabilisée par les fâcheux évènements qui la perturbent. Evidemment, l’eau est l’élément majeur de 'Dark Water', véritable élément de peur et d’obsession associée à cette atmosphère de hantise, de malédiction et de mort, renforçant au passage la froideur étouffante des décors lugubres et cafardeux de l’appartement délabré dans lequel se déroule toute l’histoire. Habitué aux films brésiliens indépendants, ‘Dark Water’ représentait un défi majeur pour Walter Salles qui s’attaque donc ici à sa première grosse production hollywoodienne, à laquelle il offre une certaine consistance, surtout dans le développement des personnages, élément qui faisait un peu défaut au film d’Hideo Nakata. Il arrive aussi à rendre l'intrigue captivante et l'ambiance véritablement cauchemardesque, à la limite de l'hallucination et de la folie. Au final, ‘Dark Water’ n’est pas juste un ersatz du film d’origine, il est un véritable prolongement bien plus humain, sombre et poignant que ne l’était le film japonais qui fonctionnait plus sur l’ambiance viscérale et le sentiment de peur. Il est même intéressant de comparer les deux films pour voir ce que chacun apporte à l’histoire avec le point de vue de l’un et de l’autre.

C’est Angelo Badalamenti qui a été choisi pour mettre en musique ‘Dark Water’. Comme on aurait pu s’y attendre, l’approche musicale opérée par le compositeur s’avère être bien plus traditionnelle et moins surprenante que ne l’était la musique expérimentale et étrange de Kenji Kawai pour le film d’origine. Comme toujours, Hollywood préfère opter pour une musique plus conventionnelle et donc forcément plus quelconque et peu porteuse de surprise à l’écoute. Mais, si une première écoute du score nous donne l’impression de nous retrouver avec une énième partition thriller hollywoodienne sans grande originalité, une écoute plus attentive nous permettra de rentrer dans l’univers musical fort construit par Angelo Badalamenti tout au long du film. Dès le prologue du film (‘Seattle, 1974’), Badalementi pose les bases de sa partition en mélangeant orchestre et textures électroniques mystérieuses et inquiétantes. Le thème principal est alors exposé par un piano en écho sur fond de synthétiseurs et de nappe de cordes. On ressent ici une certaine mélancolie, une amertume renforcée par un certain sentiment de mystère indissociable de la musique de ‘Dark Water’. Atmosphérique, voilà le premier mot qui nous vient à l’esprit à l’écoute de cette première pièce, une impression que confirmeront très vite les morceaux suivants. Le générique de début (‘The Tram – Main Title’) développe le thème principal sous un angle plus orchestral et émotionnel, thème sombre et inquiétant associé à cette mystérieuse tache d’eau et la malédiction à laquelle elle est liée, tandis qu’un second thème, plus mélancolique, est confié au piano et aux cordes, associé au personnage de Dahlia, évoquant son amour pour sa fille et sa difficulté à mener sa vie dans ce nouvel appartement pourri. Le ‘Main Title’ s’avère donc être assez minimaliste, tout en retenue, ne dévoilant pas vraiment encore le côté angoissant du film, Badalamenti préférant garder ses meilleures cartes pour la fin et poser lentement mais sûrement les briques de son édifice.

‘Ceci Wanders’ développe le côté plus mystérieux et sombre de la partition. A noter une utilisation assez inattendue de percussions bizarres et frénétiques pour la scène où Ceci disparaît de vue durant la première visite de l’appartement avant que sa mère ne la retrouve sur le toit de l’immeuble. Badalamenti met ici en place ses différentes sonorités électroniques glauques et inquiétantes, avec ces nappes sonores associées à l’eau et au danger qu’elle représente ici. Le suspense semble alors devenir plus présent dans le pesant ‘The Drip Stain’ où l’on commence de plus en plus à ressentir cette atmosphère fantomatique très réussie dans la musique de ‘Dark Water’. A noter que la musique conserve toujours ce ton sombre et lent, et ce tout au long du film. Ceux qui s’attendent donc à de gros déchaînements orchestraux et des morceaux d’action risquent donc fort d’être déçus, Badalamenti jouant ici à fond la carte d’une certaine retenue non dénuée de tension et d’angoisse. Cette ambiance fantomatique se retrouve dans l’inquiétant ‘Floatsam’, dans lequel on retrouve une fois encore le motif principal qui semble se balader ici librement d’une sonorité électronique à une autre, à l’instar du fantôme qui hante les lieux. On comprend alors que les synthétiseurs sont utilisés ici pour évoquer la présence d’un esprit malveillant dans l’appartement, d’où le côté froid, étrange et impalpable de ces sons. Badalamenti semble même apprécier les atmosphères envoûtantes comme le sombre ‘Deluge in 10F’ avec ses cordes graves mystérieuses et ses nappes sonores lugubres pour la scène où Dahli découvre l’inondation dans l’appartement 10F, illustré par un obsédant motif d’accompagnement de quatre notes. On notera l’utilisation inattendue d’une flûte reprenant l’inquiétant motif principal vers la fin du morceau. Idem pour ‘Mom from Hell’ où l’on retrouve cet intrigant motif de 4 notes avec ses cordes pesantes et menaçantes, son piano, son hautbois et ses nappes de synthé, le tout symbolisant ici le trouble, l’inquiétude, la tension, tension qui monte d’un cran dans le menaçant ‘A Ghost in the Machine’ pour la scène où la machine à laver devient comme folle, débordant de cette inquiétante eau noire. Avec une nouvelle introduction du thème principal joué par une flûte (thème qui semble décidément hanter l’ensemble de la partition de ‘Dark Water’ à l’instar de l’eau dans le film), le morceau évolue sur une atmosphère lugubre et continuellement pesante, totalement dépourvue de lumière et d’espoir, une ambiance calme mais quasi suffocante.

Dès lors, plus l’histoire avance et plus la tension ne cesse d’augmenter jusqu’à l’inévitable climax horrifique. Ainsi, ‘New Nightmare’ vient illustrer une nouvelle scène de cauchemar de Dahlia avec un côté déstabilisant du plus bel effet, mélangeant une fois encore sonorité instrumentale acoustique et textures électroniques pour évoquer ici cette atmosphère de cauchemar, sans jamais toutefois céder aux traditionnels sursauts orchestraux faciles (la musique reste continuellement calme, trop peut-être), un peu comme dans ‘Hello Again Kitty’. ‘The Water Tower’ illustre de son côté la scène où Dahlia monte près dans la réserve d’eau et découvre le corps de la petite fille noyée. On trouve enfin ici quelques bref sursauts orchestraux entre cordes pesantes, glissendi de cordes graves, sonorités vaporeuses de piano et accents cuivrés très brefs avec, comme toujours ce thème obsédant qui hante l’ensemble de la musique. La terreur pointe finalement le bout de son nez dans le massif et chaotique ‘The Sacrifice’ pour la dernière apparition cauchemardesque du fantôme de la petite Natacha. La tension monte imperturbablement ici durant près de 4 minutes, débouchant sur un passage orchestral déchaîné et terrifiant, seul véritable passage massif et rythmé du score de ‘Dark Water’, alors que ‘Final Elevator’ ramène au contraire vers le calme et l’apaisement, accentué ici par des cordes, des vents, un piano et une guitare. A noter ici un bref rappel du thème mélancolique de Dahlia, juxtaposé à l’obsédant thème principal, toujours présent, même à la fin, mais avec cette fois-ci une certaine tristesse d’âme. Enfin, le compositeur nous réserve un ‘End Credits’ particulièrement envoûtant où, pendant près de 6 minutes, Badalementi développe le très joli thème fragile et mélancolique de Dahlia suivi du thème principal, avec une atmosphère constante d’amertume, de mélancolie et de mystère, le tout accompagnant le générique de fin du film.

Moins surprenante et moins expérimentale que la musique de Kenji Kawai pour le film d’Hideo Nakata, la musique d’Angelo Badalementi pour ‘Dark Water’ s’avère être plus traditionnelle et hollywoodienne d’esprit, avec néanmoins cette atmosphère fantomatique et envoûtante toute en retenue, qui apporte un petit plus indéniable au film de Walter Salles et tend à renforcer considérablement cette atmosphère de tension psychologique et de drame. Comme toujours dans ce type de film, la musique occupe donc une place majeure, instaurant une atmosphère que la mise en scène seule ne pourrait pas assumer complètement, l’association image/musique fonctionnant ici avec une efficacité redoutable même si du point de vue de l’originalité ou des surprises, c’est le zéro pointé! Le score a beau être très efficace dans le film et très envoûtant à l’écoute, il demeure néanmoins très impersonnel de la part d’un compositeur autrefois plus inspiré lorsqu’il travaillait sur les films de David Lynch. Malgré son côté calme parfois monotone et ennuyeux, le score d’Angelo Badalamenti pour ‘Dark Water’ remplit parfaitement le cahier des charges et apporte au film de Walter Salles sont lot de tension, de frisson, de mystère et de mélancolie, rien de plus, rien de moins! Pour les amateurs d’ambiance musicale fantomatique en somme!


---Quentin Billard