1-The Frozen World 4.21
2-Antarctic 2.33
3-The Egg 4.28
4-Song of the Sea 2.04
5-Baby Penguins 3.00
6-Attack of the Killer Birds 2.47
7-Aurora Australis 1.18
8-The Sea Leopard 1.32
9-Song of The Storm 3.12
10-Mother's Pain 1.44
11-To the Dancers on the Ice 3.13
12-All is White 3.16
13-The Voyage 4.44
14-Footprints in the Snow 2.43
15-Ice Girl 3.29

Musique  composée par:

Emilie Simon

Editeur:

Universal Music France
9827008

Album produit par:
Emilie Simon
Chansons originales
écrites, interprétées et produites par:
Emilie Simon

Artwork and pictures (c) 2005 Bonne Pioche. All rights reserved.

Note: ***1/2
LA MARCHE DE L'EMPEREUR
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Emilie Simon
Suivant la mode des documentaires animaliers récemment remis au goût du jour à la suite du succès de ‘Microcosmos’, ‘Le peuple migrateur’ ou bien encore ‘La planète bleue’, voici ‘La marche de l’empereur’, documentaire de Luc Jacquet qui s’intéresse ici au cycle de reproduction des manchots empereurs en plein coeur de l’Antarctique. Dans des températures extrêmes qui dépassent parfois les –50°, les manchots survivent en assumant le cycle de la vie, prêts à accomplir tous les sacrifices pour que leur peuple perdure. ‘La marche de l’empereur’ suit donc ce cycle de la saison des amours jusqu’à la ponte des oeufs et la naissance des poussins dans des conditions difficiles. Les scientifiques n’ont découvert la vie des manchots empereurs qu’au début du 20ème siècle, mettant alors le doigt sur un cycle de reproduction exceptionnel, puisque les couples formés lors des amours ne se quittent jamais durant toute l’année, la femelle partant pêcher pendant parfois plus de 2 à 3 mois pendant que les mâles couvent les oeufs dans la fourrure au bas de leur ventre, le gel risquant à tout moment de détruire les oeufs. Pour ce projet hors du commun, l’ornithologue Luc Jacquet s’est lancé dans l’aventure depuis 1992, à l’époque où il faisait ses études à Lyon au moment où il entendit parler d’une expédition de plusieurs mois en Terre Australe pour étudier les manchots empereurs. Jacquet était alors de la partie. C’est là qu’il décida de tourner son propre documentaire dans des conditions extrêmes. Si le tournage s’avéra particulièrement difficile pour tout le monde, c’était donc avant tout à cause de températures extrêmes mais aussi de l’irréprochable bonne conduite et silence absolu dont devait faire preuve l’équipe du film afin de pouvoir filmer les manchots empereurs de près, surtout durant la saison des amours. Que ce soit sur la banquise ou durant les scènes de chasse sous-marine, le film est visuellement épatant, entièrement tourné dans les décors naturels de l’Antarctique, recouvert par une couche blanche quasiment glaciale et déshumanisée, où seuls les manchots empereurs constituent ce que le réalisateur a appelé ‘la frontière de la vie’. A sa sortie en salle à la fin Janvier 2005, le public allait enfin découvrir la vie unique et mouvementée des manchots empereurs dans une région extrêmement froide et inhospitalière. Luc Jacquet rajoute à cela trois voix off (Romane Bohringer, Charles Berling et le jeune Jules Sitruk) qui commentent et interprètent le comportement des manchots en les transformant en personnages doués d’esprit, d’émotion et de sentiment, mêlant amour, courage et sacrifice dans une intrigue pleine de poésie avec, au passage, quelques moments plus durs (scène du cadavre congelé du poussin, scène du manchot abandonné, scène de l’oeuf gelé qui meurt instantanément, etc.), une belle leçon de vie enseignée par la nature elle-même, nous rappelant qu’en Antarctique, la nature sauvage est plus que jamais le principal obstacle des manchots sur la banquise. Un très beau documentaire en somme, et un véritable exploit technique, qui n’a pas fini de nous faire rêver!

‘La marche de l’empereur’ se devait d’être accompagné par une musique de qualité qui retranscrive toute l’émotion et la beauté naturelle des images du documentaire de Luc Jacquet. C’est ainsi que le réalisateur fit appel à la compositrice et chanteuse Emilie Simon, nouveau prodige du monde de la pop/électro française qui se forma auprès des pontes de l’IRCAM avant d’enchaîner une série de concerts un peu partout en France. La musique d’Emilie Simon pour ‘La marche de l’empereur’ a sans aucun doute contribué à son tour au succès du film de Luc Jacquet, et réciproquement. Il faut dire que la musique apporte une émotion indispensable au film, transcendant chaque scène entre retenue, douceur, jovialité et moments rêveurs. Emilie Simon s’est impliqué très tôt dans le projet a eu le temps de réfléchir à la forme que devrait prendre sa musique dans le film de Luc Jacquet. Pour elle, il fallait obligatoirement retranscrire l’atmosphère sonore de l’Antarctique (le vent, le craquement de la glace, etc.) et compléter le propos des images en y apportant une magie particulière. Le point fort de cette composition réside dans le mariage étrange mais convaincant de l’électro/expérimental, de la chanson et de l’orchestre traditionnel, apportant un petit plus aux images. ‘The Frozen World’, première chanson originale du film, résume bien l’ambiance de la musique: voix légère, juvénile et sensuelle d’Emilie Simon, loops électro, nappes de synthé, le tout évoquant d’entrée de jeu le monde glacé de l’Antarctique. Dans le même ordre d’idée, ‘Antartic’ nous propose un mélange de sonorités électroniques un peu bizarre sur fond de loop et d’un duo de voix mystérieuses renforçant le côté à la fois beau et inquiétant des décors glacés. Même la scène des oeufs (‘The Egg’) est accompagnée par une série de rythmes électroniques un peu bizarres mais qui renforcent néanmoins les images et apporte un petit plus particulier à cette scène, l’électronique personnifiant quelque part la froideur de l’Antarctique, mais avec le savoir-faire d’Emilie Simon en plus, qui adore bricoler le son et expérimenter à travers différents matériaux sonores.

Ainsi, pour les besoins de sa musique, la compositrice et interprète n’a pas hésité à utiliser des sons particuliers comme ceux du glass harmonica (ou harmonica de verre), déjà utilisé par Philippe Sarde dans ‘Le Locataire’ ou plus récemment dans ‘Le mystère de la chambre jaune’, mais aussi le cristal Baschet ou ‘orgue de cristal’ (instrument crée par Bernard et François Baschet en 1952, constitué de 54 tiges de verre disposées en parallèle à la verticale et accordées chromatiquement, et qui, une fois frottée par des doigts mouillés, transmettant la vibration du verre à une plaque lourde par le biais de tiges en métal de longueur variable, reliées à leur tour aux tiges de verre, et qui permettent ainsi de produire différentes hauteurs de son), sans oublier tout un travail sur des sons de glaçons dans un verre, des sons de pas dans la neige et divers éléments sonores reliés au monde du froid et de glace. Il faut dire que le réalisateur était tout à fait favorable à cette approche expérimentale et souhaitait une musique qui surprenne l’auditeur et qui s’éloigne des conventions habituelles des musiques de documentaire animalier. Le fait que la compositrice ait put composer sa musique à partir d’une version sans voix off du film lui a sans aucun doute permit d’écrire sa musique en toute liberté, comme elle le désirait, une aubaine pour un compositeur de musique de film, chose qui se fait aujourd’hui très rare à une époque où la plupart des réalisateurs et des producteurs ne jurent plus que par le goût du public ou les sempiternels temp-tracks.

Mais c’est probablement l’utilisation de la voix chantée qui surprend le plus ici. Pour Emilie Simon, les chansons représentent la chaleur qui unit les manchots lorsqu’ils tentent de survivre ensemble dans le froid et les températures extrêmes. C’est ce que cherchent à évoquer des chansons électro comme ‘The Frozen World’, le chaleureux ‘All is White’ ou l’envoûtant ‘Song of the Sea’ et ses sonorités électroniques mystérieuses avec sa voix sensuelle ou le très moderne ‘Song of the Storm’ où l’on est guère loin du style de l’album ‘Happiness’ de Sébastien Schuller, mais avec des sons ici encore plus proche de la techno, évoquant au passage de façon déconcertante la scène de la tempête. A noter une utilisation plus froide et intéressante de cordes graves dans ‘Mother’s Pain’, Emilie Simon n’oubliant pas pour autant la partie acoustique de sa musique avec ici un thème aux accents plus mélancoliques évoquant les difficultés des femelles à retrouver leur chemin pour nourrir leurs petits. ‘To the Dances on the Ice’ traduit quand à lui une certaine poésie quasi mélancolique durant la scène des amours avec son petit motif mélodique de 4 notes interprété par des sons cristallins avec une légèreté et une grande retenue. Impossible aussi de passer à côté du magnifique ‘The Voyage’ avec son thème de cordes et vents soutenus par une légère rythmique électro. Plus chaleureux et orchestral, ce très joli apporte une poésie et une émotion incontestable à la scène du début où les manchots entament leur premier voyage – on retrouve aussi ce thème à la fin du film, la boucle étant bouclée. Seule ombre au tableau, le thème de ‘The Voyage’ rappelle étrangement certaines sections mélodiques de la chanson ‘Eyes on Me’ du score pour le jeu vidéo ‘Final Fantasy VIII’ par le grand Nobuo Uematsu (coïncidence ou inspiration volontaire?). ‘Attack of the Killerbirds’ se détache un peu du lot par son côté plus sombre et froid durant la scène de l’attaque des oiseaux prédateur, Simon utilisant ici des cordes graves avec des sonorités électroniques plus agressives et expérimentales, tandis que ‘Baby Penguins’ (naissance des poussins) est au contraire léger avec ces sons synthétiques sautillants et un peu bizarres. Et que dire de ‘Aurora Australis’ avec ces sons de goutte d’eau, de glaçons dans un verre ou ces textures cristallines évoquant ici la scène de l’aurore boréale? Pour finir, Emilie Simon nous offre en bonus deux chansons, ‘Footprints in the Snow’ et le chaleureux ‘Ice Girl’ (chanson sur laquelle la compositrice travaillait déjà en parallèle du film de Luc Jacquet).

Les amateurs de partitions électro expérimentale devraient être réjouis à l’écoute de la première bande originale d’Emilie Simon pour un film. Avec ‘La marche de l’empereur’, la talentueuse compositrice et interprète prouve qu’elle est décidément une artiste à part dans le paysage de l’électro/pop français d’aujourd’hui, nous livrant une partition fraîche, inventive et chaleureuse autant qu’énigmatique et envoûtante, rompant avec la monotonie et les conventions de certaines musiques de documentaire animalier. A la manière de Vangelis sur les documentaires animaliers de Frédéric Rossif à la fin des années 70, Emilie Simon a choisit d’axer sa musique autour des synthétiseurs, assurant elle-même la programmation de ses différentes sonorités avec au passage une utilisation discrète mais néanmoins présente d’une petite formation instrumentale qui vient compléter la musique et apporter un peu de relief à cette musique étonnante autant que rafraîchissante, qui risque d’en surprendre plus d’un. On s’imagine d’ailleurs non sans mal pourquoi les américains ont décidés de remplacer la composition d’Emilie Simon par une musique nettement plus conventionnelle et moins surprenante d’Alex Wurman pour la version U.S. intitulée ‘March of the Penguins’. Sans être un chef-d’oeuvre impérissable, la BO de ‘La marche de l’empereur’ représente sans aucun doute ce que la jeune Emilie Simon a fait de mieux à ce jour, une partition radicalement différente pour un très beau film qui gagne en profondeur avec cette musique électro/vocale/orchestrale qui rend un bien bel hommage aux manchots empereurs et à leur vie hors du commun dans le froid glacial de l’Antarctique.


---Quentin Billard