1-Do We Lose 21 Grams? 2.28
2-Can Things Be Better? 1.16
3-Did This Really Happen? 1.02
4-Cut Chemist Suite 4.32*
5-Should I Let Her Know? 1.27
6-Can Emptiness Be Filled? 1.05
7-Shake Rattle & Roll 6.09**
8-Can I Be Forgiven? 1.37
9-Low Rider 3.08***
10-Is There A Way To Help Her? 0.45
11-Does He Who Looks
For the Truth, Deserve
The Punishment for Finding It? 1.41
12-You're Losing Me 2.17+
13-Can Dry Leaves Help Us? 3.53
14-Can We Mix
The Unmixable? (Remix) 1.59
15-Can Light Be Found
In the Darkness? 2.22
16-When Our Wings Are Cut,
Can We Still Fly? 2.27++

*Interprété par Ozomatli
Ecrit par Charles Stewart,
Ulises Baldomero Bella,
Willy Abers, Jose Ines Espinosa,
William Marrufo, Raul Pacheco,
Justin Poree, Asdrubal Sierra,
Jiro Yamaguchi, Pablo Castorena,
Alfredo Ortiz,
Lucas Christian MacFadden
**Interprété par Benicio Del Toro
***Interprété par WAR
Ecrit par Sylvester Allen,
Harold R. Brown,
Morris D. Dickerson, Leroy L. Jordan,
Charles W. Miller, Lee Oskar,
Howard Scott, Harry Goldstein
+Ecrit et iterprété par
Ann Sexton
++Interprété par
The Kronos Quartet.

Musique  composée par:

Gustavo Santaolalla

Editeur:

Varèse Sarabande
VSD-6527

Produit par:
Gustavo Santaolalla,
Alejandro Gonzalez Iñarritu


Producteur exécutif pour
Universal Pictures/Focus Features:
Kathy Nelson
Producteur exécutif pour
Varèse Sarabande:
Robert Townson
Producteur associé:
Anibal Kerpel
Supervision musicale:
Lynn Fainchtein
Music Clearance:
Christine Bergren

Artwork and pictures (c) 2003 Focus Features LLC. All rights reserved.

Note: **
21 GRAMS
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Gustavo Santaolalla
Après un premier long-métrage très remarqué (‘Amores perros’ – Amours chiennes), le réalisateur mexicain Alejandro González Iñárritu va à Hollywood avec ’21 Grams’, drame psychologique particulièrement sombre et tourmenté dans lequel le réalisateur n’a rien perdu de son talent à raconter des histoires torturées dans une mise en scène toute aussi torturée. Cette production américaine indépendante nous conte le récit poignant d’un terrible accident de la route qui coûte la vie à un père de famille et ses deux jeunes filles, laissant une veuve totalement abattue, Cristina Peck (Naomi Watts), qui se réfugie dans l’alcool et la drogue pour oublier sa douleur, tandis que le meurtrier, Jack Jordan (Benicio Del Toro), un ex-taulard reconverti dans la religion, a pris la fuite et croule sous les remords et la culpabilité, prêt à se livrer à la police au grand dam de sa femme Marianne (Melissa Leo). Mais cet accident sauve la vie de Paul Rivers (Sean Penn), qui agonisait sur un lit d’hôpital en attendant qu’on lui greffe un nouveau coeur, prélevé sur le corps de Michael, le mari de Cristina. Grâce à cette greffe d’organe salutaire, Paul échappe de justesse à la mort et retrouve une vie à peu près normale auprès de sa femme Mary (Charlotte Gainsbourg). Mais Paul n’a désormais plus qu’une seule obsession: retrouver la personne à qui appartenait ce coeur. Après avoir obtenu discrètement des informations, Paul retrouve la trace de Cristina et rentre en contact avec elle. A son contact, il découvre une femme abattue et brisée, dont il va tomber éperdument amoureux. Mais la souffrance est toujours là et une série d’évènements tragiques brisera la vie de ces personnages à jamais.

Il est dit qu’au moment de la mort, le corps humain perd mystérieusement 21 grammes, 21 grammes dont on ne sait toujours pas à quoi ils correspondent exactement (le poids de l’âme humaine?), une notion qui a semble t’il inspiré et motivé le réalisateur mexicain a peindre ce drame rempli de souffrance, d’amour contrarié et de fatalisme. Avec sa déconstruction narrative éparse et chaotique, le film d’Iñárritu est tout à fait caractéristique de ce type de cinéma américain indépendant, qui utilise de grands acteurs hollywoodiens (Sean Penn, Naomi Watts, Benicio Del Toro, etc.) plongés ici dans un univers plus personnel et intime. D’un drame douloureux, le réalisateur croise le destin de plusieurs personnages dont les vies vont s’effriter lentement et inexorablement sous le poids d’un sort fatalement cruel et tragique. Ainsi, les premières vingt minutes du film sont véritablement déstabilisantes, le réalisateur accumulant les scènes sans lien entre elle, sans véritable cohérence temporelle. Puis, au fur et à mesure que les sous-intrigues évoluent ensemble parallèlement à des moments différents du récit, Iñárritu reconstruit le puzzle et rétablit une continuité narrative plus linéaire sur les dernières dix minutes du film. Ce type de déconstruction narrative n’a rien de franchement original en soi et semble même être l’apanage d’un certain type de cinéma indépendant qui cherche à se démarquer des conventions ambiantes en utilisant cet artifice narratif aujourd’hui un peu usé (‘Memento’ de Christopher Nolan nous proposait déjà un récit à reculons sous la forme d’un puzzle complexe. On pense aussi à ‘Thirteen Conversations About One Thing’ de Jill Sprecher ou à certains films de John Sayles). Cependant, le réalisateur insuffle à son film une telle tension dramatique, une telle profondeur scénaristique que le film en devient vraiment captivant, poignant. On ne peut alors que ressentir de la compassion pour ces individus écrasés par un destin tragique, transcendés à l’écran par des acteurs totalement immergés dans leurs rôles, que ce soit les talentueux Sean Penn, Naomi Watts (magnifique dans le rôle de cette femme brisée), Benicio Del Toro ou Charlotte Gainsbourg, qui participe ici à son premier américain après avoir tourné auparavant dans plusieurs films français et anglais, et qui nous prouve qu’elle est décidément une grande habitué des registres intimes/dramatiques. Reste que le film s’avère être particulièrement sombre et démoralisant dans la peinture noire qu’il nous propose de la fragilité des destins humains. Mais pour un premier film américain, ’21 Grams’ s’avère être une bien belle réussite!

Après avoir écrit auparavant la musique de ‘Amores perros’, le compositeur argentin Gustavo Santaolalla, guitariste et fondateur du groupe de rock latino ‘Arco Iris’, a retrouvé Alejandro González Iñárritu sur ’21 Grams’ pour lequel il signe un score atmosphérique, lent et monotone, qui installe une ambiance bien particulière dans le film. Ici, tout est sacrifié au profit de l’ambiance, décuplée à travers l’utilisation de diverses guitares (la spécialité du compositeur), qu’elles soient acoustiques ou électriques. A la façon d’un Ry Cooder, Santaolalla utilise des guitares électriques sur des pédales vibrato afin de laisser le son tenir comme si l’espace dans lequel évolue le son semblait infini, comme si le son se répercutait très loin. C’est cet effet sonore qui apporte ici une touche particulière au film, saupoudré d’un zeste de nappes de synthétiseurs et autres guitares comme dans ‘Do We Lose 21 Grams’ qui évoque le croisement des drames de façon intime et toute en retenue. La musique fonctionne ici sur un mode plus introverti et psychologique, créant une ambiance froide, monotone et un peu mélancolique. On notera une utilisation plus affirmée des synthétiseurs et de quelques petites rythmiques électroniques discrètes avec des guitares électriques légères dans ‘Can Things Be Better?’ qui s’attache à suivre les différents personnages et leurs sentiments tout au long de l’histoire. Idem pour ‘Did This Really Happen?’ avec sa guitare électrique intime et solitaire et ses longues tenues en pédale vibrato (la musique évoque ici l’isolement douloureux de Cristina Peck). La musique semble alors flotter imperturbablement, avec une très grande retenue et un volume sonore toujours très restreint. Autant dire tout de suite que les amateurs de musiques minimalistes trouveront ici leur compte. On pourra néanmoins apprécier quelques légères rythmiques électroniques comme dans ‘Should I Let Her Know?’ et son mélange de guitares et de nappes de synthé qui évoquent ici l’envie de Paul de rentrer en contact avec Cristina.

Le compositeur affirme plus clairement le côté mélancolique et intime de sa musique avec ‘Can Emptiness Be Filled?’ avec son mélange guitares/bandonéon du plus bel effet, avec toujours ce même souci constant des ambiances restreintes et d’un minimalisme presqu’un peu stéréotypé, genre ‘musique restreinte pour production indépendante’. On constatera une petite astuce dans le titre des pistes, puisque la plupart se présentent sous une forme interrogative, comme pour traduire quelque part les questionnements rattachés au thème du film et aux différents personnages, évoquant leurs errances, leurs souffrances, leurs doutes et leurs tourments, mais aussi le côté interrogatif et méditatif de la musique du film. C’est ce que semble vouloir suggérer le mélancolique et lent ‘Can Emptiness Be Filled?’ ou le sombre ‘Can I Be Forgiven?’ et ses nappes de synthé planantes et méditatives associées aux doutes et aux angoisses de Jack après que ce dernier ait commit son terrible méfait. On retrouve l’utilisation du bandonéon dans ‘Is There a Way to Help Her?’ qui ajoute une couleur hispanisante intéressante à la musique de Santaolalla, comme dans ‘Can Dry Leaves Help Us?’ où l’on retrouve par moment les sonorités de tango argentin que le compositeur affectionne plus particulièrement, tandis que ‘Can We Mix The Unmixable?’ nous propose une bonne fusion entre électro et tango à la façon d’un ‘Gothan Project’. A noter un ‘When Our Wings Are Cut, Can We Still Fly?’ très réussi et particulièrement mélancolique, utilisant guitare acoustique, marimba, synthétiseur et quatuor à cordes (interprété ici par le fameux ‘Kronos Quartet’), un morceau qui résume finalement à merveille l’atmosphère dramatique et intime de ’21 Grams’.

Très vite, Gustavo Santaolalla installe une routine qui fonctionne bien dans le film mais qui ne manquera certainement de provoquer la somnolence de l’auditeur, qui risque fort de trouver ces 40 minutes de musique particulièrement vides et sans grand relief, le score manquant férocement de chaleur, d’énergie, d’originalité. Santaolalla applique le concept minimaliste assez stéréotypé des musiques de film indépendant et rabaisse par la même occasion sa musique à un simple rôle de tapis sonore qui accompagne le film en survolant les images, un effet réussi mais qui lasse très vite au bout d’une vingtaine de minutes, la musique n’ayant finalement plus grand chose à dire à la longue. Voilà en tout cas une partition atmosphère bien ennuyeuse qui ne plaira sans aucun doute qu’aux amateurs de musiques planantes et d’ambiances minimalistes et mélancoliques chères à Gustavo Santaolalla!


---Quentin Billard