1-Générique 2.01
2-Effraction 3.03
3-Mort d'homme 1.52
4-Urgence 3.12
5-Sur les quais 2.28
6-A l'hôpital 1.23
7-Retour à la maison 0.51
8-Ballade en scooter 0.48
9-Alissa 1 1.44
10-Nuit noire 1.22
11-Chez Vera 2.44
12-Dans les couloirs de l'hôtel 2.25
13-Chez Luc (Alissa 2) 2.25
14-La fille d'un grand écrivain 1.07
15-La conférence 0.54
16-Face à face 2.25
17-Séparation 1.04
18-Au parc des princes 1.28
19-Courir 1.01
20-Générique fin (Alissa 3) 3.24

Musique  composée par:

Carolin Petit

Editeur:

WEA Records
3984 24127 2

Produit par:
Carolin Petit

(c) 1998 Canal+/Lazennec Films. All rights reserved.

Note: ***
ALISSA
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Carolin Petit
Après ‘Ville étrangère’, long-métrage adapté d’une histoire du romancier autrichien Peter Handke, le réalisateur Didier Goldschmidt s’essaie au thriller avec ‘Alissa’. Luc Kaufmann (Yvan Attal) s’infiltre un soir chez son père pour y rechercher de mystérieux documents. Il tombe alors nez à nez avec un policier qui tente de l’agresser au moment où il se retrouve pris dans une fusillade, coûtant la vie à deux policiers. Au moment où il tente de s’enfuir, Luc rencontre une jeune femme lituanienne nommée Alissa (Laurence Côte). Cette dernière semble en savoir bien plus que lui au sujet de cette mystérieuse affaire. Elle recherche en fait un document compromettant appartenant aux archives de l’ex-KGB, et qui se trouve quelque part chez le père de Luc, obscur éditeur parisien d’un romancier russe nommé Kosicz (Oleg Yankovsky). Alissa demande alors à Luc de l’aider dans ses recherches, ce dernier acceptant sans vraiment se douter encore que cette mystérieuse affaire cache en réalité une sombre histoire de vengeance. Attiré par le charme glacial et impénétrable d’Alissa, Luc se laisse convaincre et se retrouve embarqué dans cette histoire de règlement de compte.

Le scénario de Didier Goldschmidt est assez mince en soi. Néanmoins, l’intrigue aurait put être bien plus passionnante si le réalisateur avait sut filmer correctement ses acteurs au lieu de sombrer comme il l’a fait ici dans une monotonie et une routine de mise en scène totalement déplorable. Par exemple, on regrettera le côté étrangement bâclé de l’introduction du film. On ne sait par exemple pas qui est Luc, quel est son réel métier, pourquoi il a eu l’idée de s’infiltrer par effraction chez son père en pleine nuit (finalement, même par la suite, on nous ne l’explique jamais vraiment), etc. La seule chose que nous dit le film à ce sujet, c’est qu’il travaille pour le compte de son père, éditeur d’un romancier russe, mais à aucun moment le film ne nous explique en quoi consiste exactement son travail. Pire encore, on dirait que le réalisateur filme le personnage d’Yvan Attal de façon mécanique et froide, sans jamais lui apporter le moindre soupçon de personnalité. Luc réagit parfois de façon bizarre face à certaines situations, son personnage sonnant totalement faux à plus d’une reprise (et que dire des dialogues qui frôlent le ridicule à plus d’une reprise). Seul le personnage d’Alissa, interprété par Laurence Côte, semble réussir à trouver correctement sa place dans le film, mais devant la nullité du personnage principal et le manque de conviction de la réalisation de Didier Goldschmidt (le film manque étonnamment de rythme pour un thriller de ce genre, qui se prend pour un sous-Hitchcock bien mollasson), ‘Alissa’ s’avère être un échec affligeant pour un polar inintéressant et bâclé, où tout paraît sonner faux.

Finalement, devant la médiocrité de ce film totalement dénué d’inspiration, on ne retiendra finalement qu’un seul élément positif : la partition orchestrale du compositeur Carolin Petit. Cet habitué des musiques de téléfilm français comme ‘Sans famille’, ‘Les Thibault’ ou ‘Les Steenfort, maîtres de l’orge’ signe pour ‘Alissa’ une partition orchestrale sombre et mélancolique retranscrivant tout le côté mystérieux et inquiétant de cette histoire de règlement de compte sur fond de passé obscur. Le réalisateur souhaitait ainsi une approche plus hollywoodienne pour la musique de son film, Carolin Petit ayant ainsi construit son score à la façon d’une musique de thriller U.S., mais sans le côté ‘action’, optant quasi systématiquement pour une approche plus atmosphérique et lente. Le score se construit autour d’un thème principal énoncé dès le ‘Générique’ aux cordes et qui évoque l’univers thriller du film de par son côté mystérieux et inquiétant, presque envoûtant. Le second thème, plus mélancolique et lyrique d’esprit, est entendu dans ‘Alissa 1’, ‘Chez Luc (Alissa 2)’ et ‘Générique fin (Alissa 3)’. Ce très beau thème de cordes épouse quand à lui un style mélodique empreint d’une certaine tristesse qui évoque inévitablement ici les grands thèmes dramatiques de Georges Delerue, une influence incontestable ici dans la partition de ‘Alissa’. Le thème associé à Alissa évoque ainsi la souffrance que refoule la jeune femme derrière son apparence glaciale et les douleurs associées à un passé lointain, apportant ainsi un contrepoids émotionnel agréable à la musique du film de Didier Goldschmidt. Finalement, grâce à ces deux thèmes, Petit arrive à résumer tout l'esprit du film, le côté thriller/polar d'une part, et le côté plus dramatique et intimiste de l'autre.

Pour la scène de l’effraction au début du film, Carolin Petit a préféré utiliser les synthétiseurs et les rythmiques plus modernes, dans un style qui rappelle étrangement les partitions synthé pop que composait James Newton Howard à la fin des années 80. Petit utilise ici des petites percussions sur fond de nappes de synthé et de sons de flûte exotique pour apporter à la scène un côté ‘musique de téléfilm américain’ un peu bizarre mais néanmoins très intéressant dans le contexte, et qui change un peu de la routine orchestrale, même si ce choix peut paraître assez arbitraire au premier abord. Idem pour le bref ‘Ballade en scooter’ avec ses rythmes électroniques rapides et ses petites percussions exotiques. L’électronique apparaît aussi dans le sombre ‘Les couloirs de l’hôtel’ pour une scène où Luc se rend à l’hôtel où séjourne Kosicz et tente de le prendre en filature lorsqu’il découvre le caractère brutal et malveillant du personnage au détour d’un couloir. La menace que représenté Kosicz est ici parfaitement retranscrite à travers les nappes de synthé sinistres et les cordes froides et dissonantes qui s’ajoutent au canevas électronique du compositeur. Petit reprend d’ailleurs une idée similaire pour la confrontation finale dans le sombre ‘Face à face’, véritable musique de suspense glauque à l’américaine. Pour en finir avec la partie électronique, on pourra noter le bref morceau d’action ‘Courir’ lorsque Luc et Alissa s’enfuient à la fin du film après que cette dernière ait assouvi sa soif de vengeance, avec ici aussi des rythmes électroniques et autres percussions qui évoquent par moment le James Newton Howard des années 80. Mais c’est la partie orchestrale, plus intéressante, qui retiendra ici toute notre attention. Petit développe le thème principal à loisir dans ‘Urgence’ ou ‘A l’hôpital’ tandis qu’un morceau comme ‘Sur les quais’ offre à la musique un caractère plus mélancolique toujours quelque peu influencé de Georges Delerue, à l’instar de ‘Chez Vera’ qui évoque les sentiments de Luc pour la froide Alissa, sur fond de cordes et de harpe. Le thème est repris dans ‘La fille d’un grand écrivain’, toujours joué par les cordes mais accompagné cette fois-ci d’un contrechant de flûtes qui accentue le caractère mystérieux et inquiétant de ce thème. Mais au final, c’est le caractère plus triste et amer de la partition qui l’emporte pour la scène où Luc et Alissa s’enfuient dans ‘La séparation’, toujours dominé par ces cordes lyriques apportant une certaine émotion au film de Didier Goldschmidt.

‘Alissa’ constitue donc une bien belle surprise de la part d’un compositeur français assez méconnu mais qui n’est certes pas dénué de talent, surtout lorsqu’il s’agit de créer des ambiances à la fois sombres et lyriques. Touche à tout, Carolin Petit mélange ici influences diverses, autant américaines qu’européennes pour une partition thriller aux sonorités dramatiques et intimistes qui s’avèrent être bien plus convaincantes que le film lui-même. On pourra cependant regretter le fait que l’album de la musique n’inclut pas ces très belles parties chorales a cappella entendues vers la fin du film, qui sont en fait extraites d’oeuvres vocales de Rachmaninov (célèbre pianiste et compositeur russe, un choix musical évident étant donné qu’il est question dans le film de personnages aux origines russes). Avec ‘Alissa’, Carolin Petit a donc eu tout le loisir de s’essayer ici au registre de la musique de thriller, mais en délaissant totalement toute la violence musicale coutumière de ce type de partition bien souvent macabre et suffocante, en jouant sur une certaine retenue et une dimension plus dramatique et intimiste. Si le résultat manque souvent d’originalité et de surprise, l’ensemble n’en demeure pas moins convaincant et parfaitement incorporé aux images du film. Voilà en tout cas une petite partition méconnue qui mériterait largement d’être redécouverte, à l’instar de son compositeur, Carolin Petit!


---Quentin Billard