1-Streets of London 2.00
2-The Road To The Workhouse 3.03
3-A Kind Old Woman 2.04
4-Oliver Runs Away 2.31
5-The Artful Dodger 1.49
6-Fagin's Loot 2.54
7-The Game 2.14
8-Oliver Learns The Hard Way 5.38
9-Watching Mr.Brownlow's House 2.17
10-The Escape from Fagin 1.13
11-Prelude To A Robbery 1.48
12-The Robbery 5.09
13-Toby and The Wounded Oliver 1.20
14-Nancy's Secret Journey 2.29
15-The Murder 2.27
16-Wanted: Bill Sykes
& A Fierce Dog 2.50
17-The Death of Bill Sykes 6.12
18-Newgate Prison 5.20
19-Rachel Portman Interview
(Bonus Track) 2.51

Musique  composée par:

Rachel Portman

Editeur:

Sony Classical SK 96506

Album produit par:
Rachel Portman

(c) 2005 Sony Music Entertainment.
All rights reserved.

Note: ***
OLIVER TWIST
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Rachel Portman
Porté à l’écran à de nombreuses reprises, le chef-d’oeuvre de Charles Dickens s’offre un bon bain de jouvence devant la caméra de Roman Polanski, qui signe de façon inattendue la réalisation de cette nouvelle adaptation cinématographique d’Oliver Twist. Jusqu’ici habitué aux histoires sombres et psychologiques, Polanski freine considérablement ses ardeurs et nous offre un film plus sage et académique, qui ne trahit néanmoins en aucune façon le talent du cinéaste qui possède toujours un réel don pour la narration. Récupéré dans un orphelinat de l’Angleterre victorienne, le jeune Oliver Twist (Barney Clark) mène une existence misérable dans un établissement où règne une discipline stricte et cruelle. Il est très mal nourri, on l’exploite de toute part, on le traite comme un chien, on ne lui donne aucun droit, etc. Un jour, las de cette existence, il se rebiffe et provoque sa gouvernante, ce qui lui vaudra une bonne correction. Peu de temps après, il décide de fuir et d’errer sur les bords de route en direction de Londres. Arrivé dans la capitale, épuisé et affamé, Oliver est recueilli par une bande de jeunes voyous qui travaillent pour un vieux gripsou du nom de Fagin (Ben Kingsley). Ces jeunes garçons l’initient au vol et à la survie dans un milieu hostile et difficile où seules comptent la ruse et la débrouillardise. Un jour, Oliver assiste à une tentative de vol de ses camardes sur un certain Mr. Brownlow (Edward Hardwicke), mais alors qu’il n’a pas commis ce vol, la police l’arrête sur le champ. Il décide de ne pas trahir ses nouveaux compagnons et se lie d’amitié avec Mr. Brownlow, qui prend pitié de lui et le recueille sous son toit, lui offrant une éducation et une vie plus confortable et sereine. Mais ses anciens amis le retrouvent et l’obligent à retourner chez Fagin, qui n’en a pas encore fini avec lui. Son compère, le sinistre Bill Sykes (Jamie Foreman), envisage de commettre un hold-up dans la luxueuse demeure de Mr. Brownlow, avec la complicité d’Oliver Twist. Horrifié à l’idée de cambrioler la demeure de son bienfaiteur, Oliver va tout mettre en oeuvre pour tenter d’empêcher le cambriolage et de vivre enfin en paix, sans la menace constante des voyous de Fagin.

‘Oliver Twist’ n’apporte donc pas grand chose de neuf par rapport aux précédentes versions, si ce n’est un nouvel exemple du savoir-faire d’un réalisateur éclectique et inspiré. Comme annoncé précédemment, Polanski tempère son style habituellement torturé et psychologique pour un film plus académique et conventionnel teinté néanmoins d’une certaine noirceur inspirée du roman de Charles Dickens. On y découvre ici la société anglaise sous l’ère victorienne vu du côté des miséreux et autres gens du peuple. On y découvre aussi une société sévère figée dans les conventions aristocratiques de l’époque, avec un clash énorme entre les classes moyennes et les privilégiées. Oliver Twist appartient à cette partie pauvre du peuple anglais de l’époque, un enfant qui tente de survivre dans un environnement difficile où l’on accorde peu d’attention à des orphelins quasiment accusé d’être orphelin et d’encombrer les établissements prévus à cet effet. A ce sujet, la première demi heure est particulièrement dure, suivant le parcours brutal et agité du jeune garçon face à un environnement d’adultes souvent cruels et sans compassion. Mais dans cet univers noir subsiste toujours un espoir, comme pour cette très belle scène où Oliver Twist, errant sur les routes, est recueillie par une vieille femme qui lui offre un souper et un peu de repos avant de reprendre le départ vers Londres, scène soutenue par une photographie de qualité et un soleil couchant aux rayons multiples. Effectivement, sous ses airs de film familial, ‘Oliver Twist’ s’avère être une histoire dure et sombre sur la condition des orphelins dans l’Angleterre victorienne du 19ème siècle, une histoire de survie, d’amitié, de trahison et de meurtre (d’où une scène de meurtre suggérée assez dur pour un jeune public). Mention spéciale à Ben Kingsley, méconnaissable dans la peau du vieux Fagin, qui, malgré son air de brigand un peu trop attiré par l’or et les bijoux, cache en réalité un grand coeur, veillant sur le jeune Oliver comme un père, ce qui nous vaudra d’ailleurs un final particulièrement poignant, bien que curieusement un peu trop expédiée à la va-vite. Sans être le nouveau chef-d’oeuvre de Roman Polanski, ‘Oliver Twist’ s’avère bel et bien être une nouvelle petite réussite de la part du réalisateur de ‘Répulsions’ et ‘Le bal des vampires’, un film au ton humaniste et social à la fois sombre et émouvant, porté par une photographie de qualité et des interprètes remarquables.

Alors que l’on se serait attendu à ce que la musique de ‘Oliver Twist’ soit confiée à Wojciech Kilar, qui a déjà signé la musique des deux précédents films du réalisateur, ‘The Pianist’ et ‘The Ninth Gate’, c’est finalement la compositrice Rachel Portman qui a été choisie pour mettre en musique le nouveau film de Roman Polanski. Rachel Portman est une habituée des musiques de comédie et des drames intimistes. A vrai dire, quasiment 90% de sa filmographie n’est constituée que de films de ce genre, et ‘Oliver Twist’ ne déroge évidemment pas à la règle. Sans surprise, la musique s’avère être 100% orchestrale, avec quelques thèmes sympathiques et un certain classicisme d’écriture sobre et épuré au maximum, sans aucune fioriture. ‘Streets of London’ nous dévoile ainsi le thème principal de la partition dès le générique de début du film, introduit par des cordes dansantes et énergiques et une trompette soliste majestueuse, thème aux rythmes enjoués très marqués (croche pointé – double) symbolisant la débrouillardise d’Oliver Twist et sa lutte pour la survie dans les rues de Londres. Le thème principal possède aussi un petit côté ’19èmiste’ et pastoral assez agréable, qui rappelle certaines 'folk song' anglaises traditionnelles et un style proche de la musique classique anglaise de la fin du 19ème siècle, quelque part entre Vaughan-Williams, Elgar ou bien encore Holst. ‘The Road To the Workhouse’ développe un second thème qui se partage entre les clarinettes et les cordes avec quelques rappels du thème principal, thème associé ici à l’orphelinat sur un ton plutôt serein bien que les figures rythmiques du début (croche pointé – double) soient toujours présentes, indissociables du jeune Oliver Twist. ‘A Kind Old Woman’ souligne quand à lui la scène où Oliver est recueilli chez la vieille dame. Rachel Portman met ici l’accent sur le pupitre des vents (fûtes, clarinettes) et des cordes pour illustrer la gentillesse de la vieille femme, avec un soupçon de mélancolie et un goût toujours très prononcé pour la sobriété et une certaine retenue intimiste. Le départ vers Londres est accompagné au son d’une excellente reprise du thème principal symbolisant l’espoir dans ‘Oliver Runs Away’.

C’est avec ‘The Artful Dodger’ que la partition semble changer, devant plus dynamique, plus rythmée, lorsque Oliver rencontre les jeunes voyous de Fagin dans les rues de Londres. Portman utilise ici un nouveau motif plus espiègle qui se partage entre clarinettes et cordes dans un style toujours très simple et léger. On découvre alors le thème du vieux Fagin dans ‘Fagin’s Loot’, mélodie plus ambiguë et mystérieuse qui fait parfois penser à un style d’air d’Europe de l’est, introduit par une harpe et une clarinette, repris ensuite par les cordes et le piano, et qui semble vouloir entretenir un certain doute au sujet du personnage (est-il bon? Est-il mauvais?), la dernière partie du morceau, plus brutale et soudainement agitée, évoquant le côté impulsif du vieil homme lorsque ce dernier regarde ses bijoux volés au moment où Oliver se réveille en face de lui, s’empressant très vite de le menacer en lui mettant un couteau sous la gorge tout en le questionnant sur ce qu’il vient de voir à l’instant même de son réveil. Le thème de Fagin se prolonge dans ‘The Game’ où il est repris par une clarinette, une flûte et accompagné par un violon soliste et quelques cordes. Portman développe le thème des voyous dans ‘Oliver Learns The Hard Way’ accompagné ici par un rythme espiègle et sautillant avec cordes, bassons et clarinettes, et de brefs rappels plus légers du thème de Fagin, le morceau débouchant sur un morceau d’action aux cordes lors de la poursuite avec la police, apportant un certain punch à la scène malgré l’extrême sobriété des moyens utilisés et le refus systématique d’une certaine complexité musicale (la musique de Rachel Portman restant toujours très lisse, très sage, très académique). On découvre finalement un dernier thème dans le sombre ‘Watching Mr. Brownlow’s House’, thème de quatre notes clairement menaçant et associé au sinistre Bill Sykes, introduit ici par des clarinettes, des cordes graves et des trombones, Portman associant clairement le pupitre des cuivres au personnage du grand méchant de l’histoire.

Dès lors, la musique semble considérablement changer de ton, s’obscurcissant radicalement tout en s’éloignant du côté léger et sautillant du début. La poursuite après la fuite de chez Fagin est accompagnée avec des cordes frénétiques et des petites percussions dans ‘The Escape from Fagin’ où règne là aussi une certaine noirceur qui semble annoncer un futur bien sombre pour le jeune Oliver. Cette idée se retrouve dans ‘Prelude to a Robbery’ où l’on retrouve le motif menaçant de Bill Sykes alors que les deux bandits préparent leur cambriolage en compagnie d’Oliver Twist. ‘The Robbery’ (scène du cambriolage) s’avère être l’un des morceaux les plus sombres du score de ‘Oliver Twist’, débouchant sur un nouveau passage orchestral tendu et agité. Dès lors, le thème de Sykes finit par hanter la partition, apportant un souffle de menace quasi maléfique sur tout cette seconde partie de la musique. A vrai dire, on avait rarement entendu Rachel Portman écrire une musique aussi sombre, preuve que la compositrice n’est pas seulement douée que pour les ambiances légères et sentimentales à la ‘Emma’. On appréciera par exemple la reprise lente et très mystérieuse du thème de Sykes par une clarinette sur un balancement de deux notes de cordes dans ‘Nancy’s Secret Journey’ (scène où Nancy rencontre en secret Mr. Brownlow pour trahir Fagin et ses compagnons et tenter de sauver Oliver Twist). ‘The Murder’ confirme en tout cas l’orientation noire et quasi oppressante de cette seconde partie avec de nouvelles reprises de l’entêtant thème menaçant de Sykes. A noter la façon toujours très directe et extrêmement simple qu’a la compositrice de suggérer le côté dangereux et menaçant du personnage sans jamais user du moindre élément avant-gardiste si cher aux compositeurs contemporains, en dehors d’une brève montée de tension dissonante à la fin de ‘The Murder’ durant la scène du meurtre. Le thème culmine aux trombones dans ‘Wanted: Bill Sykes and a Fierce Dog’, véritable leitmotiv obsédant qui finit par devenir un peu caricatural à la longue mais qui apporte néanmoins un sentiment de danger assez intense à cette dernière partie du film (scène où Sykes est recherché par la police). La noirceur de la partition culmine dans ‘The Death of Bill Sykes’ pour la mort de Sykes, poursuivi par la police et une partie des habitants des rues voisines. La musique se veut ici plus dissonante, plus noire et agitée, avec une dernière série de reprises menaçantes du thème de Sykes.

La partition se veut finalement plus douce et attendrissante durant la scène finale, ‘Newgate Prison’, lorsque Oliver rend visite une dernière fois à Fagin en prison. La musique, totalement libérée du côté noir et du motif obsédant de Bill Sykes, devient ici plus chaleureuse, plus humaine, avec son mélange cordes/vents et ses harmonies plus poignantes. Il règne ici une mélancolie qui va droit au coeur, alors qu’Oliver fait ses adieux au vieux Fagin qui va être exécuté, et qui fut comme un père pour lui. La boucle est bouclée avec une nouvelle et dernière reprise du thème principal enjoué aux cordes en guise de coda. Les fans de Rachel Portman auront donc de quoi être pleinement satisfait avec cette nouvelle partition orchestrale portée par un classicisme d’écriture très sur et une sobriété de ton typique de la compositrice, qui refuse ici toute forme de complexité et de sophistication. La musique va droit à l’essentiel, sans prendre de détour, et ce côté souvent très direct risque autant de toucher les fans de Rachel Portman que de laisser de marbre ceux qui ne sont pas habitués à son style musical et ses musiques pour les comédies et mes drames intimistes. La musique de ‘Oliver Twist’ capture parfaitement le côté à la fois noir, léger et émouvant de l’histoire imaginée par Charles Dickens, entre l’engouement quasi naïf du thème d’Oliver Twist, la noirceur du motif de 4 notes de Bill Sykes ou l’ambiguïté de la mélodie associée à Fagin, figure paternel brillamment servie par l’interprétation de Ben Kingsley. Grâce à une série de thèmes convaincants et à une écriture toujours très claire, soignée et sans équivoque, la musique apporte une certaine émotion au film de Roman Polanski, bien que l’on regrettera le manque d’originalité et de surprise d’une partition somme toute très convenue et bien loin de certaines audaces musicales des précédents films du réalisateur. Reste que le score de ‘Oliver Twist’ est à conseiller en priorité aux fans de Rachel Portman!



---Quentin Billard