1-Prologue 2.01
2-Emily Rose 3.48
3-The Suffering Begins 4.52
4-Interlude #1 2.14
5-First Possession 5.27
6-Second Possession 6.55
7-Third Possession 7.22
8-Interlude #2 2.32
9-The Exorcism 5.59
10-Six Demons 3.36
11-Interlude #3 3.51
12-A Vision of the Virgin Mary 3.31
13-Martydom 5.35
14-For Anneliese Michel 5.30

Musique  composée par:

Christopher Young

Editeur:

Lakeshore Records
LKS 33836

Produit par:
Christopher Young,
Flavio Motalla

Artwork and pictures (c) 2005 Lakeshore Entertainment. All rights reserved.

Note: ****
THE EXORCISM OF EMILY ROSE
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Christopher Young
Pour son second long-métrage, Scott Derrickson s’inspire d’une histoire vraie pour nous proposer un mélange inédit entre deux genres cinématographiques bien distinct : le film de procès et le film d’exorcisme. ‘The Exorcism of Emily Rose’ relate ainsi l’histoire vraie d’Anneliese Michel, rebaptisée ‘Emily Rose’ pour les besoins du film. Cette jeune adolescente allemande de 19 ans avait prétendue être possédée par des démons dans les années 70. Devant l’inquiétude de ses parents et de son entourage face à son état qui ne cessait de s’empirer jour après jour, Anneliese fut exorcisé par un prêtre allemand, qui ne fit qu’aggraver sa situation, alors que la jeune fille suivait en même temps un traitement médical censé la guérir de ce que les médecins qualifiaient de crises d’épilepsie psychotique. Mais ses crises ne firent qu’empirer, jusqu’au jour où la jeune fille décéda le premier juillet 1976. Le prêtre et les parents de la jeune fille furent alors accusés et condamnés pour homicide par négligence. Depuis ce jour là, la tombe d’Anneliese est devenue un lieu de pèlerinage pour de nombreux croyants qui considèrent que la jeune fille s’est battue avec courage contre les démons. Ces faits ont été rapportés par l’anthropologue Felicitas Goodman de son ouvrage intitulé ‘The Exorcism of Anneliese Michel’, qui a servi de source d’inspiration pour Scott Derrickson, qui est à la fois réalisateur et scénariste sur ‘The Exorcism of Emily Rose’. Bien évidemment, de nombreux éléments ont été modifiés et romancés pour les besoins du film, mais l’histoire reste quasi inchangée. Accusé de négligence à la suite de l’exorcisme raté sur la jeune Emily Rose (Jennifer Carpenter), le père Moore (Tom Wilkinson) est soutenu durant son procès par son avocate ambitieuse, Erin Bruner (Laura Linney). Cette dernière, athée, va avoir bien du mal à rentrer dans cet univers de religion et de surnaturel, alors que le père Moore persiste dans sa version des faits et veut tout faire pour pouvoir raconter devant la cours l’histoire d’Emily Rose telle qu’elle s’est réellement déroulée, afin que tout le monde sache enfin ce qui est véritablement arrivé à la jeune fille.

‘The Exorcism of Emily Rose’ est un astucieux mélange entre film de procès et film d’exorcisme, comme on en avait pas revu depuis l’incontournable ‘The Exorcist’ (1974) de William Friedkin, qui s’inspirait déjà lui aussi de l’histoire d’Anneliese Michel. Sans être l’électrochoc cinématographique que fut le film de Friedkin à son époque, ‘The Exorcism of Emily Rose’ possède pourtant suffisamment de qualité pour en faire un film de choix dans son genre. Le réalisateur retrace ainsi le procès du père Moore autour duquel viennent se greffer différentes versions des faits. Plus l’histoire avance, et plus le film montre clairement le combat entre le rationnel et le spirituel, un combat incarné respectivement dans le film par la partie adverse (Campbell Scott) et l’avocate du prêtre (Laura Linney, qui retrouve ici un rôle similaire à celui qu’elle tenait dans ‘Primal Fear’ en 1996). Que l’on croit ou non à cette terrible histoire de possession démoniaque et d’exorcisme qui tourne à la catastrophe, le film de Scott Derrickson ne nous laisse pas indifférent, car il aborde les questions de la foi, du rapport des hommes à Dieu et de l’âme humaine, accordant beaucoup d’importance à la présence des démons, aux symboliques entourant la présence des forces du mal, aux multiples manifestations du malin, etc. Certes, on pourra toujours reprocher à ‘The Exorcism of Emily Rose’ d’être tombé dans la facilité du parti-pris religieux qui frise dangereusement ici le prosélytisme (une plus grande neutralité aurait été la bienvenue), mais l’ensemble demeure tellement bien construit (le scénario étant de facture très classique pour un film de procès traditionnel, avec son lot de rebondissements, d’émotion et de suspense) et bien filmé que l’on ne peut qu’adhérer à ce film de procès sur fond d’épouvante religieuse qui fait véritablement froid dans le dos, car filmé de façon très réaliste, sans jamais céder aux gros effets spéciaux et autres artifices hollywoodiens de ce genre. Les amateurs de gore et d’effets horrifiques faciles en resteront donc sur leur faim. Mais le film vaut surtout par la performance hallucinante de la jeune actrice Jennifer Carpenter, qui nous offre là une véritable leçon d’acteur dans le rôle de cette jeune fille possédée, sous l’emprise de la folie démoniaque sous ses formes les plus brutales et les plus dérangeantes (on en parviendrait presque à oublier la performance anthologique de Linda Blair dans le film de William Friedkin). On pourra aussi apprécier au passage les performances de Laura Linney en avocate tourmentée par ses propres démons et Tom Wilkinson en prêtre prêt à tout pour raconter l’histoire vraie d’Emily Rose. En clair, on est bien loin ici des effets gothiques/horrifiques du film de William Friedkin (en dehors de deux ou trois scènes d’hallucination classique), ‘The Exorcism of Emily Rose’ jouant bien au contraire la carte du psychologique tout en posant habilement des questions sur l’homme et son rapport à la foi, à la nature. Sans aucun doute l’une des bonnes surprises cinématographiques de cette fin d’année 2005!

La terrifiante et macabre musique de Christopher Young est sans aucun doute l’un des atouts majeurs de ‘The Exorcism of Emily Rose’. Cela fait maintenant depuis près de 20 ans que le compositeur oeuvre régulièrement sur des films d’horreur et des thrillers en tout genre, le compositeur rayonnant plus que jamais dans ce qui reste encore aujourd’hui son genre cinématographique (et musical) de prédilection. Ce fait se confirme une fois encore avec sa nouvelle partition pour ‘The Exorcism of Emily Rose’, dans laquelle le compositeur poursuit son travail effectué sur le récent ‘The Grudge’ de Takashi Shimizu. Le score nous plonge du début jusqu’à la fin du film dans une atmosphère oppressante et terrifiante d’une intensité rare et d’une noirceur absolue. Dès le ‘Prologue’, Young installe une ambiance sinistre à la fois sobre et saisissante, à l’aide de nappes, d’une tenue de note grave et d’un petit motif de piano lointain en écho de 3 notes qui résonnent de façon obsédante (probablement associé à la symbolique du chiffre 3, la sainte trinité, l’heure dans le film à laquelle les démons se manifestent, etc.), alors que vient se greffer la voix de la soliste Sara Niemietz comme dans l’introduction de ‘The Grudge’, qui partage décidément beaucoup de points communs avec la musique de ‘The Exorcism of Emily Rose’ (on serait presque tenté de dire ‘un peu trop’ d’ailleurs). La voix féminine, proprement envoûtante, évoque bien entendu ici le personnage d’Emily Rose, alors même que cette voix semble surgir de loin et flotter dans les airs, annonçant un film au ton extrêmement noir et sombre. Cette ambiance sinistre se confirme avec ‘Emily Rose’ où Christopher Young tient la même note grave (un sol) en bourdon pendant plus de 3 minutes 48 sur laquelle viennent se greffer divers nappes électroniques glauques, la voix féminine lointaine, les notes dissonantes et stridentes des cordes et des notes aiguës et furtives d’un piano lointain, un effet que l’on retrouvera dans certains passages à suspense du score, et qui évoque le début des hallucinations de la jeune Emily Rose (on pourra aussi noter cette utilisation fréquente de jeu sur les cordes du piano, Young utilisant la fameuse technique du ‘piano préparé’ inventé par le compositeur américain John Cage dans les années 50). Atonale à 100%, la musique crée une atmosphère abstraite dans le film quasi irréelle, une abstraction de la terreur, un cauchemar musical comme seul Christopher Young sait en composer. Avec le terrible ‘The Suffering Begins’, c’est le début de la possession démoniaque d’Emily Rose et le début d’une longue suite de morceaux au climat halluciné et suffocant d’une intensité saisissante dans le film.

La musique apporte aux images une substance nécessaire, un éclat dramatique et psychologique qui ne peut laisser de marbre, le compositeur conservant du début jusqu’à la fin son style atonal et avant-gardiste qui doit décidément beaucoup à des compositeurs comme Penderecki ou Ligeti, avec ses effets orchestraux dissonants et ses sonorités évoquant la musique atonale savante du début des années 60 (comme dans ‘The Grudge’, qui empruntait pas mal au style du ‘Polymorphia’ de Penderecki). A l’écoute de ‘The Suffering Begins’, on ne peut que se réjouir de retrouver le grand Christopher Young des musiques de thriller, rappelant ici maints passages de scores tels que ‘Jennifer 8’, ‘Unforgettable’, ‘Species’ ou bien encore ‘Copycat’, Young jouant ici sur les cordes dans une atmosphère atonale où règne un malaise, un sentiment d’oppression constant parfaitement adapté à l’esprit tourmenté et torturé de la jeune adolescente. ‘Interlude 1’ nous permet alors de retrouver l’effet des notes aigus et furtives du piano de ‘Emily Rose’, qui viennent se greffer sur un bourdon dissonant de ce qui pourrait s’apparenter à un orgue électrique aux sons cristallins et particulièrement inquiétants, symbolisant la présence des démons, sons qui viennent ici s’opposer à la voix éthérée féminine représentant la jeune fille possédée. La terreur se manifeste bruyamment dans le dérangeant ‘First Possession’ où Young laisse son orchestre se déchaîner, à l’aide de nombreux effets de clusters de cordes, de divers jeux sur les cordes de l’instrument et un habile alliage de sonorités stridentes, dissonantes qui installent un véritable chaos sonore qui respire la peur, la terreur pure, illustrant une scène où le père Moore et la famille d’Emily tentent de calmer cette dernière en pleine crise de folie démoniaque et furieuse. Comme toujours, Young aime expérimenter avec son matériau sonore et nous propose un premier grand moment de terreur avec ‘First Possession’ où l’on retrouve une fois encore un style atonal orchestral très proche de ‘The Grudge’.

‘Second Possession’ fait monter la tension d’un cran avec le retour de ces sons d’orgue électrique dissonants, ces cordes lugubres d’une froideur absolue et ces voix féminines qui semblent se multiplier comme si elles cherchaient à représenter l’idée de la présence d’esprits, de fantômes ou de démons. Le morceau nous propose un nouveau travail autour des cordes proprement saisissant, entre clusters, glissendi, tremolos, effets aléatoires, chuchotements lointains et sonorités fantomatiques stridentes et macabres à souhait (on reste encore très proche ici du style du polonais Krzysztof Penderecki). Young évoque les scènes de possession par des effets de cordes et des sonorités dérangeantes à vous glacer le sang, d’une intensité une fois encore remarquable dans le film. La troisième scène de possession (‘Third Possession’) nous permet de retrouver le style expérimental cher au compositeur qui rappelle beaucoup sa musique rejetée pour ‘Invaders from Mars’ (1986). Les éléments se mettent ici en place après avoir été annoncés durant les pistes précédentes : sons d’orgue dissonants, effets sonores et techniques multiples des cordes (incluant les effets de col legno avec le bois de l’archet qui vient frapper les cordes des violons), notes aigus et lointaines du piano, petit motif mystérieux de 3 notes de piano, sonorités électroniques macabres (incluant des samples étranges de souffle humain), tout est fait pour nous faire ressentir ici la folie du personnage et sa terrifiante descente aux enfers. La violence de la seconde moitié du morceau nous renvoie à son tour à la violence que manifeste Emily Rose durant sa possession. La musique retranscrit donc cet univers de possession mais aussi de folie et de chaos absolu. ‘Interlude 2’ est sans aucun doute l’un des plus terrifiants morceaux du score, débutant aux sons de sonorités électroniques lointaines qui semblent flotter dans l’air de façon totalement surréaliste. Loin de la violence des morceaux évoquant les scènes de possession, ‘Interlude 2’ se veut au contraire plus calme mais toujours aussi angoissant. La mort semble planer sur ce morceau où les voix féminines continuent de résonner de façon fantomatique, par dessus un tapis de sonorités électroniques impalpables, mystérieuses, inquiétantes, dérangeantes, surnaturelles.

Ces sonorités surnaturelles et inhumaines laissent finalement la place au brutal ‘The Exorcism’, climax du score où Young laisse son orchestre à cordes se déchaîner pendant près de 6 minutes de folie orchestrale totalement maîtrisée, où acoustique et électronique se confondent pour former une masse quasi organique proprement terrifiante et infernale (à l’image de cette séquence d’exorcisme qui sombre dans la tragique et la terreur). La musique de Young nous ouvre ici les portes de l’enfer, aux frontières du monde humain et surnaturel avec ce véritable tour de force orchestral de 6 minutes de terreur pure. ‘Six Demons’ nous propose une sorte de seconde version de ‘Interlude 2’ dans un style toujours aussi angoissant et surnaturel. Même ambiance pour ‘Interlude 3’ qui reprend la voix féminine et le motif principal de piano sur fond de cordes graves, alors que ‘A Vision of the Virgin Mary’ nous propose un habile condensé du score dans un morceau lugubre, envoûtant et atmosphérique où se mélangent tenues de cordes/synthé et voix féminine éthérée pour la vision de la Vierge Marie vers la fin du film, le morceau aboutissant à un nouveau déchaînement de cordes chaotique et macabre à souhait. Le motif de 3 notes associé aux démons refait son apparition aux cordes dans ‘Martyrdom’, l’un des rares passages tonal du score de ‘The Exorcism of Emily Rose’, un morceau où règne une ambiance de désolation et de profonde tristesse associée à la perte tragique de la jeune Emily Rose, morceau plus humain et chaleureux qui nous permet enfin de respirer et de mettre fin au cauchemar des pièces précédentes. Quand à ‘For Anneliese Michel’, il s’agit du morceau accompagnant le générique de fin et qui nous propose une dernière reprise du motif principal de 3 notes de piano avec la voix de Sara Niemietz et quelques cordes sombres et pesantes, et que le compositeur semble avoir dédié à la jeune fille dont la tombe est devenu aujourd’hui un lieu de pèlerinage.

Avec ‘The Exorcism of Emily Rose’, Christopher Young nous livre une nouvelle partition ténébreuse d’une noirceur absolue, dans la continuité de ses précédents travaux sur des films d’horreur et des thrillers. Stylistiquement très proche de ‘The Grudge’, ‘The Exorcism of Emily Rose’ n’apporte rien de nouveau à l’édifice de la musique d’épouvante/suspense mais confirme malgré tout que le compositeur possède un style qui lui est propre malgré de nombreuses influences de Penderecki, un compositeur de référence chez Young qui lui a toujours servi de référent musical pour ses partitions horrifiques. Ici, on est loin du style d’un ‘Jennifer 8’ ou d’un ‘Copycat’, bien que certains passages nous y font parfois penser. La musique de Young se veut au contraire plus souvent introvertie, agitée de l’intérieur, délaissant tout ce qui est bois et cuivres afin de mettre l’accent sur les cordes, la voix féminines, les synthétiseurs et le piano. Young conserve donc le strict minimum et nous offre à partir de son matériau sonore judicieusement élaboré une véritable plongée en enfer musicale d’une intensité quasi bouleversante qui ne laissera personne indifférent, à l’instar du film de Scott Derrickson. Si ‘The Grudge’ vous avez déjà emballé par son atmosphère atonale noire et suffocante sans concession, vous allez véritablement tomber sous le charme de ‘The Exorcism of Emily Rose’, le nouvel opus ténébreux de Christopher Young, qui se montre plus que jamais inspiré dès qu’il s’agit de nous ouvrir les portes de l’enfer en musique et d’illustrer la noirceur de l’âme humaine. Cette magnifique partition atmosphérique suffocante à souhait et très difficile d’accès est à réserver en priorité aux aficionados du compositeur et à tout ceux qui apprécient les partitions atonales noires cauchemardesques, psychologiques et abstraites, une musique riche et complexe qui, en plus d’apporter une intensité d’une redoutable efficacité sur les images du film (on ressent tout au long de l’histoire ce malaise constant et ce côté surnaturel brillamment évoqué dans la musique de Young), nous fera frémir de terreur et de peur pendant plus de 60 minutes que l’on oubliera pas de sitôt. Etant donné la nature du sujet, on en attendait pas moins du grand Christopher Young qui signe là l’un de ses nouveaux chef-d’oeuvres!



---Quentin Billard