1-Bizarre City 4.08
2-The Beach Theme
(Swim to Island) 3.24
3-Vision of Fantasy 4.04
4-Mournful Myth 2.11
5-Starnight 1.46
6-Killing Fields 5.42
7-Blue Sex 2.38
8-The Beach Theme
(Mythical Waters) 1.59
9-Grassmark 2.45
10-Daffy's Done 2.15
11-Mystery of Christo 1.53
12-Pure Victims 2.44
13-Pursuit of A Shark 1.54
14-Waterfall Cascade 3.57
15-Dreamburst 2.47

Musique  composée par:

Angelo Badalamenti

Editeur:

London Records
4344311362

Album produit par:
Angelo Badalamenti
Montage musique:
Phil Marshall

(c) 2000 Figment Films. All rights reserved.

Note: ***
THE BEACH
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Angelo Badalamenti
Avec ‘The Beach’ (La plage) le britannique Danny Boyle évoque l’univers des paradis artificiels en usant de l’astucieuse métaphore d’une île déserte faussement paradisiaque convoité par beaucoup de monde. Richard (Leonardo DiCaprio) est un jeune américain qui a tout plaqué pour mener une vie d’aventure. A son arrivée à Bangkok, il y fait la rencontre de Daffy (Robert Carlyle), un britannique excentrique et fêlé qui lui remet une précieuse carte le conduisant à ‘la plage’, un endroit secret et mystérieux encore inexploré par l’homme. Peu de temps après, Daffy se suicide. Richard fait ensuite la connaissance d’un couple de jeunes français, Etienne (Guillaume Canet) et Françoise (Virginie Ledoyen), à qui il propose de partir ensemble en quête de la mystérieuse plage secrète, totalement inconnue de l’homme. Après un long voyage particulièrement difficile, les trois compères trouvent enfin l’île et découvrent malheureusement qu’elle est loin d’être inhabitée: des paysans y cultivent du cannabis en masse, armés jusqu’aux dents. Un peu plus loin derrière la forêt se trouve une mystérieuse communauté de voyageurs qui, après s’être échoués sur cette île, ont décidés de former une communauté et de vivre ensemble en utilisant la vente du cannabis comme moyen de gagner leur vie et de continuer à mener une existence paisible sur la plage. Les règles de cette communauté d’esprits libres sont simples: on ne parle de l’île à personne afin de conserver l’endroit secret et d’éviter l’arrivée massive de touristes, et on ne vit que pour le plaisir, tout ce qui pourrait faire défaut au bon déroulement de cette existence hédoniste étant systématiquement éliminé ou volontairement mis à l’écart. Richard, Etienne et Françoise arrivent alors à se faire accepter par la communauté dirigée par l’énigmatique Sal (Tilda Swinton), et tout semble aller pour le mieux, jusqu’au jour où des tensions naissent entre Richard et Etienne, alors que l’américain tombe amoureux de sa copine Françoise, et réciproquement. Richard doit aussi subir les moqueries et l’hostilité grandissante de l’un des membres, Bugs (Lars Arentz-Hansen). Puis, de fil en anguille, Richard va découvrir la face cachée de cette fausse existence paradisiaque, faite de contraintes, d’égoïsme et de fausse liberté, car le jour où Sal apprendra qu’il a donné une copie de la carte à un groupe de jeunes à Bangkok, son existence sur l’île va soudainement virer au cauchemar.

En abordant le concept d’une société hédoniste basée sur une île paradisiaque et convoitée, Danny Boyle évoque astucieusement l’univers des paradis artificiels, dans un monde de drogue et de plaisir où les hommes se sont crées leur propre univers clos totalement déconnecté de la réalité (d’où le parallèle avec le cannabis, qui permet ici à la communauté de vivre). Le réalisateur nous dévoile dans la seconde partie de son récit la face noire de cette communauté qui n’hésite pas à abandonner l’un des siens gravement blessé en pleine forêt, tout ça parce qu’il finit par trop gêner les autres qui cherchent à tout prix à vivre sans contrainte. Autant dire que le réalisateur insistera particulièrement sur le côté immoral d’une telle existence égoïste et complètement éloignée de la réalité, comme si ces adultes cherchaient à rester dans un état d’enfance latente tendance Peter Pan au royaume du cannabis. C’est aussi une brillante métaphore de cette quête de liberté absolue tendance Mai 68 relooké, les campagnes du Larzac cédant la place à l’île et sa plage paradisiaque, symbole d’un Eden rêvé et convoité. Le personnage de Richard, brillamment interprété par Leonardo DiCaprio (décidément, ce dernier n’a pas fini de nous surprendre!) est le type même de l’adolescent américain immergé dans la pop-culture, passionné de jeux vidéos et de films de guerre du Viêt-Nam (scène où il regarde ‘Apocalypse Now’ à la télévision). A ce sujet, on ne pourra d’ailleurs pas passer à côté de la mise en scène inventive et parfois excentrique du réalisateur de ‘Trainspotting’, qui va même jusqu’à nous offrir une scène hallucinée où l’on voit Leonardo DiCaprio se transformer en personnage pixelisé évoluant dans un jeu vidéo psychédélique et étrange, alors que le protagoniste principal commence à changer de caractère et à se transformer en bête sauvage en quête de survie dans une jungle hostile, s’inventant une mission quasi militaire (influence des jeux vidéos auxquels il joue toute la journée) alors que Sal l’oblige de force à camper au bord de la forêt pour empêcher les jeunes touristes d’y pénétrer. On retrouve dans ‘The Beach’ tout ce qui faisait le côté à la fois inventif et fantaisiste de films aux tons radicaux tels que le culte ‘Trainspotting’ ou le délirant ‘A Life Less Ordinary’ (à noter que c’est Ewan McGregor qui avait été choisi à l’origine pour jouer le rôle tenu par DiCaprio dans le film). Le film s’inspire du roman éponyme d’Alex Garland, qui s’apparente déjà à une parabole sur la vie dans notre société moderne et le rapport de l’homme à la nature, des thèmes que Boyle a su retranscrire avec succès, aidé par une mise en scène inventive et généreuse, une photographie de qualité signée Darius Khondji (qui a beaucoup travaillé sur les films de Jean-Pierre Jeunet et sur des films de David Fincher, Bernardo Bertolucci ou bien encore Roman Polanski) et un casting assez exceptionnel, réunissant des acteurs à la fois européens et américains tels que Leonardo DiCaprio, Robert Carlyle, Guillaume Canet ou la craquante Virginie Ledoyen.

La musique d’Angelo Badalamenti (qui, coïncidence, fut le compositeur de ‘La cité des enfants perdus’, film de Jean-Pierre Jeunet avec une photographie assurée par Darius Khondji) apporte un certain charme au film de Danny Boyle. Bien que le score soit obligé de cohabiter systématiquement tout au long du film aux côtés de chansons bien souvent envahissantes (bien que très variées et intéressantes la plupart du temps), il occupe une certaine place tout au long de l’histoire, ponctuant les différents moments essentiels du récit par des ambiances toujours très diversifiées. Ainsi, l’introduction se fait sur un ‘Bizarre City’ un peu étrange, morceau techno/électro rythmé qui accompagne la ville dans laquelle se trouve le personnage de DiCaprio au début du film et son débordement de sons, de bruits et d’agitation. Mais si le côté moderne et un peu sombre de ‘Bizarre City’ semble annoncer un début plutôt électronique et rythmique, ‘The Beach Theme (Swim to Island)’ développe quand à lui le magnifique thème principal associé à l’énigmatique île tant convoitée par les protagonistes principaux, écrit pour orchestre et quelques synthétiseurs. Le thème apparaît dans la scène où Richard, Etienne et Françoise nagent ensemble vers l’île de rêve. Exposé fièrement aux cordes sur fond de choeurs angéliques samplés, le thème est repris de façon grandiose pour conclure le morceau en beauté, véritable attraction principale du score, apportant à l’île un côté romantique et aérien raffiné tout simplement inattendu. Mais l’électronique est toujours de la partie, comme c’est le cas pour l’arrivée sur les premiers jours sur l’île dans ‘Vision of Fantasy’, qui replonge dans un style plus électro atmosphérique et sombre, un genre qu’affectionne beaucoup Badalamenti, l’orchestre étant toujours présent. La seconde moitié de ‘Vision of Fantasy’ délaisse clairement le côté rêveur de ‘The Beach Theme’ et nous propose un premier morceau d’action un peu effréné pour la scène des paysans cachés dans les récoltes, armés jusqu'aux dents. Badalamenti suggère le danger et la tension à l’aide de loops électroniques et de sonorités synthétiques diverses et sombres qui renforcent le côté moderne de la musique voulu par Danny Boyle.

La partition de ‘The Beach’ oscille ainsi entre passages électroniques/techno sombres et atmosphériques et moments plus doux, aériens et parfois mélancoliques comme le très orchestral ‘Mournful Myth’ qui semble évoquer pour nos héros le revers de la médaille et la désillusion d’un mythe qui n’en est pas un, sur la prétendue île de rêve. Mais un morceau comme ‘Starnight’ apporte quand à lui un peu de douceur avec la reprise du très beau thème principal version ballade romantique électro un peu kitsch (tendance années 80) avec claviers, basse électronique, guitares et petites percussions, accompagnant la scène où Richard drague Françoise un soir sur la plage. Suivant ainsi son alternance entre moments sombres et passages plus intimistes, Badalamenti se tourne donc pour la suite vers des morceaux plus sombres comme le nouveau morceau d’action entendu dans ‘Killing Fields’ avec orchestre et loops électro/techno plus agitées, suggérant une fois encore les dangers de l’île. Un passage plus intimiste comme ‘Blue Sex’ (scène d’amour entre Richard et Sal) paraît néanmoins plus nuancée, les cordes étant tempérées par des sonorités électroniques toujours aussi sombres et inquiétantes, qui nous font clairement comprendre que l’issue du film sera inévitablement dramatique. Le compositeur se fait aussi plaisir en nous offrant une belle reprise du ‘Beach Theme’ dans une ‘Mythical Waters’ qui évoque une fois encore par son côté aérien et romantique le mythe de l’île paradisiaque avec ses cordes majestueuses et ses sonorités électroniques tendance new-age. L’action et la tension repartent alors de plus belle dans ‘Grassmark’ lorsque Richard, rejeté de la colonie par Sal, se voit confier la mission de garder les abords de l’île pour empêcher d’éventuels intrus de se faufiler jusqu’à eux. Cordes dissonantes et loops électros sont de nouveau de la partie dans cette pièce atmosphérique sombre qui débouche sur un ‘Daffy’s Done’ tout aussi sombre et électronique, le thème de l’île étant chanté ici par des voix planantes qui semblent résonner au loin comme le souvenir d’un mythe déjà oublié qui semble avoir disparu avec les rêves d’innocence de ses personnages, un peu comme dans ‘Mystery of Christo’ où le thème est joué par un cor solitaire sur fond de cordes mélancoliques.

La tension continue de monter dans un passage plus clairement orienté vers le suspense et l’action dans ‘Pure Victims’, lorsque les paysans abattent les touristes étrangers débarqués récemment sur l’île. Les cordes, les percussions et les cuivres s’associent ici pour évoquer la violence de la scène, agrémentés de sonorités électroniques étranges et sombres qui semblent constamment ‘envahir’ l’orchestre, comme si les synthétiseurs représentaient la menace, l’envers du décor et l’orchestre les rêves déchus des protagonistes principaux. La conclusion se déroule alors en trois mouvements: ‘Pursuit of a Shark’ et sa reprise du thème de l’île dans un registre plus mélancolique débouchant sur un nouveau morceau d’action, ‘Waterfall Cascade’ et son style new-age atmosphérique sombre, et pour finir, ‘Dreamburst’ et son final sombre qui évoque la fin du rêve et le départ de l’île, la colonie étant définitivement annihilée par les paysans qui ne veulent plus voir de gens sur leurs terres. Très sombre, ce final conclut le score sur une touche résolument pessimiste et agressive, symbolisant encore plus durement la désillusion, le désenchantement de ce paradis artificiel. ‘The Beach’ est donc un score très sympathique mais pas follement original de la part d’un Angelo Badalamenti qui maîtrise son sujet, inspiré par le film de Danny Boyle, mais qui ne cherche jamais vraiment à dépasser les images, se cantonnant souvent à un registre un peu atmosphérique pas toujours très intéressant à écouter, autant dans le film que sur l’album du score. Néanmoins, il faudra signaler l’effort entrepris par le compositeur pour nous offrir un magnifique thème de qualité d’une beauté inattendue et quelques bons passages d’action/suspense, qui nous donnerait presque envie d’entendre plus souvent Badalamenti officier sur des films d’action.


---Quentin Billard