1-Main Title 1.12
2-Someone's in The Kitchen 2.26
3-Trapped 0.45
4-Nightwalk 1.53
5-Who's on the Roof? 2.45
6-Surprise 1.56
7-The Phone's Dead 1.20
8-The Sacrifice 3.06
9-The Last Chance 2.07
10-Farewell to Brian 2.18
11-Moonchill 0.43
12-No Escape 1.47
13-Her Man Awaits 1.03
14-Bill's Piece of Mind 1.37
15-A Little Prank/Kiss and Kill 1.42
16-Search for Hemmit 1.02
17-End Title 2.12

Musique  composée par:

Christopher Young

Editeur:

Citadel Records LEC 8000

Edition limitée à 1500 exemplaires
Produit par:
Christopher Young
Conduit par:
Paul Francis Witt

(c) 2004 Citadel Records. All rights reserved.

Note: ***
PRANKS
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Christopher Young
Petite production horrifique totalement méconnue du début des années 80, ‘Pranks’ (connu sous divers noms, aux USA sous le titre ‘The Dorm That Dripped Blood’ ou ‘Death Dorm’, en France sous le titre ‘House of Blood’ ou ‘La maison de sang’, etc.) est un slasher-movie qui précédait déjà tous les futurs ‘Scream’, ‘I Know What You Did Last Summer’ ou ‘Urban Legend’. Il s’agit du tout premier long-métrage de deux amis cinéastes fans de films d’horreur, Stephen Carpenter et Jeffrey Obrow, qui passeront une bonne partie de leur carrière à filmer ensemble des séries-B d’horreur sans grande envergure. ‘Pranks’ se veut comme une sorte de modeste hommage à tous les grands classiques des films d’horreur à l’ancienne, le long-métrage empruntant beaucoup au style et à l’ambiance du ‘Halloween’ de John Carpenter. On y retrouve une même économie de moyen (le budget est ici bien misérable, à peine 90.000 dollars) et une ambiance noire et oppressante tout à fait similaire, à la différence que Stephen Carpenter n’a de commun avec John Carpenter que le nom. L’histoire, d’une banalité absolue, évoque l’horreur d’un groupe de cinq jeunes étudiants qui, au cours de leurs vacances d’hiver, acceptent de nettoyer le foyer d’étudiants baptisé Morgan Meadows Hall, sur le point d’être fermé et entièrement rasé. Mais un redoutable serial-killer rôde dans les parages et commence à traquer et à assassiner les jeunes les uns après les autres. Tous soupçonnent alors fortement l’étrange John Hemmit (Woody Roll) d’être le coupable de tous ces crimes et vont chercher à appréhender le sinistre individu, qui continue de rôder autour du foyer d’étudiants. Mais l’homme demeure introuvable et les meurtres continuent de plus belle. Joanne (Laura Lapinski) et ses amis sont les victimes faciles d’un psychopathe qui rampe dans l’obscurité et qui n’a qu’une idée en tête: tuer. Vous l’aurez compris, le scénario est basique à souhait, et semble avoir été écrit dans l’urgence et la précipitation. Mais le plus gros défaut du film – outre un côté technique particulièrement amateur – provient sans aucun doute de la mollesse du rythme et de la mise en scène du film.

Carpenter et Obrow semblent vouloir nous perdre dans des plans nocturnes et obscurs qui paraissent interminables, multipliant les scènes où les jeunes fouillent le bâtiment dans le noir à l’aide d’une lampe torche, comme s’il s’agissait de l’unique façon pour les concepteurs du film de faire monter la tension (parce qu’entre nous: est-ce que ces scènes sont vraiment censées faire peur? Si c’est le cas, c’est raté!). On est quand même bien loin ici du brio d’un John Carpenter! Les scènes de meurtre sont quand à elle particulièrement mou du genou, les quelques effusions de sang se limitant au strict minimum, avec cependant quelques tueries bien barbares et inventives (un homme dont la tête est trouée par une perceuse, une jeune fille écrasée par une voiture, un autre homme tué à coup de batte à piquants, etc.), mais rien d’extrême ou de particulièrement gore (à noter cependant une fin assez sympa et inattendue). Audace zéro, talent zéro, tels pourraient être les mots (sévères, hélas) qui serviraient à résumer ‘Pranks’, dont le titre U.S., ‘The Dorm that Dripped Blood’, emprunte sans vergogne au titre d’un grand classique de l’horreur, ‘The House That Dripped Blood’ (1970, avec Christopher Lee et Peter Cushing). Film de débutant prévisible qui tente de rendre hommage à quelques grands classiques du slasher-movie de la fin des années 70 et du début des années 80 (‘Halloween’, ‘Tourist Trap’, ‘Alone in the Dark’, etc.), ‘Pranks’ est un nanar horrifique particulièrement mou, ennuyeux et médiocre, qui ne tient véritablement pas ses promesses. D’ailleurs, ce n’est certainement pas un hasard si la plupart des acteurs (pas très bons) qui ont tournés dans ce film n’ont jamais rien fait d’autre par la suite, à part la jolie Daphne Zuniga qui joue ici son tout premier rôle au cinéma et qui connaîtra une carrière plus intéressante par la suite (‘The Initiation’, ‘Vision Quest’, ‘Spaceballs’, ‘The Fly II’ ou bien encore la série TV ‘Melrose Place’). En clair, un premier film fauché et raté de la part du duo Carpenter/Obrow qui, quelques années plus tard, rempilera sur ‘The Power’ (1984) et ‘The Kindred’ (1987) avant que les deux compères ne se séparent à la fin des années 80 pour partir filmer chacun de leur côté.

Une fois encore, on ne retiendra qu’un seul véritable élément positif dans ce nanar fauché et sans envergure, la sympathique partition atonale et horrifique de Christopher Young (crédité sous le nom ‘Chris Young’ dans le film), qui débutait ici dans le milieu de la musique de film pour ce tout premier projet composé à l’époque où le musicien venait à peine de sortir de l’Université de Caroline du Sud où il fit ses études aux côtés des élèves du mythique David Raskin. Christopher Young connaissait Stephen Carpenter et Jeffrey Obrow puisqu’ils ont étudié ensemble dans les mêmes classes, et c’est grâce à ce premier travail quelque peu fonctionnel que le compositeur va progressivement entamer son ascension vers le cinéma hollywoodien, où il pourra ensuite laisser libre cours à son imagination aussi brillante que fertile. Sur ‘Pranks’, le compositeur évite fort heureusement le cliché des musiques électroniques cheap typiques des scores de série-B horrifiques à petit budget des années 80 en utilisant une formation instrumentale intéressante et expérimentale. Cordes, percussions diverses (timbales, woodblocks, gong, vibraphone, cymbales, cloches, glockenspiel, xylophones, etc.), deux pianos et un harmonica basse sont ici de la partie, nous offrant un mélange de sonorités particulièrement intéressant. Le musicien nous démontre dès ses débuts qu’il a tout compris du style avant-gardiste des grands musiciens de la musique savante contemporaine du 20ème siècle, que ce soit Bartok, Ligeti ou Penderecki, ou bien encore Jerry Goldsmith ou Bernard Herrmann, les deux grands modèles du compositeur qui l’ont particulièrement inspirés sur ‘Pranks’.

Le score de Young est entièrement atonal, reposant sur un travail intéressant autour des dissonances. Le film s’ouvre au son d’un ‘Main Title’ macabre à souhait, introduisant les principales sonorités de la partition : un motif de bref glissendi de cordes stridentes qui crissent dans le suraigu à la façon du ‘Psycho’ de Bernard Herrmann, le tout sur un lit de contrebasses sombres et de percussions (gong, cloches, timbales, glockenspiel, etc.) qui renforcent la tension que dégage cette excellente ouverture sinistre à souhait, et qui annonce clairement la couleur. La musique dégage dans le film ce parfum de terreur et de suspense omniprésent du début jusqu’à la fin, le score étant d’ailleurs clairement mis en valeur dans le mixage comme l’un des principaux éléments de tension du film. ‘Someone’s In The Kitchen’ entame une longue montée de tension au début du score pour la scène où les jeunes fouillent la cuisine à la recherche d’Hemmitt. Young introduit ici la sonorité particulière de l’harmonica basse sur fond de piano dissonant, cordes sombres, glockenspiel, roulements de timbales inquiétants, etc. La tension monte d’un cran dans ‘Trapped’ où des glissendi de cordes dissonantes et des timbales introduisent un bref morceau de terreur digne des plus grandes pages d’un Ligeti ou d’un Penderecki.

Le suspense semble s’épaissir encore plus dans ‘Nightwalk’ qui évoque par moment certaines sonorités du ‘Alien’ de Jerry Goldsmith, baignant dans une atmosphère incessante de peur, avec ses effets de trilles/tremolos stridents de cordes et ses différentes percussions qui renforcent le sentiment de menace et de danger. Un morceau comme ‘Who’s On The Roof ?’, qui illustre le jeu mortel du chat et de la souris (scène où les héros entendent du bruit sur le toit), est particulièrement réminiscent du ‘Planet of the Apes’ de Jerry Goldsmith, avec une utilisation assez similaire du piano, des percussions et des cordes. La terreur devient concrète dans le très sinistre ‘Surprise’ avec ses glissendi dissonants de cordes et ses notes de piano martelées dans le grave, sans oublier cette sonorité étrange de l’harmonica basse. Young utilise ici différents effets avant-gardistes de cordes, que ce soit les glissendi, les clusters, les trémolos ou les trilles, apportant un réel sentiment d’horreur au film (qui peine bien à traduire ce sentiment en lui-même – une fois encore dans ce type de série-B d’épouvante, c’est quasiment la musique qui fait tout ici!), un peu comme dans l’obsédant ‘The Phone’s Dead’ ou le mystérieux ‘The Sacrifice’. Dommage cependant, qu’au bout de quelques minutes, le score est tendance à devenir extrêmement répétitif et un peu monotone, les morceaux n’apportant jamais rien de franchement nouveau par rapport aux pièces précédentes, sans aucun doute le plus gros défaut du score de ‘Pranks’. Ceci étant dit, on appréciera la qualité des morceaux de terreur de la dernière partie du score, comme ‘No Escape’ ou ‘Bill’s Piece of Mind’ qui évoque la poursuite finale entre le serial-killer et Joanne, idée que l’on retrouve dans ‘A Little Prank’ qui reprend les brefs glissendi stridents du ‘Main Title’ dans un nouveau morceau de terreur macabre à souhait et toujours aussi influencé de Bernard Herrmann. Le score se conclut finalement sur le ‘End Title’ qui reprend une dernière fois les glissendi stridents de l’ouverture, la boucle étant bouclée.

Pour sa toute première partition pour un film d’horreur, Christopher Young démontrait déjà en 1982 qu’il avait l’étoffe d’un grand musicien de cinéma, appliquant ici à la lettre tous les codes et conventions de la musique d’horreur par le biais d’une formation instrumentale expérimentale et intéressante, bien que l’ensemble demeure encore un peu trop sous influence. Mais pour un début, c’est tout de même un bon début, même si le score manque encore de personnalité. On aimerait en tout cas entendre plus souvent des musiques de série-B d’horreur à petit budget de cette qualité, Young nous prouvant ici qu’il possède un réel savoir-faire et une science d’écriture avant-gardiste/expérimentale qu’il a brillamment acquit tout au long de ses études musicales. Si ‘Pranks’ est une partition de jeunesse mineure du compositeur, elle servira néanmoins de référence pour Young lorsqu’il composera certaines de ses futures musiques d’horreur/thriller à la fin des années 80 jusqu’à aujourd’hui. Remercions le label Citadel Records pour avoir eu l’excellente idée de rééditer cette BO qui n’était alors disponible que sous la forme d’un LP au son poussiéreux.


---Quentin Billard