1-Opening Title 0.58
2-Beauty Song (Jia Ren Qu) 2.32*
3-The Echo Game 1.17
4-The Peonyhouse 1.22
5-Battle in the Forest 3.26
6-Taking Her Hand 1.14
7-Leo's Eyes 1.51
8-Lovers (Flower Garden) 2.19
9-No Way Out 3.59
10-Lovers 1.54
11-Farewell No.1 2.42
12-Bamboo Forest 2.36
13-Ambush in 10 Directions
(Shi Mian Mai Fu) 2.01
14-Leo's Theme 2.36
15-Mei and Leo 3.06
16-The House of Flying Daggers 1.27
17-Lovers (Mei and Jin) 4.21
18-Farewell No.2 2.49
19-Until the End 2.55
20-Lovers (Title Song) 4.12**

*Interprété par Zhang Ziyi
**Interprété par Kathleen Battle.

Musique  composée par:

Shigeru Umebayashi

Editeur:

Sony Classical SK-93561

Album produit par:
Shigeru Umebayashi


Note: ****
HOUSE OF FLYING DAGGERS
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Shigeru Umebayashi
Les grosses productions asiatiques sont de plus en plus à la mode ces derniers temps. Depuis le succès de ‘Tigre et dragon’ en 2000, le grand public semble faire les yeux doux à ce type de production mélangeant arts martiaux, chorégraphies oniriques et poésie typiquement asiatique. Après ‘Hero’, voici une nouvelle grande production hongkongaise du réalisateur Zhang Yimou, ‘Le secret des poignards volants’. Le film nous transporte dans la Chine de l’an 859. Le pays est soumis au règne de la dynastie Tang, qui sombre progressivement dans la corruption et le déclin, tandis que la Chine toute entière est ravagée par des conflits. Les dirigeants corrompus mènent un implacable bras de fer avec une multitude de groupe rebelles qui ne cessent de se multiplier au fil des années. Parmi ces rebelles se trouve la Maison des Poignards Volants, une puissante armée de révolutionnaires qui luttent depuis toujours contre la dynastie Tang. Leo (Andy Lau) et Jin (Takeshi Kaneshiro), deux capitaines de l’armée gouvernementale sont envoyés pour appréhender le chef de la Maison des Poignards Volants. Ils organisent ensemble un stratagème visant à manipuler une belle courtisane/révolutionnaire aveugle nommée Mei (Zhang Ziyi) qu’ils soupçonnent d’appartenir au groupe de rebelles armés. Leo arrête la jeune femme et la jette en prison. Jin se fait alors passer pour un combattant solitaire baptisé Wind qui porte secours à Mei et s’enfuit avec elle. Il compte se servir de la jeune femme pour l’amener tout droit au coeur de la Maison des Poignards Volants. Seule ombre au tableau: il finit par tomber amoureux de Mei, compromettant dangereusement sa mission.

Après un ‘Hero’ très critiqué, Zhang Yimou renoue avec le style du film de sabre et de chorégraphies d’arts martiaux surréalistes comme il semble tant les affectionner. Moins porté sur la surenchère visuelle du pourtant déjà très beau ‘Hero’, ce ‘Secret des poignards volants’ va encore plus loin en se centrant cette fois-ci autour d’un trio de personnages aux résonances tragiques: deux capitaines manipulateurs et une jeune courtisane aveugle au centre du trio amoureux. On retrouve ici ce même goût pour une poésie raffinée et des images aux parfums oniriques comme cet affrontement (déjà quasi anthologique) dans une forêt de bambous ou un autre affrontement dans les hautes herbes. Yimou transcende chaque séquence en y apportant un côté onirique, défiant les lois de la gravité à travers des chorégraphies toujours très spectaculaires (une marque de fabrique de ce type de grosse production asiatique d’aujourd’hui). Mais le thème central du film reste l’amour, qui transcende les êtres humains et les idéaux. Le réalisateur fait donc de ses héros des personnages romantiques sombrant progressivement dans le drame alors qu’ils se laissent aveugler par leurs sentiments pour la belle courtisane révolutionnaire, entraînant un lot de sacrifice, de trahison et d’affrontement au nom de l’amour. A noter les performances remarquables du trio d’acteur, Zhang Ziyi illuminant une fois de plus l’écran à travers la finesse et la discrétion de sa beauté, évoquant un doux parfum asiatique lointain. Si ‘Le secret des poignards volants’ n’apporte pas grand chose de neuf au genre du wuxia (film de chevalerie chinoise auquel Yimou rend ici hommage à l’instar de ‘Hero’), il n’en demeure pas moins très réussi, autant sur le plan visuel que sur la partie scénaristique. Mélangeant action, aventure et émotion avec une certaine poésie, ‘Le secret des poignards volants’ s’avère être une bien belle réussite qui devrait combler les amateurs de cinéma asiatique post-Tigre et dragon!

Le compositeur japonais Shigeru Umebayashi est décidément très actif en ce moment. Le musicien, ancien membre du groupe de rock japonais new-wave ‘rock band EX’ s’est fait connaître après du public occidental grâce à sa partition pour ‘In The Mood for Love’ de Wong Kar-Wai en 2001, et ce alors qu’il oeuvrait déjà pour le cinéma chinois et japonais depuis le milieu des années 80. Sa musique pour ‘Le secret des poignards volants’ s’affirme dans la continuité des musiques de Tan Dun pour ‘Tigre et dragons’ et ‘Hero’: instrumentarium asiatique, mélangé à un orchestre symphonique occidental plus quelques touches d’électronique. La musique évoque à la fois la splendeur visuelle des décors du film et des chorégraphies oniriques, en même temps que les déboires sentimentaux du trio amoureux du film. ‘Opening Titles’ pose le décor en introduisant les sonorités exotiques du score: la dizi, flûte traversière en bambou d’origine chinoise, entame un solo doux et envoûtant à la fois. Puis, ‘Beauty Song (Jia Ren Qu)’ nous permet de découvrir l’un des thèmes centraux du score de ‘House of Flying Daggers’ à travers la voix douce et suave de l’actrice Zhang Ziyi (qui est aussi l’interprète de la chanson), accompagnée ici d’une yangqin - cithare chinoise traditionnelle en forme de trapèze et constitué de 36 cordes minimum, que l’on joue à l’aide de 2 mailloches en bambou. Cette ‘chanson de beauté’ (associée à la belle Mei) annonce clairement la tonalité plus émotionnelle et sentimentale de la musique de ‘House of Flying Daggers’. Variant les ambiances avec une certaine aisance, Umebayashi nous offre ensuite un beau moment de percussions solo dans ‘The Echo Game’ pour la scène où Lin défie Mei au jeu de l’écho au début du film. ‘The Peonyhouse’ change encore radicalement d’ambiance en posant ici une trame plus orchestrale avec percussions et synthétiseurs dans un registre plus moderne et occidental – Umebayashi nous propose un brillant métissage musical tout au long de sa musique, les cultures asiatiques et occidentales se mélangeant comme pour rappeler le côté universel de cette histoire d’amour – et de l’amour en général.

Dès lors, Umebayashi a posé les bases de sa partition et va progressivement nous dévoiler les principaux thèmes de sa partition. ‘Battle in the Forest’ suggère déjà le thème de Leo joué ici par une cornemuse sur fond de percussions durant la scène de l’affrontement dans la forêt, rythmée par le son des percussions. ‘Taking her Hand’ dévoile la partie plus intime du score, comme ‘Leo’s Eyes’ avec sa flûte solitaire qui suggère déjà les sentiments naissances du personnage pour Mei. Puis, le compositeur dévoile son magnifique thème principal dans le poignant ‘Lovers – Flower Garden’, superbe ‘Love Theme’ d’une beauté frémissante, jouée ici par l’erhu (violon chinois très utilisé par Tan Dun dans ‘Hero’) accompagné par une guitare et des cordes. Délicat et sensuel, le thème principal porte ce doux parfum unique d’une Asie rêvée à travers cette toile sentimentale qui compose la partition de ‘House of Flying Daggers’ (le fait que le thème commence sur les mêmes notes que le fameux thème de ‘The Godfather’ de Nino Rota est certainement un hasard...). ‘Lovers’ nous permet de réentendre une très belle version de ce thème joué par un erhu solitaire. ‘No Way Out’ fait quand à lui intervenir un étrange son de cornemuse samplé sur fond de percussions, de dizi et d’orchestre sur fond d’ostinato rythmique entêtant, pour la scène où Mei et Jin s’enfuient ensemble dans la forêt pour échapper à leurs attaquants.

La partie plus action de la musique de ‘House of Flying Daggers’ n’est peut être pas la partie la plus intéressante du score d’Umebayashi, mais elle n’en demeure pas moins très présente et particulièrement soignée dans le film. Mais c’est la partie plus intime comme ‘Farewell No.1’ qui attire ici toute notre attention, le saxophone soliste, accompagné par l’orchestre, suggérant une certaine mélancolie toute en finesse. A noter que ‘Farewell’ dévoile le second thème majeur du score, associé à la partie plus dramatique de cette histoire d’amour tragique. On constate aussi avec quelle aisance le compositeur varie son instrumentation tout au long de son oeuvre. Le troisième thème majeur de la partition, le ‘Leo’s Theme’, associé au personnage – tragique – de Leo, porte lui aussi cette sensation de douce mélancolie reliée aux sentiments du héros pour la belle Mei – relation qu’il sait pourtant impossible et vouée à l’échec. Le saxophone interprète ici aussi cette mélodie poignante avec une certaine retenue touchante, sur fond de cordes statiques et épurées. Signalons quelques très beaux passages comme la musique pour la scène dans la forêt en bambou, ‘Bamboo Forest’, entièrement portée par la voix éthérée de la chanteuse Tomoko Kanda (et qui correspond parfaitement au côté onirique de la mise en scène de cette séquence-clé du film), sans oublier la scène de l’affrontement, ‘Ambush in 10 directions (Shi Mian Mai Fu)’, accompagnée de façon très minimaliste par la dizi et le yangqin saupoudré d’un zest de synthétiseurs atmosphériques. On retrouve une ambiance similaire dans ‘House of Flying Daggers’ avec sa dizi soliste pour la scène où Leo arrive au QG de la Maison des poignards volants, suivi d’une très belle reprise du thème principal dans ‘Lovers (Mei and Jin)’ lorsque Jin retrouve Mei une dernière fois après Leo, puis le retour du thème mélancolique dans ‘Farewell No.2’ et un ‘Until the End’ paisible avec sa voix féminine éthérée et ses cordes douces, suivi d’une dernière partie plus sombre avec erhu, guitare et cordes.

Umebayashi conclut sa partition avec une magnifique reprise de son thème principal dans ‘Lovers (Title Song)’ chanté ici par la soprano Kathleen Battle, le compositeur nous livrant là un climax émotionnel particulièrement vibrant, ‘Lovers (Title Song)’ restant sans aucun doute le morceau-clé du score de ‘House of Flying Daggers’, une partition qui devrait combler à coup sur tous les amateurs de musiques de film asiatiques, évoquant des compositeurs tels que Tan Dan, Toru Takemitsu ou bien encore Kitaro. Il ne fait aucun doute qu’un score de qualité comme ‘House of Flying Daggers’, dont la musique, parfaite sur les images du long-métrage de Zhang Yimou, survit sans problème en dehors du cadre fonctionnel du film grâce à ses qualités musicales et mélodiques indéniables – un côté raffiné, une instrumentation étoffée, un thème principal mémorable qui hante l'esprit longtemps après l'écoute, un parfum de mélancolie asiatique tout en retenue, etc. A une époque où l’inspiration vient cruellement à manquer dans une bonne partie du cinéma américain (et européen, malheureusement...), il est bon de se tourner vers d’autres horizons, le cinéma asiatique continuant une fois de plus de nous offrir de bien belles surprises comme cette très belle partition du décidément très talentueux Shigeru Umebayashi.


---Quentin Billard