1-Prayers 6.02
2-Pull The Tapes 4.14
3-Take Off 3.07
4-2nd Plane Crash 2.27
5-Making The Bomb 3.57
6-The Pilots 1.21
7-The Pentagon 1.43
8-Phone Calls 10.49
9-The End 5.50
10-Dedication 3.51

Musique  composée par:

John Powell

Editeur:

Varèse Sarabande
302 066 740 2

Produit par:
John Powell
Producteur exécutif:
Robert Townson
Directeur de la musique pour
Universal Pictures:
Kathy Nelson, Harry Garfield
Music Business Affairs
pour Universal Pictures:
Phil Cohen
Direction de l'album pour
Universal Pictures:
David Buntz
Monteur musique:
Mike Higham
Copiste musique:
Fiesta Mei Ling
Assistants compositeur:
Germaine & Matteo Franco

This music is a prayer for
peace and is dedicated to Melinda,
Oliver and all those killed
and damaged on September 11th 2001.

Merci à Tom Kidd de
Ray Costa Communications pour
m'avoir envoyé un exemplaire de
la BO de 'United 93'.

Artwork and pictures (c) 2006 Universal Pictures. All rights reserved.

Note: ****1/2
UNITED 93
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by John Powell
Les attentats du 11 septembre 2001 ont définitivement marqués le peuple américain comme une blessure qui mettra beaucoup de temps à cicatriser. C’est peut être une banalité d’affirmer une évidence pareille, mais pourtant, c’est bien ce qu’Hollywood semble avoir compris avant tout le monde. Si l’on a pu ressentir les influences des attentats tout au long des films de ces cinq dernières années, il faudra attendre 2006 pour voir débarquer sur nos écrans deux films d’exception retranscrivant chacun à leur tour la tragédie du 11 septembre: le très attendu ‘World Trade Center’ d’Oliver Stone et ‘United 93’ de Paul Greengrass. Ce dernier s’intéresse plus particulièrement au sort des passagers du désormais tristement célèbre vol 93, un des 4 avions détournés par les terroristes au cours du 11 septembre qui n’a pas réussi à atteindre sa cible. Le réalisateur de ‘Bloody Sunday’ filme cette histoire tragique en temps réel, 90 minutes qui se sont écoulées entre le départ de l’appareil et le crash de l’avion, après que les passagers se soient révoltés contre les terroristes afin de se sacrifier pour empêcher que l’appareil n’atteigne la Maison Blanche à Washington. A l’instar de ‘Bloody Sunday’, Paul Greengrass revient dans ‘United 93’ au genre du documentaire-fiction et a choisi de tourner son film avec des acteurs peu connus (certains ne sont d’ailleurs même pas des professionnels et interprètent leurs propres rôles), préférant éviter à l’inverse du ‘World Trade Center’ d’Oliver Stone le côté ‘tête d’affiche’ qui aurait certainement nuit au réalisme du film.

Jamais un film n’avait atteint une telle intensité et un tel degré de réalisme. Effectivement, Paul Greengrass utilise des caméras standard sans aucun effet numérique et autres artifices hollywoodiens, filmant son sujet de façon froide, chirurgicale et objective, respectant la durée réelle de cet attentat. A aucun moment le réalisateur ne prend parti pour l’un ou pour l’autre et se contente uniquement de montrer les faits dans toute leur horreur. Pas de manichéisme, pas de patriotisme, pas de parti pris ni de compromis (les terroristes sont aussi montrés comme des êtres humains avec leurs moments de doute et d’angoisse), pas de mélodrame hollywoodien, ‘United 93’ se veut avant tout comme une sorte d’expérience terrifiante d’une situation qui a marqué à jamais le peuple américain (à ce sujet, la scène finale de la révolte des passagers est d’une violence et d’un chaos absolu, du jamais vu au cinéma!). En ce sens, Paul Greengrass considérait qu’il avait une responsabilité en tant que cinéaste, que son film devait permettre d’offrir un certain regard sur cet événement particulier en touchant directement l’essence de la société. En ce sens, ‘United 93’ est plus qu’un simple film, c’est avant tout une sorte d’hommage commémoratif aux victimes du 11 septembre, sans parti pris aucun, un film qui met mal à l’aise du début jusqu’à la fin et qui nous incite à nous interroger sur cet événement tragique et horrible. C’est peut être cela qui fait la particularité de ce film bouleversant et chaotique dont on ne ressort pas indemne, hanté à jamais par les images de ce long-métrage choc où se mélangent terreur, peur, angoisse, folie, violence, désespoir, bref, tous les sentiments qu’ont pu ressentir les passagers ce jour là. Ce n’est évidemment pas un film que l’on va voir pour se divertir, mais pour se souvenir. A ce sujet, on pourrait finir en citant un extrait de l’interview donnée par l’acteur Khalid Abdalla, interprète du terroriste Ziad Jarrah, au sujet du film :
« C'est un film sans compromis. Et un film qui, selon moi, amène les gens à se poser une seule et unique question : pourquoi ? Le slogan qui accompagne le film est ‘Never Forget’. Avec ce genre d'événements, c'est très important de se souvenir ».
Bref, jamais un film n’avait réussi à nous faire ressentir tout cela à chaque fois, en 90 minutes seulement. C’est peut être ça la vraie qualité de ‘United 93’, plus qu’un film, une vraie expérience!

C’est la seconde fois que le compositeur John Powell retrouve Paul Greengrass après avoir écrit auparavant la musique de ‘The Bourne Supremacy’ en 2004. ‘United 93’ représente un projet radicalement différent pour John Powell, qui n’avait encore eu que très rarement l’occasion d’écrire pour un film aussi personnel, exceptionnel et ambitieux. Afin de conserver le réalisme du film, le réalisateur a demandé à John Powell de n’écrire qu’à peine trente minutes de musique pour les quelques 90 minutes du film. La musique de ‘United 93’ se distingue dès la première écoute par son économie de moyens clairement affichée: cordes, synthétiseurs, voix d’enfant soliste, très peu de matériaux sonores mis en avant mais un ton résolument atmosphérique, sombre et par moment introspectif. Le premier morceau du score, ‘Prayers’, met en avant cette voix d’enfant éthérée et légère sur fond de cordes sombres baignant dans une douce ambiance de lamentation (on entend ce morceau dans le générique de fin du film et un peu au début). La seconde partie, plus atmosphérique, met en avant des percussions électroniques plus typiques de la facette Media-Ventures du compositeur, et qui suggèrent clairement ici la tragédie à venir avec une tension déjà très présente dans le premier morceau de la partition de ‘United 93’, le tout sur un ton toujours très minimaliste et retenu. ‘Pull the Tapes’ reprend ces percussions électroniques un peu bizarres sur fond de nappes de synthétiseur atmosphériques et sombres alors que des experts de la tour de contrôle analysent l’enregistrement récupéré d’une discussion dans le cockpit de l’un des 4 avions détournés. Powell met en avant ici son style plus ‘électro’ tandis que les cordes font leur apparition vers la fin du morceau, toujours utilisées dans un rôle harmonique et extrêmement peu mélodique, la retenue primant par dessus tout. Les cuivres concluent alors le morceau de façon plus inquiétante.

‘Take Off’ demeure alors dans la continuité des deux premiers morceaux, percussions électro toujours mises en avant, les percussions représentant ici le ciment de la partition de ‘United 93’, alors que le vol 93 prend son envol. Les cordes font ici monter très légèrement la tension pendant le décollage de l’appareil, avec toujours ces touches électro qui suggèrent clairement l’inexorabilité du drame, mais sans aucune effusion mélodramatique. Au contraire, la musique de Powell évite tout pathos et se borne à conserver un ton plus distant, froid et atmosphérique, finalement extrêmement peu empathique (à l’instar du film). A noter que les cordes finales de ‘Take Off’ font parfois penser à certains passages plus atmosphériques de ‘The Thin Red Line’ de Hans Zimmer, pour lequel Powell avait écrit une musique additionnelle. ‘Take Off’ annonce d’ailleurs très clairement le climax final avec subtilité, Powell renforçant une fois encore la sensation de l’inexorabilité du drame. Dès lors, la partition oscillera ainsi entre passages orchestraux froids et minimalistes et morceaux électroniques atmosphériques et sombres, froids et mécaniques. Les cuivres de ‘2nd Plane Crash’ résonnent ici de façon plus funèbre sur fond de basse synthétique obsédante avec un rappel de la voix d’enfant lointaine et des cuivres plus massifs pour la scène du crash du deuxième avion sur le World Trade Center. ‘Making the Bomb’ reprend les percussions électroniques/métalliques du début avec une basse synthétique qui s’apparente presque par moment à des battements de cœur (idem pour ‘The Pilots’ avec ses effets sonores bizarres à la limite de l’expérimental), retranscrivant magnifiquement à l’écran l’angoisse du terroriste lorsqu’il prépare sa bombe dans les toilettes de l’appareil. La musique se place cette fois-ci du côté des terroristes et évoquent leurs moments de doute, d’appréhension, d’angoisse. ‘Phone Calls’ possède quand à lui une atmosphère plus pesante et toujours très retenue, Powell maintenant une tension certaine pendant plus de 10 minutes pour la scène poignante où les passagers passent des coups de fil à leurs familles avant le drame. La musique possède ici une froideur funèbre qui fait froid dans le dos, Powell arrivant à faire passer un sentiment véritablement poignant et fort avec très peu de sons et de notes. La voix d’enfant résonne à la fin du morceau de façon lointaine, une sorte d’hommage aux innocents (l’innocence de l’enfance) qui ont péris dans le crash de cet avion.

Finalement, ‘The End’ s’avère être un peu plus massif avec son orchestre ample et son entêtant ostinato rythmique quasi mécanique de percussions électroniques, ‘The End’ étant sans aucun doute le parfait climax dramatique que l’on était en droit d’attendre à la fin de ce film pour illustrer la catastrophe. John Powell a sans aucun doute écrit avec ‘The End’ l’un des plus beaux morceaux de toute sa carrière de compositeur de musique de film, un formidable climax émotionnel poignant de plus de 5 minutes qui arrive malgré tout à ne jamais en faire de trop et qui dégage pourtant un réel pouvoir émotionnel et une intensité dramatique rarement entendue chez le compositeur (Powell nous fait parfaitement ressentir dans ce morceau ce que les passagers du vol 93 ont pu ressentir avant de mourir). En tout cas, l’impact de ce morceau sur cette terrifiante séquence finale est absolument prodigieux, du jamais entendu chez John Powell. La façon dont les harmonies progressent et montent parfois sans réelle logique harmonique tout au long de ce terrible crescendo dramatique déchirant et bouleversant est un rare moment de génie de la part du compositeur. La façon dont le morceau se termine lors du crash est elle aussi tout bonnement remarquable: un accord de Sol b majeur de cordes, épuré au maximum, qui relâche soudainement la tension tout en créant un sentiment tout particulier, véritablement bouleversant. Jamais John Powell n’avait eu l’occasion d’écrire un morceau aussi poignant, aussi intense et aussi profond pour un film – morceau qui a déjà été salué par de nombreux béophiles et même par des spectateurs qui ne s’intéressent pas forcément à la musique de film d’habitude. C’est dire l’impact qu’a eu cette musique auprès du public en général, que l’on soit cinéphile ou non, béophile ou non, un morceau déjà anthologique qui laissera une trace profonde dans la carrière de John Powell. Et comme si ‘The End’ ne suffisait pas, Powell nous achève littéralement avec un ‘Dedication’ d’une grande beauté pour le générique de fin du film, véritable élégie pour synthétiseurs, cordes et voix d’enfant dédiée aux victimes du crash du vol 93, un morceau vibrant et tout en retenue qui ne devrait là aussi laisser personne insensible. A noter la façon dont le compositeur joue ici sur les silences pour créer ce sentiment de réflexion, de tristesse, de respect, un morceau en apparence très minimaliste et pourtant très fort émotionnellement, preuve qu’il n’y a pas toujours besoin d’en faire beaucoup pour créer l’émotion dans un film.

Véritable surprise de John Powell, ce score de ‘United 93’ prouve à quel point le compositeur est capable de nous offrir des musiques personnelles et originales pour des films aux sujets plus ambitieux et recherchés, loin de la routine hollywoodienne habituelle. Powell démontre ici son talent pour les ambiances électro, jonglant entre les synthétiseurs atmosphériques parfois bizarres et les parties orchestrales sombres et par moment funèbres et émouvantes. Amateur d’élans orchestraux mélodramatiques, passez votre tour ! Vous serez surpris par le côté retenu et introspectif de cette partition tour à tour sombre, tendue, intime et élégiaque, un hommage vibrant et fort aux victimes des attentats terroristes du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis (hommage d’ailleurs confirmé par une note du livret de l’album). Enfin un score de John Powell véritablement original qui mérite qu’on se souvienne de lui longtemps après le film! Un chef-d’oeuvre, tout simplement!


---Quentin Billard