1-Theme From Powder 4.32
2-Spoon Trick & The Trestle 2.17
3-Nightmare In The Forest 5.10
4-First Kiss 2.25
5-Steven and The Snow 8.26
6-Freakshow 4.42
7-Wanna See A Trick? 4.01
8-Everywhere 3.54

Musique  composée par:

Jerry Goldsmith

Editeur:

Hollywood Records
162 038-2

Album produit par:
Jerry Goldsmith
Monteur de la musique:
Ken Hall
Assistant de Mr.Goldsmith:
Lois Carruth
Producteurs exécutif de l'album:
Roger Birnbaum, Victor Salva
Copiste de la musique:
Vic Fraser

Artwork and pictures (c) 1995 Hollywood Pictures Company. All rights reserved

Note: ****
POWDER
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Jerry Goldsmith
Voilà un très beau film injustement sous-estimé, à qui on n'a jamais vraiment laissé sa chance. Il faut dire que les révélations concernant le passé de pédophile du réalisateur Victor Salva n'ont rien arrangés à l'affaire, révélations déclenchées suite à une plainte d'un des acteurs du film (Salva a reconnu avoir abusé sexuellement de Nahan Winters en 1987, un jeune acteur de 12 ans sur le tournage de son film d'horreur à petit budget 'Clownhouse') et qui furent suivis d'une véritable campagne de dénigrement et de boycott du film de Victor Salva, qui porta aussi beaucoup de tort aux producteurs de chez Disney. Pourtant, il serait particulièrement injuste de traîner ce film dans la boue à cause de la nature pédophile du réalisateur, car 'Powder' est bel et bien un film poignant qui s'apprécie pour lui-même, sans les sous-entendus malsains que l'on retrouvera plus tard de manière implicite dans 'Jeepers Creepers'. Le film nous raconte comment un jeune adolescent à la peau diaphane, imberbe et totalement dépigmentée, Jeremy Reed alias 'Powder' (Sean Patrick Flanery), est découvert par le shérif Barnum (Lance Henriksen) alors qu'il se cache dans la ferme de ses grands-parents qui viennent tout juste de décéder. Les adultes du lycée le plus proche l'adoptent pour son extrême gentillesse et sa profonde humanité, mais les élèves se montrent à leur tour particulièrement cruel et hostile à son égard. Powder se révèle alors être doté d'étranges pouvoirs qui lui permettent de faire léviter des objets ou d'attirer mystérieusement l'électricité. En dehors de Jessica Caldwell (Mary Steenburgen), c'est le professeur de physique/chimie Donald Ripley (Jeff Goldblum) qui s'intéresse à son tour au jeune Powder, voyant en lui un miracle de la nature doté d'une profonde humanité. Mais Powder se sent mal dans cette société où les adolescents de son âge le rejettent et où personne n'est capable de le comprendre tel qu'il est réellement au fond de lui. Il ne désire qu'une seule chose: s'échapper et retourner chez lui. Un jour, il surprend dans les bois Harley Duncan (Brandon Smith), l'adjoint du shérif qui vient d'abattre un cerf. Grâce à ses pouvoirs mentaux/psychiques, Powder fait prendre conscience au chasseur qui vient d'abattre l'animal de l'horreur de son acte en lui faisant ressentir l'agonie de la bête. Le chasseur verra son existence totalement chamboulée à la suite de cet événement. Pour beaucoup, c'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase, et Powder s'attirera la haine de certains de ses camarades de lycée comme Mitch (Esteban Powell) ou John (Bradford Tatum), le fils d'Harry Duncan. Seule la jolie Lindsey Kelloway (Missy Crider) semble aimer Jeremy et comprendre toute la beauté et la sensibilité qui se cache au fond de Powder, mais le monde étant tel qu'il est, il ne peut se résoudre à vivre en harmonie dans un univers aussi cruel.

Pour Victor Salva, 'Powder' représente sa première incursion dans un style plus dramatique et familial, le film étant produit par Disney. 'Powder' parle ici de la tolérance et du droit à la différence, sauf qu'ici le héros n'est pas noir mais blanc dépigmenté. C'est parce qu'il est différent que les autres ont peur de lui et le haïssent pour cela, personne n'étant capable de voir la bonté qu'il a au fond de son coeur. A première vue, le film ressemble comme deux gouttes d'eau au 'Elephant Man' de David Lynch sur un sujet vaguement similaire, mais le film de Victor Salva diffère par le traitement de l'histoire et les implications sous-jacentes. Bien qu'on aimerait oublier les révélations concernant le réalisateur, il paraît difficile ici de ne pas faire quelques rapprochements évident à ce sujet: traiter d'un homme différent et rejeté par les autres à cause de sa différence peut paraît anodin aux yeux du public lambda, mais on se demande si pour le réalisateur ce postulat ne posséderait pas un côté vaguement autobiographique, comme si Salva cherchait à se faire excuser auprès des autres en montrant que même les monstres peuvent cacher une humanité au fond d'eux. Evidemment, il s'agit d'une interprétation du film qui s'avère être très discutable et qui fait froid dans le dos, mais on ne peut s'empêcher de faire le parallèle entre le réalisateur et son personnage principal. De la même façon, on a aussi beaucoup discuté de la scène où Powder observe brièvement l'adolescent torse nu sous la douche dans le gymnase, une scène qui, dans le contexte du film, évoque avec une certaine poésie le rêve de Powder d'avoir le même corps que le jeune garçon (un rêve dramatiquement irréalisable pour lui), mais qui, transposé dans le contexte du réalisateur, semble avoir un autre sens plus malsain. C'est pour cette raison qu'il vaut mieux oublier le réalisateur et voir 'Powder' comme une simple et émouvante parabole sur l'humanité, la tolérance, le racisme et la bêtise humaine, un film parsemé de vrais moments de poésie pure (scène où Powder parle à la femme mourante du shérif et transmet à ce dernier les dernières paroles de sa femme) avec de vrais moments de dureté étonnants et très mature pour une production Disney (scène où les ados malmènent Powder dans la boue vers la fin du film). Un très beau film, en somme!

Jerry Goldsmith a signé pour 'Powder' l'une des plus belles partitions qu'il ait écrit durant les années 90. Le score de 'Powder' doit sa notoriété grâce au magnifique et inoubliable thème principal qui a acquis une certaine renommée auprès des fans du compositeur et qui a même récemment été adapté en chanson ('No One Like You') par Sarah Brightman dans son album intitulé 'Timeless/Time To Say Goodbye'. On retrouve bien sur ici les traditionnels mélanges orchestre/synthétiseur que le maestro affectionne tant, le synthétiseur prenant ici tout son sens par rapport au côté magique et fantastique du film (le jeune garçon doté de pouvoirs paranormaux). Le thème est exposé dans le superbe 'Theme from Powder' où Goldsmith dévoile sa structure en deux parties, d'abord une introduction reposant sur un paisible motif de 4 notes de vents soutenues par un mystérieux nuages de sonorités électroniques new-age (évoquant les pouvoirs de Powder), puis la seconde partie avec la célèbre mélodie poignante exposé d'abord par un hautbois sur fond de cordes chaleureuses vite rejointes par un piano (la mélodie évoquant à son tour l'humanité et la sensibilité du personnage principal), et qui se conclura sur une poignante envolée orchestrale. C'est la beauté de cette mélodie qui captive ici toutes nos pensées, toute notre attention, pour peu que l'on soit réceptif à ce style de belle mélodie intime simple et émouvante.

L'atmosphère semble s'assombrir très vite avec le début de 'Spoon Trick & The Trestle' pour la scène où Powder montre aux autres son coup des fourchettes. Le mystère de la scène lié aux étranges pouvoirs de Jeremy est suggéré ici par des sonorités électroniques bizarres et un bref sursaut orchestral atonal et inquiétant, évoquant bien évidemment ici l'inquiétude d'un phénomène quasi paranormal (les fourchettes se retrouvent collées les unes aux autres) et qui évoquent aussi astucieusement (mais trop brièvement) la peur que ressentent les autres à l'égard d'un individu foncièrement différent d'eux. La seconde partie, plus intime, nous permet de retrouver une très belle variante du thème joué par une flûte alors que le professeur de physique commence à se lier d'amitié avec Jeremy - d'où une nouvelle évocation de cette sensibilité du personnage évoquée ici dans la scène. 'Nightmare In The Forest' rompt radicalement l'atmosphère intimiste et émouvante du score en amorçant un style orchestral plus atonal, effrayant et chaotique, dans la lignée des grandes partitions thriller du compositeur. Après une première introduction d'un thème de flûtes accompagnés par des pizzicati de cordes que l'on retrouvera à deux reprises (plus tard à la fin de 'Wanna See A Trick?') - y compris pour la scène où Powder se rend au lycée - la musique s'assombrit très vite pour la scène où Jeremy fait ressentir au chasseur l'agonie de l'animal qu'il vient d'abattre. La scène est ici évoquée dans un véritable chaos orchestral qui évoque par moment la noirceur de partitions comme 'Alien' ou 'Outland'. Cuivres (dont une partie avec sourdine), percussions agressives, cordes stridentes et dissonantes, etc. Goldsmith crée ici un sentiment de trouble, il nous fait ressentir le choc intérieur de l'homme lorsque ce dernier ressent profondément la souffrance de l'animal en train de mourir. Il y a ici un véritable climat horrifique quasi glacial qui, bien qu'il paraisse assez inhabituel dans une production Disney, est tout à fait pertinent sur les images de la scène, preuve de l'immense savoir-faire d'un compositeur qui a toujours su apporter un petit plus aux films qu'il met en musique.

D'intimité, il est justement question dans le magnifique et poétique 'First Kiss' pour la scène du premier baiser entre Powder et Lindsey. On appréciera dans l'introduction du morceau l'utilisation de ces sons électroniques new-age qui créent ici une véritable ambiance onirique et apaisante, lié à la fascination de Lindsey pour la sensibilité et la magie de Jeremy/Powder et à ses sentiments naissants. Si le morceau est traversé par une brève mélancolie suggérée par un hautbois, le motif de 4 notes revient aux synthés et laisse la place à un piano chaleureux et une nouvelle reprise émouvante du thème principal par une flûte pour la scène du baiser. Si 'First Kiss' nous fait ressentir toute la poésie et la magie de cette poignante histoire de tolérance, 'Steven and The Snow' (long morceau de plus de 8 minutes) monte d'un cran en illustrant l'une des plus belles scènes du film, lorsque Powder aide la femme mourante du shérif à prononcer ses derniers mots à son mari, avant que ce dernier finisse par se réconcilier avec son fils avec lequel il s'était disputé. On appréciera ici le côté très doux et feutré de la musique, avec un très bel alliage de sonorités électroniques new-age avec tapis de cordes et vents chaleureux. Le thème réapparaît ici au détour de brèves variations instrumentales très réussies, baignant dans une atmosphère d'une infime douceur particulièrement émouvante dans cette séquence clé du film, se concluant sur une superbe envolée orchestrale du thème principal.

Mais la poésie du film et de la musique contraste aussi violemment avec le caractère plus dur et brutal de certains passages de la partition comme le très sombre 'Freakshow' qui accompagne la scène où John et ses amis maltraitent Powder dans la boue, à la sortie du gymnase. La scène est introduite dans un véritable crescendo de cuivres agressifs, de cordes dissonantes et de percussions brutales. Goldsmith installe ici une ambiance sombre avec ces synthétiseurs plus inquiétants et mystérieux et ces cordes sombres au sein d'une atmosphère à la fois agressive et quasi funèbre, qui évoque bien évidemment ici la haine de John à l'égard de Powder tout en illustrant avec un certain premier degré la méchanceté et la bêtise humaine (sans aucun doute le morceau le plus sombre et le plus impressionnant de toute la partition). La partition se conclut finalement sur le superbe et incontournable 'Everywhere', lorsque Powder choisit de disparaître à travers les éclairs d'un orage plutôt que de rester dans un monde où personne ne peut le comprendre. Après une série de développement du thème, Goldsmith entame ici un long crescendo orchestral aboutissant à un final majestueux et grandiose où le thème principal est repris une dernière fois de manière somptueuse et quasi triomphante, une formidable coda qui met fin à l'une des plus belles partitions du Jerry Goldsmith des années 90. 'Powder' est en somme une merveille de lyrisme et de poésie, un petit bijou à découvrir absolument en même temps que le très beau film de Victor Salva!


---Quentin Billard