1-Jinsei no Merry-go-round
(Opening: the Merry-go-round
of Life) 2.34
2-Youki na Keikihei
(The Courageous Cavalry) 0.51
3-Kuuchu Sanpo
(Stroll Through the Sky) 2.15
4-Tokimeki (The Heart Aflutter) 0.20
5-Arechi no Majo
(The Witch of the Waste) 0.59
6-Sasurai no Sophie (Wandering Sophie) 4.20
7-Mahou no Tobira
(The Magical Door) 5.27
8-Kienai Noroi
(The Indelible Curse) 0.45
9-Oosouji (Spring Cleaning) 1.22
10-Hoshi no Umi he
(To the Lake of Stars) 4.13
11-Shizuka no Omoi
(Quiet Feelings) 0.28
12-Ame no Naka de
(In The Rain) 1.28
13-Kyoei to Yuujou
(Vanity and Friendship) 3.58
14-90-sai no Shoujo
(A 90 Year Old Young Girl) 1.01
15-Sulliman no Mahoujin -
Shiro he no Kikan
(Sulliman's Magic Square:
Return to the Castle) 5.23
16-Himitsu no Doukutsu
(The Secret Cave) 2.34
17-Hikkoshi (Moving) 3.05
18-Hanazono
(The Flower Garden) 2.58
19-Hashire! (Run!) 0.57
20-Koi da ne (Now That's Love) 1.12
21-Family 1.24
22-Senka no Koi (Love of War) 2.56
23-Dasshutsu (Escape) 1.33
24-Sophie no Shiro
(Sophie's Castle) 2.39
25-Hosi wo Nonda Shounen
(The Boy Who Drank Stars) 7.30
26-Sekai no Yakusoku*
Jinsei no Merry-go-round
(Ending: the Promise of the World:
The Merry-go-round of Life 6.51)

*Ecrit par Youmi Kimura
Arrangé par Joe Hisaishi
Interprété par Chieko Baisho
Paroles de Shuntarou Tanikawa.

Musique  composée par:

Joe Hisaishi

Editeur:

Tokuma Japan Communications
TKCA-72775

Album produit par:
Joe Hisaishi

Artwork and pictures (c) 2004 Studio Ghibli. All rights reserved.

Note: ****1/2
HAURU NO UGOKU SHIRO
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Joe Hisaishi
Hayao Miyazaki nous enchante depuis des années avec des films d’animation tous plus remarquables les uns que les autres. A chaque film, le grand Miyazaki crée l’événement et ‘Le château ambulant’ n’échappe pas à la règle. Mais la nouveauté par rapport aux films précédents de Miyazaki c’est que ‘Le château ambulant’ contient une histoire nettement plus complexe et une trame narrative bien plus sophistiquée que la plupart de ses précédents films. Miyazaki s’inspire ici d’un roman de l’écrivaine britannique Diana Wynne Jones pour élaborer un film qui n’a cessé depuis sa sortie d’intriguer le public qui s’est pour une fois senti un peu perplexe avec ce ‘château ambulant’. Sophie, une jeune fille de 18 ans, travaille intensément dans une boutique de chapelier tenue par sa mère. Un jour, alors qu’elle sort pour faire une course, elle croise le chemin du mystérieux Hauru, un très séduisant magicien célèbre dans la région et source de nombreux racontars en tout genre. Puis, elle croise ensuite la route de la sinistre sorcière des landes qui jette un sort à Sophie et la transforme en vieille femme de 90 ans. Désemparée, Sophie quitte alors sa demeure et se met en route en direction des montagnes, où elle rencontre dans un premier temps un mystérieux épouvantail ensorcelé et l’immense château ambulant envoûté d’Hauru. Sophie pénètre dans le château et se fait alors passer pour une vieille femme de ménage. Elle y fait la connaissance de Calcifer, le démon du feu dont les immenses pouvoirs permettant d’animer le château magique, ainsi que le jeune qui aide Hauru dans ses diverses tâches quotidiennes. Dynamique et énergique, Sophie apporte une nouvelle vie dans cette demeure magique et se tombe amoureuse d’Hauru. Mais ce dernier cache en réalité de profondes blessures derrière son apparence de jeune bellâtre séducteur. En effet, la guerre contre le peuple ennemi ravage l’ensemble du royaume et Hauru, désespéré par cette situation, veut tout faire pour tenter de mettre un terme à cette barbarie. Sophie découvre aussi très vite qu’Hauru est atteint d’une terrible malédiction contre laquelle il tente de lutter depuis très longtemps. Mais sa rencontre avec Sophie va changer à jamais son existence.

Visuellement splendide et bourré de magie, de poésie, d’aventure, de drame et de grands moments d’émotion, ‘Le château ambulant’ est sans aucun doute l’un des films les plus aboutis du grand Hayao Miyazaki. Les personnages sont ici bien plus complexes que dans la plupart des films précédents du réalisateur japonais. Mais on y retrouve néanmoins les thèmes et autres interrogations habituelles du réalisateur, à savoir les méfaits de la guerre et des hommes sur notre monde (‘Princesse Mononoké’, ‘Nausicaä’, etc.), la transformation des personnages souvent dues à des malédictions (le héros de ‘Porco Rosso’, les parents de la jeune héroïne au début du ‘Voyage de Chihiro’, etc.), les décors magnifiques inspirés de paysages et villages européens (‘Kiki la petite sorcière’, ‘Porco Rosso’, etc.) et bien sur, un goût toujours très sur pour une poésie toute en finesse, de la fantaisie et un humour assez constant, rivalisant avec des moments bien plus sombres, dramatiques et adultes, comme cette scène poignante où Sophie, désespérée, empêche Hauru de repartir à la guerre. On avait rarement vu un film d’animation aussi maîtrisé de bout en bout, avec un réalisateur autant à l’aise dans sa structure narrative complexe que dans le développement de ses personnages profondément attachants (sans aucun doute l’un des principaux atouts majeurs du ‘château ambulant’). Miyazaki nous offre ainsi comme d’habitude une passionnante galerie de portraits, que ce soit la jeune/vieille héroïne transfigurée par l’amour (d’où les moments où elle rajeunit temporairement vers la fin du film), le magicien maudit et séducteur à la fois bienveillant et dangereux pour lui-même et son entourage, le démon du feu à la fois amusant et très lucide sur plus d’un point, la méchante sorcière des landes qui se révèle être par la suite une vieille mamie gâteau sympathique dans le fond, etc. Comme toujours chez Miyazaki, rien n’est tout noir ou tout blanc, les personnages sont souvent assez complexes et riches.

Le magie est elle aussi très présente avec cet univers de malédiction, de fantaisie, de féerie, de sorts et de magiciens (décidément très à la mode depuis le succès grandissant de ‘Harry Potter’). Par exemple, le design du château ambulant d’Hauru est tout simplement génial et digne des plus grandes oeuvres d’art contemporaines, tandis que les scènes de la porte avec ses trois sorties différentes est d’une inventivité assez fabuleuse. Comme toujours, Miyazaki laisse parler son imagination et nous plonge dans un univers à la fois réaliste et imaginaire, mêlant différentes influences, différents thèmes avec comme toile de fond, une romance poignante entre une jeune fille transformée en vieille mamie et un jeune magicien maudit. C’est aussi la première fois que le réalisateur prend comme héroïne une vieille femme, Miyazaki répondant ainsi à un désir personnel dans lequel il souhaitait depuis longtemps mettre en scène une vieille personne dans un de ses films. Si la jeunesse a toujours occupé une place importante dans les films de Miyazaki (la plupart de ses héros sont souvent très jeunes – ‘Kiki la petite sorcière’, ‘Le voyage de Chihiro’, ‘Mon voisin Totoro’, etc.), la vieillesse fait désormais partie intégrante de l’univers de Miyazaki depuis ‘Le château ambulant’, peut être pour nous prouver une fois encore à quel point les films du grand maître japonais s’adressent définitivement aux publics de tout âge. Ce qui est certain, c’est que ‘le château ambulant’ s’adresse surtout à un public adulte, les plus jeunes risquant fort d’être très vite décontenancés par la complexité narrative du film et la noirceur dramatique de certains passages de l’histoire. Au final, ‘Le château ambulant’ est le nouveau grand chef-d’oeuvre d’Hayao Miyazaki, le réalisateur atteignant quasiment ici la perfection absolue dans ce grand trésor de l’animation japonaise qui devrait définitivement faire date dans l’histoire du cinéma d’animation nippon.

Qui dit Hayao Miyazaki dit obligatoirement musique de Joe Hisaishi, et ‘Le château ambulant’ n’échappe donc pas à la règle. Après le chef-d’oeuvre musical que représentait ‘Le voyage de Chihiro’, Joe Hisaishi allait-il à nouveau atteindre les sommets pour le nouveau film de Miyazaki? Affirmatif, car ‘Le château ambulant’ est une nouvelle démonstration des immenses talents du génial compositeur japonais toujours aussi inspiré lorsqu’il s’agit d’écrire la musique d’un film de son fidèle complice de toujours. La musique du ‘château ambulant’ permet une fois de plus au compositeur d’adopter un style symphonique très classique d’esprit, aux orchestrations raffinées et élégantes. Pas de surprise donc, dès les premiers morceaux du score, ‘Opening’, ‘The Courageous Cavalry’ et ‘Stroll Through The Sky’, on sait déjà que l’on va avoir à faire à un nouveau grand opus musical du compositeur nippon. ‘Opening’ ouvre le film au son d’un orgue mystérieux suivi des traditionnels harmonies en quartes parallèles devenues la marque de fabrique du compositeur, et que l’on retrouve dans l’ouverture de nombreux scores d’Hisaishi tels que ‘Le château dans le ciel’ ou ‘Le voyage de Chihiro’, etc. Le morceau dévoile ensuite une mélodie de piano gracieuse et nostalgique qui n’est autre que le magnifique thème principal de la partition du ‘château ambulant’, un thème de valse inoubliable qui parcourt l’ensemble du film avec une grâce et une élégance digne du compositeur. Si le compositeur s’amuse avec une marche militaire joyeuse dans ‘The Courageous Cavalry’ (joué durant la scène du défilé militaire au début du film), ‘Stroll Through The Sky’ dévoile enfin la valse dans toute sa splendeur, pour la scène où Sophie et Hauru s’envolent dans les airs pour échapper des brigands. La valse possède un côté majestueux et raffiné qui pourrait presque faire penser à certaines valses viennoises ou européennes du 19ème siècle. Elle est associée tout au long du film aux sentiments qui unissent Sophie et Hauru et évoque aussi la vie dans tout ce qu'elle a de plus magique à nous offrir, Hisaishi développant à profusion son thème sous la forme de multiples variantes du début jusqu’à la fin du film. ‘The Witch of the Waste’ dévoile quand à lui le motif associé à la sorcière des landes, qui se distingue par ses trilles et sa gamme ascendante de clarinette mystérieuse et malicieuse, voire menaçante, entendu durant la scène où la sorcière jette le sort à Sophie au début du film. On retrouve ce motif de clarinette dans le sombre ‘The Indelible Curse’, évoquant la malédiction de Sophie.

Avec ‘Wandering Sophie’, Hisaishi nous prouve une magnifique reprise du thème de valse joué cette fois-ci par un accordéon et l’orchestre alors que Sophie, transformée en vieille femme suite au sort jeté par la sorcière, se met en route en direction des montagnes. La seconde partie plus pastorale et sautillante du morceau est un pur modèle de fraîcheur et de légèreté orchestrale, Hisaishi jouant comme d’habitude sur ses différentes couleurs instrumentales avec un savoir-faire exemplaire et un classicisme d’écriture raffiné, élégant et soutenu. La vie à l’intérieur du château est illustrée avec un ‘The Magical Door’ léger et sautillant lui aussi, jouant sur les instruments à vent (basson, flûte, hautbois, clarinette, etc.), les cuivres (cors) et les cordes (pizzicati). A noter ici l’apparition d’un petit motif qu’Hisaishi développe tout au long du morceau pour évoquer avec légèreté la magie du château et la vie agréable que mène désormais Sophie, devenue femme de ménage pour Hauru et ses amis. Le motif de bassons qui apparaît à 2.15 est un pur modèle d’espièglerie et de malice, apportant une fraîcheur et un certain humour agréable sur les images de cette scène. Le morceau s’inscrit d’une façon générale dans un registre mickey-mousing plus typique des musiques de film d’animation U.S. traditionnels. ‘The Magical Door’ est sans aucun doute l’un des morceaux les plus agréables de tout le score du ‘château ambulant’, Hisaishi développant ses différents motifs avec l’aisance d’un grand maître et manipule les différentes couleurs instrumentales avec une habileté et une richesse exemplaire, transformant chaque pièce en véritable petits poèmes symphoniques à part entière.

De la poésie, ‘Le château ambulant’ en contient assurément, comme en témoigne le magnifique ‘To The Lake of Stars’ pour la très belle scène où Sophie et ses amis se reposent au bord d’un lac. Le morceau oscille entre romantisme, sérénité et contemplation, apportant une poésie rafraîchissante à cette séquence. Idem pour le bref ‘In The Rain’ avec un retour plus intime et mélancolique du thème principal au piano. ‘Sulliman’s Magic Square’ changement radicalement d’ambiance avec une atmosphère plus sombre et martiale alors que Sophie se rend chez Sulliman en se faisant passer pour la mère d’Hauru. Le morceau bascule très vite dans une fureur orchestrale rappelant certains passages de ‘Princesse Mononoké’ alors qu’Hauru et Sophie s’enfuient ensemble du château de Sulliman en échappant à ses sorts. A noter ici l’utilisation de voix malicieuses et fantaisistes pour la scène des démons qui entourent les deux personnages, la pièce reprenant le thème principal dans une nouvelle variante, cette fois-ci plus héroïque et rapide, jouée aux cuivres et aux vents sur un rythme bondissant et entraînant symbolisant l’aventure et les exploits d’Hauru. La musique prend alors une tournure plus massive et rythmée, loin de la légèreté de ‘The Magical Door’ ou de la sérénité de ‘To The Lake of Stars’. ‘The Secret Cave’ est quand à lui plus intime et mélancolique, pour la scène où Sophie découvre les sombres secrets d’Hauru. Plus l’histoire avance, et plus Hisaishi s’amuse à varier les ambiances et à passer d’une émotion à une autre avec une grande fluidité. Le thème gracieux et majestueux de ‘Moving’ – associé au château ambulant d’Hauru – est vibrant et empreint à son tour d’une certaine poésie doublée d’un classicisme d’écriture et d’un raffinement particulièrement plaisant. Même chose pour le très beau ‘The Flower Garden’ lorsqu’Hauru emmène Sophie dans son jardin magique secret, Hisaishi en profitant pour reprendre le thème principal dans une version lente, romantique et paisible, une idée que l’on retrouve dans ‘Now That’s Love’, où le thème est exposé avec une infime tendresse au piano, symbolisant l’amour de Sophie pour Hauru.

’Run!’ évoque l’attaque des créatures ailées durant la séquence du jardin, un nouveau morceau d’action bref qui permet à Hisaishi de reprendre sa variante plus héroïque et enjouée du thème sur des rythmes sautillants et rapides. Un peu de fraîcheur dans le joli ‘Family’ qui reprend le motif associé à Hauru et ses amis et déjà exposé dans ‘The Magical Door’, avant de repartir dans l’action pure et dure avec ‘Love or War’. A noter qu’Hisaishi fait ici référence au thème de ‘L’amour des 3 oranges’ de Prokofiev pour ce superbe déchaînement orchestral accompagnant une scène de bataille vers la fin du film. Comme toujours, le compositeur se plaît à manier ses différentes influences classiques, influences qui sont d’ailleurs bien souvent plus notables sur les ‘image albums’ que le compositeur confectionne systématiquement à chaque fois qu’un album score est édité. Hisaishi traduit toute la frénésie et la violence des combats avec une férocité orchestrale totalement maîtrisée – bien qu’assez brève ici. Idem pour le sombre ‘Escape’, alors que ‘Sophie’s Castle’ nous permet de réentendre la variante rapide et rythmée du thème alors que Sophie déconstruit le château et va tout faire pour tenter de sauver Hauru avant qu’il ne soit trop tard. ‘The Boy Who Drank Stars’ reprend finalement le thème mélancolique de ‘The Secret Cave’ associé ici au secret d’Hauru que Sophie finit par découvrir à la fin du film, joué ici par une trompette solitaire et qu’Hisaishi développera par la suite du morceau. Ce très long morceau de plus de 7 minutes permet au compositeur de nous offrir une magnifique conclusion d’une grande émotion. A noter que la traditionnelle chanson du générique de fin est suivie d’une ultime reprise du thème de valse dans toute sa splendeur.

Que dire si ce n’est qu’avec ‘Le château ambulant’, Joe Hisaishi nous livre un nouveau grand chef-d’oeuvre, une partition symphonique de qualité, tour à tour fraîche, sereine, légère, agréable, massive, sombre, poétique, mélancolique et romantique, avec une émotion toujours constante typique des musiques de Joe Hisaishi pour les films d’animation d’Hayao Miyazaki. Seul petit reproche: il est dommage que le thème principalt soit un peu trop constamment répété tout au long du score, alors qu'Hisaishi amorçe à quelques reprises de nouveaux motifs qu'il ne développe quasiment jamais par la suite. La beauté, l’élégance et le classicisme de l’écriture orchestrale du compositeur incitent réellement ici au respect, le compositeur japonais ayant atteint une maturité et un savoir-faire irréprochable avec cette musique, qui s’inscrit donc tout logiquement dans la continuité parfaite de ses précédents travaux pour Miyazaki et le cinéma japonais en général (et maintenant français). La musique du ‘château ambulant’ apporte une poésie et une émotion puissante au film de Miyazaki, transcendé par la magnifique valse nostalgique et sentimentale qui fait désormais partie des thèmes célèbres du compositeur. En bref, une fois encore, Hisaishi nous émerveille avec son nouvel opus symphonique pour Miyazaki et nous prouve à quel point il est plus que jamais l’un des plus grands maîtres de la musique de film japonaise!


---Quentin Billard