1-Main Title 2.32*
2-A New Home 1.01
3-The Coven - Part I 0.21
4-The Dream 4.04
5-Jazz Interlude 2.10
6-Nursery Preparations 1.02
7-Party Music 2.00
8-Hoedown Music 1.28
9-Morning Sickness 0.32
10-Expectancy 1.13
11-Strange Cravings 0.46
12-Christmas Shopping 1.06
13-The Coven - Part II 0.34
14-The Anagram 1.59
15-Paranoia 1.38
16-End Title 1.09
17-All of Them Witches 0.34
18-What Have You Done
To Its Eyes? 1.26
19-Through the Closet 1.53
20-The Pain 0.32
21-Main Title - Alternate 2.22
22-Rosemary's Baby - Jazz Suite 5.54*
23-Rosemary's Baby - Main Title -
Rehearsal 1 - Bonus Track 2.17
24-Rosemary's Baby - Main Title -
Rehearsal 2 - Bonus Track 4.08

*Interprété par Mia Farrow
**Vocal by Urszula Dudziakj
With Walk Away.

Musique  composée par:

Krzysztof Komeda

Editeur:

Harkit Entertainment HRKCD 8135


(c) 1968 Paramount Pictures. All rights reserved.

Note: ****
ROSEMARY'S BABY
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Krzysztof Komeda
Véritable chef-d’oeuvre clé du grand Roman Polanski adapté du roman homonyme d’Ira Levin, ‘Rosemary’s Baby’ a depuis longtemps fait date dans l’histoire du cinéma d’épouvante américain, classé parmi les plus grands monuments du genre avec ‘The Shining’, ‘The Exorcist’ ou bien encore ‘Alien’. Un jeune couple emménage un jour dans un grand appartement en plein coeur de New York. Rosemary Woodhouse (Mia Farrow) mène alors une existence paisible avec son mari Guy (John Cassavetes), un comédien qui travaille essentiellement au théâtre et pour la télévision. Très vite, ils font la connaissance de leurs voisins, les Castevet, un couple de retraité assez envahissants. Les Castevet les invitent régulièrement à dîner et leur rendent visite quasiment tous les jours. Mais la situation commence à changer brusquement le jour où Rosemary finit par tomber enceinte. Elle souffre alors régulièrement de douleurs dans le ventre, et le docteur Sapirstein (Ralph Bellamy), son médecin traitant, semble être bien incapable de lui prescrire un traitement efficace contre la souffrance. Minnie Castevet (Ruth Gordon), la voisine bizarre, lui fait boire régulièrement un cocktail spécialement préparé par ses soins, censé calmer là aussi les douleurs, mais rien n’y fait. Un jour, Rosemary reçoit un livre sur la sorcellerie que lui remet son vieil ami Hutch (Maurice Evans). Grâce à des indices laissés par Hutch dans le livre, Rosemary comprend que son entourage est constitué de sorciers sataniques qui veulent s’emparer de son enfant. Tombant dans la paranoïa la plus extrême, elle va tout faire pour empêcher son mari et ses amis de s’emparer du bébé. Mais ce que Rosemary ignore encore, c’est que l’enfant qu’elle attend est le fruit du diable en personne.

Polanski joue sur les cadres, la photographie et le jeu d’acteur intense de Mia Farrow pour élaborer une atmosphère psychologique oppressante et malsaine comme seul le réalisateur sait le faire. On y retrouve comme souvent chez le réalisateur ce même goût pour la folie et la paranoïa, thèmes que le réalisateur a déjà abordé dans ‘Répulsion’ (1965) et qu’il abordera de nouveau dans le fabuleux ‘Le Locataire’ (1976). Pour son premier film américain, Polanski – qui s’est quand même payé le luxe de voir son film produit par William Castle, grand manitou des séries-B horrifiques d’antan – frappe donc très fort et nous plonge dans un film extrêmement oppressant et perturbant, car après un début qui met un peu de temps à démarrer, le film tourne très vite au cauchemar, multipliant les scènes anthologiques comme l’accouplement de Rosemary avec le diable (scène totalement surréaliste et dérangeante) ‘ou la scène finale avec la réunion satanique (qui annonce clairement le futur ‘The Ninth Gate’ que Polanski réalisera en 1999). Jamais le sentiment de paranoïa n’avait été aussi extrême dans un film de cette époque. Pour beaucoup, ‘Rosemary’s Baby’ a définitivement changé le visage du cinéma d’épouvante américain, qui doit beaucoup aux enseignements d’Alfred Hitchcock et des autres grands maîtres du suspense et de l’épouvante de l’âge d’or hollywoodien. Voilà en tout cas un chef-d’oeuvre du genre à connaître à tout prix!

La terrifiante et très dérangeante musique du compositeur polonais Krzysztof Komeda (crédité Christopher Komeda dans le film) a sans aucun doute contribué à son tour à accentuer l’atmosphère pesante et oppressante du film de Polanski. Ce grand spécialiste du jazz avait écrit auparavant les musiques d’anciens films de Polanski tels que ‘The Fearless Vampire Killers’ (1967), ‘Cul-de-sac’ (1966), ‘La Rivière des Diamants’ extrait des ‘Plus belles escroqueries du monde (1964) ou bien encore ‘Le couteau dans l’eau’ (1962). Pour ‘Rosemary’s Baby’, Komeda nous livre une partition étrange et oppressante, centrée autour d’un thème principal s’apparentant à une petite mélodie de valse/berceuse enfantine et mélancolique chantée par Mia Farrow elle même dès le générique de début sur des ‘la la la’ avec quelques cordes, piano et claviers. A noter le soin apporté à l’instrumentation et aux sonorités un peu bizarres comme ces effets d’écho de piano qui renforcent l’ambiance étrange et oppressante du film, tout à fait représentatif de la partition de ‘Rosemary’s Baby’ et qui renvoie par moment à ce que Jerry Goldsmith fit la même année 1968 avec l’effet d’échoplex sur ‘Planet of the Apes’. Ce thème de berceuse est évidemment associé tout au long du film à Rosemary et à son bébé, personnifiant le côté fragile et innocent du personnage (et de son enfant), mais une fausse innocence due évidemment à ce que l’on découvre au cours de la révélation finale. Voilà en tout cas un thème simple mais qui hante les images de ce générique de début, et qui, une fois inscrit dans notre mémoire, ne la quitte plus aussi facilement. Komeda nous propose alors une multitude de variantes de cette jolie mélodie mélancolique, comme dans ‘A New Home' (pour la scène où les Woodhouse emménagent dans leur nouvel appartement) avec une petite batterie jazzy légère ou dans ‘Nursery Preparations’, accentuant au passage le rythme de valse avec une instrumentation très soignée (scène où les Woodhouse préparent la chambre du futur bébé). On est en tout cas très vite frappé par la richesse et l'inventivité des orchestrations du compositeur: clavecin, hautbois, voix féminines, flûte jazzy, guitare, vibraphone, synthétiseurs kitsch, etc. A noter que l'album contient aussi quelques morceaux de source music originale plutôt agréables, idéal pour respirer entre deux morceaux d'angoisse pure. Parmi ces morceaux, on pourra relever un slow jazzy accompagnant un dîner entre Rosemary et Guy au début du film (piste 5), une petite ballade lounge rétro/jazz pour la scène à noël où Rosemary descend en ville pour retrouver son ami Hutch avec qui elle a rendez-vous, sans oublier un peu de pop 'sixties' dans 'Party Music' ou de la country music dans 'Hoedown Music' qui semble sortir tout droit de la bande son d'un western d'époque.

‘The Coven Part I’ rompt quand à lui radicalement avec le style plus mélodique du début et amène très clairement la partition vers une direction plus atonale, sombre et macabre. Le morceau se présente en fait sous la forme d’une incantation satanique récitée par un groupe de personnes, agrémenté de sonorités aigues étranges. Ce sinistre morceau est en fait entendu dans le film en bruit de fond vers le début du film, un bruit que surprend Rosemary à travers les murs de son appartement, et qui annonce très clairement l’issue satanique du film. Avec ce premier morceau quelque peu dérangeant par ce qu’il cherche à exprimer (une réunion satanique), le score de ‘Rosemary’s Baby’ va nous entraîner très vite dans un véritable cauchemar musical dont on ne ressortira pas indemne. On retrouve une ambiance satanique similaire dans ‘Expectancy’ qui évoque le complot contre Rosemary, ou le dérangeant ‘The Dream', qui accompagne la scène du cauchemar où le diable s’accouple avec Rosemary. La musique renforce complètement le caractère surréaliste de cette scène à l’aide d’un tapis de cordes dissonantes hypnotiques – un passage très inspiré de la musique ‘contemporaine’ de l’époque, celle des collègues polonais de Komeda tels que Penderecki, Kilar ou Lutoslawski – et d’une utilisation remarquable des voix qui deviennent vraiment stridentes vers la fin de la pièce, renforçant de façon saisissante et viscérale le sentiment de malaise à l’écran. Ce sont d’ailleurs ces passages de malaise qui sont ici particulièrement saisissants, comme l’envoûtant ‘Christmas’ avec son motif de cordes aigues et ses effets de glissendi remarquables, créant là aussi une atmosphère onirique et angoissante quasi surréaliste, apportant un impact assez incroyable sur les images du film (à vrai dire, c’est la musique qui apporte quasiment toute l’incroyable tension psychologique du film).

A noter l’utilisation d’effets d’écho dans ‘Strange Cravings' avec ses cordes dissonantes envoûtantes ou les gammes descendantes de flûtes dans ‘The Anagram' qui renforce ici le sentiment de paranoïa vers le milieu du film, sentiment accentuée ici par le raclement de petites percussions, d’écho et de voix lointaines - Komeda joue aussi sur des effets de mixage électroacoustique avec une réverbération par exemple très étrange sur les voix vers la fin du morceau, qui se conclut sur un cluster strident brutal alors que Rosemary découvre l’énigme de l’anagramme lui révélant la véritable identité de son voisin, Roman Castevet. A noter que ‘Strange Cravings' dévoile aussi le sombre thème mystérieux et inquiétant associé au complot contre Rosemary, et que l’on retrouvera là aussi durant une bonne partie du film. ‘Paranoia’ confirme cette atmosphère de paranoïa alors que Rosemary tente de fuir vers la fin du film, Komeda utilisant ici les cordes avec des effets de trémolos en harmoniques assez inquiétants. Même ambiance dans ‘All of Them Witches’ qui reprend le thème du complot cette fois-ci joué par des synthétiseurs kitsch et étranges sur des effets d’écho (on pense vraiment beaucoup ici au ‘Planet of the Apes’ de Goldsmith) presque dérangeants, et toujours soutenus par un tapis de cordes dissonantes du plus bel effet. La musique renforce à merveille les tourments psychologiques d’un Rosemary au bord de la folie, une folie musicale parfaitement contrôlée et aboutie, d’où le côté dérangeant de cette musique. ‘Through the Closet’ apporte un climax dans la partition durant la scène où les sataniques retrouvent Rosemary et réussissent à l’immobiliser pour son accouchement. Le morceau se distingue par son apparence de valse maléfique soutenue par des parties vocales/instrumentales psychédéliques et stridentes voire moqueuses, incarnant ici l’idée du mal absolu. A noter que l’album n’inclut malheureusement pas certains morceaux de qualité entendus vers la fin du film, et notamment la scène de la traque dans l’appartement pour lequel Komeda avait écrit un passage de style free jazz/atonal complètement enragé et terrifiant. Une honte! Comme toujours, on se demande parfois à quoi pensent les compositeurs ou les personnes qui fabriquent ces albums qui omettent des passages importants des partitions! A noter en ce qui concerne le titre des pistes que le track list donné ici est une version corrigée. Le track list d'origine de l'album contient des titres complètement erronés, parfois répétés en double voire en triple et sans aucun rapport avec les scènes respectives: incroyable et pourtant véridique!

La partition de Krzysztof Komeda pour ‘Rosemary’s Baby’ est à l’image même du chef-d’oeuvre de Roman Polanski: voilà une musique ténébreuse, dérangeante et hallucinée qui démontre tout le savoir-faire d’un compositeur maîtrisant complètement un langage atonal contemporain hérité de l’école polonaise de son époque (les années 60). La musique habite véritablement les images. Bien loin de se contenter d’une approche en surface, Komeda préfère au contraire creuser au plus profond du film en optant pour une approche viscérale qui ne pourra laisser aucun spectateur/auditeur indifférent. La musique apporte une intensité incroyable sur les images du film, un impact remarquable témoignant de la qualité de la collaboration Komeda/Polanski qui aura finalement atteint son apogée en 1968 puisque le compositeur polonais décèdera un an plus tard. Malgré les quelques défauts de l’album du score de Komeda (titres erronés, absence de morceaux majeurs entendus vers la fin du film, etc.), ‘Rosemary’s Baby’ n’en demeure pas moins un petit bijou du genre, une partition remarquable et inspirée, inventive dans son instrumentation et ses effets, aussi viscérale que dérangeante, servie par un thème principal très simple et pourtant inoubliable. Voilà en tout cas un score difficile d’accès mais que tout bon béophile digne de ce nom se doit de connaître absolument, à l’instar de l’excellent film de Roman Polanski!


---Quentin Billard