1-The Wires: Part 1 2.13
2-Hall's Creek 2.17
3-Emu Creek 0.28
4-The Crater 1.29
5-Alien F100 0.57
6-Abysmal Horizon 4.12
7-Talimnavi 2.05
8-Liz 2.57
9-The Shed: Part 1 0.56
10-Arcane Menace 2.42
11-Escape 1.25
12-The Shed: Part 2 0.45
13-The Cliff 0.54
14-Mick 1.00
15-The Return 1.54
16-Trophy Room 2.10
17-Head on a Stick 1.49
18-Kristy 2.13
19-Statesman Deville 2.35
20-Ben 1.40
21-Monumental Isolation 1.54
22-Epilogue 1.42
23-The Wires: Part 2 0.50
24-Wolf Creek: Main Title 3.27

Musique  composée par:

François Tétaz

Editeur:

Colosseum Records
CST 8108.2

Musique produite par:
François Tétaz

(p) et (c) 2005 Moose Mastering Pty Ltd. Licensed exclusively to Rubber Music Pty Ltd. All rights reserved.

Note: ***
WOLF CREEK
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by François Tétaz
Décidément, les films d’épouvante semblent revenir à la mode de nos jours, et plus particulièrement le registre du ‘survival’, ces films qui montrent des personnages piégés dans un coin complètement isolé et qui tentent de survivre avec un ou des tueurs à leurs trousses. Si le récent ‘The Hills Have Eyes’ d’Alexandre Aja (déjà auteur du fameux ‘survival’ français, ‘Haute Tension’) nous a prouvé que le genre n’était pas complètement moribond, ‘Wolf Creek’ confirme que le cinéma d’épouvante se porte plutôt bien, même hors des USA, puisque ce nouveau ‘survival’ – déjà très remarqué depuis sa sortie en salle - est d’origine australienne. Premier long-métrage de Greg McLean – qui endosse la casquette de scénariste et de producteur en plus de celle de réalisateur – ‘Wolf Creek’ est une sorte de ‘Texas Chainsaw Massacre’ revisité, avec comme toujours le mythe du boogeyman, ce démon cruel et sadique qui hante nos pires cauchemars et qui prend bien souvent une forme humaine dans les récits filmiques. Ici, le sinistre père fouettard est interprété par l’acteur australien Josh Jarratt, plus connu pour avoir été pendant un temps présentateur pour une émission de télévision australienne. L’histoire, somme toute particulièrement sommaire, nous amène à suivre le parcours de trois jeunes randonneurs, Ben (Nathan Phillips), Liz (Cassandra Magrath) et Kristy (Kessie Morassi), qui partent faire du trekking dans le désert australien pendant plusieurs semaines. Sur leur chemin, ils en profitent pour s’arrêter admirer le cratère de Wolf Creek, cratère qui aurait été causé par une météorite tombé sur terre il y a plusieurs millions d’années. Manque de chance, leur voiture tombe en panne et ils finissent par croiser la route d’un vieil autochtone qui les propose de les dépanner jusqu’à une ville voisine pour trouver une pièce de rechange au moteur de leur voiture. C’est au moment où nos trois compères se croient tirés d’affaire que le cauchemar ne fait que commencer. Liz se réveille bâillonné et ligotée dans un mystérieux établi poussiéreux isolé, avant de découvrir que Kristy est en train d’être torturée par le sinistre autochtone qui les a pris en stop. Pendant ce temps, Ben est retenu prisonnier quelque part dans cet endroit isolé. Il est peut être mort, dieu seul sait ce que le cruel serial killer a pu lui faire. Ce que Liz sait, c’est que le psychopathe n’en est pas à son premier coup d’essai.

Le scénario de ‘Wolf Creek’ ne casse donc pas trois pattes à un canard. On se trouve ici en présence d’un survival tout à fait conventionnel, avec trois jeunes randonneurs pris au piège d’un maniaque sanguinaire adepte du sniper et de la torture, le tout dans une mine désaffectée et abandonnée en plein milieu du désert australien, loin de toute civilisation. Evidemment, tous les clichés y passent: voiture qui tombe en panne, héros qui tente de s’enfuir, scène de torture habituelle, méchant très sur de lui qui prend son temps et qui ne rate pas son coup, etc. Tout cela sent un peu le réchauffé. Et pourtant, il y a néanmoins une certaine barbarie dans ce film qui le fait quelque peu sortir du lot. La tagline du film annonçait ‘Wolf Creek’ comme ‘cruel, insoutenable et culte’. Si l’on est en droit de douter sérieusement de la dernière affirmation (on est quand même bien loin ici du choc de ‘Texas Chainsaw Massacre’ version Tobe Hooper, n’exagérons rien!), les qualificatifs de cruel et insoutenable semblent néanmoins convenir davantage au film de Greg McLean, bien que là aussi ‘insoutenable’ paraisse un peu exagéré (on a franchement déjà vu bien pire dans le genre). Par son côté froid, lent et dénué de rythme, le film prend le temps de dévoiler ses personnages, avec une exposition qui semble interminable puisqu’elle avoisine les 45 minutes (on suit simplement les trois jeunes randonneurs pendant tout le début de leur voyage à travers le désert australien). Du coup, on finit par s’attacher aux personnages et ce à l’inverse de la plupart des slashers hollywoodiens qui montrent souvent les futures victimes comme de la chair à canon tout juste bonne à occire. Les scènes de torture n’en deviennent alors que plus brutales, sadiques et cruelles pour les spectateurs.

Néanmoins, le réalisateur ne parvient jamais vraiment à instaurer un rythme dans son film. (Attention spoiler : si vous n’avez pas encore vu le film, ne lisez pas ce qui suit! Des éléments de l’histoire vont vous y être dévoilés). Le film ne décolle quasiment jamais à part lors de deux scènes mémorables – celle de la torture de Kristy, qui nous donne droit à une série de hurlements de terreur interminables et agaçants – et celle de la mort de Liz, les doigts et la colonne vertébrale charcutés à coup de couteau. Du coup, on finit par s’ennuyer très vite et le côté ‘insoutenable’ annoncé finit par se dissiper rapidement, remplacé par un ennui profond et une envie de voir les choses bouger un peu (les amateurs de gore risquent par exemple d’être un peu déçu). On pourra finalement ajouter à cela une direction d’acteur parfois approximative: par exemple, Cassandra Magrath paraît par moment peu concernée par son personnage dans le film, ses réactions semblent souvent assez passives. Par exemple, alors qu’on s’attendrait à la voir devenir folle de terreur en assistant à la torture de son amie Kristy à travers la fenêtre d’un garage, l’actrice se contente uniquement de garder la bouche ouverte avec une mine amère et désespérée, mais sans grande conviction – dommage! Seul véritable bon point : une mise en scène sobre et sans artifice, un film tourné entièrement en caméra numérique suivant les règles du ‘Dogme’, faisant de ‘Wolf Creek’ le premier survival inspiré du Dogme. Au final, même si ‘Wolf Creek’ n’est pas le film choc annoncé, il n’en demeure pas moins un survival honnête qui devrait satisfaire les amateurs du genre mais laisser tous les autres sur leur faim. On a quand même déjà vu bien mieux dans le genre!

Le jeune compositeur australien François Tétaz a apporté au film de Greg McLean une ambiance très particulière, élaborant une partition inventive et expérimentale très éloignée des traditionnelles musiques horrifiques hollywoodiennes. A noter que Tétaz est plus connu pour avoir produit le premier album du jeune chanteur australien Lior intitulé ‘Autumn Flow’. Ici, point d’orchestre massif en perspective, juste un trio à cordes – violon, alto, violoncelle –, une clarinette basse, un piano, un clavier Rhodes, une guitare, un ukulélé (une guitare hawaïenne) et quelques sonorités produites à partir des cordes d’un piano préparé, technique héritée des travaux musicaux expérimentaux du compositeur John Cage dans les années 60, consistant à ouvrir un piano et à jouer à l’intérieur de l’instrument sur les cordes métalliques à l’aide de différents objets – crayon, baguettes, etc. Mais l’idée la plus intéressante vient en fait de l’utilisation d’une banque de son réalisé par Alan Lamb, musicien électro australien qui a enregistré dans les années 80 des sons sur des câbles métalliques d’un vieux télégraphe abandonné au milieu du désert australien à l’aide d’une série de petits microphones qui ont capté le son du vent résonnant sur ces câbles. Le résultat est tout à fait étonnant et à des années lumières des conventions musicales horrifiques habituelles. D’un point de vue association musique/image, le résultat est d’autant plus probant que la musique semble venir des lieux même où se déroule l’histoire (le désert australien, la mine désaffectée) comme un véritable effet sonore à part entière. Ces sons sont dévoilés dès le début dans ‘The Wires: Part I’ et ‘The Wires: Part II’, avec dans les deux cas l’utilisation particulièrement mélancolique et amère d’un trio à cordes pour la partie plus humaine de l’histoire, suivi d’un ‘Hall’s Creek’ complètement atmosphérique pour illustrer le début du voyage de nos trois randonneurs. Le mélange de samples électroniques et de piano Rhodes crée une ambiance particulière et purement abstraite, totalement dénuée de la moindre mélodie ou harmonie traditionnelle.

La découverte du cratère (‘The Crater’) permet d’entendre un nouveau mélange audacieux entre clarinette basse/sons de câble métalliques et nappes électroniques pour une atmosphère musicale toujours très sonore et abstraite, créant un sentiment d’étrangeté et d’inquiétude dans le film. Dans ‘Alien F100’ (pour la scène des lumières dans la voiture ressemblant à celles d’un OVNI) Tétaz explore les traditionnels effets de clusters dissonants stridents de cordes déjà plus proche des techniques de la musique contemporaine du 20ème siècle tandis que le trio à cordes revient dans ‘Abysmal Horizon’ comme pour offrir pendant un court instant un bref repère familier pour l’auditeur qui retrouve des sonorités plus humaines et conventionnelles dans ce morceau atmosphérique sombre et pesant qui n’annonce rien de bon pour la suite de l’histoire, créant un sentiment d’attente, d’angoisse, de doute. A noter que le compositeur joue ici sur les cordes de son piano préparé pour obtenir des sonorités métalliques sombres, étranges et inquiétantes. On est très proche par moment ici du style de certaines partitions atmosphériques de Jeff Rona (musique additionnelle de ‘Traffic’), Tomandandy (‘The Mothman Prophecies’) ou bien encore Cliff Martinez (‘Solaris’). D’une façon similaire, ‘Talimnavi’ et ‘Liz’ développent une atmosphère à la fois sombre, mélancolique et étrange à l’aide de sonorités métalliques du piano préparé, piano Rhodes, percussion métallique et tenues stridentes et discrètes de cordes. Dans ‘Liz’, l’héroïne se réveille dans l’établi poussiéreux pour découvrir qu’elle a été séquestrée. Plutôt que d’utiliser des effets massifs et artifices musicaux de terreur, Tétaz préfère opter pour une approche 100% abstraite, un travail d’effets sonores expérimentaux particulièrement intéressant bien que pas toujours très agréable à écouter en dehors du film. Effectivement, un morceau comme ‘The Shed: Part I’ et son mélange de sonorités métalliques diverses tient plus de l’effet sonore aléatoire que d’un morceau de musique à proprement parler, même s’il y a ici une construction évidemment volontaire de la part du compositeur.

‘Arcane Menace’ illustre la séquence de la torture de Kristy dans un mélange de sonorités métalliques étranges et totalement désarmant pour le spectateur qui se sent perdu au milieu de ce mélange de sonorités bizarres, brutales et abruptes héritées de la musique concrète du 20ème siècle. Si ‘Escape’ apporte un rare moment d’humanité à l’aide d’un motif de cordes mélancolique lorsque Liz et Kristy s’échappent du garage de l’autochtone sanguinaire, ‘The Shed: Part 2’ nous replonge très vite dans une atmosphère abstraite et étrange particulièrement glauque et pesante. ‘The Cliff’ semble même traduire un climat d’oppression et de danger à travers une exploration plus intense et brutale des différentes sonorités métalliques que produisent les cordes du piano préparé (on est décidément très proche ici de certaines oeuvres expérimentales des musiciens de l’IRCAM en France). Il est juste regrettable qu’au fur et à mesure que l’histoire avance, la musique semble devenir monotone et répétitive, incapable de se renouveler ou d’apporter le moindre relief, hormis peut être un très beau et poignant ‘The Return’ avec un trio à cordes plus dramatique et intime lorsque Liz décide de revenir au garage du fou furieux pour lui voler une voiture et s’enfuir avec ses deux compagnons. La scène précédant la mort de Liz est sans aucun doute l’un des passages les plus sombres (‘Trophy Room’) avec le brutal et chaotique ‘Statesman Deville’ où le magma sonore semble atteindre ici une plus grande intensité. Finalement, le motif de cordes mélancoliques de ‘The Return’ revient dans ‘Epilogue’ en guise de conclusion tragique à cette sombre histoire de survival australien.

Vous l’aurez donc compris, ‘Wolf Creek’ est une BO hors norme de la part du compositeur australien François Tétaz, qui s’est vu offrir la possibilité avec le film de Greg McLean de s’éloigner des sentiers battus et d’expérimenter de façon audacieuse sur une musique tour à tour déstabilisante, étrange, inquiétante et toujours continuellement abstraite, sans repère temporel ou thématique comme pour renforcer la sensation de l’isolement, du danger, du désespoir, d’un piège sans issue. Mais si la musique apporte un impact véritable aux images du film, on ne pourra pas en dire autant d’un point de vue de l’écoute isolée. Le score est une longue succession de pièces atmosphériques proches de l’esthétique de la musique concrète/aléatoire du 20ème siècle, mais sans grand relief. Passé les premiers morceaux, la musique devient très vite répétitive et ennuyeuse, difficile à écouter d’un trait et à apprécier sans les images du film. Revers de la médaille, une approche plus conventionnelle aurait certes était musicalement moins intéressante pour le film mais plus adéquate pour une écoute sur CD. Cependant, en tant que musique de film, la BO de ‘Wolf Creek’ remplit parfaitement le cahier des charges et pourrait surprendre les amateurs d’oeuvres expérimentales et tout ceux qui rejettent le conventionnalisme ambiant des musiques horrifiques d’aujourd’hui.


---Quentin Billard