1-Ray's Theme 3.39
2-Della's Theme 4.44
3-Ray Learns To Listen 3.03
4-Dreams of Ray Pt. I 3.03
5-Remember Your Promise 0.56
6-Water In The Hallway 0.51
7-Ray's Theme/Piano 2.21
8-George Drowns 1.06
9-First Hit 0.47
10-Ray and Della 1.26
11-Ray Sings To Della 1.06
12-Dreams of Ray Pt. II 3.49
13-Ray Leaves Della Behind 1.07
14-Heroin in Bed 0.46
15-Della Kisses Her Baby 1.53
16-Places You Don't Wanna Go 0.46
17-Ray Leaves Mother 1.42
18-Arrested 1.09
19-Alone In The Dark 0.59
20-Dreams of Ray Pt. III 4.53
21-Marge's Death 1.22
22-Rehab 2.20
23-Redemption 1.39
24-Ray's Hymn 1.46
25-Ray's Hymn Quintet 1.26
26-End Credits 2.02

Musique  composée par:

Craig Armstrong

Editeur:

Rhino Records R2 78480

Score produit par:
Craig Armstrong, Taylor Hackford,
David Donaldson

Artwork and pictures (c) 2004 Universal Pictures. All rights reserved.

Note: ***1/2
RAY
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Craig Armstrong
Véritable légende du rythm’n’ blues et de la soul music, Ray Charles mena une longue et brillante carrière de chanteur/compositeur pendant près de 40 ans, se faisant connaître dans sa jeunesse en tant que crooner avant d’enchaîner les tubes que tout le monde connaît aujourd’hui (‘What I’d Say’, ‘Georgia’, ‘Unchain my Heart’, ‘Hit the Road Jack’, etc.). Ce grand génie de la musique noire américaine nous a hélas quitté le 10 juin 2004 en Californie, dès suite de complications liées à une maladie du foie. Il paraissait donc évident que le cinéma s’intéresserait très tôt à ce génie au parcours exceptionnel. C’est finalement le réalisateur Taylor Hackford qui portera à l’écran la vie de Ray Charles, le film ayant été supervisé par le musicien lui-même. Hackford concrétise ainsi avec ‘Ray’ un projet dont il rêvait depuis près de 20 ans. Le film reproduit en l’espace de 2h30 la vie du musicien, ses hauts et ses bas, sa passion pour la musique et les femmes, mais aussi son combat pour surmonter ses démons intérieurs et sortir de l’enfer de la drogue. C’est donc l’histoire méconnue d’un génie hanté par ses démons que le film nous montre, qui parvint néanmoins à surmonter son handicap (il était aveugle depuis l’âge de 7 ans) et à révolutionner la culture musicale américaine C’est l’acteur Jamie Foxx qui fut choisi pour incarner Ray Charles à l’écran, l’acteur ayant d’ailleurs été soutenu par le musicien en personne qui l’invita même à jouer en duo un morceau de jazz au piano (Foxx pratique cet instrument depuis l’âge de 3 ans). Ray Charles s’occupa donc de superviser l’ensemble du tournage du film en vérifiant que l’histoire resterait fidèle au récit de sa vie. Objectif atteint pour Taylor Hackford puisque Ray Charles s’est dit satisfait du film, considérant que le réalisateur s’est suffisamment bien documenté pour pouvoir couvrir correctement sa vie dans le film (à noter que l’on peut apercevoir dans le film quelques grands autres noms de la musique noire américaine tels que Quincy Jones ou le guitariste Gossie McKee). Outre son côté biographique, ‘Ray’ apporte aussi au public un vif message d’espoir, car à travers l’histoire tragique et unique de Ray Charles c’est bel et bien celle d’un homme qui n’abandonna jamais ses rêves même après avoir vécu des moments difficiles dans sa vie, une belle leçon d’optimisme pour un film poignant récompensé par deux oscars en 2005, dont l’oscar du meilleur acteur récompensant très justement l’interprétation incroyable et bouleversante de Jamie Foxx, confondant de vérité dans le film! Voilà en tout cas une belle leçon de vie pour un magnifique hommage rendu à ce désormais légendaire pionnier de la musique noire américaine.

Outre les chansons du ‘Genius’, ‘Ray’ bénéficie également d’un score original écrit par Craig Armstrong, une partition qui a évidemment bien du mal à se faire une petite place tout au long du film (les chansons de Ray Charles priment avant tout ici), mais qui a au moins le mérite d’être présent et d’illustrer les principaux moments forts du film. Le score d’Armstrong reste dans la lignée du style mélancolique et intime cher au compositeur, utilisant l’orchestre symphonique traditionnel avec quelques choeurs très discrets mais indéniablement poignants. Armstrong mélange aussi l’orchestre avec quelques touches d’électronique et des sonorités plus proches du gospel. Comme toujours chez Craig Armstrong, la musique s’articule avant tout sur un thème principal fort, le ‘Ray’s Theme’, mélodie sombre et tragique chantée par des choeurs a cappella quasi funèbres évoquant les moments difficiles et les tourments intérieurs qui hanteront le musicien tout au long de sa vie. Avec un premier thème poignant, le score s’annonce comme prometteur. Le second thème est associé à la femme de Ray Charles, le ‘Della’s Theme’, et se distingue par son côté romantique, tendre et intime, avec la traditionnelle formule piano/cordes. Le thème est donc associé au personnage de Della Bea Robinson (Kerry Washington) que Ray Charles épousera un peu après ses débuts, et se veut bien plus optimiste et rassurant que le tragique ‘Ray’s Theme’. Avec ses deux thèmes principaux, Craig Armstrong évoque donc la dualité complexe de la vie même du musicien, entre ses démons intérieurs, sa descente aux enfers et ses moments de bonheur et de tendresse auprès de sa femme (qui restera toujours à ses côtés malgré l’infidélité de son mari). ‘Ray Learns To Listen’ illustre ainsi la scène poignante où le jeune Ray, devenu aveugle, apprend à écouter les bruits qui l’entourent pour se repérer et se déplacer. La musique se veut à la fois dramatique et déterminée, avec une très belle utilisation des cordes, des choeurs, de la harpe et des synthétiseurs dans un passage musicalement assez intense. ‘Remember Your Promise’ fait intervenir quand à lui les vocalises de type gospel de la soliste Isobel Griffiths sur fond de cordes sombres et de notes de piano atmosphériques avec quelques touches électroniques plus sombres, pour une scène où Della rappelle à Ray sa promesse de toujours s’occuper de sa famille. La musique traduit bien ici les tourments du musicien. Cette utilisation de touche gospel est même particulièrement intéressante, puisque le film montre les ennuis qu’a eu Ray Charles avec la critique lorsqu’il a commencé à utiliser des mélodies de gospel traditionnel pour créer de nouvelles chansons jugées ‘choquantes’ et ‘profanes’ pour le public noir de l’époque. ‘Water in the Hallway’ glisse même du côté suspense/horrifique avec un passage atmosphérique particulièrement noir et sombre avec piano, cordes et synthétiseur pour la scène où Ray hallucine et voit de l’eau envahir une pièce – lié au souvenir tragique de son frère qui s’est noyé durant son enfance. La musique traduit ici aussi les tourments intérieurs du personnage et ses souffrances refoulées qui ressurgissent régulièrement. On retrouve ici les sonorités typiques du Craig Armstrong plus mélancolique et atmosphérique, dans la lignée de ‘The Clearing’ ou ‘The Quiet American’.

La scène de l’accident tragique du frère de Ray dans ‘George Drowns’ permet là aussi à Craig Armstrong d’évoquer le passé douloureux qui hante Ray Charles, reprenant les vocalises féminines avec cordes, piano et choeurs, qui, bien que demeurant très discret, apportent une certaine intensité dramatique impressionnante à la musique dans le film. Armstrong expérimente aussi avec ses synthétiseurs atmosphériques dans le très sombre ‘First Hit’ qui évoque la descente aux enfers de Ray dans l’univers de la drogue, comme dans ‘Heroin in Bed’ qui reprend des sonorités électroniques similaires, à la fois troublantes et inquiétantes (à noter ici l’utilisation entêtante d’une guitare basse qui renforce le côté pesant du morceau). A contrario, ‘Ray and Della’ se veut plus rassurant et optimiste, reprenant le très beau thème de Della avec la traditionnelle formule cordes/piano, comme dans ‘Ray Sings to Della’ ou le dramatique ‘Ray Leaves Della Behind’ lorsque Della découvre que son mari se drogue au moment où ce dernier doit partir seul pour une nouvelle tournée. L’écriture très soutenue des cordes prend ici une tournure plus plaintive et élégiaque, typique du compositeur (la musique annonce clairement ici le style du futur ‘World Trade Center’). Le score se termine sur un passage de style plus romantique et lyrique, le très beau ‘Della Kisses Her Baby’ pour la naissance du bébé de Ray et Della, reprenant une dernière fois le magnifique thème de Della en guise de conclusion plus optimiste. A noter deux morceaux un peu à part dans le reste du score, ‘Dreams of Ray Pt. 1, 2 et 3’, deux pièces de style plus moderne avec orchestre, piano blues et rythmique électro moderne pour accompagner l’ascension fulgurante de la carrière de Ray Charles tout au long du film et son côté révolutionnaire – il fut l’un des premiers à mélanger des genres musicaux jusqu’ici parfaitement cloisonnés dans la musique noire américaine. L’émotion continue avec le très poignant et élégiaque ‘Ray Leaves Mother’ lorsque Ray, encore enfant, doit quitter sa mère pour suivre une bonne éducation et vivre plus tard sa vie d’adulte. Dans un registre similaire, ‘Alone in the Dark’ évoque l’errance du personnage, tout comme ‘Marge’s Death’ et son magnifique mélange cordes éthérées/choeurs élégiaques pour la scène où Ray apprend la mort de Marge (Regina King), l’une de ses anciennes chanteuses. Les chœurs résonnent de façon quasi religieuse dans ‘Redemption’ alors que Ray tente de suivre une très difficile cure de désintoxication pour sortir de l’enfer de la drogue. Armstrong s’offre même le luxe de nous offrir un magnifique quintette à cordes très classique d’esprit dans ‘Ray’s Hymn Quintet’, reprenant l’élégie pour piano de ‘Ray’s Hymn’, tandis que le traditionnel ‘End Credits’ reprend le très beau thème principal de Ray Charles avec choeur, orchestre, vocalises féminines et rythmique électro moderne dans un mélange tout à fait typique du style de Craig Armstrong. Signalons enfin que l’album contient des dialogues extraits du film, un élément qui peut autant s’avérer intéressant pour le côté ‘immersif’ de l’album qu’irritant pour tout ceux qui voudraient apprécier la musique de Craig Armstrong sans être parasités par les dialogues du film.

Sans être ce que Craig Armstrong a écrit de mieux à ce jour, la musique de ‘Ray’ apporte néanmoins une certaine intensité dramatique et émotionnelle au très beau film de Taylor Hackford. On y retrouve donc le style élégiaque/mélancolique habituel et très personnel du compositeur avec une utilisation toujours remarquable du piano et de l’orchestre, agrémenté d’un choeur intense, de sonorités électro modernes et de vocalises féminines plus proches de la musique noire américaine traditionnelle. La musique permet enfin de faire le lien avec les musiques de Ray Charles en apportant du relief à la bande son du film. Entendre entre deux pièces de rythm’n blues du célèbre chanteur des morceaux plus orchestraux et mélancoliques permet d’apporter une certaine richesse à la musique du film, retranscrivant plus amplement à l’écran toute la complexité du personnage. Certes, le score parvient difficilement à se faire remarquer dans le film tant ce sont bien évidemment les oeuvres de Ray Charles qui occupent la première place tout au long de l’histoire. Néanmoins, force est de constater que la musique d’Armstrong, bien loin de faire office de bouche-trou ou d’accessoire comme on aurait pu s’y attendre, possède dans le film une force émotionnelle intrinsèque qui en fait une très belle partition dramatique à recommander vivement aux amateurs des musiques mélancoliques, lyriques et atmosphériques de Craig Armstrong!


---Quentin Billard