1-From the Forest... 1.55
2-Tapir Hunt 1.31
3-The Storyteller's Dream 3.41
4-Holcane Attack 9.28
5-Captives 3.06
6-Entering the City with
a Future Foretold 6.05
7-Sacrificial Procession 3.40
8-Words Through the Sky -
The Eclipse 5.11
9-The Games and Escape 5.15
10-An Elusive Quarry 2.15
11-Frog Darts 2.45
12-No Longer the Hunted 5.50
13-Civilisations Brought by Sea 3.20
14-To the Forest... 7.41

Musique  composée par:

James Horner

Editeur:

Hollywood Records
D000015802

Album produit par:
Simon Rhodes, James Horner
Monteurs musique:
Jim Henrikson, Dick Bernstein
Producteurs exécutifs de l'album:
Mel Gibson, Bruce Davey
Directeur chargé de la musique pour
Walt Disney Pictures and
Buena Vista Music Group:
Mitchell Leib
Supervision du score:
Sylvia Wells

Artwork and pictures (c) 2006 Touchstone Pictures Motion Pictures/Icon Distribution, Inc. All rights reserved.

Note: ***1/2
APOCALYPTO
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by James Horner
Décidément, Mel Gibson reste une fois encore l’homme de tous les défis. Qu’il s’agisse de retranscrire l’indépendance de l’écosse sur l’Angleterre ou d’évoquer de façon extrême la Passion du Christ, Gibson choisi toujours le chemin le plus difficile et le plus tortueux pour arriver à ses fins. Après le très controversé ‘Passion of the Christ’, Mel Gibson frappe à nouveau très fort avec ‘Apocalypto’, évocation guerrière et barbare du déclin de la civilisation Maya à la fin du 15ème siècle. Patte de Jaguar (Rudy Youngblood) élève tranquillement ses enfants avec sa femme dans son village paisible située au coeur même de la Jungle. Son père, un grand chasseur, porte de grandes espérances pour son fils, à qui il a appris à toujours lutter contre ses propres peurs. Mais un jour, des ennemis envahissent le village par surprise et capturent une bonne partie de la population après avoir fait un carnage dans tout le village. Patte de Jaguar fait partie des captifs. On les emmène ensuite dans une très grande citée pour être offert en sacrifice aux Dieux Maya. Patte de Jaguar découvre alors un univers peuplé par la peur et la violence, au fur et à mesure que les têtes et les corps décapités des victimes roulent le long des marches des immenses temples Maya. Mais au moment où il va être sacrifié, une éclipse se produit, annulant le rituel pour la journée. Patte de Jaguar saisit alors la chance qui s’offre à lui pour s’échapper et tue au passage le fils du chef Maya, Zéro Loup (Raoul Trujillo). Ce dernier réclame vengeance et poursuit frénétiquement Patte de Jaguar à travers toute la jungle. Mais très vite, les rôles vont s’inverser et les prédateurs vont devenir les proies.

Avec ‘Apocalypto’, Mel Gibson nous montre la chute de la civilisation Maya comme jamais encore un film ne nous l’avait montré d’une façon aussi extrême dans son propos: ainsi, la violence est particulièrement forte et présente - on échappe pas aux effets grand-guignolesques notamment lors du rituel de sacrifice qui plonge à fond dans le gore – certaines images sont très déstabilisantes (scène où le jeune Maya mange les testicules du tapir au début du film), et comme pour ‘Passion of the Christ’, qui était entièrement tourné en araméen, Gibson a choisi que ‘Apocalypto’ soit entièrement interprété en langue Maya, et plus particulièrement en dialecte Yucatèque. Et comme si cela ne suffisait pas, le réalisateur s’est aussi offert le luxe de filmer des séquences entières – plus particulièrement lors des poursuites de la seconde partie du film – en utilisant un nouveau procédé de caméra ultra sophistiquée, le modèle Genesis de chez Panavision, une caméra haute définition capable d’un rendu visuel extraordinaire et quasiment jamais vu auparavant – surtout très présent lors des scènes d’action du film. En faisant ‘Apocalypto’, Mel Gibson voulait une fois de plus toucher profondément le public, créer un sentiment viscéral, ne laisser personne indifférent à la vision de son film. Toujours aussi jusqu’au-boutiste et dans sa démarche, Gibson refuse de se plier aux exigences hollywoodiennes et n’hésites pas à provoquer les spectateurs en brisant certaines conventions (par exemple, pas de musique orchestrale pour accompagner le film) et en montrant la vie à l’époque Maya telle qu’elle devait l’être sans aucun doute, c’est à dire sauvage, barbare, sans concession, tout à l’image du film de Mel Gibson. Les acteurs (dont certains n’avaient jamais joués dans un film) sont tous confondants de vérité, et la mise en scène est nerveuse et inspirée, dans la lignée de ‘Passion of the Christ’.

Visuellement, c’est sans aucun doute la plus magnifique reconstitution de l’époque Maya que l’on ait pu voir au cinéma américain depuis bien longtemps. Mais la palme revient certainement aux nombreuses scènes d’action de la seconde partie du film (dommage que la première partie jusqu’au rituel de sacrifice soit excessivement longue avec un rythme très mal dosé), qui font basculer le film dans le sauvage et le guerrier sans concession, avec des scènes de traque dans la jungle qui semblent avoir été fortement inspirés du ‘Predator’ de John McTiernan (les similitudes sont ici assez frappantes), ‘Apocalypto’ se transformant alors en survival barbare d’une intensité et d’une violence rare. Mel Gibson en profite alors pour évoquer l’humanité sous un angle bien peu reluisant, en illustrant les conséquences du mécanisme de la peur chez les êtres humains, la barbarie de l’esclavagisme, la folie des hommes et de leurs croyances parfois extrémistes, etc. Bref, ‘Apocalypto’ demeure de bout en bout un spectacle intense et extrême, un film qui choque, secoue, remue et nous emballe par son incroyable force qui lui permet de colmater la brèche provoquée par le problème de rythme de la première moitié du film.

‘Apocalypto’ marque les retrouvailles entre Mel Gibson et James Horner 11 ans après le succès colossal de ‘Braveheart’ -1995- pour lequel Horner signa l’une de ses partitions les plus poignantes. Dans ‘Apocalypto’, le compositeur bouscule toutes les règles du genre et décide au contraire de délaisser l’orchestre symphonique habituel pour se concentrer autour d’une atmosphère tribale et primitive du plus bel effet, une surprise de taille quand on sait à quel point le compositeur est un indécrottable symphoniste depuis ses débuts. Pour évoquer l’atmosphère du déclin de la civilisation Maya, Horner utilise tout un attirail d’instruments ethniques alliant les percussions exotiques, les flûtes et l’utilisation du soliste Rahan Nusrat Fateh Ali Khan, chanteur spécialisé dans le Qawwali et qui avait déjà oeuvré sur ‘The Four Feathers’ de Horner en 2002. Parmi les autres solistes, on retrouve l’incontournable Tony Hinningan, fidèle complice d’Horner qui interprète depuis près de 10 ans les traditionnelles parties de flûte ethnique dans les musiques du compositeur. On retrouve aussi Terry Edwards sur certaines parties vocales, Jan Hendrickse, Robert A. White et Guo Yi sur les autres flûtes ethniques solistes du score. A cela s’ajoute quelques cordes synthétiques dans un style qui n’est pas sans rappeler l’époque de ‘Thunderheart’ au début des années 90. Dès le début du film, la couleur est annoncée: ‘From the Forest’ introduit des cordes de synthé froides avec des sons d’oiseaux évoquant l’immense forêt maya (l’idée est empruntée à ‘The New World’) et très vite, Rahan Nusrat Fateh Ali Khan impose sa voix chaude lointaine et envoûtante sur fond de synthés et de percussions. La poursuite du tapir au début du film (‘Tapir Hunt’) permet à Horner de nous offrir un premier morceau d’action tribal à souhait, entièrement dominé par les percussions, les flûtes et les effets vocaux proches des raclements de gorge et de sons extrêmement graves. Horner nous étonne avec ce premier morceau tribal et barbare à des années lumières des conventions hollywoodiennes habituelles. Du coup, la flûte soliste de l’onirique ‘The Storyteller’s Dreams’ paraît moins étonnante mais à contrario plus rafraîchissante. Horner illustre ici le récit de l’un des vieux du village maya avec un côté mystique et ethnique très étonnant de la part du compositeur, révélant au passage un véritable travail d’ethnomusicologue et une démarche authentique et pour une fois sincère de la part du musicien. L’action reprend ensuite de plus belle sur le barbare ‘Holcane Attack’ pour la séquence de l’attaque du film vers le début du film. On retrouve ici les synthétiseurs habituels du compositeur avec un impressionnant travail autour des percussions, des effets vocaux et des flûtes ethniques. La tension monte pendant plus de 9 minutes avec l’un des premiers morceaux d’action majeure du score de ‘Apocalypto’, tandis que les cordes synthétiques apportent une froideur dramatique assez intense à ce morceau oscillant entre tragédie et violence à l’écran comme sur l’album.

Dès lors, la musique développe tout au long du film son atmosphère dramatique et tribale comme le confirme le dramatique ‘Captives’ où se mélangent flûtes/synthé/voix avec un intéressant travail de sonorités parfaitement rafraîchissant. La découverte de la citée maya est illustrée de façon très impressionnante par le sombre ‘Entering the City with a Future Foretold’ où voix, flûte et synthé se mélangent dans un véritable canevas sonore toujours empreint de mysticisme et de tension. Seule ombre au tableau : la longueur épuisante du morceau et son côté radicalement anti-conformiste peut lasser l’auditeur néophyte à la longue, à écouter avec parcimonie si vous ne voulez pas frôler l’overdose d’ambiances tribales mystiques! ‘Sacrificial Procession’ illustre à son tour la scène du rituel de sacrifice en utilisant une flûte de pan soliste lointaine avant que la musique ne prenne une tournure plus massive avec ses percussions tribales et ses voix massives. A noter l’utilisation de sons proches de la cornemuse et qui ajoutent une touche de noirceur à ce terrifiant morceau chaotique et ici aussi très difficile d’accès pour des non-initiés. La chasse à l’homme commence enfin avec ‘The Games and Escape’ où Horner développe un jeu intéressant de percussions en tout genre, passant des percussions en bois, des tambours en tout genre aux percussions métalliques sous toutes leurs formes. On retrouve aussi un tic cher au compositeur : l’utilisation de flûte rythmique, un truc déjà entendu à de nombreuses reprises dans d’anciens scores du compositeur (‘Legends of the Fall’, ‘Thunderheart’, ‘Willow’, etc.). Les sonorités tropicales de ‘An Elusive Quarry’ évoquent quand à elle l’univers de la jungle dans laquelle se cache le héros pourchassé par les guerriers mayas. Le thème principal est entendu dans ‘Frog Darts’ par une flûte de pan, avant que le rythme ne s’emballe à nouveau avec l’utilisation toujours très étonnante de la voix masculine (qui alterne des onomatopées et des sons chuchotées de façon menaçante, comme si le chanteur soliste représentait ici la partie bestiale qui hante Patte de jaguar). Finalement, la proie devient le prédateur dans ‘No Longer the Hunted’ où les sonorités électroniques deviennent plus inquiétantes et plus pesantes, et où les percussions résonnent de façon plus brutales et barbares que jamais (dommage cependant que l’utilisation de cordes synthé donne un côté ‘cheap’ un peu inutile à la musique). Finalement, la conclusion s’effectue en deux mouvements, d’abord une flûte de pan solitaire à la fin de ‘Civilisations Brought by Sea’ qui reprend le thème principal, et ‘To the Forest…’ qui reprend l’ambiance de l’ouverture avec les chants d’oiseaux et les cordes synthétiques mélancoliques et descendantes typiques du compositeur (on pense par exemple ici à l’ouverture de ‘Braveheart’ ou de ‘Enemy at the Gates’), sans oublier l’apport majeur du chanteur soliste et de la flûte fusionnelle de Tonny Hinningan.

Qui aurait pu s’attendre à une telle surprise de la part de James Horner, qui signe avec ‘Apocalypto’ l’un des scores les plus intéressants de toute sa carrière car refusant toute forme de convention hollywoodienne et préférant opter pour une démarche d’ethnomusicologue assez étonnante et original pour un gros film hollywoodien de ce genre. Mine de rien, avec ‘Apocalypto’, Horner se paie le luxe de reconstituer une atmosphère tribale et mystique dans sa musique pour tenter d’illustrer le déclin de la civilisation maya, et il parvient avec une maîtrise et une virtuosité étonnante. Seule ombre au tableau : le parti pris extrêmement radicale du compositeur sur ‘Apocalypto’ peut séduire tout comme il peut très vite lasser par son côté extrêmement peu accessible et jusqu’au-boutiste (surtout en dehors du film, car une fois privée des images, la BO du film de Mel Gibson devient très difficile à écouter d’une traite). Comme souvent chez Horner, la musique supporte difficilement la longueur et finit par s’épuiser et entraîner dans sa chute un auditeur à la fois comblé et fatigué par un ensemble très peu nuancé et extrêmement répétitif, bien que le rapport image/musique soit aussi absolument parfait, c’est indéniable (pour un peu, on serait presque tenté de regretter l’absence de James Horner sur ‘Passion of the Christ’). En tout cas, voilà une démarche particulièrement intéressante de la part du compositeur, consistant à rejeter les sempiternelles conventions de la musique de film hollywoodienne pour recréer une atmosphère tribale assez authentique bien que personnelle (on retrouve la plupart des solistes habituels chers au compositeur ici) et très difficile d’accès. En conclusion, après le magnifique et brillant ‘All the King’s Men’, James Horner confirme qu’il est bel et bien de retour avec ce ‘Apocalypto’ étonnant et expérimental, qui semble indiquer un soudain regain de créativité chez un musicien que l’on croyait artistiquement mort depuis des lustres. James Horner serait-il progressivement en train de revenir petit à petit sur le devant de la scène et de reconquérir une bonne partie du public béophile qui semble le bouder depuis pas mal d’années? Seul l’avenir nous le dira !


---Quentin Billard