1-The Painted Veil 3.14
2-Gnossienne N°1 3.19*
3-Colony Club 2.04
4-River Waltz (Piano & Orchestra) 2.19
5-Kitty's Theme 3.03
6-Death Convoy 2.46
7-The Water Wheel 6.17
8-The Lovers 1.22
9-Promenade 2.01
10-Kitty's Journey 2.46
11-The Deal 3.18
12-Walter's Mission 3.52
13-The Convent 0.47
14-River Waltz (Piano Solo) 2.22
15-Morning Tears 1.44
16-Cholera 3.00
17-The End of Love 4.31
18-The Funeral 0.48
19-From Shangaï to London 2.02

*Composé par Erik Satie
Interprété par Lang Lang.

Musique  composée par:

Alexandre Desplat

Editeur:

Deutsche Grammophon
CD 00289 477 6552

Produit par:
Alexandre Desplat

Artwork and pictures (c) 2006 Warner Independent Pictures. All rights reserved.

Note: ****
THE PAINTED VEIL
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Alexandre Desplat
Adapté du roman de William Somerset Maugham, ‘The Painted Veil’ (Le voile des illusions) raconte l’histoire d’amour tourmentée d’un jeune couple anglais parti en Chine dans les années 20 pour combattre une terrible épidémie de choléra qui ravage une région du pays. A Londres en 1920, Kitty (Naomi Watts) accepte trop rapidement un mariage de convenance sociale avec Walter Fane (Edward Norton), un jeune médecin bactériologiste anglais. Très vite, elle trompe son mari avec un autre homme. Lorsque Walter découvre l’adultère de sa femme, il décide de lui poser un ultimatum. Comme Kitty refuse que son amant quitte sa femme pour l’épouser, elle n’a plus d’autre choix que de se plier aux exigences de son mari : soit elle signe avec lui les papiers de la demande de divorce, soit elle accepte de le suivre en Chine à Shanghai où il doit mener des recherches pour son travail, lui jurant alors de ne pas mentionner son infidélité afin de conserver sa réputation intacte, dans le cas où elle accepterait cette seconde solution. Finalement, Kitty décide de suivre son mari en Chine. Brisée et abandonnée par son amant, Kitty emménage avec Walter dans une région où une épidémie de choléra décime la population locale. Malheureuse et maltraitée par son mari, Kitty se réfugie dans la solitude et s’isole, jusqu’au jour où elle finit par prendre conscience de la réalité de l’épidémie de choléra et s’intéresse d’un peu plus près au travail de son mari. Sa rencontre avec un groupe de religieuses locales va l’aider à se fortifier et à se rapprocher de Walter dans cette terrible épreuve, lui offrant alors l’occasion unique de racheter ses fautes et de redonner un sens à sa vie.

Mélodrame poignant et académique, ‘The Painted Veil’ décrit avec beaucoup de justesse cette histoire émouvante d’un couple détruit qui apprend à se reconstruire lentement face à une épreuve difficile, celle de la lutte contre une épidémie de choléra dans la Chine de 1920. Le film a été tourné dans des décors naturels absolument magnifiques, avec un scénario tout en justesse sur lequel le scénariste Ron Nyswaner a planché pendant de nombreuses années avant d’aboutir à la version que nous connaissons aujourd’hui. Si le projet a mis énormément de temps à se mettre en place (quasiment plus de 10 ans), et ce pour des raisons diverses (problèmes pour racheter les droits du roman, nombreuses réécritures du scénario, problème pour fixer une date de tournage qui arrange tout le monde, problème pour financer le film, etc.), le résultat est au final tout bonnement impressionnant. Le duo d’acteur formé à l’écran par Edward Norton et Naomi Watts illumine l’ensemble du film de John Curran. A noter que les deux acteurs se sont largement investis dans le film puisqu’ils l’ont aussi produits ensemble. Il règne sur ‘The Painted Veil’ une certaine authenticité dans la façon dont le réalisateur a réussit à retranscrire la Chine des années 20, avec son mode de vie particulier, ses coutumes, ses traditions et ses rites sacrés. L’intrigue initiale de l’adultère avec le personnage de Charlie Townsend campé à l’écran par Liev Schreiber n’est que l’élément déclencheur d’une nouvelle histoire d’amour plus épique et mouvementée entre Kitty et son mari Walter, histoire d’amour difficile qui finira par se mélanger à une intrigue plus dramatique retranscrivant une réalité tragique de l’époque (une épidémie qui ravage une région paysanne pauvre et superstitieuse). Le ton lent du film permet aux acteurs de développer leur jeu avec une certaine intensité, le duo Edward Norton/Naomi Watts faisant des miracles à l’écran. En bref, voilà un mélodrame académique très réussi, et qui, à défaut de marquer les annales du genre, s’impose malgré tout comme une bien belle réussite injustement passée inaperçue à sa sortie en salle.

La musique d’Alexandre Desplat reste sans aucun doute l’atout majeur de ‘The Painted Veil’, et pour cause : le compositeur français a remporté pour cette BO deux prix pour la meilleure musique de film avec un LAFCA Award en 2006 et un Golden Globe en 2007. Chose rare, la musique d’Alexandre Desplat a été publiée par le célèbre label Deutsche Grammophon, jusqu’ici essentiellement spécialisé dans la musique classique. Pour le score du film de John Curran, Desplat s’est adjoint les services du jeune pianiste chinois Lang Lang, ce qui explique sans aucun doute que Deutsche Grammophon ait décidé de distribuer la BO du film, puisque le pianiste a un contrat exclusif avec la célèbre maison de disque. L’ouverture du film nous permet de découvrir un premier thème, dynamique, sensuel et rythmé, avec un ostinato répétitif de piano un brin entêtant, des harmonies de cordes et bois qui suggèrent le décor asiatique du film (et plus particulièrement avec les motifs mélodiques des flûtes aux consonances typiquement asiatiques). Mais bien loin d’évoquer la beauté sereines des décors, ce premier thème possède néanmoins une certaine urgence dans sa composition qui semble déjà suggérer subtilement la facette plus dramatique de l’histoire. A noter que ce morceau rappelle par moment le style répétitif de Philip Glass, une influence inhabituelle mais fort bienvenue chez Alexandre Desplat. Le second thème a été composé quand à lui pour le personnage de Naomi Watts (‘Kitty’s Theme’) et se distingue par son ostinato de 4 notes de vents/piano sur lequel se développe une phrase mélodique de flûte. Plus lent et doux, le thème de Kitty évoque la souffrance de la jeune femme et ses sentiments qui subsistent malgré tout pour son mari, un thème très simple et très nuancé, entêtant et captivant. Enfin, le dernier thème est entendu dans ‘River Waltz’, une très belle valse pour piano interprétée magnifiquement par Lang Lang avec beaucoup de délicatesse. Cette mélodie paisible et un brin mélancolique évoque le rapprochement entre Kitty et Walter lors de la très belle scène où le couple traverse la rivière à bord d’une barque. Le réalisateur a choisit de laisser la musique s’exprimer pleinement durant cette scène pour permettre au compositeur de développer une émotion subtile et prenante durant cette séquence. Ici aussi, la mélodie de la valse s’avère être simple et très subtile, toujours très nuancée, ni trop romantique ni trop dramatique, presque ambiguë. ‘River Waltz’ évoque par moment certaines pièces pour piano de Claude Debussy ou d’Erik Satie (sa ‘Gnossienne N°1’ est d’ailleurs interprétée par Lang Lang vers le début du film), avec un côté un brin impressionniste subtil et raffiné, plus proche de la sensibilité musicale du compositeur. D’une façon générale, Desplat arrive à éviter tous les clichés des musiques mélodramatiques habituelles et préfère opter pour une retenue touchante mêlée à un sentiment de malaise constant et plus dramatique d’esprit. Le mélange histoire d’amour/drame de l’épidémie est parfaitement reflété à travers la musique subtile et élégante d’Alexandre Desplat.

Plus dramatique, ‘Colony Club’ développe une très belle écriture concertante pour piano et orchestre avec un classicisme d’écriture très soutenu, qui nous renvoie à la réalisation très académique de John Curran. On retrouve des sonorités asiatiques dans ‘Death Convoy’ qui évoque les ravages du choléra en Chine avec le quatrième thème majeur du score de ‘The Painted Veil’, thème plus dramatique associé à l’épidémie qui décime la population locale. ‘The Water Wheel’ tente d’apporter un peu d’espoir et d’émerveillement avec une écriture plus légère de vents/piano et orchestre sautillant durant la scène où Walter aide les habitants du coin à créer une roue pour alimenter les champs en eau potable (on retrouve une ambiance optimiste similaire dans ‘The Convent’). On retrouve le thème dramatique dans ‘Promenade’ joué avec délicatesse par un piano sur fond de gammes qui évoquent des ritournelles asiatiques gracieuses, toujours inspiré de l’impressionnisme français de la fin du 19ème siècle (on pense par exemple au célèbre ‘Pagode’ extrait des ‘3 Estampes’ pour piano de Claude Debussy). Idem pour ‘Kitty’s Journey’ qui souligne la tristesse et l’isolement de Kitty lorsque cette dernière doit se résoudre à accompagner son mari en Chine. Plus sombre et ambigu, ‘The Deal’ reprend l’ostinato de 4 notes de Kitty dans une version plus lente et sombre écrite pour un pupitre de vents graves en sixtes mineures parallèles, par dessus lesquelles viennent se greffer des nappes de cordes plus sombres et inquiétantes. ‘The Deal’ crée un malaise psychologique assez fort à l’écran, tout en restant discret et retenu. Desplat joue d’ailleurs continuellement sur cette retenue pour mieux faire ressortir les différentes émotions du film. A noter que le compositeur utilise de temps en temps quelques touches d’électronique pour mieux faire ressortir le malaise de certains passages de la musique, comme ‘Cholera’ qui s’avère être plus sombre et tragique avec ses arpèges de piano et son instrumentation plus étoffée (bois/cordes/piano) agrémenté de quelques sons synthétiques plus discrets. ‘Walter’s Mission’ rompt quand à lui avec la retenue de la partition de Desplat en mettant en avant des sonorités chinoises plus massives (percussion métallique, violon chinois, flûte, etc.) durant la scène où Walter tente de stopper l’avancée des paysans contaminés dans le village. On retrouve le motif de 4 notes de ‘The Deal’ et le thème de flûte de Kitty dans le sombre ‘Morning Tears’ qui reflète l’amertume et la souffrance de la jeune femme. L’instrumentation reste toujours très soignée et pleine de couleur, preuve qu’Alexandre Desplat possède un réel talent de compositeur qui semble mûrir lentement et gagner en personnalité au fil des années. Plus sombre et dissonant, ‘End of Love’ utilise des percussions quasi funèbres durant la scène où Walter tombe malade, le malaise atteignant ici son paroxysme avec toujours cette retenue émouvante et forte à l’écran. Idem pour le mélancolique ‘The Funeral’ et ‘From Shanghai to London’ qui reprend le thème de Kitty dans une version plus énergique et épanouie, comme pour évoquer le nouveau départ dans la vie de la jeune femme à la fin de cette sombre et tragique aventure en Chine (à noter que, curieusement, la reprise de 'A la claire fontaine' entendue à la fin du film est absente de l'album).

Alexandre Desplat prouve qu’il n’a décidément rien perdu de son inspiration et qu’il continue de nous offrir des partitions soignées et élégantes reflétant un style musical plus européen d'esprit qui ne cesse de gagner en maturité au fil des années. Desplat joue ici sur un style à la fois sombre et intime pour créer un malaise dans le film et évoquer la romance belle mais tourmentée entre Kitty et Walter, avec une pointe de psychologie qui apporte un plus indéniable à la musique de ‘The Painted Veil’. On appréciera ici la qualité des thèmes et l’interprétation remarquable de Lang Lang pour toutes les parties de piano de la partition de Desplat. Le piano apporte ici un second plus indéniable à la musique du film, et reste sans aucun doute l’attraction majeure de cette BO réussie, qui, si elle parvient difficilement à emporter notre adhésion à la première écoute, réussit au fil des écoutes à nous captiver par sa beauté, son émotion, son mystère et sa noirceur constante. Plus subtile et aboutie que certaines anciennes partitions du compositeur, ‘The Painted Veil’ reste une bien belle réussite à découvrir rapidement!


---Quentin Billard