1-The Real Life of Angel Deverell
(Main Theme) 2.35
2-Overture 2.59
3-Paradise Theme 2.46
4-Angel's Theme 4.20
5-Inspiration 2.25
6-The Publisher 3.48
7-London 0.47
8-Norley 1.19
9-Success 1.24
10-Crowning Moment 1.07
11-A Gift from Paradise 4.25
12-Nora 1.14
13-Visit to Esme 1.09
14-Jealousy 2.40
15-Mother's Death 2.06
16-Marry Me 1.41
17-The Portrait/Honey Moon 1.49
18-Together in Paradise 3.03
19-The War 3.19
20-Alone in Paradise 4.09
21-In the Name of Love 3.08
22-Esme's Death 2.08
23-Angelica 3.56
24-Silky Boy 1.20
25-Angel's Death 4.53
26-The Dreamed Life of
Angel Deverell 2.28
27-Angel's Theme (alternate) 3.20

Musique  composée par:

Philippe Rombi

Editeur:

Colosseum Records
CST 8116.2

Produit par:
Philippe Rombi

(c) 2007 Fidélité Productions. All rights reserved.

Note: ****
ANGEL
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Philippe Rombi
Véritable réalisateur touche à tout, François Ozon s’essaie pour son nouveau film au mélodrame rétro à l’hollywoodienne, après un ‘Temps qui reste’ sobre et intime. ‘Angel’ évoque le succès puis la décadence d’une jeune écrivaine britannique au début du 20ème siècle. En 1905, la jeune Angel Deverell (Romola Garai) est une véritable écrivaine prodige. Issu d’un milieu modeste, la jeune fille rêve le monde à travers ses écrits, jusqu’au jour où elle décide de se lancer dans une carrière d’écrivaine en envoyant à l’agent littéraire Théo (Sam Neill) son tout premier ouvrage. Subjugué par le style et la fougue de ses écrits, Théo accepte de la publier. Le succès est immédiat : Angel devient célèbre et adulé par des milliers de fans à travers tout le pays. Profitant de sa nouvelle gloire et de sa richesse, Angel rachète la propriété ‘Paradise’ et décide de s’y installer avec ses domestiques et sa mère (Jacqueline Tong). Au cours d’une réception donnée en sa faveur, la jeune romancière fait la connaissance d’Esmé (Michael Fassbender), un peintre raté et frustré dont elle tombe éperdument amoureuse. Angel et Esmé finissent alors par se marier. Puis, arrive la guerre de 14-18 qui remet leur bonheur en question. Esmé part à la guerre et ne donne plus aucun signe de vie, jusqu’au jour où il réapparaît avec une jambe en moins. Physiquement et moralement bouleversé par la guerre, Esmé n’est plus que l’ombre de lui-même. Angel, quand à elle, continue de vivre dans son petit monde et de fuir la réalité, mais cette dernière finit par la rattraper. Ses livres ne se vendent plus et très vite, le couple se retrouve sans le sou. C’est la fin du succès et de la fortune d’Angel, bien obligé maintenant de regarder la réalité en face.

Voilà un parti pris osé de la part du réalisateur de ‘5x2’ et ‘Swimming Pool’, qui, avec ‘Angel’, s’essaie au mélodrame hollywoodien à la façon des grandes fresques romantiques des années 40/50, un genre qu’aucun réalisateur n’avait osé tourner depuis des lustres en France. François Ozon, homme de défi et cinéaste passionné par son art, adapte le roman d’Elizabeth Taylor (à ne pas confondre avec la célèbre actrice homonyme!) et réalise son premier film entièrement tourné en anglais. Il confie le rôle principal à une jeune comédienne britannique peu connue, Romola Garai, véritable révélation du film. Avec son regard juvénile frais et son visage d’ange touché par la grâce, Romola Garai (que Ozon décrit comme sa muse) campe une romancière débordante de passion mais aussi très éloignée de la réalité, capricieuse, ambitieuse, égocentrique et très sure d’elle. Avec son histoire d’ascension et de chute, on rit, on pleure et on s’émeut pour sa grande et belle aventure. Selon François Ozon, l’actrice était parfaite pour ce rôle : « Romola avait l’intelligence du rôle (…). Elle n’avait pas peur de la dimension parfois grotesque d’Angel et savait apporter une séduction, une candeur, avec ses grands yeux d’enfant rêveuse. ». Bref, un rôle complexe et difficile que Romola Garai a abordé avec une virtuosité et une intensité rare de nos jours, une véritable révélation. Face à elle, un vétéran, Sam Neill, dans le rôle de son éditeur, et un jeune comédien allemand lui aussi méconnu, Michael Fassbender (découvert récemment dans ‘300’ de Zack Synder), dans le rôle d’Esmé, le mari d’Angel. La mise en scène volontairement académique fait la part belle aux émotions et aux grandes scènes romantiques, avec un baiser sur fond de pluie et une musique grandiloquente qui rappelle inévitablement tous les grands classiques du genre, à commencer par ‘Gone With the Wind’ (Autant en emporte le vent), qui semble avoir majoritairement influencé Ozon sur son nouveau film. Le réalisateur va même jusqu’à reprendre la technique de décor de fond rajouté en studio durant les scènes de calèche ou de voiture, un principe éminemment kitsch que l’on retrouve aussi durant la scène extrêmement rétro (et maladroitement gnangnan) où le couple part en voyage de noce dans divers pays du monde. Bref, François Ozon assure son parti pris jusqu’au bout mais n’évite pas de nombreuses maladresses de style et quelques lourdeurs. Le côté larmoyant de l’histoire est très appuyé et peu subtil. Néanmoins, il y a un tel respect des codes du mélodrame hollywoodien et une telle intensité dans la mise en scène et le jeu des acteurs que l’on ne peut qu’adhérer à la vision d’Ozon du mélodrame romantique à l’ancienne.

La collaboration Philippe Rombi/François Ozon se poursuit avec ‘Angel’, et ce depuis ‘Les Amants criminels’ en 1999. A l’instar du film d’Ozon, Rombi a eu l’occasion d’écrire une grande œuvre dans la lignée des musiques des fresques romantiques hollywoodiennes d’antan. Avec des influences fortes comme Max Steiner, Alfred Newman ou bien encore Franz Waxman, Philippe Rombi signe une grande partition symphonique romantique pour ‘Angel’, avec une intensité et une authenticité de style que l’on n’avait pas entendu depuis des lustres dans la musique de film française contemporaine. Une grande partition aussi majestueuse et flamboyante ne pouvait évidemment qu’être accompagnée de grands thèmes, et ‘Angel’ ne fait nullement exception à la règle, avec un premier thème principal lyrique et ample introduit dès le générique de début par un tutti orchestral absolument magnifique, agrémenté de choeurs féminins grandioses qui confèrent à l’ouverture du film un côté féerique et dramatique à la fois. Le thème principal résume parfaitement à travers sa mélodie de cordes toute la facette tragique et émouvante de la vie d’Angel Deverell, avec ses moments de bonheur et de malheur. Rombi nous propose une reprise lyrique et plus légère de ce thème dans ‘Overture’ qui évoque la jeunesse exubérante d’Angel avec un nouveau thème tout aussi sentimental d’esprit introduit ici aussi par les cordes. Il s’agit en fait du ‘Paradise’s Theme’, associé dans le film à la propriété luxuriante dans laquelle s’installe Angel et sa famille. On ne pourra pas passer ici à côté de la qualité assez exceptionnelle des orchestrations qui, savamment dosées avec les choeurs, sont incontestablement de toute beauté. On n’est guère loin par moment ici du lyrisme symphonique d’un James Horner ou d’un John Williams, Rombi restant une fois de plus très inspiré par un certain classicisme hollywoodien très présent dans ses compositions, et ce depuis ses débuts. Le ‘Paradise Theme’ est développé dans toute sa splendeur durant la piste 3 de l’album. Le thème est d’abord joué au piano puis développé par l’orchestre, un morceau au lyrisme chaleureux et nostalgique, lui aussi écrit à l’ancienne. Idem pour le ‘Angel’s Theme’, troisième thème majeur de la partition qui développe une mélodie plus sereine et mélancolique associée à la vie d’Angel Deverell, et qui se partage ici entre violoncelle, piano et orchestre, avec un travail harmonique raffiné et de toute beauté.

Certes, on pourrait reprocher le côté très académique de la composition de Philippe Rombi, mais ce serait dévaloriser injustement un travail de qualité bien rare de nos jours au cinéma, à une époque où les compositeurs ne prennent plus le temps d’écrire des musiques au classicisme rigoureux, fier et élégant (à noter que la partie finale du magnifique ‘Angel’s Theme’ évoque par moment certains thèmes romantiques/lyriques du grand Jerry Goldsmith). Ayant ainsi posé les bases de sa partition en l’espace de quatre morceaux, Philippe Rombi continue par la suite de développer ses différents thèmes tout au long de l’histoire d’Angel, accompagnant chaque grande scène du film avec une densité et une sincérité d’écriture absolument frappante. A noter l’utilisation de choeurs féminins plus élégiaques et magiques dans ‘Inspiration’ qui évoquent l’inspiration ‘divine’ d’Angel dans ses créations romanesques. Les chœurs font parfois penser ici à du Danny Elfman en mode ‘Edward Scissorhands’. Le début de ‘The Publisher’ fait penser quand à lui à du Max Steiner. Bref, le compositeur s’essaie tout au long de la partition à un exercice de style périlleux, malaxant différentes influences qu’il maîtrise parfaitement pour les besoins du film.

Rombi poursuit son exploration de ses différents thèmes avec le sautillant et exubérant ‘Success’ où l’orchestre se lance dans une danse joyeuse et virevoltante lorsqu’Angel profite de son succès grandissant avec un immense bonheur. On retrouve ici des orchestrations riches et colorées et un style qui rappelle beaucoup certaines partitions comédie de John Williams. A noter que le compositeur exprime une certaine sensibilité dans le magnifique ‘A Gift From Paradise’ où il reprend le ‘Paradise’s Theme’ joué par un violon soliste et accompagné par l’orchestre, le tout avec une infime tendresse et une grande délicatesse. Ici aussi, le ton est proche des musiques romantiques et raffinées du Golden Age hollywoodien voire du Silver Age, quelque part entre le lyrisme flamboyant d’un Alfred Newman ou le classicisme savant et élégant d’un John Scott. Seule ombre au tableau : les musiques se suivent et se ressemblent toutes, Rombi parvenant difficilement à éviter la redondance et la répétition tout au long du film. Certes, l’exercice de style qui lui est ici proposé impose forcément un schéma musical préconçu avec une surabondance de musique à l’écran, parfaitement adapté au contexte ‘à l’américaine’ du film d’Ozon. Dommage seulement que le compositeur ait tendance à utiliser un peu trop fréquemment les mêmes thèmes, ce qui tend à rendre par moment l’écoute un peu fastidieuse sur la longueur (l’album fait tout de même plus de 60 minutes).

A noter que le morceau ‘Jealousy’ semble évoquer un premier point noir dans le tableau idyllique de la vie d’Angel avec son ton plus amer et mélancolique (utilisation au début du morceau de clarinettes et de bois plus graves). Le morceau souligne ici la jalousie de Nora (Lucy Russell) qui ne voit pas d’un très bon oeil la présence de son frère Esmé sous son propre toit. Cette ambiance mélancolique se retrouve très nettement amplifiée dans ‘Mother’s Death’ lorsque Angel perd sa mère. Le compositeur réutilise ici le thème principal dans une variante amère confiée tour à tour à la clarinette, au hautbois, à la flûte et aux cordes. Mais la partition atteint un véritable premier climax d’émotion dans le splendide ‘Marry Me’ pour la grande scène du baiser d’Angel et Esmé. Rombi utilise ici tous les clichés couramment utilisés pour ce type de scène romantique, à grand renfort d’envolées lyriques et grandiloquentes des cordes et de reprise majestueuse du thème de Paradise. Le compositeur s’amuse même à reprendre ce thème sur un ton plus naïf et sautillant dans ‘The Portrait/Honey Moon’ lorsque le couple entame sa lune de miel en parcourant une bonne partie du monde. Ici aussi, Rombi assure pleinement le côté kitsch/rétro de la scène avec une véritable exubérance orchestrale qui fait plaisir à entendre!

La partition d’Angel prend une tournure véritablement sombre et dramatique avec ‘The War’ qui évoque l’arrivée de la guerre qui brisera la vie d’Angel et d’Esmé. Le thème principal est ici repris dans une forme élégiaque et poignante de toute beauté, avec choeur et orchestre, instaurant à l’écran une grande émotion lié aux sentiments intérieurs d’Angel et à sa souffrance de voir son mari l’abandonner pour partir à la guerre. Idem pour ‘Alone in Paradise’ où la musique souligne la solitude et l’isolement d’Angel dans un Paradise qui semble avoir perdu de toute sa splendeur depuis le départ d’Esmé. On notera ce recours constant aux clarinettes durant ces passages mélancoliques et dramatiques, comme pour personnifier à travers la couleur des clarinettes le sentiment de chagrin et d’abandon. ‘Esme’s Death’ évoque la mort d’Esmé de façon résolument tragique avec un motif de piano descendant très vite relayé par un orchestre sombre et tragique, et une reprise très tourmentée du thème principal aux cordes. Rombi nous propose ensuite une très belle reprise du thème principal par un piano solitaire dans ‘Angelica’, morceau plus typique du style intimiste et délicat de Philippe Rombi. La seconde partie du morceau, plus dramatique et tourmentée, évoque la triste déchéance de l’héroïne du film. Même chose pour le poignant ‘Angel’s Death’ qui débouche sur le non moins poignant ‘The Dreamed Life of Angel Deverell’ qui n’est autre qu’une simple reprise du ‘Paradise Theme’.

Certes, ‘Angel’ ne révolutionne en aucun cas le monde de la musique de film française mais s’impose néanmoins comme une très belle surprise qui confirme l’état de grâce dans lequel se trouve Philippe Rombi depuis les débuts de sa collaboration avec François Ozon. Avec ‘Angel’, le compositeur atteint des sommets en s’offrant carrément le luxe de dépoussiérer la musique mélodramatique/romantique à l’américaine, avec une honnêteté d’écriture qui force le respect. Tour à tour riche, élégante, émouvante, dramatique, exubérante, fraîche et délicate, la musique de ‘Angel’ témoigne du talent certain de l’une des valeurs sures de la musique de film française d’aujourd’hui. Rombi n’a certes pas encore réussi à atteindre une réelle personnalité musicale dans ses compositions pour le cinéma (on le sent encore beaucoup trop influencé par la musique de film hollywoodienne). Il n’en demeure pas moins l’un des meilleurs compositeurs travaillant à l’heure actuelle pour le cinéma français, qui nous offre une partition romantique de toute beauté pour le nouveau film de François Ozon. Certes, la partition de ‘Angel’ se cantonne bien trop souvent au simple exercice de style, mais le tout est exécuté avec un tel brio et un tel savoir-faire que l’on ne peut que rester ébahi face au nouveau travail de Philippe Rombi, qui semble carrément tenir de l’exploit à une époque où la musique se banalise dangereusement au cinéma (qu’il soit français ou U.S. d’ailleurs). En clair, une très belle surprise qui confirme le talent d’un Philippe Rombi très prometteur, et qui, on l’espère, continuera de s’affirmer à l’avenir sur des projets moins académiques mais tout aussi ambitieux!


---Quentin Billard