1-Breaking The Sound Barrier 4.47
2-Mach I 1.22
3-Training Hard/Russian Moon 2.18
4-Tango 2.19
5-Mach II 1.58
6-The Eyes of Texas Are Upon You/
The Yellow Rose of Texas/
Deep in the Heart of Texas/Dixie 2.49
7-Yeager and the F104 2.27
8-Light This Candle 2.44
9-Glenn's Flight 5.08
10-Daybreak In Space 2.47
11-Yeager's Triumph 5.36
12-The Right Stuff (Single) 3.16

Musique  composée par:

Bill Conti

Editeur:

Varèse Sarabande CD Club
VCL 0609 1095-2

Produit par:
Bill Conti
Producteur exécutif:
Robert Townson
Montage musique:
Stephen A. Hope

American Federation of Musicians
Edition limitée à 3000 exemplaires.

Artwork and pictures (c) 1983 The Ladd Company. All rights reserved.

Note: ****
THE RIGHT STUFF
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Bill Conti
Réalisé en 1983 par le cinéaste américain Philip Kaufman, « The Right Stuff » (L’étoffe des héros) raconte l’épopée véridique des pilotes d’essais américains qui, après la guerre, permirent aux Etats-Unis de battre des records dans le domaine de l’aviation et l’aérospatiale, et ce en pleine période de la Guerre froide. En 1947, le Muroc Army Air Field abrite une zone de test dans laquelle l’aviateur américain Chuck Yeager (Sam Shepard) franchira pour la première fois le mur du son à bord du X-1, le premier prototype d’avion supersonique développé dans le cadre du programme X-Planes de recherche de l’U.S. Air Force et de la NACA (rebaptisé plus tard la NASA) à la fin des années 40. Quelques années plus tard, en 1953, à l’Edwards Air Force Base, de nouveaux pilotes toujours aussi fougueux tentent désormais de battre le record de vitesse instauré par Chuck Yeager en 1947, et parmi ces jeunes pilotes, Gordon « Gordo » Cooper (Dennis Quaid) et Virgil « Gus » Grissom (Fred Ward) qui sont toujours prêts à repousser les limites pour concrétiser leurs rêves de gloire et de célébrité, et ce au grand dam de leurs épouses qui angoissent de voir leurs maris prendre de tels risques insensés. En 1957, l’Union Soviétique envoie pour la première fois le satellite Spoutnik dans l’espace, provoquant un émoi considérable au sein de l’armée et du gouvernement américain d’Eisenhower qui charge alors la NASA de concevoir une réponse rapide et fulgurante au récent succès de l’Union Soviétique. C’est le début de la grande course à l’espace entre les Etats-Unis et l’URSS. C’est alors que les américains mettent au point le programme Mercury qui sera constitué de sept astronautes sélectionnés à la suite d’une compétition exténuante et laborieuse, et parmi ces sept heureux élus, John Glenn (Ed Harris), Alan Shepard (Scott Glenn), Walter Schirra (Lance Henriksen), Scott Carpenter (Charles Frank) et Deke Slayton (Scott Paulin) ainsi que Gordo Cooper et Virgil Grissom. Ce seront ces hommes du programme spatial Mercury qui connaîtront l’immense honneur de faire le premier pas de la conquête de l’espace américaine.

« The Right Stuff » est une reconstitution historique ambitieuse et spectaculaire de cette histoire de la conquête spatiale américaine en pleine ère de la guerre froide, un projet complexe adapté du roman éponyme de Tom Wolfe. Après le rejet du premier script de William Goldman et des anciens réalisateurs initialement pressentis (Michael Ritchie et Jon Avildsen), le réalisateur Philip Kaufman débarqua sur le projet et commença à travailler sur ce film dès 1980. Hélas, malgré la vision artistique personnelle du cinéaste et son apparente maîtrise du sujet qu’il abord avec maestria dans « The Right Stuff », le film fut un échec financier lors de sa sortie en salle en 1983. Certains continuent de penser que le public n’était pas prêt à endurer les 193 minutes d’une histoire que la plupart des américains connaissaient déjà sur le bout des doigts - du moins ceux qui ont connus cette époque. Les producteurs du film suggérèrent par la suite que « The Right Stuff » n’était probablement pas sorti à la bonne période - John Glenn, qui apparaît dans le film sous les traits de l’acteur Ed Harris, se présentait à cette époque à la présidence des Etats-Unis. Le public américain aura certainement cru - à tort - en lisant à l’avance le synopsis du film, qu’il allait assister à une sorte de propagande pro-Glenn ou à un film d’histoire pédagogique. « The Right Stuff » n’est au final ni l’un ni l’autre, et aussi incroyable que cela puisse paraître, le film fut acclamé par les critiques mais boudé par le public. Effectivement, « The Right Stuff » fut ainsi récompensé de 4 Oscars en 1983, incluant celui du meilleur montage et des meilleurs effets spéciaux. Avec son casting spectaculaire (sans aucun doute l’un des meilleurs rôles de Sam Shepard dans la peau du célèbre pilote américain Chuck Yeager) et ses reconstitutions de scènes spatiales impressionnantes, « The Right Stuff » reste encore aujourd’hui l’un des plus beaux films jamais réalisé sur l’histoire de la conquête spatiale américaine, un grand classique du cinéma américain des années 80 !

Bill Conti a écrit pour le film de Philip Kaufman une partition symphonique éminemment classique d’esprit, une partition qui, comme le précisait récemment le compositeur lui-même, fut orienté à l’origine vers quelque chose d’assez intime et de minimaliste, jusqu’à ce que le réalisateur et les producteurs finissent par comprendre que ce n’était pas la bonne voie à suivre et qu’il fallait véritablement mettre les bouchées doubles dans la musique. C’est pourquoi le compositeur a abordé le film avec une musique plutôt émouvante, solennelle et triomphante, mais surtout relativement discrète dans le film. Effectivement, sur les 193 minutes de métrage, Bill Conti n’a dû écrire qu’à peine une trentaine de minutes de musique. Philip Kaufman décida ainsi, pour le réalisme du film, d’utiliser le score de Conti avec parcimonie. Cependant, lorsque la musique intervient dans le film pour les scènes-clé (le vol triomphant de Chuck Yeager franchissant le mur du son, le vol de John Glenn, l'entraînement des pilotes, etc.), l'émotion est au rendez-vous ! Le film s'ouvre ainsi sur une mélodie discrète jouée au synthétiseur, et reprise un peu plus loin, lorsque Yeager franchit le mûr du son (« Mach I »), une mélodie solennelle et magnifique, d'une très grande grâce, exposé avec beauté aux cordes et aux cuivres dans « Breaking the Sound Barrier ». A noter que ce premier morceau introductif permet au compositeur de mettre en place ses orchestrations savamment élaborées et très classiques d’esprit, un morceau à la fois solennel et excitant, qui représente toute l’intensité de la scène lorsque Chuck Yeager tente de franchir le mur du son à bord du X-1.

La seconde partie du morceau, plus rythmé et cuivrée, est en fait calquée sur « Jupiter » des « Planètes » de Gustav Holst. Effectivement, il faut rappeler que le film a été initialement temp-tracké avec une sélection de différentes musiques classiques. Parmi ces oeuvres, il y avait effectivement les « Planètes » de Holst. Conti dû alors s’en inspirer massivement pour écrire la musique du film, à tel point que le réalisateur décida finalement d’utiliser les pièces originales de Holst dans le film (pour la scène du décollage de la fusée de John Glenn). Certes, on pourra toujours reprocher au compositeur de s’être inspiré très facilement ici de plusieurs morceaux classiques (le final de « Yeager’s Triumph » est calqué sur un mouvement du « Concerto pour violon » de Tchaïkovski) mais il ne faut pas oublier que ce genre de décision provient toujours à l’origine des réalisateurs et/ou des producteurs du film ! Pour la scène où Chuck Yeager aperçoit un dégradé de couleurs magnifiques dans le ciel après avoir franchi le mur du son, Conti reprend alors le thème solennel interprété ici sur des synthétiseurs 80’s un brin kitsch mais majestueux à souhait, apportant ici un caractère féerique et quasi onirique à cette très belle scène sur le dépassement de soi et les exploits héroïques (et quasi anonymes) de ce pilote hors pair, un hymne au courage et à la détermination. Ainsi donc, dès le début du film, la musique de Bill Conti apporte un impact émotionnel assez saisissant aux images du film de Philip Kauffman.

La partition se développe ensuite autour du deuxième grand thème du score de « The Right Stuff », celui que l’on pourrait appeler le thème des héros, associé dans le film aux exploits des sept astronautes du programme Mercury. Conti nous propose extrêmement héroïque et entraînante de ce thème dans le savoureux « Light This Candle », marche héroïque et martiale, un hymne enjoué et déterminés, accompagnant la séquence de l’entraînement des astronautes sous la forme d’une fanfare cuivrée et dans laquelle l’envolée de trompettes du thème n’est pas sans rappeler le thème de « Star Wars » ou celui de « Superman The Movie » de John Williams. Ici aussi, Bill Conti s’inspire de modèles musicaux connus, qu’il s’agisse de musique classique ou de musique de film. A ce sujet, rappelons d’ailleurs que dans les temp-tracks d’origine du film se trouvaient aussi des extraits de la musique du film « White Dawn » d’Henry Mancini (film plus ancien de Philip Kauffman, réalisé en 1974). Signalons d’ailleurs que les similitudes avec les œuvres de Holst et de Mancini sont ici tellement fortes que la production décida finalement de créditer ces deux compositeurs au générique de fin - afin d’éviter des ennuis juridiques avec les ayant-droits de Holst et Mancini ! Conti prolonge son ambiance à la fois héroïque et déterminée avec « Training Hard/Russian Moon » avec une marche accompagné d’un fugato de cordes très classique d’esprit - et tout à fait typique du compositeur, avant d’enchaîner ensuite sur une partie d’harmonica solo et d’une musique « à la russe » avec l’orchestre et une balalaïka pour évoquer l’exploit des russes ayant réussi à envoyer un satellite dans l’espace. Le compositeur, soucieux de varier les ambiances tout au long du film, nous offre un tango absolument savoureux dans « Tango » bien qu’assez hors de contexte dans la musique de « The Right Stuff », et qui d’ailleurs ne fut pas utilisé dans le film (du moins, pas sous cette forme !).

« Mach II » nous permet de réentendre une nouvelle évocation musicale des pilotes, sauf que cette fois-ci les sonorités russes sont de retour (tambour, balalaïka) pour illustrer la compétition entre les américains et les soviétiques. On retrouve enfin le thème héroïque repris ici sous la forme d’une marche imitant le « Concerto pour violon » de Tchaïkovski. On retrouve une idée similaire dans « Yeager and the F104 », morceau qui reprend le thème solennel de Yeager de façon plus rythmée pour évoquer la compétition entre le pilote américain et le pilote russe. A noter que le morceau se conclut de façon plus dramatique avec une reprise minorisée du thème solennel pour la scène où Yeager se crashe dans le désert le 10 décembre 1963 (le pilote faillit vraiment mourir ce jour là). Signalons le morceau « Glenn’s Flight », accompagnant la séquence du vol dans l'espace de John Glenn, dans lequel Bill Conti s'est influencé du « Mars » des « Planètes » de Holst. Le morceau débute ainsi sur une musique calquée sur le mouvement de « Mars » avec ces cuivres guerriers et son ostinato rythmique martial très marqué : la musique colle très bien à cette scène, sauf que, dans le film, ce n’est pas « Glenn’s Flight » qui a été utilisé lors de la scène du décollage de la fusée mais bien le mouvement original du « Mars » de Holst. Puis, après une rupture de ton soudaine, le morceau s'enchaîne sur une seconde partie plus légère et enjouée, un canon de trompettes/cordes à trois voix quasi baroque à la Haendel (et qui rappelle clairement la fameuse fugue finale de « Rocky » !), le morceau aboutissant à une partie plus apaisée, optimiste et solennelle lorsque la fusée de Glenn se retrouve finalement en orbite autour de la terre. Les différentes ruptures de ton de « Glenn’s Flight » permettent d’illustrer à la fois les divers sentiments de John Glenn lors de ce décollage décisif : l'émerveillement, la peur de l'échec, mais finalement la réussite sur toute la ligne. A noter donc que dans le film, le morceau a été coupé à plusieurs reprises et entrecoupé de passages de « Mars » et de « Jupiter » de Holst.

Enfin, la partition s’enchaîne avec « Daybreak in Space » qui reprend le thème héroïque de façon plus solennelle et émouvante représentant dans le film l’importance et l’accomplissement d’un exploit pour l’Amérique des années 60 : la conquête de l’espace (un morceau qui rappelle incontestablement ici le « White Dawn » d’Henry Mancini). L’aventure touche à sa fin dans « Yeager’s Triumph » qui reprend le thème héroïque dans toute sa splendeur, de façon aussi héroïque, solennelle qu’émouvante, une superbe conclusion qui débouche finalement sur la marche finale du générique de fin, un morceau de triomphe pur extrêmement prenant à l’écran, dans lequel Conti s’amuse même à glisser en contrepoint à sa fanfare héroïque une brève allusion à la célèbre marche américaine « Wild Blue Yonder », l’hymne officiel de l’US Air Force. Enfin, le générique de fin reprend le thème héroïque dans une marche majestueuse et entraînante inspirée ici aussi du « Concerto pour violon » de Tchaïkovski. Bill Conti aura donc joué tout au long du film sur des atmosphères différentes, passant des moments solennels poignants aux passages plus légers sans oublier les quelques interventions des synthétiseurs 80’s (« Mach I ») et les nombreuses allusions classiques.

Malgré toutes ses références musicales parfois envahissantes, la musique de « The Right Stuff » apporte une émotion forte au film de Philip Kauffman, qui, sans jamais en faire de trop, rend un brillant hommage au courage de ces hommes qui devinrent très vite des héros aux Etats-Unis. Bill Conti nous rappelle tout au long de cette partition qu’il possède un savoir-faire classique évident (il est l’un des rares à écrire encore des passages fugués dans la musique hollywoodienne d’aujourd’hui !) et qu’il sait écrire des grands thèmes mémorables. En tout cas, la profession ne s’y est pas trompée puisque la partition de Bill Conti a été récompensée par l’Oscar de la meilleure musique originale en 1983, une récompense tout à fait évidente pour l’une des plus belles partitions de Bill Conti pour le cinéma ! Un grand classique, en somme !



---Quentin Billard