1-Motel 3.11
2-Tom 1.31
3-Cheerleader 1.58
4-Diner 1.50
5-Hero 2.42
6-Run 2.25
7-Violence 3.12
8-Porch 4.17
9-Alone 1.36
10-The Staircase 2.44
11-The Road 3.06
12-Nice Gate 3.15
13-The Return 4.39
14-Ending 3.48

Musique  composée par:

Howard Shore

Editeur:

New Line Records NLR 39051

Album produit par:
Howard Shore

Artwork and pictures (c) 2005 New Line Cinema. All rights reserved.

Note: ***
A HISTORY OF VIOLENCE
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Howard Shore
Présenté en Sélection officielle lors du Festival de Cannes 2005, ‘A History of Violence’ est le nouveau film choc de David Cronenberg. Cette fois-ci, le cinéaste a décidé de porter à l’écran un roman graphique de John Wagner et Vince Locke publié en 1997. ‘A History of Violence’ raconte l’histoire de Tom Stall (Viggo Mortensen), un honnête père de famille qui travaille dans un restaurant modeste du comté de Millbrook, dans l’Indiana. Un soir, il abat dans un réflexe de légitime défense deux agresseurs qui s’apprêtaient à commettre un massacre dans son restaurant. Tom Stall devient alors un héros très médiatisé dans une petite ville où il ne se passe jamais rien d’habitude. Mais cette popularité médiatique le rend aussi très connu du grand public. Un jour, il reçoit la visite dans son restaurant d’un sinistre individu nommé Carl Fogarty (Ed Harris), un mafieux qui prétend connaître Tom sous un autre nom : Joey Cusack. Tom se retrouve alors confronté malgré lui à un très sombre passé qu’il pensait avoir oublié il y a bien longtemps. David Cronenberg nous livre avec ‘A History of Violence’ un film intense, dramatique, profondément sombre. Le réalisateur se propose d’étudier ici la façon dont la violence peut affecter une famille américaine ordinaire et faire basculer leur existence dans le chaos le plus total. On y retrouve comme toujours les thèmes chers au réalisateur : faux semblant, changement d’identité, refuge dans le sexe (la scène où Tom et sa femme Edie font furieusement l’amour dans les escaliers est typique du réalisateur), réflexion sur la violence comme part inévitable de l’existence humaine, etc. Viggo Mortensen domine l’ensemble du film, l’acteur s’étant lui-même particulièrement investi dans ce projet puisqu’il a même été jusqu’à amener ses propres objets personnels pour décorer le plateau de tournage – Cronenberg explique d’ailleurs à ce sujet qu’il n’a jamais vu un acteur s’investir autant dans un rôle. Face à Viggo Mortensen, on retrouve une Maria Bello très solide dans le rôle de l’épouse de Tom Stall, et un Ed Harris absolument sinistre et charismatique dans la peau de l’inquiétant mafieux Carl Fogarty qui surgit tout droit du passé de Tom. Avec son ton lent, son inexorable crescendo de tension et ses moments de violence réalistes et sans concession, ‘A History of Violence’ s’avère être un nouveau film majeur de David Cronenberg, un cinéaste toujours aussi inspiré et productif.

‘A History of Violence’ marque la onzième collaboration entre David Cronenberg et le compositeur Howard Shore. La musique de ‘A History of Violence’ offre à nouveau l’occasion au compositeur canadien d’écrire une partition sombre, mélancolique et psychologique, où la retenue côtoie une certaine noirceur typique des musiques d’Howard Shore pour les films de Cronenberg. Evitant le plus possible toute forme de surenchère musicale, Shore utilise l’orchestre en mettant en avant cordes, vents, cuivres et percussions pour retranscrire la violence du film. On est très proche ici du style thriller habituel d’Howard Shore, version ‘The Client’ ou ‘Before and After’. La musique de ‘A History of Violence’ impose un ton à la fois intime, lent et sombre, illustrant la dualité du personnage de Viggo Mortensen. Selon les propres termes du compositeur, cette dualité s’exprime dans la partition à travers un dialogue constant entre un cor d’un côté et une flûte alto de l’autre, l’homme et sa part de ténèbre. A travers les quelques quarantaines de minutes de musique composées pour le film, Howard Shore développe une ambiance lente et dramatique qui s’exprime déjà dans ‘Motel’ dès les premières minutes du film. Un thème léger sur fond de cordes fait son apparition dans ‘Tom’, mélodie qui n’est pas sans rappeler certains motifs de ‘Lord of the Rings’. ‘Tom’ évoque une certaine naïveté et une insouciance relayée par la flûte alto et le cor, bien avant que les choses commencent à mal tourner pour Tom Stall. ‘Cheerleader’ est même là pour nous rappeler que tout va bien dans la vie de Tom (scène où il fait l’amour avec Edie, simulant leurs années lycées).

Mais la rupture se crée avec ‘Diner’, morceau sombre et violent dans lesquels les cuivres et les percussions illustrent la séquence clé où Tom abat les deux agresseurs dans le restaurant vers le début du film. On y retrouve le style atonal/dissonant habituel du compositeur, même si la musique évite systématiquement de trop en faire, même dans ce type de scène où l’orchestre paraît plus imposant. Du coup, ‘Hero’ est la conséquence logique de ‘Diner’, résolution faussement héroïque dans laquelle une nouvelle mélodie – proche ici aussi de certaines mesures de ‘Lord of the Rings’ – évoque la nouvelle popularité médiatique de Tom Stall, popularité dont le personnage lui-même se serait passé volontiers. D’ailleurs, la musique illustre ici une certaine forme d’ambiguïté, avec un faux sentiment d’héroïsme qui colle parfaitement à cette séquence du film. ‘Run’ est quand à lui l’un des premiers climax de la partition, scène de poursuite effrénée dans laquelle Tom, ayant aperçu dans la rue la voiture du sinistre Fogarty, fonce chez lui à toute vitesse pour protéger sa famille. Le morceau s’emballe rapidement ici sur un rythme effréné suggéré par des cordes graves et des percussions, ici aussi typique de l’écriture symphonique plus massive d’Howard Shore. A contrario, ‘Alone’ se veut au contraire plus intime et retenu avec une clarinette solo et des cordes douces et mélancoliques évoquant la solitude de Tom lorsqu’Edie découvre la vérité sur le passé de son mari. Le second thème majeur de la partition de ‘A History of Violence’ apparaît dans ‘The Staircase’, mélodie poignante et amère qui évoque le déchirant éloignement entre Tom et sa famille après des découvertes dramatiques liées au passé du héros. Shore développera de façon plus intense ce magnifique thème dans ‘The Return’, morceau poignant joué ici par un cor sur fond de cordes et de bois graves. Le réalisateur accorde une place privilégiée à la musique dans ce final puisque c’est elle qui porte entièrement la scène où Tom revient chez lui avec sa famille, pour tenter de se faire pardonner pour tout le mal qu’il a pu commettre auparavant.

Partition tour à tour intime, sombre et dramatique, ‘A History of Violence’ n’est certes pas le nouveau chef-d’œuvre d’Howard Shore. Le ton lent et plus conventionnel de cette partition orchestrale l’empêche de se hisser au rang de certaines anciennes partitions plus ambitieuses et expérimentales d’Howard Shore pour les films de David Cronenberg. Qu’à cela ne tienne, la partition de ‘A History of Violence’ n’en demeure pas moins très réussie et parfaitement adaptée à l’ambiance réaliste et tragique du film de Cronenberg. Dommage que l’ombre de ‘Lord of the Rings’ semble planer par moment sur certaines ambiances et motifs du score d’Howard Shore, preuve que le compositeur canadien a toujours autant de mal à se débarrasser des références à cette saga musicale désormais mythique mais au succès un brin trop envahissant à Hollywood de nos jours. Voilà en tout cas une partition orchestrale sobre, intime et dramatique qui devrait ravir les amateurs d’Howard Shore et ceux qui suivent avec minutie sa collaboration avec David Cronenberg.


---Quentin Billard