Musique  composée par:

Jerry Goldsmith

Editeur:


Réalisateur:
John Huston

Genre:
Polar/Thriller

Avec:
Tony Curtis, Kirk Douglas,
Burt Lancaster, Robert Mitchum,
Frank Sinatra, George C. Scott

(c) 1963 Universal Pictures. All rights reserved.

Note: ***1/2
THE LIST OF ADRIAN MESSENGER
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Jerry Goldsmith
Film assez peu connu de John Huston, ‘The List of Adrian Messenger’ (Le dernier de la liste) est un polar qui mélange assez astucieusement intrigue policière classique et jeu de travestissement très ludique. Adrian Messenger (John Merivale) charge son ami Anthony Gethryn (George C. Scott) d’enquêter sur une liste de 11 noms de personnes sans lui expliquer la véritable raison de sa demande. Gethryn mène alors son enquête et découvre que toutes ces personnes sont mortes dans de mystérieuses conditions. Un jour, l’avion dans lequel se trouve Messenger explose à la suite d’un sabotage à la bombe. Avant de mourir, Messenger a le temps de se confier à Raoul Le Borg (Jacques Roux), un passager français et ami de Gethryn qui se trouvait lui aussi à bord et qui a survécu à l’explosion de l’appareil. Grâce aux mots énigmatiques prononcés par Adrian Messenger et rapportés par Le Borg, Gethryn finit par comprendre que les 11 personnes de la liste de Messenger ont en fait été assassinées par la même personne, un mystérieux individu qui change régulièrement d’identité pour commettre ses crimes. Il ne reste finalement plus qu’un seul nom sur la liste, celui de l’assassin. Gethryn décide finalement de se rendre chez le Marquis de Gleneyre (Clive Brook) pour participer à une chasse au renard. C’est au cours de cette chasse qu’il va piéger le tueur et le forcer à se démasquer.

Mélangeant suspense et comédie, ‘The List of Adrian Messenger’ est un polar léger dans lequel John Huston nous offre un double jeu sous la forme d’un puzzle/jeu de piste : démasquer le véritable assassin et réussir à reconnaître les 5 grandes stars hollywoodiennes qui se cachent derrière un déguisement tout au long du film, et non des moindres : Tony Curtis, Burt Lancaster, Robert Mitchum, Frank Sinatra et Kirk Douglas. Ajoutons au casting George C. Scott dans la peau du héros et Dana Wynter qui apporte une présence féminine charmante au film. A noter que John Huston fait lui même une brève apparition vers la fin du film. Avec son intrigue captivante et son final particulièrement ludique, John Huston nous livre un film léger et sans prétention, à redécouvrir grâce à la récente édition DVD publiée par Bach Film.

Avec ‘The List of Adrian Messenger’, Jerry Goldsmith retrouve John Huston un an après l’inoubliable ‘Freud’ (1962), pour lequel le jeune compositeur offrit l’un de ses tous premiers chef-d’oeuvres. ‘The List of Adrian Messenger’ permet à Goldsmith d’écrire une partition polar aux accents jazzy, à la façon des anciens films noirs du Hollywood des années 40/50. Comme toujours, sa musique repose sur un thème mémorable joué par un saxophone sur fond de guitare jazz, de cymbalum et d’un orchestre dominé par cuivres en sourdine, cordes, bois et piano. Le compositeur ajoute aussi un peu d’électronique à sa partition afin d’accentuer la tension du film. A noter la façon dont les instruments s’agitent rapidement dans le générique de début après l’introduction du thème de saxophone mystérieux dans une ambiance polar/suspense très rétro. La guitare électrique jazz apporte ici un petit plus à la musique, avec une utilisation remarquable du piano « thriller » et une instrumentation très inventive. A noter ici les effets de flatterzunge de flûtes et le côté très particulier des sourdines aux cuivres, traduisant une fois de plus la modernité de l’écriture orchestrale de Jerry Goldsmith.

Le thème principal de ‘The List of Adrian Messenger’ illustre ainsi parfaitement l’énigme policière du film de John Huston. Le thème reste très présent tout au long du film, suivant avec rigueur l’enquête de Gethryn. Goldsmith nous offre ensuite un morceau assez incontournable pour la séquence de la chasse au renard, avec son appel de cuivres et son traditionnel intervalle de quintes, dans une ambiance oscillant entre action et suspense. Le compositeur n’hésite pas à teinter sa musique de dissonances à l’aide de trompettes en sourdine aux sonorités particulières, un clavecin mystérieux et un thème varié sous différentes formes, rendu tour à tour énigmatique, inquiétant, entraînant et toujours très jazzy d’esprit. A noter que les orchestrations de Goldsmith privilégient davantage le pupitre des bois, des cuivres et des percussions que les cordes, qui ont tendance à se faire majoritairement discrètes tout au long du film.

Les scènes de suspense sont accompagnées d’un motif menaçant de deux notes que l’on retrouve régulièrement pour évoquer les méfaits du criminel. Ce motif entêtant sera lui aussi présent tout au long du film, tandis que le thème principal deviendra quand à lui le leitmotiv de l’enquête de Gethryn. Jerry Goldsmith manifeste ici un talent certain dans le maniement de ses atmosphères de suspense, jouant ici avec une certaine inventivité sur des orchestrations très colorées qui rappelleraient presque par moment certaines partitions du Bernard Herrmann des années 50. Le suspense est donc omniprésent, grâce à deux thèmes très présents à l’écran (le thème principal et le thème de l’assassin), et une utilisation remarquable du synthétiseur qui, par son côté mystérieux et impalpable, renforce clairement le côté insaisissable du criminel changeant constamment d’identité. Evidemment, c’est la scène de la chasse au renard final qui s’impose ici, avec son thème de chevauchée héroïque absolument savoureux, et la poursuite finale avec l’assassin, superbe morceau d’action vif et coloré d’une très grande richesse, aboutissant à une reprise finale du thème principal pour conclure le film sur une touche jazzy savoureuse.

Avec ‘The List of Adrian Messenger’, Jerry Goldsmith nous offre une partition thriller d’une grande inventivité, oscillant entre jazz et atonalité avec une fraîcheur et une richesse d’idée rare. Certes, Goldsmith ne signe pas là un chef-d’oeuvre immortel mais bien une partition importante qui permet de mieux appréhender ce que deviendra le style du compositeur par la suite (la musique pour la scène de la chasse au renard inspirera fortement Goldsmith pour une scène similaire dans ‘The Final Conflict’ en 1981). Espérons qu’un label aura enfin la bonne idée de ressortir ce score dans une édition CD digne de ce nom!


---Quentin Billard