1-You Wanted to Travel Blind 4.22
2-Beyond the Numbered Skin And 3.04
3-The Soft Black Sky 4.31
4-He Left, His Pain 0.58
5-I Know The World Has Lied 2.38
6-So I Have Lied 3.01
7-I Don't Believe in Russia and America 3.34
8-He Feels in a Heap 0.56
9-The Sun 6.17
10-Stuck a Gun 2.31
11-Behind your Head 0.59
12-They Know not What They Do 4.35
13-Thirteen 3.11
14-Now a Number That Saved You 5.38
15-You Know 0.57
16-I Am a God Now 2.51

Musique  composée par:

East - Troublemakers

Editeur:

MK2 Music 0192

Musique produite par:
East
Mixage musique:
Jeff Sharel


Note: ***
13 TZAMETI
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by East - Troublemakers
Premier film coup de poing réalisé par Gela Babluani, ’13 Tzameti’ évoque une sombre descente aux enfers dans un Paris glauque, entièrement filmé en noir et blanc. Sébastien, un jeune homme de 22 ans, répare le toit d’une maison. Un jour, son propriétaire décède suite à une overdose. Peu de temps avant son décès, l’homme venait de recevoir une étrange convocation censée lui rapporter une grosse somme d’argent. Sébastien décide de dérober l’enveloppe et de prendre sa place. Il reçoit alors des instructions qui vont le mener tout droit dans un huis clos clandestin cauchemardesque, où des hommes parient sur la vie d’autres hommes dans un jeu diabolique et mortel. ’13 Tzameti’ est incontestablement un film révélation pour le réalisateur d’origine géorgienne Gela Babluani. C’est surtout avant tout un film de récompenses : Lauréat du Grand Prix du Jury dans la section Films de fiction au Sundance Film Festival, Lion du futur à la Mostra de Venise 2005 (Prix de la Meilleure première oeuvre), Prix du Meilleur premier film européen aux European Film Awards en 2007, etc. Influencé par le cinéma soviétique et le cinéma muet du début du siècle, Gela Babluani signe un thriller personnel et réaliste d’une lenteur éprouvante, un jeu macabre qui évoque l’appât du gain, les conséquences de certains de nos actes et la cupidité humaine. La lenteur du film et le noir et blanc de l’image renforcent la tension sous-jacente à l’écran, la longue séquence du jeu mortel étant d’une intensité incroyable. Quand au jeune acteur George Babluani (qui est le frère du réalisateur), il mène son personnage principal de façon très convaincante même si son jeu manque encore un peu de maturité. Néanmoins, son regard et ses expressions sont riches et variées, et la mise en scène de son frère rend le personnage encore plus troublant, entre désespoir, désillusion et colère - à vrai dire, Sébastien a peu de dialogues dans le film, la plupart de ses émotions sont ainsi véhiculées par les expressions de son visage. A noter que, suite au succès de ’13 Tzameti’, Hollywood est déjà sur le coup et prépare un remake…on aurait presque pu s’en douter!

La musique de ’13 Tzameti’ a été confiée à East (de son vrai nom Arnaud Taillefer), du groupe électro marseillais Troublemakers. Il faut dire que le choix de East paraît quelque peu évident sur ce film : en 2001 et en 2004, le groupe a sorti deux albums intitulés respectivement ‘Doubt and Convictions’ et ‘Express Way’, deux galettes très inspirés par le monde des musiques de film. En 2003, le groupe avait sorti chez MK2 une compilation intitulée ‘Stereopictures Vol.2’, qui se trouvait être une bande originale d’un film virtuel. Pour ’13 Tzameti’, East nous concocte une partition rythmée, sombre et mélancolique, utilisant des loops funky tendance rock progressif et une petite formation instrumentale incluant violoncelle, piano, percussions et flûte, le tout agrémenté de quelques touches électro bien placées. Mélangeant ces différentes sonorités à la fois acoustiques et synthétiques, East accouche d’une musique moderne qui renforce parfaitement la tension du film de Gela Babluani. ‘You Wanted to Travel Blind’ introduit ainsi le thème principal, une mélodie lente, sombre, confiée à un violoncelle, un piano et une flûte sur fond de rythmique moderne. Le morceau dégage ici une atmosphère morose, inquiétante, parfaitement représentative de l’ambiance du film, évoquant clairement le suspense des images et l’idée du jeu mortel. Moins rythmé, ‘Beyond The Numbered Skin’ mélange astucieusement cordes et synthétiseurs pour un résultat tout aussi intense et envoûtant que le morceau introductif. On ne sait pas vers quoi s’engage Sébastien lorsqu’il décide de prendre la place de l’homme décédé, mais la musique est là pour nous faire comprendre que quelque chose de grave est sur le point d’arriver.

‘The Soft Black Sky’ utilise les synthétiseurs avec une certaine inventivité, à la limite de l’expérimental, tandis que ‘He Left His Pain’ retourne à un style plus conventionnel avec un piano mélancolique et sombre associé à Sébastien au début du film. Le piano revient d’ailleurs dans le très beau ‘Stuck A Gun’ qui apporte un certain sentiment d’amertume et de tristesse dès l’ouverture du film. Autre élément étonnant dans la partition de ’13 Tzameti’, l’utilisation de voix samplées dans ‘I Know The World Has Lied’ plus électro d’esprit, et ‘So I Have Lied’ avec ses nappes de synthétiseur glauques à suspense qui amorcent clairement la facette thriller du film de Gela Babluani. East s’amuse ainsi à alterner les ambiances avec un certain plaisir, oscillant entre intime, mélancolique et suspense sans jamais se relâcher. ‘He Feels In A Heap’ reprend le thème introductif au violoncelle avec sa mélodie envoûtante vaguement orientale d'esprit et ses rythmes modernes, tandis que ‘The Sun’ développe un travail de sonorités plus expérimental, avec ces effets d’écho de flûtes qui rappellent le style de certaines partitions avant-gardistes des années 70, entre Lalo Schifrin et Jerry Goldsmith. A noter que, dans le film, toute la séquence du jeu mortel est entièrement filmée sans musique. Ainsi donc, le score de East est utilisé avec parcimonie sur les images du film, sans jamais en faire de trop. A signaler pour finir d’autres morceaux plus électro et expérimentaux tels que ‘Thirteen’ avec quelques sons décidément très « old school » 70s, et l’inquiétant ‘Now A Number That Saved You’ et ses nappes synthétiques dissonantes et oppressantes, ‘You Know’ et ‘I Am A God Now’ (qui incluent chacun des dialogues du film) ramenant finalement une certaine accalmie avec une ultime touche de mélancolie, de solitude.

East signe donc une partition atmosphérique très appropriée pour ‘13 Tzameti’, car, si la composition ne laisse qu’un souvenir flou après vision du film, elle demeure néanmoins très réussie dans ce qu’elle cherche à évoquer et prouve que le musicien du groupe Troublemakers sait manipuler les sons en tout genre pour arriver à ses fins. Incontestablement, outre son atmosphère mélancolique, froide et inquiétante, la musique de ‘13 Tzameti’ traduit aussi une certaine passion de la musique de film, même si on ne la ressent ici qu’à travers le jeu des synthétiseurs et de certains instruments. L’ensemble demeure donc cohérent de bout en bout, et devrait certainement permettre au compositeur de se voir offrir d’autres films ambitieux du même genre par la suite. C’est en tout cas tout le mal qu’on lui souhaite!



---Quentin Billard