1-Eastern Promises 5.04
2-Tatiana 5.11
3-London Streets 1.56
4-Sometimes Birth and
Death Go Together 1.53
5-Trafalgar Hospital 1.33
6-Vory v Zakone 0.48
7-Slavery and Suffering 2.00
8-Nikolai 1.19
9-Kirill 2.09
10-Anna Khitrova 3.25
11-Eagle and Star 1.25
12-Nine Elms 6.15
13-Like A Place In The Bible 1.22
14-Trans-Siberian Diary 2.24

Musique  composée par:

Howard Shore

Editeur:

Sony Classical SK 716687

Score produit par:
Howard Shore

Artwork and pictures (c) 2007 Focus Features. All rights reserved.

Note: ****
EASTERN PROMISES
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Howard Shore
Avec ‘Eastern Promises’ (Les promesses de l’ombre), son nouveau film très attendu, l’infatigable David Cronenberg nous plonge cette fois-ci dans l’univers très particulier de la mafia russe en plein cœur d’un quartier malfamé de Londres. Après l’excellent ‘A History of Violence’, Cronenberg confie à nouveau le rôle principal à son acteur fétiche, Viggo Mortensen et nous offre un film assez classique et conventionnel bien que non dénué des thèmes habituels du réalisateur – la famille et son code d’honneur, un goût immodéré pour les soudaines explosions de violence, des scènes de sexe très crues, etc. Anna (Naomi Watts) travaille comme sage-femme dans un hôpital Londonien. Un jour, elle aide une jeune fille à accoucher mais cette dernière décède peu de temps après la naissance du bébé. Elle découvre alors sur elle un journal intime qui relate toute son histoire, écrite en russe. Bouleversée par la mort de la jeune fille, Anna décide d’en savoir un peu plus et remonte la piste grâce à l’ouvrage qu’elle va tenter de faire traduire par Semyon (Armin Mueller-Stahl), paisible propriétaire du luxueux restaurant Trans-Siberian de Londres. Mais ce qu’elle ignore, c’est que l’homme en question n’est autre que le chef d’un gang de la mafia russe qui va lui attirer de nombreux ennuis. Nikolai (Viggo Mortensen), chauffeur et principal bras droit de Semyon, essaie de mettre en garde Anna mais en vain. Le chef de gang et son fils Kirill (Vincent Cassel) vont tout faire pour tenter de récupérer le journal qui contient des preuves explosives et accablantes. Nikolai décide alors de remettre sa loyauté en jeu et gagnant de façon plus intense la confiance de Semyon, et ce dans un climat devenu de plus en plus dangereux.

David Cronenberg explore ainsi cet univers très clôt d’une famille de mafieux russe entre meurtres, double jeu et trahisons, plaçant un quatuor d’acteurs au cœur même du film : Viggo Mortensen, toujours aussi charismatique, Vincent Cassel – qui participe pour la troisième fois à un film américain après ‘Ocean’s 12’ et ‘Ocean’s 13’, Armin Mueller-Stahl et bien évidemment la ravissante Naomi Watts, toujours aussi à l’aise lorsqu’il s’agit d’évoquer des personnages tourmentés ou décidés. On pourra regretter le côté un peu lisse et finalement prévisible du scénario, Cronenberg accouchant finalement d’un long-métrage très conventionnel malgré quelques scènes choc mémorables – la fameuse séquence sanglante du combat dans le sauna, dans lequel Nikolai, entièrement nu, affronte deux meurtriers venus pour lui faire la peau. Le problème du film vient surtout d’un rythme somme toute pas toujours bien entretenu : les explosions de violence arrivent ainsi de façon un peu maladroite – alors qu’elles semblaient bien mieux gérées dans ‘A History of Violence’ – et le manque d’ambiguïté psychologique que l’on retrouve pourtant dans la plupart de ses films rend l’ensemble un peu terne et quelque peu anecdotique en regard de l’incroyable filmographie du cinéaste canadien. A noter que ‘Eastern Promises’ est le premier film de Cronenberg filmé à l’extérieur du Canada : film de commande trop conventionnel pour convaincre ? C’est fort possible, car pour certains, Cronenberg a essayé de faire du Scorsese version mafia russe mais sans vraiment y arriver. ‘Eastern Promises’ contient néanmoins ses bons moments – le jeu des acteurs, l’ambiance froide de la ville de Londres, les scènes choc, la narration du film – mais demeure hélas un film anecdotique dans la carrière du réalisateur.

Howard Shore retrouve David Cronenberg pour la 12ème fois sur ‘Eastern Promises’, pour lequel le compositeur canadien signe une partition orchestrale froide, lente et sombre, dans la veine du film. Sa musique est dominée tout au long du film par un thème principal envoûtant, une mélodie mélancolique et lente jouée par un violon soliste – instrument clé du score de ‘Eastern Promises’ interprété avec brio par Nicola Benedetti – accompagné par des cordes, des arpèges de harpe et un dulcimer (pour les sonorités d’Europe de l’Est). La mélodie de ‘Eastern Promises’ se distingue par ses notes descendantes et son caractère mélancolique et mystérieux à la fois, associé dans le film au journal intime de Tatiana, idéal pour évoquer le double jeu du personnage de Viggo Mortensen et le trouble entourant cette histoire de meurtres, de trahisons et de manipulation. Dans ‘Tatiana’, Shore dévoile un nouveau thème pour Tatiana, la jeune fille décédée sur laquelle Anna décide d’enquêter à partir de son journal intime. Le thème de Tatiana s’avère être plus vif et rythmée avec toujours la présence du violon soliste et du dulcimer sur fond de pizzicati de cordes et de petites percussions. Howard Shore confère à son morceau des accents de folklore musical russe avec brio, apportant un petit plus aux images du film. Dès lors, le compositeur a installé ses principaux thèmes et va les développer de façon plus intense tout au long de l’histoire. Un morceau comme ‘London Streets’ est plus typique des ambiances musicales sombres et psychologiques que l’on retrouve habituellement dans les derniers films de Cronenberg : avec ses couleurs instrumentales nuancées, amères et mystérieuses, ‘London Streets’ évoque par moment les partitions de ‘ExistenZ’ ou bien encore ‘A History of Violence’. Idem pour ‘Sometimes Birth and Death Go Together’ avec sa clarinette solitaire sur fond de cordes sombres.

‘Trafalgar Hospital’ fait alors monter la tension, lorsqu’Anna commence à comprendre enfin la situation dans laquelle elle s’est mise, sentant sa vie et celles de ses proches menacées. Le thème de violon revient de façon plus troublante et inquiétante, l’orchestre résonnant de façon plus sombre. Shore dévoile un troisième motif dans ‘Vory v Zakone’, motif de 4 notes de cors associé aux mafieux russes et à leur code d’honneur représenté par les tatouages. Ce motif de 4 notes crée une certaine ambiguïté musicale intéressante – ambiguïté qui, hélas, manque un peu à l’image – on le retrouve ensuite dans ‘Kirill’ où il est associé au personnage trouble de Vincent Cassel. On retrouve le côté lent et sombre du début dans un morceau comme ‘Nikolai’ dominé par ses orchestrations à base de cordes/clarinette/harpe, et que l’on retrouve dans ‘Eagle and Star’ (avec une mandoline « à la russe ») et le magnifique ‘Anna Khitrova’ (pour le personnage de Naomi Watts dans le film), accompagné ici du dulcimer et du violon soliste. ‘Anna Khitrova’ s’impose par son côté plus intime, méditatif et mélancolique, un très beau morceau qui prouve à quel point Howard Shore n’est pas seulement qu’un compositeur spécialiste des gros mastodontes orchestraux ou des partitions atonales mais qu’il possède aussi une grande sensibilité et un goût sur pour les musiques tragiques et dramatiques. Le score de ‘Eastern Promises’ atteint finalement son point culminant dans ‘Nine Elms’, long morceau de plus de 6 minutes dans lequel Howard Shore nous propose une superbe partie de violon tourmenté sur fond d’orchestre sombre et agité lorsque les personnages se dévoilent vers la fin du film. Du coup, la coda se veut plus douce dans ‘Like a Place in the Bible’, tandis que ‘Trans-Siberian Diary’ reprend une dernière fois le thème principal dans un arrangement orchestral ample pour la conclusion du film.

Howard Shore nous propose avec ‘Eastern Promises’ une partition brillante et captivante, teintée de touches musicales russes, avec ses solos de violon au classicisme élégant (on penserait presque à Chostakovitch ou Prokofiev par moment) et ses orchestrations sombres, mystérieuses et feutrées. Comme d’habitude, Shore réussit parfaitement à capter toute l’essence même du film de Cronenberg en nous offrant une partition passionnante, bien que sans grande originalité particulière. La musique de ‘Eastern Promises’ dégage une émotion, un envoûtement qui rappelle les grandes heures de la collaboration Cronenberg/Shore, au temps de partitions plus intimes et dramatiques telles que ‘Dead Ringers’ ou ‘Mr. Butterfly’, bien que l’on soit ici très proche du style de ‘A History of Violence’. Shore délaisse ses dissonances et ses explosions atonales habituelles pour nous offrir à contrario une musique à la fois intime, chaleureuse et froide, une musique tourmentée, amère, solitaire, qui reflète parfaitement les émotions des personnages dans le film. N’oublions pas aussi de mentionner l’apport immense du violon soliste et de son entêtant thème principal, faisant de ‘Eastern Promises’ une nouvelle partition de qualité de la collaboration Shore/Cronenberg !



---Quentin Billard