1-The Queen 2.09
2-Hills Of Scotland 2.26
3-People's Princess I 4.08
4-A New Prime Minister 1.55
5-H.R.H. 2.23
6-The Stag 1.50
7-Mourning 3.51
8-Elizabeth & Tony 2.05
9-River of Sorrow 2.00
10-The Flowers of Buckingham 2.29
11-The Queen Drives 1.48
12-Night In Balmoral 1.09
13-Tony & Elizabeth 2.05
14-People's Princess II 4.08
15-Queen of Hearts 3.34
16-Libera Me 6.28*

*Interprété par Lynne Dawson &
The BBC Singers at the funeral
service for Diana..."princess of Wales"
Composé par G. Verdi.

Musique  composée par:

Alexandre Desplat

Editeur:

Milan Music M2-36185

Album produit par:
Alexandre Desplat


Note: ***1/2
THE QUEEN
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Alexandre Desplat
Après le très remarqué ‘Mrs Henderson Presents’, le cinéaste britannique Stephen Frears revient sur un projet totalement différent, ‘The Queen’, dans lequel il relate les déboires de la royauté anglaise après le décès tragique de la princesse Diana le dimanche 31 août 1997 à Paris, sous le pont de l’Alma. Suite à cette disparition aussi dramatique qu’inattendue, toute la Grande-Bretagne plonge dans un désarroi sans précédent. Tony Blair (Michael Sheen), qui vient d’être élu nouveau premier ministre au mois de mai dernier, se retrouve avec une crise à gérer, aux côtés de la reine Elizabeth II (Helen Mirren) qui demeure impassible, enfermée dans son château de Balmoral en Ecosse. La reine ne comprend pas l’ampleur de la situation et reste silencieuse face aux cris de désespoir de la population britannique qui réclame une réaction de sa part. Tony Blair décide alors d’agir et va chercher un moyen de réconcilier la royauté avec la peuple d’Angleterre. ‘The Queen’ est un film somme toute intime et lent doublé d’une dimension provocatrice/polémique essentiellement destinée au public anglais : évoquer quasiment 10 ans plus tard la disparition de Lady Diana et des déboires de la famille royale anglaise pouvait tenir du gageure, mais Stephen Frears a su relever le défi haut la main en montrant Elizabeth II non pas comme une reine mais comme une femme avant tout, chose que certaines critiques anglaises ont bien évidemment eu du mal à admettre. Le film ne révèle rien qui ne soit de notoriété publique mais cherche plutôt à se concentrer autour du personnage de la reine campé avec brio par Helen Mirren, qui a d’ailleurs obtenu un Oscar en 2007 pour sa performance exceptionnelle dans ce film. Le réalisateur a tenu à reconstituer tous les décors de l’époque, restant fidèle au moindre détail, en utilisant au passage quelques images d’archive. Concernant les acteurs, outre la performance remarquable d’Helen Mirren, on pourra signaler un Michael Sheen très convaincant dans le rôle de Tony Blair. Sans jamais en faire de trop ni verser dans l’anti-royalisme facile, ‘The Queen’ demeure un portrait très juste et touchant d’une monarchie ébranlée par un drame qui a secoué le monde entier, un film intime et simple qui évite le piège du subversif pour nous offrir une vision neuve et sobre de son sujet.

Le compositeur français Alexandre Desplat poursuit son exploration du cinéma anglo-saxon/américain après avoir signé récemment des partitions pour des films tels que ‘Firewall’, ‘The Upside of Anger’ ou bien encore ‘Birth’. Sa musique pour ‘The Queen’ apporte une certaine émotion au film de Stephen Frears tout en demeurant somme toute très discrète, intime et retenue. Si l’ouverture du film (‘The Queen’) apporte son lot de pompe et de majestuosité à la monarchie anglaise à l’aide d’une fanfare et de l’utilisation astucieuse d’un clavecin baroque, ‘Hills of Scotland’ nous permet de découvrir un premier thème associé aux magnifiques décors écossais dans lesquels se trouve le château de la famille royale. A noter ici l’utilisation d’un thème de cor anglais sur fond d’ostinato de cordes évoquant brillamment le côté fier et intransigeant de la reine, le tout avec une certaine distance qui reflète finalement l'état d'esprit de la monarque. Comme toujours chez Desplat, les orchestrations demeurent extrêmement soignées et légères, le compositeur faisant intervenir divers instruments solistes au sein de son orchestre comme le cor anglais, la flûte, le cor ou le violoncelle. Le thème principal de la partition est annoncé à la fin du morceau et se distingue par sa mélodie simple, rythmée et étonnamment légère, qui évoque dans le film le clash entre la monarchie britannique et le peuple anglais. Dans ‘People’s Princess I’, Desplat évoque le destin de Lady Diana à travers les images d’archive en accompagnant les images avec un ostinato électronique étonnant et quelques touches instrumentales discrètes feutrées et habiles. Le thème principal est repris ici par le clavecin et devient plus pressent. On ressent ici un sentiment d’urgence grandissant, alors que la situation vire à la crise pour la famille royale. Les orchestrations deviennent plus colorées – harpe, violons, cor, clarinettes, synthétiseur, clavecin – les harmonies deviennent plus ambiguës, plus tendues, mais tout en conservant une retenue propre à la partition de ‘The Queen’. Desplat n’essaie jamais d’en faire de trop et conserve une retenue exemplaire tout au long du film, évitant toute envolée dramatique qui aurait carrément jurée dans le contexte du film.

‘H.R.H.’ nous permet de ressentir une certaine émotion avec ses cordes intimes et douces, tandis que le thème principal est repris par une flûte de façon plus lente et sombre. Desplat évoque ici la montée de la crise d’une façon plus sérieuse et moins ambiguë que dans ‘People’s Princess I’. Même chose pour ‘The Stag’ où l’on retrouve le thème ‘écossais’ de la reine toujours joué avec lenteur et retenue, tout en contenant une certaine amertume sous-jacente et discrète d’une grande subtilité. A noter que la partie finale de ‘The Stag’ demeure plus massive avec ses rythmes marqués et sa reprise du thème principal au clavecin qui rappelle l’ampleur de la situation. De tristesse, il est question dans ‘Mourning’ avec ses timbales funèbres lorsque le peuple anglais dépose des milliers de gerbes de fleurs devant les portes du palais royal à Londres (idem pour ‘The Flowers of Buckingham’ avec sa trompette solennelle et son ambiance plus élégiaque et méditative). A noter que la seconde partie de ‘Mourning’ fait intervenir une très belle partie de cordes amères et retenues qui ne sont pas sans rappeler curieusement certains passages du ‘Vertigo’ de Bernard Herrmann. ‘Elizabeth & Tony’ rompt avec ce climat amer en nous proposant une petite valse pour le couple royal, valse non dénuée d’un certain second degré astucieux à l’écran. Les orchestrations demeurent ici aussi très colorées et vivantes, et ce malgré la grande retenue et la finesse de l’ensemble. La musique devient même plus méditative dans ‘River of Sorrow’ où le thème de la reine devient plus mélancolique, lorsque cette dernière révèle sa fragilité de femme esseulée (scène touchante et symbolique de la reine au milieu de la rivière). ‘People’s Princess II’ permet à Desplat de ré exploiter son matériel musical associé à la tragédie de Lady Diana dans le film même si cette seconde partie fait plus office de bis repetita dans le film qu’autre chose. Enfin, ‘Queen of Hearts’ reprend le thème principal dans son intégralité sous un angle plus émouvant, accompagné de l’orchestre dominé par les cordes, la harpe, le cor, la mandoline et le clavecin, une coda somme toute assez touchante, idéale pour conclure le film avant une reprise du ‘Libera Me’ extrait du célèbre ‘Requiem’ de Verdi, et qui accompagne les dernières images de la crise à la fin du film.

Alexandre Desplat signe donc pour ‘The Queen’ une partition intime et délicate particulièrement vivante et colorée, et ce malgré sa grande retenue. Desplat ne verse jamais dans le sentimentalisme pur et demeure au contraire très fin dans son approche musicale des images du film de Stephen Frears. Ses thèmes accompagnent parfaitement l’histoire et l'état d'esprit de son personnage principal, le compositeur se faisant visiblement bien plaisir en s’amusant avec ses différents instruments. L’ensemble demeure somme toute très sobre et quelque peu anecdotique dans la carrière déjà très riche du compositeur français. Néanmoins, sans laisser pour autant un souvenir impérissable dans le film, ‘The Queen’ est ce style de petite partition intime, honnête et sans prétention qui s’apprécie simplement au fil des écoutes, preuve du talent incontestable de l’une des valeurs sures de la musique de film française actuelle, qui semble décidément de plus en plus attiré par le cinéma anglo-saxon !



---Quentin Billard