1-Camille 2.15
2-L'érudit 3.01
3-Les synptômes du fléau 1.13
4-La longue nuit 4.29
5-L'archéologue 1.55
6-La mort en marche 2.15
7-Le solitaire 1.55
8-La maison du mystère 2.26
9-Adamsberg & Marie 1.57
10-Le semeur 2.55
11-Mort à Marseille 1.34
12-Chasse à l'homme 2.34
13-Afrique 3.31
14-Révélation 2.20
15-Le crime et l'enfant 1.44
16-La coupable 5.10

Musique  composée par:

Patrick Doyle

Editeur:

Colosseum Records CST 8115-2

Album produit par:
Patrick Doyle

Artwork and pictures (c) 2007 Gaumont. All rights reserved.

Note: ***1/2
PARS VITE ET REVIENS TARD
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Patrick Doyle
Pour son nouveau long-métrage, le réalisateur Régis Wargnier abandonne les drames exotiques et s’essaie au polar, un genre cinématographique totalement nouveau pour lui. « Pars vite et reviens tard » est adapté du roman homonyme de l’écrivaine Fred Vargas, mettant en scène le Comissaire Jean-Baptiste Adamsberg (José Garcia) dans une enquête difficile au coeur même de Paris. Après le récent départ de sa fiancée Camille (Linh Dan Pham), Adamsberg se retrouve embarqué dans une enquête sans queue ni tête. Cela fait maintenant depuis quelques jours que de mystérieux signaux sont peints sur les portes des immeubles et des maisons parisiennes, des symboles synonymes de malédiction et de danger. Et comme si cela ne suffisait pas, des mots étranges sont lâchés à la criée sur les marchées. L’énigme demeure entière, jusqu’au jour où Adamsberg retrouve le corps d’un homme dans son appartement, recouvert d’obscures tâches noires. Pour le commissaire, il ne fait aucun doute : cette mort brutale annonce le retour de la peste à Paris. Mais la venue du fléau est due à un criminel, quelqu’un qui se cache dans l’ombre et semble manipuler les enquêteurs comme bon lui semble.

« Pars vite et reviens tard » est un polar captivant bien que réalisé sans grand relief. Régis Wargnier semble apparemment peu à l’aise sur ce type de film même si le suspense et la tension sont très bien entretenus tout au long du film. Hélas, la qualité quelconque du jeu des interprètes et le côté tiré-par-les-cheveux de la révélation finale empêchent le film de laisser un grand souvenir. José Garcia semble lui-même peu inspiré dans le rôle d’Adamsberg, avec un Michel Serrault qui semble s’ennuyer à son tour. L’intrigue est bien construite, avec un décor parisien très envoûtant. Le problème, c’est que les acteurs n’y croient pas vraiment et que les émotions sonnent fausses la plupart du temps. Et que dire de ces incohérences scénaristiques en pagaille et autres maladresses - cf. la façon dont Adamsberg démasque le coupable vers la fin du film, d’une façon peu probable et pas crédible pour un sou ! Il est dommage de constater que le long-métrage de Régis Wargnier ne parvienne jamais vraiment à atteindre tout son potentiel, car si le réalisateur sait instaurer le suspense et créer une ambiance oppressante, il n’est pas parvenu à apporter la moindre substance à une histoire de conspiration insipide (qui demeure bien plus audacieuse et fournie dans le livre d’origine !), sans oublier de rappeler que les acteurs semblent s’ennuyer plus qu’autre chose tout au long du film.

Régis Wargnier retrouve sur « Pars vite et reviens tard » son grand complice de toujours, Patrick Doyle, qui avait déjà signé les musiques de « Indochine », « Une femme française », « Est-Ouest » et « Man To Man ». Le compositeur d’origine écossaise nous offre pour « Pars vite et reviens tard » une partition orchestrale sombre et entêtante, épousant parfaitement les contours de cette histoire de fléau surgit d’une lointaine époque. La musique de Doyle évoque d’ailleurs avec finesse des couleurs musicales issues du Moyen-âge, des références qui demeurent discrètes dans la musique mais bien présentes. La partition repose sur deux thèmes majeurs, le thème de « Camille », exposé dès le début du film et reconnaissable à ses notes aigues furtives de piano sur fond de cordes dramatiques, et un deuxième thème associé à l’énigme de la peste, entendu dans « L’érudit ». « Camille » n’est pas un thème follement mémorable, mais il rappelle néanmoins avec un certain doigté le goût de Patrick Doyle pour les thèmes plus dramatiques et lyriques. Dans le film, le compositeur associe ce thème mélancolique au personnage d’Adamsberg après sa rupture avec sa fiancée Camille, une rupture qu’il a du mal à vivre et qui le rend complètement perdu. Le piano apporte aux images cet éclairage émotionnel typique du compositeur. Inversement, « L’érudit » se veut plus froid et distant, avec sa mélodie de cordes entièrement écrite en quintes parallèles à vide, faisant clairement référence aux airs médiévaux. Plutôt que de tomber dans le cliché facile d’une instrumentation moyenâgeuse, Patrick Doyle a préféré suggérer l’idée du passé en utilisant un élément musical propre à la musique médiévale : les harmonies en quintes à vide. Doyle rappelle ainsi de façon plus subtile les origines de ce fléau ancestral qui menace aujourd’hui de s’abattre sur Paris. Il règne dans l’érudit une certaine tension et un climat de mystère assez prenant, avec ses cordes latentes et ses vents discrets.

Armé de ses deux thèmes, Patrick Doyle bâtit tout au long du film une partition essentiellement axée sur le mystère et la tension. Le thème médiéval du fléau revient dans l’intriguant « Les symptômes du fléau », « L’archéologue » ou « La longue nuit » et son ambiance nocturne très réussie, reposant sur des orchestrations très soignées mettant en avant les bois (clarinettes, bassons) et des cordes plus sombres. Comme toujours chez Patrick Doyle, la qualité des orchestrations est impeccable, le compositeur sachant choisir les couleurs instrumentales les plus appropriées pour les scènes qu’il met en musique. A noter que « La longue nuit » renforce le suspense et la tension à l’aide de cordes dissonantes et de quelques effets avant-gardistes qui font basculer la musique dans une certaine atonalité glauque. On nage ici en pleine musique de thriller, alors que l’on voit le mystérieux criminel préparer son coup à l’écran (on retrouve par moment ici la noirceur des passages sombres du « Harry Potter and the Goblet of Fire »). Le très beau thème mélancolique de Camille revient dans la seconde partie de « La longue nuit », puis dans « La mort en marche » et « Adamsberg et Marie », illustrant l’errance et les doutes d’Adamsberg, face à une enquête qui s’annonce décidément difficile. Le thème moyenâgeux du fléau devient quand à lui omniprésent tout au long du film, comme pour rappeler que la menace est bien réelle et qu’elle peut frapper n’importe qui à chaque instant. C’est le cas dans un morceau comme « La maison du mystère », assez représentatif de l’ambiance sombre et énigmatique de la musique de Doyle : ici, le thème du fléau côtoie celui de Camille dans une atmosphère plus inquiétante, le compositeur privilégiant ici le registre plus grave de l’orchestre.

La musique devient même plus rythmée et imposante avec « Le semeur », qui reprend le thème du fléau et l’amplifie en lui adjoignant les services d’une guitare basse et d’une batterie qui apportent un rythme inattendu au morceau, le tout sur fond de cordes sombres et menaçantes. Idem pour « Chasse à l’homme » avec ses rythmes électroniques et ses orchestrations denses - à noter aussi un morceau un peu à part dans la partition de « Pars vite et reviens tard », « Afrique », pour la scène du flash-back africain vers la fin du film. Enfin, le thème du fléau revient une dernière fois dans « Révélation », mais cette fois-ci, Doyle a l’intelligence de l’harmoniser de façon plus tonale et moderne, comme pour rappeler que l’énigme a été résolue et que le fléau n’est plus. « La coupable » prolonge la tension et le suspense jusqu’au climax final, avec des cordes herrmanniennes de qualité et un rythme plus soutenu et agressif - un véritable climax de suspense que n’aurait pas renié le grand Bernard Herrmann !

Au final, Patrick Doyle signe pour « Pars vite et reviens tard » une partition à la fois classique et moderne, dense, sombre et mystérieuse, où règne une certaine latence pesante et oppressante, mais sans jamais basculer dans le chaotique pur. La musique ne décolle qu’à de rares occasions, préférant jouer la carte d’une certaine retenue inquiétante, synonyme de malaise et de tension à l’écran. Le compositeur en profite aussi pour apporter quelques éclairages émotionnels discrets à travers l’utilisation du très beau thème de Camille - associé au personnage de José Garcia dans le film - et ce même si l’on regrettera le côté très quelconque du dit thème. On reste cependant bien plus impressionné par le thème qu’a crée Doyle pour le fléau, une mélodie aux accents médiévaux parfaite pour le film. A la fois sombre, inquiétante et obsédante, la musique de « Pars vite et reviens tard » apporte au long-métrage de Régis Wargnier une certaine densité dramatique impressionnante, typique de la facette plus noire et moderne du style musical de Patrick Doyle. Voilà en tout cas un score à suspense très réussi, qui devrait satisfaire les fans du compositeur !


---Quentin Billard