1-Eva 3.07*
2-Igor 4.47
3-Scamper & Brain 2.30
4-Schadenfreude 1.39
5-Hi Heidi 1.05
6-Except The King 1.41
7-Evil Bone 3.30
8-Blind Orphans 1.24
9-Brain Wash 1.29
10-Oven Bun 3.05
11-Acting Me Me Me 1.58
12-Cliff Chase 2.42
13-Plucky Eva 3.15
14-Opening Night Presents 3.45
15-Hot Tub Rub 3.15
16-Falling For Director 2.37
17-Evil Science Fair 3.08
18-Secret Passage 1.36
19-Through The Clouds 2.12
20-Lets Get Evil 1.17
21-Evil Annie 6.52
22-Malaria Community Theatre 2.34
23-Wistful Thinking 1.51*

*Piano solo de Patrick Doyle.

Musique  composée par:

Patrick Doyle

Editeur:

Varèse Sarabande VSD-6926

Album produit par:
Patrick Doyle
Monteur musique:
Christopher Benstead
Musique produite par:
Maggie Rodford
Producteur exécutif:
Robert Townson
Programmation musicale:
Christian Howes

Artwork and pictures (c) 2008 Exodus Film Group. All rights reserved.

Note: ***1/2
IGOR
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Patrick Doyle
« Igor » est un film animé américain en 3D, conçu dans les studios d’animation français Sparx, à Paris. Réalisé par Anthony Leondis, « Igor » se propose de revisiter le mythe de Frankenstein en détournant et en inversant tous les codes du genre. On retrouve donc le savant fou assisté de son nain bossu baptisé Igor, sauf qu’ici, le vrai génie de la science, c’est le bossu lui-même, Igor ! Le pays de Malaria est plongé depuis bien longtemps dans l’obscurité. Le roi Malbert fait régner le mal dans son royaume, ayant réussi à convaincre son peuple que la seule façon d’avancer était de faire le mal tout autour d’eux. Chaque année, les savants fous mettent au point des inventions maléfiques qui assurent la prospérité du royaume. Avec le décès accidentel de son maître, Igor peut dorénavant poursuivre son rêve : devenir le plus grand savant fou de tout Malaria ! Il est aidé dans sa tâche par deux de ses créations : Brain, un cerveau facétieux enfermé dans un bocal, et Scamper, un lapin immortel et suicidaire. Pour Igor, il n’y a plus qu’un seul objectif : mettre au point sa plus grande création afin de pouvoir la présenter ensuite à la Grande Foire des Sciences du Mal. C’est alors qu’Igor crée Eva, une créature assemblée de différentes parties humaines, une créature programmée pour être l’arme ultime. Mais les choses ne se déroulent pas comme prévue : Igor a crée en réalité un monstre doué d’émotions et de sentiments, qui cherche en fait à faire le bien. Et comme si cela ne suffisait pas, le Dr. Schadenfreude, grand rival du maître d’Igor, cherche à dominer le royaume et à prendre le pouvoir grâce à ses inventions. Avec « Igor », les concepteurs du film ont donc détourné les codes du mythe de Frankenstein pour aboutir à un film d’animation étonnant et particulièrement sombre pour un film animé destiné aux enfants : ici, le bossu serviteur devient le savant fou, la créature du savant fou est incapable de faire le mal, et les inventions maléfiques ne sont plus marginalisées ou rejetées mais servent au contraire la cause du royaume de Malaria. Evidemment, on n’échappe pas à l’habituelle morale, un plaidoyer somme toute très gentillet sur le droit à la différence et la nécessité de faire le bien. Pourtant, « Igor » surprend à plus d’une reprise par son atmosphère gothique, étrange et ténébreuse inspirée des films expressionnistes de Fritz Lang ou Robert Wiene, sans oublier les allusions cinématographiques aux grands classiques de l’épouvante (« Frankenstein » de James Whale - 1931). Hélas, Anthony Leondis n’est pas Tim Burton, et son univers loufoque et gothique reste encore trop sage et gentillet pour paraître réellement crédible - le scénario étant lui-même très léger : un humour bien plus subversif aurait été la bienvenue ! Reste quelques belles scènes et un univers visuellement très impressionnant, avec un casting vocal spectaculaire (John Cusack, John Cleese, Steve Buscemi, Jennifer Coolidge, Eddie Izzard, Christian Slater, etc.), et ce même si le film ne laissera finalement pas un grand souvenir particulier !

Patrick Doyle se voit confier les rennes de la partition de « Igor », pour lequel il signe une partition symphonique à la fois belle, lyrique, sombre et étrange, une musique qui épouse parfaitement les contours de l’univers si particulier du film d’Anthony Leondis. Armé de son classicisme d’écriture habituel, Patrick Doyle bâtit une partition inventive et fantaisiste qui évoque bien évidemment Danny Elfman, mais avec la personnalité musicale de Doyle en plus ! A noter que ce n’est pas la première fois que Doyle compose la musique d’un film animé, puisqu’il avait déjà eu l’occasion d’écrire la BO de « Quest for Camelot » en 1998. Pour « Igor », le compositeur d’origine écossaise nous offre un score solide et inventif, bien que sans grande originalité particulière. Le musicien nous offre pour commencer une très belle valse pour piano dans « Eva », pièce poétique d’une grande délicatesse et d’une certaine fragilité associée à Eva, la créature d’Igor. On découvre alors le thème principal du score dans « Igor », morceau qui s’ouvre de façon mystérieuse avec une voix féminine et des choeurs lointains, idéal pour renforcer le caractère sombre et inquiétant du royaume de Malaria. Le thème est ensuite développé par un cor anglais sur fond d’orchestrations soignées et inventives - incluant des percussions électroniques/mécaniques, synonymes ici d’invention et de créations maléfiques. Les choeurs apportent ici une dimension gothique/épique assez savoureuse à l’écran, Doyle jouant ici sur les codes musicaux du genre - le morceau nous offre même quelques sursauts orchestraux qui semblent pasticher les musiques de film d’épouvante. Le thème grandit et finit par être entièrement développé par l’orchestre entier, accompagnant dans la première partie du film les scènes de création. Puis, l’ensemble retombe et bascule finalement dans le mickey-mousing pur, Patrick Doyle étant malheureusement tombé dans le piège un peu facile du mickey-mousing indissociable (trop ?) des musiques de dessin animé.

A noter que, coïncidence, Patrick Doyle avait déjà eu l’occasion d’écrire la musique d’un « Frankenstein » en 1994, pour le film de et avec Kenneth Branagh. Avec « Igor », le compositeur explore une facette musicale plus fantaisiste et légère de cette mythologie inspirée du célèbre roman de Mary Shelley. Un morceau comme « Scamper & Brain » est ainsi très représentatif de ce côté à la fois léger, sombre et mystérieux, avec ses touches de mickey-mousing sautillantes associées ici à Scamper et Brain, les deux assistants d’Igor. Le compositeur utilise ici, en plus de l’orchestre dominé par les bois (bassons, clarinettes, etc.), un clavecin et quelques sonorités électroniques discrètes (on retrouve les percussions mécaniques du début) pour évoquer les facéties de ces deux énergumènes qui font office de sidekicks tout au long du film. Le clavecin apporte un côté faussement baroque au morceau, une petite touche d’humour discrète qui permet à la musique de renforcer ce côté gothique et ténébreux indissociable des images du film d’Anthony Leondis. On retrouve d’ailleurs un autre cliché baroque dans « Schadenfreude », qui évoque le méchant de service avec quelques notes d’orgue (ne pas rater la première apparition du personnage en train de jouer la célèbre « Toccata et fugue » de J.S. Bach sur son orgue !). Mais plutôt que d’écrire un morceau sombre et menaçant, Patrick Doyle a préféré réserver au Dr. Schadenfreude une musique plus ironique et non dénuée d’humour (on y retrouve quelques touches de mickey-mousing). Idem pour la valse sautillante et fantaisiste de « Hi Heidi », le tout enrobé dans des orchestrations toujours très soignées et colorées. Doyle prolonge une certaine forme de dérision musicale dans « Except The King » pour évoquer le maléfique roi Malbert.

Même si sa partition pour « Igor » demeure assez sombre et massive, Patrick Doyle n’oublie pas pour autant qu’il compose avant tout pour un film animé pour toute la famille. C’est pourquoi le compositeur a préféré éviter de se prendre trop au sérieux, et ce même si certains morceaux paraissent plus massifs et grandioses comme le puissant et dramatique « Evil Bone » pour la scène de la création d’Eva. Le thème d’Igor est ici repris dans toute sa splendeur, avec ses percussions mécaniques, ses choeurs grandioses et son orchestre dominé par des cuivres et des cordes sombres. Le morceau bascule même étonnamment dans la dissonance pure à plusieurs reprises, pour l’un des rares passages de style « horrifique ». A l’écran, le résultat est parfait : la musique accompagne à merveille la création d’Eva avec une atmosphère gothique puissante et d’une efficacité redoutable ! Inversement, la musique retombe dans le mickey-mousing pur et dur avec la scène où Eva joue avec les orphelins (« Blind Orphans »). Idem pour le jazzy « Acting Me Me Me » qui évoque avec légèreté les rêves d’Eva, prête à tout pour devenir une grande actrice. A noter que Doyle fait d’ailleurs quelques allusions au jazz dans des morceaux comme l’amusant « Plucky Eva » ou le très kitsch « Hot Tub Rub » et ses rythmes sud-américains un peu décalée dans le contexte musical d’Igor. Puis, on retrouve les percussions mécaniques dans l’excentrique et inventif « Brain Wash » lors de la scène du lavage de cerveau (au sens propre comme au sens figuré d’ailleurs !).

Mais le compositeur nous réserve quelques beaux déchaînements orchestraux en règle pour la dernière partie du film. Ainsi, « Cliff Chase » accompagne la séquence de la poursuite sur la falaise reprenant par la même occasion le thème d’Igor, soutenu ici par un orchestre massif et un pupitre de percussions qui rappellent par moment certains passages action de « Eragon ». Les choeurs ajoutent à « Cliff Chase » une dimension épique assez démesurée et très prenante à l’écran, Patrick Doyle étant devenu en quelques années un spécialiste des grosses musiques d’action orchestrales - « Harry Potter & The Goblet of Fire », « Eragon », « The Last Legion », etc. « Evil Science Fair » - qui débute au son d’une fanfare cérémoniale et de choeurs solennels à la Haendel pour les débuts du concours de la Grande Foire des Sciences du Mal - renforce à son tour le caractère plus massif, hollywoodien et démesuré de la musique de Doyle sur la fin du film. De l’action épique, Doyle nous offre avec « Secret Passage », « Let’s Get Evil » ou bien encore le climax « Evil Annie ». Néanmoins, le compositeur nous offre aussi dans cette seconde partie un nouveau thème et non des moindres, le Love Theme, associé à la romance naissante entre Igor et Eva et entendue pour la première fois dans « Opening Night Presents ». Ce superbe thème au lyrisme un brin rétro - repris ensuite avec grâce par le piano et un violon soliste - apporte une dimension romantique assez savoureuse à la musique du film. On sait d’ailleurs que Patrick Doyle a toujours été un spécialiste de ce genre de mélodie romantique à la poésie raffinée. « Opening Night Presents » en profite pour nous offrir un bref rappel du thème d’Eva, thème que l’on retrouvera d’ailleurs dans l’émouvant « Malaria Community Theatre » et entendu une dernière fois au piano dans « Wistful Thinking », un thème avec lequel Patrick Doyle semble s’être fait particulièrement plaisir, lui qui a toujours nourri un certain attachement aux mélodies lyriques et romantiques.

En conclusion, la partition de Patrick Doyle pour « Igor » confirme encore une fois le savoir-faire d’un compositeur éclectique bien trop souvent cantonné aux partitions d’aventure/action ces dernières années, alors qu’il possède avant tout une certaine sensibilité romantique qui n’aboutit pas toujours dans ses propres partitions. Avec « Igor », on retrouve non seulement cette sensibilité mais aussi un certain goût pour la dérision et la fantaisie musicale, apportant au film un mélange étonnant d’envolées gothiques/baroques, de touches de mickey-mousing sautillantes, de morceaux d’action avec choeurs épiques et de pièces plus poétiques et romantiques. L’ensemble fait parfois un peu office de fourre-tout, mais la partition d’Igor demeure malgré tout très réussie bien que sans réelle surprise particulière. Patrick Doyle signe donc un score extrêmement solide pour « Igor », aux orchestrations toujours aussi soignées, un score assez riche et varié qui devrait pleinement satisfaire tous les fans du compositeur, même s’il est décidément bien regrettable de se dire que le style de Patrick Doyle est devenu légèrement plus décevant et moins intéressant depuis la fin des années 90, comme si le compositeur n’était plus tout à fait le même depuis quelques années. Son style bascule bien trop souvent dans la lourdeur et les effets massifs alors qu’il fut une époque où chacune de ses partitions reflétaient une finesse et une élégance rare. Dans « Igor », on retrouve finalement les deux facettes du Patrick Doyle d’aujourd’hui. C’est parfois déstabilisant, mais cela ne doit pas empêcher pour autant les béophiles d’apprécier cette partition à sa juste valeur !



---Quentin Billard