1-Ten Million Slaves 4.07*
2-Chicago Shake 3.08**
3-Drive To Bohemia 1.10
4-Love Me Or Leave Me 3.20***
5-Billie's Arrest 2.19
6-Am I Blue? 2.50+
7-Love In The Dunes 1.48
8-Bye Bye Blackbird 3.44++
9-Phone Call To Billie 1.42
10-Nasty Letter 5.04+++
11-Plane To Chicago 3.22
12-O Guide Me Thou
Great Jehova 1.35#
13-Gold Coast Restaurant 2.04
14-The Man I Love 3.05##
15-JD Dies 3.54
16-Dark Was The Night,
Cold Was The Ground 3.19###

*Interprété par Otis Taylor
**Interprété par
The Bruce Fowler Big Band
***Interprété par Billie Holiday
avec Teddy Wilson & His Orchestra
+Interprété par Billie Holiday
et son orchestre
++Interprété par Diana Krall
+++Interprété par Otis Taylor
#Interprété par
Indian Bottom Association,
Old Regular Baptists et
Elliot Goldenthal
##Interprété par Billie Holiday
et son orchestre
###Interprété par Blind Willie Johnson.

Musique  composée par:

Elliot Goldenthal

Editeur:

Decca Records B001307202

Score produit par:
Elliot Goldenthal

Artwork and pictures (c) 2009 Universal Pictures. All rights reserved.

Note: ***
PUBLIC ENEMIES
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Elliot Goldenthal
Pour son 11ème long-métrage, Michael Mann adapte le livre de Bryan Burrough et retrace l’histoire de John Dillinger (Johnny Depp), un célèbre gangster qui braqua plusieurs banques américaines dans les années 30 tout en narguant constamment la police. Le patron du FBI de l’époque, John Edgar Hoover (Billy Crudup) considéra alors Dillinger comme « l’ennemi public numéro 1 » et engagea alors l’agent fédéral Melvin Purvis (Christian Bale) pour le traquer et l’arrêter, lui et sa bande. Michael Mann s’est donc payé le luxe avec « Public Enemies » de renouer avec le style des films de gangster d’antan (à noter que l’histoire Dillinger a déjà été adapté à de nombreuses reprises au cinéma, et ce depuis la version de Max Nosseck en 1945), sauf qu’ici, le réalisateur y a apporté sa propre vision, usant par exemple de deux nouvelles caméras HD qui lui ont permis d’apporter un peu plus grand réalisme à son film. Avec sa façon de filmer si particulière, accentuant le réalisme de chaque scène d’une façon toujours aussi saisissante (et similaire à ses derniers films, « Miami Vice » et « Collateral »), son sens du montage, sa photographie très travaillée et sa direction d’acteur irréprochable (bien que Marion Cotillard paraisse bien terne dans ce film, sa présence s’expliquant sans aucun doute grâce au succès de « La Môme » qui lui a ouvert les portes d’une grande carrière internationale !), Michael Mann arrive à faire de « Public Enemies » un conte à la fois classique et moderne sur l’ascension et la chute d’un des plus grands bandits américain du début du siècle, un polar violent et ultra réaliste qui sait aussi se faire plus minimaliste et retenu quand l’occasion s’en présente. Certaines scènes de fusillade - avec le véritable son des armes à feu, comme dans « Miami Vice » - valent le détour, des scènes qui ne sont pas sans rappeler certaines séquences de « Heat ». A ce sujet, « Public Enemies » a des airs de « Heat » par moment, et plus particulièrement dans son scénario (le flic obstiné qui poursuit le braqueur de banques, etc.). Sauf que si « Heat » avait une certaine profondeur dramatique assez impressionnante, « Public Enemies » paraît beaucoup plus terne. Curieusement, malgré toutes les qualités du film, cette fois, la mayonnaise ne prend pas, on s’étonne même de s’ennuyer à quelques reprises (surtout dans toute la première partie du film). Peut-être est-ce dû au côté « film de personnage » du long-métrage de Michael Mann, qui, à force d’accentuer les détails de ses différents personnages, finit par oublier les enjeux dramatiques de son récit. Restent quelques belles scènes et une interprétation solide de Johnny Depp. Pour le reste, ce n’est certainement pas le meilleur film de Michael Mann même si cela reste malgré tout un opus de qualité dans la filmographie du réalisateur.

« Public Enemies » marque enfin le retour du compositeur Elliot Goldenthal au cinéma, après que le musicien se soit fait très discret pendant quelques années. Pour Goldenthal, c’est la seconde fois que le compositeur collabore à un film de Michael Mann après « Heat » en 1995. Hélas, la nouvelle partition de Goldenthal pour « Public Enemies » ne marquera pas les esprits, le problème venant surtout de Michael Mann lui-même : comme souvent dans les films du réalisateur, c’est l’utilisation de musiques non originales qui reste l’élément clé des bandes sons de ses films, hélas, concernant les musiques originales, c’est toujours curieusement assez pauvre (le score de John Murphy dans « Miami Vice » par exemple !) voire peu inspiré. Tout grand génie de la musique que soit Elliot Goldenthal, sa composition pour « Public Enemies » n’échappe donc pas à la règle. Si l’on remarque surtout le standard blues d’Otis Taylor « Ten Million Slaves » pour la séquence du braquage au début du film, c’est avec « Drive To Bohemia » que le score de Goldenthal commence vraiment. Le morceau repose ici sur un style plutôt lent et dramatique avec des cordes latentes qui annoncent déjà l’issue tragique du film tout en évoquant l'ambiguité du personnage de John Dillinger. Dans « Billie’s Arrest », le compositeur dévoile le thème principal du score, un Adagio élégiaque et plaintif de toute beauté. Le morceau se distingue ici par sa mélodie plus mélancolique et poignante pour la scène où Billie (Marion Cotillard) est arrêtée et passée à tabac par un policier peu scrupuleux. Goldenthal nous prouve avec l’élégiaque « Billie’s Arrest » qu’il n’est pas que le compositeur des grandes partitions avant-gardistes et enragées de « Alien 3 » ou « Final Fantasy » mais qu’il possède aussi une certaine sensibilité et un goût sûr pour un lyrisme plus tragique, lyrisme qu’il n’hésite pas à mette en avant ici dans ce morceau sombre et indissociable de l’ambiance du film de Michael Mann.

La musique devient plus atmosphérique et minimaliste dans « Love In The Dunes », avec ses notes de piano hésitantes, ses cordes latentes et ses nappes synthétiques discrètes. Exit ici les envolées orchestrales ténébreuses chères au compositeur, avec « Public Enemies », Elliot Goldenthal fait dans la retenue et l’économie de moyens, à l’instar de sa partition pour « Heat ». « Love In The Dunes » illustre ici la romance entre John Dillinger et Billie, avec une certaine pudeur assez touchante (et plutôt rare de la part du compositeur). On retrouve cette même pudeur dans « Phone Call To Billie » qui reprend les mêmes ingrédients musicaux, mélangeant cordes, vents et piano sans grande originalité, mais avec une retenue dramatique et émouvante dans le film. La musique évoque clairement le destin tragique de John Dillinger et sa relation tumultueuse avec Billie. A noter que « Phone Call To Billie » permet au compositeur de nous offrir une très belle partie de saxophone élégiaque et plus poignante. « Plane To Chicago » nous permet quand à lui de retrouver le très beau thème élégiaque de « Billie’s Arrest » qui reflète une certaine forme de douleur avec un lyrisme tragique et quasi funèbre absolument parfait dans le film. Les rythmes deviennent alors plus pressants vers la fin du morceau, comme pour rappeler l’idée d’un danger imminent. On retrouve un lyrisme élégiaque similaire dans le sombre « Gold Coast Restaurant » où les sonorités orchestrales deviennent plus ambigües et nuancées, partagées entre une clarinette solitaire, des cordes amères et quelques synthétiseurs très discrets, le morceau reflétant l’idée d’un amour impossible et contrarié, une idée qui aboutit finalement dans la scène finale avec le tragique « JD Dies », dont l’élan élégiaque et déchirant rappelle très clairement le « Thin Red Line » de Hans Zimmer (probablement imposé dans les temp-tracks du film !).

Elliot Goldenthal offre ainsi au nouveau film de Michael Mann une partition orchestrale lyrique et élégiaque, une partition sombre et émouvante qui exprime l’idée d’un destin tragique et d’un amour impossible. La musique fait planer sur tout le film l’ombre d’un drame imminent, avec ses textures plaintives et douloureuses. Si le film s’avère être assez sombre, violent et agité, la musique d’Elliot Goldenthal se veut au contraire plus minimaliste et retenue, et aussi résolument plus poignante et tragique. Dommage cependant que l’ensemble ne laisse pas un grand souvenir, et que le compositeur se retrouve parfois obligé de calquer des temp-tracks à la lettre (« JD Dies »). On a évidemment connu un Goldenthal bien plus personnel et inspiré, et force est de constater que sa musique pour « Public Enemies » n’a rien de follement original ou passionnant - dommage aussi que l'album n'inclut qu'une maigre portion du score de Goldenthal, délaissant ainsi certains passages plus mouvementés de la musique du film ! Les amateurs de musiques élégiaques devraient donc apprécier la nouvelle composition d’Elliot Goldenthal, tout en savourant les chansons blues/jazz de Billie Holiday entendues tout au long du film. Mais ceux qui s’attendent à retrouver un Goldenthal monumental et inspiré risquent fort d’être déçus !



---Quentin Billard