1-Boys Playing Airplanes 4.13
2-Exploring the Forest 2.36
3-The Train to a New Home 3.33
4-The Wind Gently Blows
Through the Garden 5.56
5-An Odd Discovery Beyond
The Trees 2.51
6-Dolls Aren't for Big Girls,
Propaganda Is... 3.42
7-Black Smoke 1.42
8-Evening Supper/A Family
Slowly Crumbles 7.52
9-The Funeral 1.53
10-The Boys Plans/
From Night to Day 2.36
11-Strange New Clothes/
An Impending Storm 9.52
12-Remembrance, Remembrance 5.30

Musique  composée par:

James Horner

Editeur:

Hollywood Records Digital Download

Album produit par:
James Horner, Simon Rhodes
Montage musique:
Jim Henrikson

(c) 2008 Miramax Films/BBC Films/Heyday Films. All rights reserved.

Note: ***
THE BOY IN THE STRIPED PYJAMAS
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by James Horner
« The Boy in the Striped Pyjamas » (Le garçon au pyjama rayé) est l’adaptation du célèbre best-seller éponyme de l’écrivain irlandais John Boyne publié en 2006 et qui connut un très grand succès dans le monde littéraire. Réalisé par Mark Herman, « The Boy in the Striped Pyjamas » est un drame bouleversant sur l’Holocauste juif, vu cette fois-ci à travers les yeux d’un petit garçon allemand. Bruno (Asa Butterfield) est un jeune enfant de 8 ans, qui vit à Berlin avec sa soeur Gretel (Amber Beattie), son père Ralf (David Thewlis), un important officier SS, et sa mère Elsa (Vera Farmiga). Un jour, Ralf reçoit une promotion et doit déménager pour s’installer avec toute sa famille dans une nouvelle maison près du camp de concentration d’Auschwitz. Mais alors que Gretel semble très vite prendre ses marques dans sa nouvelle demeure, Bruno s’ennuie ferme. Essayant de s’occuper comme il le peut, le jeune garçon se met en tête d’explorer les environs et découvre l’existence du camp situé derrière sa maison. Mais Bruno est un petit enfant naïf, et il ignore complètement de quoi il s’agit en réalité. Intrigué par ces « fermiers » bizarres en pyjamas rayés qu’il observe depuis sa fenêtre, Bruno se décide finalement à explorer l’arrière de sa maison et découvre une clôture avec un petit garçon au nom étrange, Shmuel (Jack Scanlon). Il commence à se lier d’amitié avec l’enfant tout en ignorant que leur amitié est interdite. Le film nous propose ainsi d’évoquer l’innocence contre l’horreur, l’insouciance et la naïveté d’un enfant contre les atrocités et la barbarie des hommes. L’histoire du film de Mark Herman rappelle énormément « La vita è bella » de Roberto Benigni : ici aussi, on y retrouve l’idée d’un jeune enfant naïf confronté aux horreurs des camps de concentration, mais qui ignore tout à leur sujet, car aucun adulte ne lui a vraiment expliqué de quoi il s’agissait en réalité - probablement afin de protéger son innocence des atrocités de la guerre. Mais à la différence du film de Benigni, l’histoire est vue cette fois-ci à travers les yeux du fils d’un commandant du camp d’Auschwitz.

Dès lors, le film s’annonce clairement bouleversant, bousculant les conventions et les convictions : le réalisateur prend le risque de montrer un peu d’humanité dans la famille même de l’officier SS. Sa femme Elsa comprend tardivement ce qu’il se passe dans les camps et reste profondément choquée et bouleversée par cette révélation. Même sa fille Gretel, devenue une fanatique des jeunesses hitlériennes, commence à ressentir le mal qui se trouve tout autour d’elle. Quand au candide Bruno, il ne comprend toujours pas pourquoi on lui dit qu’il devrait détester les juifs et son ami Shmuel. Le film s’avère être un peu court (1h30 seulement) pour pouvoir développer suffisamment tous les personnages du récit. Néanmoins, le film est une bien belle réussite, filmée avec une sobriété exemplaire sans aucun artifice particulier. On a beaucoup reproché au film (et au livre) de manquer d’une certaine crédibilité historique : rappelons que beaucoup d’enfants en bas âge étaient systématiquement gazés dans les camps lorsqu’ils ne pouvaient pas accomplir les travaux forcés. D’autre part, le fait même que Shmuel puisse dialoguer régulièrement avec Bruno à la clôture du camp est une pure invention totalement irréaliste : les prisonniers étaient constamment surveillés et ne pouvaient pas faire le moindre mouvement hors de leur lieu de travail. Mais ce que beaucoup de personnes n’ont pas compris au sujet du film - et du livre - c’est que « The Boy in the Striped Pyjamas » a été conçu à l’origine dans un but purement pédagogique, afin de rendre plus facilement accessible aux enfants l’histoire des camps de concentration et de les introduire plus facilement à une époque sombre de notre Histoire. Certains ont ainsi critiqué la façon de procéder (les mêmes qui critiquèrent le parti pris de Benigni dans « La vita è bella »), mais l’ensemble demeure néanmoins très honnête, dérangeant et bouleversant.

La musique de James Horner est à l’image même du film de Mark Herman : sobre, retenue, subtile mais aussi poignante et émouvante. Le score repose avant tout sur l’utilisation réussie du piano - interprété par le compositeur lui-même - agrémenté d’un orchestre et de quelques synthétiseurs apportant une froideur plus inquiétante dans la musique du film. Dès l’ouverture du film, Horner dévoile son thème principal dans « Boys Playing Airplanes », sur fond de nappes synthétiques inquiétantes et de notes de piano à la fois mystérieuses et envoûtantes. Le thème se partage ainsi entre deux phrases principales : la première est introduite ici par des accords chromatiques descendants typiques du compositeur. La seconde est constituée d’une ligne mélodique plus majestueuse et quasi solennelle, associée dans le film à l’innocence et la naïveté du petit Bruno - un thème calqué note pour note sur une mélodie similaire entendue dans le morceau « The Letter » du film « Swing Kids » en 1992 (encore une fois, force est de constater que James Horner ne peut décidément pas s’empêcher de repiquer des thèmes et des musiques de ses précédentes oeuvres !). Chose curieuse, le thème de « Swing Kids » évoquait déjà les tourments des juifs persécutés par les nazis durant la Seconde Guerre Mondiale. Etait-ce pour Horner une façon de faire un lien entre l’histoire des deux films ? Sans aucun doute, même si le parti pris s’avère être encore une fois très facile et quelque peu douteux. Le dit thème évoque ici l’amitié touchante entre le petit garçon allemand et le jeune prisonnier juif. Le piano de James Horner est ici accompagné de quelques cordes et d’un hautbois, le tout écrit à la manière d’un concerto classique. L’utilisation des synthétiseurs permet au compositeur d’apporter une dimension intemporelle à sa musique, un peu comme il le fit dans « Titanic ».

Avec « Exploring the Forest », Horner évoque l’innocence du jeune Bruno lorsque ce dernier part explorer la forêt derrière sa maison. Le compositeur développe ici des arpèges de piano avec un hautbois et des cordes synthétiques : on pourra toujours reprocher le côté un peu artificiel des instruments synthétiques ici, mais, à l’instar de partitions telles que « Thunderheart » ou « The Spitfire Grill », l’électronique apporte ici un certain charme à la musique et une émotion plus nuancée dans le film. « Exploring the Forest » s’impose surtout par son caractère pastoral agréable et son évocation de la découverte de la nature avec des accords plus subtils et nuancés. On retrouve une ambiance similaire dans « An Odd Discovery Beyond the Trees », lorsque le petit Bruno découvre le camp de concentration derrière chez lui. Horner reprend ici les nappes synthétiques et les harmonies majeure/mineure du piano avec l’utilisation adroite d’un son de crotale et d’une voix féminine synthétique et mystérieuse, qui rappelle par moment les vocalises de Charlotte Church dans le score de « A Beautiful Mind » (2003). « An Odd Discovery Beyond the Trees » s’impose surtout par la qualité de ses harmonies alternant majeur/mineur de façon très mystérieuse et envoûtante, avec ces nappes synthétiques étranges et un peu inquiétantes. Ici aussi, la musique repose avant tout sur une grande retenue et fait preuve d’une économie de moyens assez remarquable dans le film. La musique apporte un regard pudique et intime à l’histoire du petit Bruno, l’innocence (le piano, le thème principal) face à l’horreur (la froideur des synthétiseurs, la voix féminine samplée associées aux prisonniers du camp).

« The Wind Gently Blows Through the Garden » s’impose par son utilisation très réussie de notes furtives de piano sur fond de cordes synthétiques atmosphériques et latentes. On devine dans « The Wind Gently Blows Through the Garden » une ambiance plus dramatique sous-jacente, le tout écrit avec un minimalisme et une grande retenue (dommage cependant que les cordes synthétiques apportent un petit côté « cheap » à la musique dans le film). Le morceau évoque ici la curiosité du jeune enfant qui aperçoit les « fermiers » en pyjama rayé par la fenêtre, derrière chez lui. Avec « Dolls Are Not for Big Girls, Propagand Is… », la musique bascule lentement dans une mélancolie plus amère et noire, avec le retour du thème principal dans une version mineure plus sombre et lente, la fin de l’innocence pour la jeune Gretel devenue une fanatique des jeunes hitlériennes. Horner met ici l’accent sur la voix féminine samplée, le piano et les cordes (alternant parties synthétiques et petite formation à cordes). L’amertume et la tristesse qui se dégagent de ce morceau apporte une certaine émotion à la séquence où Bruno découvre les poupées de Gretel entassées dans la cave. Les horreurs des camps sont suggérées avec une infime pudeur dans « Black Smoke », alors que le petit garçon aperçoit la fumée noire s’échapper des cheminées du camp sans comprendre de quoi il s’agit en réalité. Dans « Evening Supper/A Family Slowly Crumbles », Horner évoque la désagrégation de la famille allemande confrontée aux révélations des camps de concentration. Pendant plus de 7 minutes, le compositeur développe ici une ambiance dramatique et mélancolique comme il sait si bien le faire, avec ses cordes synthétiques cheap, et un retour du thème de piano, plus amer et résigné : encore une fois, ne vous attendez pas à de grandes envolées thématiques ou mélodramatiques, Horner joue la carte de la retenue et du minimalisme pur et simple.

Le compositeur cède encore une fois à son pêché mignon traditionnel dans « The Funeral », pour la scène des funérailles de la grand-mère de Bruno. Le morceau utilise ici le sempiternel motif du danger de 4 notes que le compositeur utilise constamment depuis ses débuts dans la plupart de ses musiques de film (« Brainstorm », « Star Trek II », « Willow », « Enemy at the Gates », etc.). Encore une fois, James Horner reste fidèle à lui-même et ne peut s’empêcher de faire référence à ses motifs musicaux cycliques plus anciens, quitte à parasiter la séquence en question par une référence musicale parfaitement inutile et inappropriée. Enfin, « Strange New Clothes » bascule lentement dans l’horreur pour la terrible conclusion finale, un morceau avoisinant les 10 minutes durant lesquelles Horner utilise enfin de vraies cordes avec un piano plus sombre et menaçant, alors que Bruno réalisé l’inconcevable : aider Shmuel à retrouver son père dans le camp de concentration. Sombre et incroyablement intense, le morceau se bâtit sur un grand crescendo de tension incroyablement dramatique, noir et terrifiant : les dissonances deviennent de plus en plus agressives et éprouvantes, et ce jusqu’au climax final aboutissant à une sorte de cri orchestral strident des cordes extrêmement tragique. « Strange New Clothes/An Impending Storm » s’avère être sans aucun doute l’un des meilleurs morceaux du score de « The Boy in the Striped Pyjamas » et aussi l’un des plus éprouvants, révélant musicalement les horreurs du camp de concentration (cela faisait bien longtemps que le compositeur n’avait pas écrit un morceau aussi sombre et dérangeant pour un film !). La partition aboutit à une très belle reprise du thème de piano dans « Remembrance, Remembrance » qui accomplit son devoir de mémoire avec une grande pudeur, encore une fois.

James Horner signe donc pour « The Boy in the Striped Pyjamas » une partition minimaliste et émouvante, bien que sans réelle surprise. Comme toujours, le compositeur reprend des thèmes de ses oeuvres antérieures (ici, le thème de « Swing Kids ») et les adapte dans un nouveau contexte, un procédé douteux devenu extrêmement lassant à la longue. On pensait le compositeur « assagit » sur ce sujet, mais force est de constater qu’Horner est toujours fidèle à lui-même. Malgré ses défauts - et une utilisation parfois très cheap des instruments synthétiques - la partition de « The Boy in the Striped Pyjamas » s’avère être une jolie réussite bien que sans originalité particulière. Evidemment, il s’agit ici d’une oeuvre mineure de James Horner qui ne laissera pas un souvenir impérissable. Mais l’on reste néanmoins touché par l’extrême pudeur de cette musique et l’économie de moyens dont fait preuve le compositeur tout au long du film. Les fans de James Horner apprécieront donc sans aucun doute les efforts du compositeur sur le film de Mark Herman, mais ceux qui s’attendaient au grand retour de James Horner sur une partition ambitieuse pourront passer leur chemin. Voilà donc une partition subtile et émouvante évoquant l’innocence contre les horreurs de la guerre, à réserver aux inconditionnels du compositeur !



---Quentin Billard