1-Jacquou le Croquant :
Ouverture 5.11
2-Nansac 2.20
3-Le Loup 1.09
4-La Forge 4.36
5-Le Tribunal 3.27
6-Au Lavoir 1.54
7-Jure, mon fils! 3.38
8-Lina 2.11
9-Les Trois Collines 2.51
10-Fête à Fanlac 2.24
11-La Deuxième Danse 2.28
12-Jacquou et Lina 3.06
13-Adieu Curé 3.42
14-Visite au château 2.04
15-Le Puits 3.47
16-Au Coeur de l'Orage 3.35
17-L'Attaque 4.10
18-Debout, Nansac! 3.50
19-Sur l'Esplanade 3.31
20-La Galiote 7.03
21-Devant Soi 4.05*

*Interprété par Mylène Farmer
Paroles et musique de
Laurent Boutonnat

Musique  composée par:

Laurent Boutonnat

Editeur:

Polydor 9845661

Album produit par:
Laurent Boutonnat

Artwork and pictures (c) 2007 Pathé Renn Productions. All rights reserved.

Note: ***
JACQUOU LE CROQUANT
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Laurent Boutonnat
Grand classique de la littérature française, « Jacquou le Croquant » est le célèbre roman d’Eugène Le Roy, écrit en 1899 et adapté par la suite au cinéma sous la forme d’une mini-série datant de 1969, réalisée par Stellio Lorenzi avec Eric Damain et Claude Serval. Il faudra finalement attendre 2007 pour voir débarquer sur nos écrans une toute nouvelle version réalisée cette fois-ci par Laurent Boutonnat, plus connu pour avoir été le complice de la chanteuse Mylène Farmer depuis les années 90 : Boutonnat réalisa ainsi la plupart de ses clips-vidéos et écrivit la majorité de ses musiques. L’auteur-compositeur/réalisateur tourna son premier long-métrage en 1978 et réalisa « Giorgino » en 1994, qui fut un échec monumental à sa sortie en salle mais devint culte par la suite. Enfin, c’est en 2007 que Laurent Boutonnat revient au cinéma avec « Jacquou le Croquant », pour lequel le réalisateur nous offre une fresque historique/épique inspirée de l’oeuvre d’Eugène Le Roy. L’histoire nous transporte dans le sud-ouest de la France en 1815, dans le département du Périgord. Jacquou Ferral est un jeune garçon de 9 ans qui vit paisiblement avec son père (Albert Dupontel) et sa mère (Marie-Josée Croze) dans une petite ferme modeste. Son père est un métayer exploité par le cruel comte de Nansac (Jocelyn Quivrin) résidant dans le Château de l’Herm, qui fait régner l’injustice sur ses terres. Un jour, le père de Jacquou abat le régisseur du comte pour avoir tenté de défendre sa famille, et se retrouve condamné à une lourde peine de prison. Déporté dans un bagne, le métayer est tué quelques temps après avoir tenté de s’évader. La mère de Jacquou décède quelques jours plus tard après avoir tenté de s’occuper seule de son jeune fils. Jacquou se retrouve alors livré à lui-même, dans la pauvreté et la mendicité, et finit par s’écrouler de fatigue dans un cimetière. Il est alors recueilli par le curé Bonal (Olivier Gourmet) qui veille alors sur lui et s’occupe de son éducation. Devenu adulte, Jacquou (Gaspard Ulliel) jure de venger la mort de ses parents et décide de lutter contre le comte de Nansac en organisant une révolte paysanne contre le comte. Laurent Boutonnat signe donc un film académique plutôt réussi, librement adapté du roman d’Eugène Le Roy, un film qui prend bien évidemment quelques libertés par rapport à l’ouvrage d’origine mais retranscrit avec efficacité l’essence même du roman initial. Gaspard Ulliel campe un Jacquou assez convaincant, face à un Jocelyn Quivrin impeccable dans le rôle du sinistre comte de Nansac. Avec un casting impeccable et une mise en scène académique mais très soignée, « Jacquou le Croquant » reste une adaptation honnête mélangeant romance, quête de vengeance et reconstitution historique avec brio. On y retrouve aussi le style habituel de Laurent Boutonnat avec un film qui rappellera inévitablement la plastique visuelle de certains anciens clips-vidéos du réalisateur.

La musique de « Jacquou le Croquant » a été écrite par Laurent Boutonnat lui-même, aussi connu pour être l’auteur-compositeur attitré de Mylène Farmer - qui interprète la chanson du générique de fin du film, « Devant Soi ». La partition de « Jacquou le Croquant » fait appel aux ressources de l’orchestre symphonique habituel auquel s’ajoutent quelques touches synthétiques et une utilisation assez réussie de choeurs. Le compositeur/réalisateur s’est adjoint pour l’occasion les services de l’Orchestre Philharmonique de Prague sous la direction de Nic Raine (qui a aussi orchestré la partition du film). Dès le début du film (« Jacquou le Croquant, Ouverture »), Boutonnat maintient une certaine tension avec quelques trémolos de cordes sombres, quelques roulements de caisse claire martiale et une première apparition du thème principal alternant cordes, percussions, piano, quelques vents (incluant une flûte à bec) et même des choeurs d’enfants associés à Jacquou dans le film. A noter que le compositeur utilise souvent dans ses orchestrations quelques sonorités plus légères et cristallines (glockenspiel) qui apportent un côté parfois un peu kitsch - et pas très crédible - à la musique. On est d’ailleurs étonné ici par le côté parfois un peu simpliste de l’écriture de Laurent Boutonnat : une ligne mélodique un peu naïve et juste une formule d’accompagnement avec des doublures instrumentales faciles : c’est un peu léger (on se serait attendu à une ouverture bien plus ambitieuse et moins gentillette !). Le thème principal sera constamment présent tout au long du film, personnifiant la détermination et l’obstination de Jacquou à se venger du comte de Nansac.

Le méchant du film a droit à une ambiance plus sombre et menaçante dans « Nansac », avec son utilisation de choeurs mixtes envoûtants sur fond de cordes, violoncelle et cloches. Les chœurs apportent au personnage du comte de Nansac une certaine noirceur assez impressionnante à l’écran. Laurent Boutonnat utilise ensuite quelques vocalises féminines dans le mélancolique « Le Loup » et semble peu à l’aise sur un morceau d’action comme « La Forge », sans aucun doute l’un des plus gros défauts de la partition de « Jacquou le Croquant » : effectivement, le compositeur semble bâcler curieusement tous ses passages d’action, incapables de créer la moindre tension ou le moindre rythme prenant sur les images. A contrario, Boutonnat accompagne la plupart des scènes d’action du film par un style plus dramatique et mélodique agréable mais pas toujours aussi pertinent qu’on l’aurait souhaité sur les images. On retrouve les défauts de l’ouverture dans « Le Tribunal », avec des orchestrations souvent un peu simplistes - et pour le passage, un retour du thème principal au piano lorsque le jeune Jacquou aperçoit son père par la fenêtre du tribunal, vers le début du film. On passera ensuite outre l’utilisation stéréotypée de la flûte à bec et de la guitare dans le simpliste et très agaçant « Au lavoir » pour évoquer un morceau plus réussi, « Jure, mon fils ! », lorsque Jacquou jure de venger son père. Visiblement, Laurent Boutonnat se montre bien plus à l’aise dans les passages dramatiques et lyriques que les moments plus légers et pastoraux de la partition.

« Lina » développe alors le thème romantique de Jacquou et Lina, qui deviendra très présent tout au long du film, reconnaissable à sa suite d’accords descendants plutôt ordinaires mais assez touchants à l’écran. Ce thème deviendra par la suite une sorte de thème de vengeance dramatique et émouvant. On regrettera simplement ici aussi le côté encore une fois atrocement simpliste de l’instrumentation de Boutonnat : un mélange glock/piano peu probant, que l’on retrouve dans « Les Trois Collines ». Le Love Theme revient dans une nouvelle version mélodique pour cordes, piano et choeurs quasi religieux de toute beauté dans « Jacquou et Lina ». On retrouve ces accords descendants dramatiques du thème de Lina dans « La Deuxième Danse » avec une basse synthétique pas forcément indispensable, lorsque Jacquou défie le comte à la danse vers le milieu du film. Ici, le thème harmonique de « Lina » devient un véritable thème de vengeance. Mieux encore, les accords du Love Theme reviennent pour évoquer de manière poignante la mort du curé dans « Adieu Curé » (titres d’une subtilité incroyable !) avec des choeurs religieux tragiques. On nage évidemment en plein cliché ici, mais le résultat reste quand même très réussi et assez prenant à l’écran. Dommage simplement que les accords de « Adieu Curé » tendent à rappeler pas mal de musiques préexistantes déjà écrites dans un style extrêmement similaire.

Plus sombre et atmosphérique, « Visite au Château » évoque le machiavélisme du comte de Nansac avec des cordes sombres et des synthétiseurs glauques et inquiétants. Même chose pour « Le Puits » avec ses choeurs sombres et ses sonorités dissonantes assez menaçantes. Un morceau comme « Au coeur de l’orage » s’impose par son atmosphère électronique/orchestre plus sombre et inquiétante, lorsque Jacquou tente de s’enfuir du puits et d’éviter la noyade. Hélas, on retombe dans les défauts du début avec la séquence de la révolte paysanne contre le château de Nansac dans « L’Attaque ». Refusant toute envolée symphonique à l’hollywoodienne, Laurent Boutonnat préfère opter pour un style toujours aussi dramatique et mélodique, avec quelques percussions, des cordes rythmées et quelques sonorités synthétiques. L’affrontement contre le comte de Nansac (« Debout, Nansac ! ») permet au compositeur de prolonger l’ambiance dramatique de « L’Attaque » avec son mélange cordes/piano/choeurs toujours assez réussi et ses motifs qui tournent en boucle, mais ici aussi, Laurent Boutonnat échoue à créer le moindre sentiment de combat épique à l’image et déçoit par son incapacité à créer de l’action dans la musique : ses morceaux de bataille sont d’une fadeur et d’une mollesse rare dans le film ! Même chose pour « L’Esplanade », qui reprend pourtant le thème dramatique de la vengeance avec un petit côté très Hans Zimmer (il y a même un passage avec choeurs qui rappelle ici « Batman Begins » !).

Enfin, le score se termine avec un morceau plus intime et apaisé, « La Galiote » reprenant le thème principal pour le générique de fin du film, avec une écriture toujours très simpliste des cordes, des vents et du piano et ses notes entêtantes qui semblent tourner en boucle. Même chose pour la chanson « Devant Soi », brillamment interprétée par Mylène Farmer et qui reprend le thème principal du score pour le générique de fin du film. Visiblement, Laurent Boutonnat ne cherche pas à s’encombrer d’un style sophistiqué et complexe : le caractère simpliste et l’émotion parfois un peu naïve de sa musique peut refroidir comme elle peut susciter l’adhésion d’un public peu frileux ou peu regardant. Optant pour un style plus dramatique, émouvant et mélodique plutôt que réellement épique, Laurent Boutonnat signe donc une partition orchestrale agréable bien que parfois un peu trop simpliste pour son film. Malgré ses défauts, la musique nous emporte assez facilement dans le film par son émotion directe et sans détour. Dommage cependant que le compositeur se contente de faire tourner ses phrases mélodiques en boucle plutôt que de les développer réellement dans le film. Sympa donc, mais pas indispensable pour autant !



---Quentin Billard