1-Main Theme Opening 3.01
2-First Sortie 4.59
3-Sail Away (Vocal) 4.56
4-Foo-Ko 2.10
5-Main Theme : Memory 1.14
6-Mizuki 1.27
7-Surprise Attack 1.53
8-Drive-By-Wire 1.04
9-Main Theme : Affair (Harp) 1.39
10-Main Theme : Blue Fish
(Orgel) 0.57
11-Private Sortie 1.50
12-Second Sortie 0.51
13-Night Sortie 1.13
14-March Hare 0.42
15-Adler Tag 6.53
16-Krakow 1.36
17-Main Theme : Affair 1.25
18-Main Theme : Blue Fish 1.30
19-Final Sortie 4.32
20-Teacher 1.30
21-Main Theme : Ending 3.59

Musique  composée par:

Kenji Kawai

Editeur:

VAP VPCG-84882

Album produit par:
Kenji Kawai

Artwork and pictures (c) 2008 Production I.G. All rights reserved.

Note: ***1/2
THE SKY CRAWLERS
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Kenji Kawai
Après s’être fait à nouveau remarquer avec « Tachiguishi Retsuden », véritable OVNI cinématographique sorti en 2006, Mamoru Oshii décida de rempiler pour un nouveau film d’animation en 2008, filmé dans un style plus conventionnel et accessible. « The Sky Crawlers » (« Sukai Kurora » en japonais) est l’adaptation du roman de Mori Hiroshi. Le film se déroule dans un espace hors du temps, dans un monde similaire au notre, que l’on pourra considérer comme alternatif (le pays est indéterminé : les personnages y parlent à la fois l’anglais et le japonais). L’action du film se situe à l’intérieur d’une base militaire. Des jeunes adolescents, les Kildren, ont été crées génétiquement afin de rester éternellement jeune. Ces jeunes pilotes sont régulièrement enrôlés pour participer à des batailles aériennes opposant deux équipes d’aviation adversaire, et ce alors que le monde est en temps de paix. Mais pour maintenir cette (fausse ?) sensation de paix, les parents des jeunes adolescents n’ont rien trouvé de mieux que de concevoir ces batailles qui opposent régulièrement les Kildren des deux bases d’aviation ennemies : on suit ainsi tout au long du film le parcours du jeune Yuichi, un pilote récemment transféré à la base du capitaine Suito Kusanagi, et qui semble sortir régulièrement vainqueur de chacun de ses combats, jusqu’au jour où il entendra parler d’un célèbre pilote invaincu et craint de tous, un individu mystérieusement surnommé « le professeur ». Encore une fois, Mamoru Oshii s’est réapproprié une oeuvre préexistante et en a fait un film extrêmement personnel, reposant pour commencer sur une animation audacieuse, mélangeant de façon très surprenante 2D, 3D et prises de vue réelles. L’utilisation des prises de vue réelles ne fonctionnent pas toujours correctement avec la 3D et les images numériques, mais l’on appréciera néanmoins l’effort apporté par le cinéaste au visuel audacieux de son film. Mais c’est encore une fois sur le plan narratif que « The Sky Crawlers » l’emporte haut la main et risque fort d’en dérouter plus d’un : comme dans « Ghost in the Shell » ou « Avalon », Mamoru Oshii s’interroge à nouveau ici sur la place de l’homme dans le monde, et nourrit ainsi des réflexions existentialistes saisissantes. A travers l’histoire des Kildren - des êtres génétiquement modifiés, programmés pour rester jeune éternellement, et qui ont été conçus pour servir de chair à pâté dans des combats aériens, c’est toute une réflexion sur la jeunesse japonaise d’aujourd’hui que nous propose ici le réalisateur. Le réalisateur en profite ainsi pour rappeler le devoir de mémoire qu’ont les adultes envers la jeunesse japonaise, afin de ne jamais oublier les conflits d’autrefois. Peut-être est-ce d’ailleurs pour donner un caractère intemporel à son récit que le réalisateur a choisi de situer toute l’histoire dans un monde et une époque alternative (le film fait brièvement référence aux pays de l’est et à l’Allemagne de l’Est, sans oublier la présence de la langue anglaise et japonaise, tandis que certains paysages rappellent des pays d’Europe orientale).

Tout le film baigne alors dans une atmosphère de mélancolie latente et dépressive, avec des personnages totalement déshumanisés et désincarnés, qui semblent errer sans but dans la base militaire comme des spectres (le spectateur n’est-il pas finalement aussi perdu qu’eux lorsqu’il regarde ce film étrange et envoûtant ?) : on aura rarement vu dans un anime japonais des personnages aussi froids, distants et dépourvus de moindre sentiment ! Effectivement, cela ne respire pas la joie, et pour cause : les Kildren finissent par s’interroger sur leur propre existence, et leur rôle dans ce monde (ils n’ont aucun souvenir, ne savent pas quand ils sont nés, ignorent tout de leurs géniteurs, etc.). La guerre ne serait ainsi pour eux qu’une porte de sortie pour atteindre une mort qu’ils ne pourront jamais gagner d’eux-mêmes. Quelque part, ces jeunes ados cherchent la mort pour donner un sens à leur vie. Contradiction ? Pas vraiment, Mamoru Oshii évoque ainsi à plusieurs reprises l’idée du suicide dans le film, et évoque l’absurdité de la guerre en dénonçant implicitement l’immoralité du concept des Kildren dont l’innocence est pervertie dès le début par une immersion constante dans la guerre - Yuichi ne mentionne-t-il pas à un moment donné que la guerre n’est rien d’autre pour lui qu’un simple jeu dans lequel il s’agit de gagner (ou de perdre) ? Comme dans « Ghost in the Shell » ou même « Avalon », Oshii joue ainsi sur l’idée d’un rêve semi-éveillé, voire d’un cauchemar baignant dans le virtuel (un peu comme le jeu vidéo de « Avalon »), un simulacre d’existence avec des personnages dépourvus d’émotion, errant sans but tout au long du film. Même lorsque le jeune héros sort s’amuser en ville, il semble totalement passif à tout ce qui peut bien se passer autour de lui (l’idée même de la passivité semble être le maître-mot du film, d’où le côté lent et contemplatif du récit) : idem pour Kusanagi, une jeune femme mystérieuse qui hante le film par son regard totalement absent et figé, et son absence totale d’émotion et de réactivité.

Fataliste, le film l’est assurément. La vie dans la mort ? Voilà le concept que soulève (difficilement) le film de Mamoru Oshii. Ironiquement, le seul être qui semble exprimer le plus d’émotion dans le film reste encore le basset, l’animal fétiche de Mamoru Oshii présent dans la plupart de ses films (« Patlabor 2 The Movie », « Ghost in the Shell 2 » et surtout « Avalon ») et qui intervient régulièrement dans le film pour accueillir le retour des héros sur la piste d’atterrissage de la base militaire. La base elle-même semble comparée dans le film à une sorte de purgatoire dans lequel les âmes attendent leur salut, destinées au paradis (le ciel, où ils pourront trouver la délivrance dans la mort lors d’un combat aérien ?) ou à l’enfer (le monde terrestre, où les angoisses latentes des Kildren reflètent leur envie d’achever leur simulacre d’existence humaine ?). Et pour corser le tout, Oshii joue sur la confusion des éléments en brouillant tous les repères temporels : aucune date n’est mentionnée clairement dans le film, pas même de façon visuelle. Ainsi donc, les avions semblent posséder des looks à la fois rétro et ultra modernes. Passé, futur, peu importe, l’histoire de « The Sky Crawlers » semble complètement hors du temps, accentuant encore plus le malaise et la mélancolie que l’on ressent constamment tout au long du film. Encore une fois, Oshii reste fidèle à son goût pour les détails et apporte une véritable richesse à son film, qu’il s’agisse d’un visuel spectaculaire (les séquences de combat aérien sont tout bonnement époustouflantes !), d’un character design passable et très ambigu (accentuant le manque d’expressivité et la froideur des personnages) ou d’une trame narrative complexe et élaborée, bien que parfois très confuse. Parmi les quelques défauts du film, on regrettera le côté extrêmement lent du récit, avec de nombreuses longueurs qui ne sont pas toujours justifiées, et ce alors que le film semble ne pas raconter grand chose pendant une bonne demi heure. D’autre part, le film semble assez peu bavard sur le sujet des Kildren et ne développe que très peu cet aspect-là : il est tout de même curieux d’être obligé d’attendre quasiment la fin du film pour enfin comprendre de quoi il s’agit réellement. Encore une fois, Oshii possède un sens très personnel de la narration et bouscule les conventions habituelles pour prendre le temps de développer une ambiance dépressive et existentielle du plus bel effet. Certes, le spectateur lambda se montrera sans aucun doute réticent au début, mais pour peu que l’on accepte de se faire malmener par la trame narrative complexe et déroutante du film d’Oshii, « The Sky Crawlers » s’imposera très vite comme une bien belle réussite du genre, et ce même si le film n’atteint pas les niveaux d’un « Ghost in the Shell » ou d’un « Avalon ».

Le compositeur Kenji Kawai retrouve à nouveau Mamoru Oshii avec qui il a déjà signé les musiques de films tels que « Patlabor The Movie », « Patlabor 2 The Movie », « Ghost in The Shell » 1 et 2, « Avalon » et « Tachiguishi Retsuden » (sans oublier quelques films moins connus comme « Talking Head », « Stray Dogs » ou « The Red Spectacles »). Pour « The Sky Crawlers », Kawai signe une nouvelle partition de qualité et se paie même le luxe de nous offrir un superbe thème principal mémorable et poignant - chose plus rare dans ses musiques de film animé, souvent plus atmosphériques que réellement mélodiques. Le style musical global du score de « The Sky Crawlers » s’affirme néanmoins dans la continuité directe des précédentes partitions du compositeur nippon pour les films animés de Mamoru Oshii : lent, contemplatif, spirituel, éthéré et aussi intime et émouvant. Avec le « Main Theme Opening » (ouverture du film), Kenji Kawai dévoile son superbe thème principal introduit par un choeur religieux japonais évoquant les chants bouddhistes de « Ghost in the Shell Innocence » : le choeur cède ensuite la place à la magnifique mélodie du thème principal, sur fond de cordes, harpe et nappes synthétiques. Comme toujours chez le compositeur, on retrouve le mélange traditionnel entre l’orchestre et les synthétiseurs atmosphériques, utilisés ici de façon éthérée, afin de créer une ambiance envoûtante et contemplative dans le film. Mais c’est bel et bien la beauté de la mélodie principale qui nous attire ici, un thème poignant simple et émouvant, omniprésent dans le film, associé aux jeunes héros de l’histoire et à leurs tourments intérieurs.

Avec « First Sortie », Kawai illustre la première scène de bataille aérienne du film en ayant recours à un style plus orienté vers l’action : ainsi, on retrouve les rythmiques électroniques traditionnelles du compositeur mélangées à un orchestre dominé par des cordes et des percussions. Comme souvent chez Kawai, les orchestrations s’avèrent être extrêmement minimalistes et monolithiques, un style dont la technique ne convainc pas toujours, mais qui possède néanmoins un charme indéniable dans le film d’Oshii. Le compositeur accompagne ainsi la violence de ce premier affrontement aérien en mettant l’accent sur des cordes agitées, des synthétiseurs sombres et des rythmiques électroniques omniprésentes, synonymes de tension et de danger. On retrouve ici un style action très sensiblement inspiré du score de « Seven Swords », dans lequel Kenji Kawai nous rappelait qu’il n’est pas qu’un maître des ambiances électroniques éthérées, mais qu’il sait aussi donner dans le muscle et les envolées guerrières. A noter que l’on retrouve dans « First Sortie » les choeurs japonais samplés du début, une sonorité récurrente dans le score de « The Sky Crawlers » - ces sonorités sont en réalité associées dans le film aux jeunes héros, les Kildren, et évoquent leurs voix intérieures, leur humanité enfouie, une quête de réponse et de rédemption. Le thème principal tente de revenir dans « Foo-Ko » sous une forme différente, confiée ici à un très beau mélange piano/cordes d’une grande beauté, un morceau intime et résolument poignant, où règne une mélancolie nostalgique assez saisissante. En revanche, le thème revient dans son intégralité dans « Main Theme Memory » avec un arrangement plus minimaliste pour synthétiseurs cristallins et harpe. On appréciera aussi les différentes versions du thème, qu’il s’agisse de la harpe solo de « Main Theme-Affair (Harp) », ou mieux encore, de la très belle version pour boîte à musique de « Main Theme-Blue Fish (Orgel) », qui n’est pas sans rappeler un morceau de la partition de « Ghost in the Shell Innocence ».

La harpe soliste revient dans « Mizuki » où elle occupe un rôle fondamental, dans un morceau plus léger et rafraîchissant - et aussi plus intime et optimiste. En revanche, « Surprise Attack » rappelle l’univers des combats aériens du film avec un nouveau morceau d’action agité. Les morceaux plus intimes et mélancoliques continuent d’être très présents tout au long du film, Kawai conservant ce côté minimaliste et retenu dans son instrumentation. Une pièce comme « Private Sortie » s’avère être assez représentative de l’ambiance musicale de « The Sky Crawlers », une musique plus lente et contemplative confiée ici à des cordes dramatiques sur fond de nappes synthétiques et de harpe - l’instrument de l’intimité dans la partition de Kenji Kawai. Le morceau accompagne les sorties de Yuichi en maintenant ce côté toujours mélancolique et poignant, une émotion retenue qui contraste agréablement avec la froideur extrême des personnages. Idem pour le piano mélancolique de « Second Sortie » où les cordes éthérées de « Night Sortie ». Enfin, l’action revient en grande pompe dans l’excellent « Adler Tag » avec son lot de percussions électroniques, de choeur japonais synthétique, de nappes électroniques new age et de cordes rythmées très inspirées du score de « Seven Swords » (pour une autre séquence de bataille aérienne vers le milieu du film). Kenji Kawai reste fidèle encore une fois à son style action habituel, reconnaissable entre mille. Si certains morceaux tentent de ramener le calme dans le film avec l’apaisant et éthéré « Krakow », c’est l’action qui reprend très vite le dessus avec le dramatique « Final Sortie » évoquant la décision finale de Yuichi de repartir encore une fois au combat afin d’affronter le mythique et redouté « professeur », passage illustré par un « Teacher » plus sombre, épique et tragique, à grand renfort de choeurs synthétiques et de cordes dissonantes amples. Et c’est sans surprise que Kawai conclut ainsi le film par une ultime reprise émouvante de son magnifique thème principal dans « Main Theme Ending ».

Les fans de Kenji Kawai apprécieront sans aucun doute le nouvel opus musical du compositeur pour « The Sky Crawlers », une nouvelle perle de l’animation japonaise selon Mamoru Oshii, et une nouvelle grande partition de qualité de la part du compositeur nippon, toujours aussi inspiré lorsqu’il s’agit d’écrire la musique d’un film d’Oshii. Aux interrogations philosophiques et existentialistes du film, Kenji Kawai répond par une musique lente, minimaliste et émouvante, une émotion toute en retenue qui contraste par la froideur des synthétiseurs et le caractère éthéré et envoûtant de l’ambiance musicale synthétique conçue par Kawai sur le film. Les choeurs japonais apportent une touche personnelle au score de « The Sky Crawlers », évoquant l’idée d’une humanité perdue et lointaine, tandis que la formation instrumentale restreinte - cordes, piano, harpe - renforce l’émotion sous-jacente du film. Et n’oublions pas le superbe thème principal, atout majeur du score de Kenji Kawai, et qui reste indissociable de l’univers du film d’Oshii. Au final, « The Sky Crawlers » s’avère être une bien belle réussite du genre, un score qui, sans révolutionner le genre, devrait satisfaire pleinement les aficionados de Kenji Kawai !



---Quentin Billard