The Red Canvas

1-Out of Darkness 1.58
2-Awaiting the News 2.27
3-Death and Resurrection I 3.44
4-A Great Fighter 2.06
5-Jazz Cafe 1.50
6-Johnny Likes Extortion 0.31
7-The Attic 1.34
8-Grease Monkey Prelude 1.49
9-Grease Monkey Brawl 3.05
10-Maria Cries 1.42
11-Calling All Gladiators 1.08
12-The Meeting 1.37
13-Death and Resurrection II 3.34
14-Bills and Tears 1.36
15-Jungle Rumble 1.38
16-Prayer 1.16
17-A Not-So-Conjugal Visit 2.57
18-Ballet for Brawlers 11.25

Moving Images Suite (Bonus)

19-Moving Images Fanfare 0.32
20-The Sorcerer 1.59
21-Americana 3.39
22-A Quirky Machine 2.48
23-Moonlit Desert Chase 2.35
24-Pastorale 4.38
25-Transylvania 1955 2.59
26-Epilogue 1.55

Musique  composée par:

James Peterson

Editeur:

Movie Score Media MMS-09025

Producteur exécutif soundtrack:
Mikael Carlsson
Musique produite par:
James Peterson
Programmation musicale:
James Peterson
Préparation de la musique:
Tomas Kirschner
Assistant du compositeur:
Robby Elfman
Supervision de l'album et artwork:
Mikael Carlsson

Artwork and pictures (c) 2009 Photo-Kicks Productions. All rights reserved.

Note: ****1/2
THE RED CANVAS
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by James Peterson
« The Red Canvas » est un film de combat dans la lignée de « Bloodsport », évoquant le combat libre, un sport de combat associant lutte au corps à corps et coups libres en utilisant de nombreuses techniques parfois très violentes (coups de pied, de poing, coups de coude, percussions au sol, etc.). Réalisé par Kenneth Chamitoff et Adam Boster, « The Red Canvas » nous dévoile l’univers de la compétition de la toile rouge, dans laquelle s’affrontent régulièrement chaque année différents combattants venus des quatre coins du monde pour un tournoi de combat libre extrêmement violent. Johnny Sanchez (Ernie Reyes Jr.) s’est brouillé depuis bien longtemps avec sa famille et a échoué en prison après avoir commis de menus larcins. Quelques années plus tard, Johnny est enfin libéré et retrouve son père dans son garage. Hélas, ce dernier se fait rosser par un gang et atterrit à l’hôpital, plongé dans un profond coma. Le garage est alors menacé de fermer, si la famille Sanchez ne trouve pas suffisamment d’argent pour pouvoir payer toutes leurs dettes. Johnny décide alors de sauver sa famille en participant au tournoi de la toile rouge. Ce sera l’occasion pour lui d’obtenir la rédemption et de se réconcilier avec une famille qu’il a trop longtemps délaissée. « The Red Canvas » vaut donc avant tout pour ses scènes de combat spectaculaires et ses scènes plus dramatiques et intimes. Ernie Reyes Jr. mène évidemment la danse et s’impose dans le rôle de ce jeune combattant qui va se forger une réputation de champion à force d’acharnement et de conviction - le stéréotype habituel des films de sport de combat tendance « Rocky ». « The Red Canvas » parle aussi de rédemption, de rapports familiaux et de dépassement de soi. Il s’agit du tout premier long-métrage entièrement filmé avec un nouveau système de caméra baptisé le « Red One 4k », qui permet d’obtenir une image d’une qualité surprenante, technologie qu’a aussi utilisé Steven Soderbergh pour son diptyque « Che ». Bien que le film soit sorti dans la plus grande confidentialité au cinéma - les médias en ont très peu parlé - « The Red Canvas » a néanmoins obtenu une série de prix au festival « Action on Film » (AOF) 2008. Le résultat est somme toute particulièrement banal et sans grande surprise pour un film de sport de combat : on y retrouve tous les clichés habituels du genre, avec quelques scènes de combat réussies mais filmées de façon épileptique et parfois agaçante - et notamment dans cette utilisation lourdingue des ralentis et d’effets divers de montage. Un peu plus de simplicité et d’aération dans la façon de filmer les combats aurait permis au film de gagner en intérêt. Au lieu de cela, Kenneth Chamitoff et Adam Boster accouchent d’une série-B sans surprise, vue et revue des centaines de fois.

La véritable surprise du film vient surtout de sa somptueuse partition symphonique signée James Peterson, et justement récompensée du prix de la meilleure musique au AOF 2008. Grâce à la récente édition CD de chez Movie Score Media - le fameux label de l’éditeur suisse Mikael Carlsson - le public béophile peut enfin découvrir le superbe travail du jeune compositeur James Peterson sur le film de Kenneth Chamitoff et Adam Boster. Ecrite pour le Prague FILMharmonic et ses 84 musiciens, la musique s’est même payé le luxe de dépasser toutes les attentes d’une production incrédule, qui ne s’attendait manifestement pas à une musique d’une telle ampleur sur une production au budget aussi modeste. Et pourtant, James Peterson a fait preuve d’un professionnalisme à toute épreuve sur « The Red Canvas » et a écrit une partition symphonique d’un classicisme d’écriture puissant et élégant, fait extrêmement rare de nos jours. Alors que la plupart des compositeurs hollywoodiens actuels auraient écrit une musique tendance rock/électro pour « The Red Canvas », Peterson a pris le contrepied total de ce qu’on pouvait attendre sur ce film en signant un opus symphonique colossal, lyrique et parfois même épique, d'une maturité étonnante pour un jeune musicien encore peu connu. Le compositeur résume l’essentiel de sa tâche dans le livret de l’album publié par Movie Score Media :

« Comme les réalisateurs Ken Chamitoff et Adam Boster l’expliquaient, The Red Canvas serait plus qu’un simple film de combat, c’est pour quoi il était absolument crucial que la musique reflète et amplifie la partie plus dramatique et émotionnelle de l’histoire. « Canvas » est avant tout un drame, et les scènes de combat, bien qu’importantes, n’étaient pas l’élément le plus important. Mon score tente ainsi d’accomplir la vision des réalisateurs : soutenir l’émotion et apporter une profondeur dramatique aux scènes d’action physiques. Ainsi, le score oscille entre dramatique, mélodique et lyrique. »

Ainsi donc, là où n’importe quel autre compositeur aurait utilisé le style électro/rock habituel de ce type de film de sport de combat, James Peterson déploie tout son attirail symphonique à la manière des grands opus symphoniques d’antan. La taille conséquente de l’orchestre utilisé en dit long sur l’ambition musicale de cette partition grandiose pour un film qui - à première vue - n’en méritait pas tant : 8 cors, 4 trompettes, 4 trombones ténors, 2 trombones basses, 2 tubas, 18 violons 1 et 16 violons 2, 8 altos, 10 violoncelles et 8 contrebasses, sans oublier flûte, hautbois, cor anglais et clarinette, et quelques percussions, que le compositeur a lui-même travaillé à partir de son studio à Santa Monica - à partir de banques de sons. De l’ambition, le compositeur n’en manque pas et le résultat dépasse tout ce que l’on pouvait attendre sur un film aussi mineur et modeste : dès « Out of Darkness », la musique nous plonge dans une atmosphère brutale, sombre et agressive, avec une écriture riche et savante, un contrepoint extrêmement élaboré et des orchestrations très soignées - assurées par Robby Elfman. On notera dès « Out of Darkness » l’apport des cuivres, qui apportent une puissance impressionnante à l’écran, le compositeur ayant d’ailleurs privilégié tout particulièrement le pupitre des cuivres dans ses orchestrations pour l’aspect « sport de combat » du film. Le final en forme de fanfare héroïque cuivrée rappelle presque par moment certaines musiques de péplum de Miklos Rozsa ou des musiques de films de gladiateurs des années 50/60, des références subtiles à la musique du Golden Age hollywoodien que le jeune compositeur semble affectionner tout particulièrement.

Dans « Awaiting the News », James Peterson dévoile son thème dramatique associé dans le film à Johnny Sanchez, le héros de l’histoire, qui va devoir livrer une série de combats sans merci s’il espère ainsi sauver sa famille. Le thème est confié à des cordes au lyrisme raffiné et sombre, exprimant à la fois les émotions du personnage et ses relations difficiles avec les membres de sa famille. Ici aussi, Peterson soigne tout particulièrement l’écriture des cordes, avec un lyrisme comme on en entend rarement de nos jours. Dans « Death and Resurrection I », le deuxième thème apparaît brièvement aux cordes dès le début du film, thème lyrique associé à la famille de Johnny Sanchez. On retrouve aussi le thème dramatique poignant et ses cordes élégantes de toute beauté, auxquelles s’ajoutent quelques couleurs des bois (flûte, hautbois, clarinette, cor anglais) apportant une chaleur indispensable à la musique à l’écran. Concernant le rapport image/musique, on est parfois étonné du côté quelque peu sur-dramatisé de la musique à l’écran, le problème étant que le film n’est pas suffisamment bon pour être accompagné par une musique d’une telle qualité. On sent beaucoup d’honnêteté et de passion dans la démarche de James Peterson, mais quel dommage que les images ne rendent pas toujours hommage au travail de qualité du musicien !

Le thème familial revient dans « The Great Fighter » et rappelle la détermination de Johnny Sanchez à sauver sa famille en devenant le meilleur combattant du tournoi de la toile rouge. Ici aussi, l’émotion et le lyrisme sont particulièrement palpables à l’écran, un morceau poignant et absolument magnifique bien qu’un peu trop court (à peine 2 minutes). Le compositeur se fait ensuite plaisir et nous offre avec « Jazz Cafe » un bon slow jazzy rétro à la manière de certaines partitions de film noir/romantique hollywoodiens des années 50 - Alfred Newman, Max Steiner ou Franz Waxman par exemple. Dommage que ce magnifique morceau - qui est en fait une reprise jazzy du thème dramatique familial - soit simplement utilisé comme « source music » originale durant une scène dans un restaurant vers le début du film. Encore une fois, le compositeur fournit un travail remarquable mais mal mis en valeur dans le film.

On retrouve le lyrisme dramatique du début dans « Grease Monkey Prelude » où se dévoile le troisième thème de la partition, le thème du combat, confié aux cuivres, débouchant sur la scène de l’affrontement dans le garage avec le superbe « Grease Monkey Brawl », 3 minutes d’action pure et dure, scène accompagnée par un déchaînement orchestral virtuose et totalement maîtrisé, développant le thème du combat avec un contrepoint extrêmement savant, entre cuivres massifs, cordes survoltées, bois et percussions agressives. On remarquera ici l’apport assez intense du pupitre des trompettes, le compositeur dévoilant un savoir-faire évident dans l’écriture de l’orchestre symphonique, et ce malgré son manque d’expérience (à noter que l’orchestre qui interprète la musique a été formé par le compositeur lui-même pour les besoins du film). On ne pourra ensuite qu’apprécier l’émotion poignante de l’adagio de « Maria Cries », tandis que « Calling All Gladiators » reprend le thème du combat, qui deviendra plus présent sur la fin, tout en introduisant ici le thème des combattants du tournoi de la toile rouge, thème quasi martial qui deviendra surtout primordial lors de la séquence de combat final. « Calling All Gladiators » rappelle aussi vaguement par moment les harmonies musicales des péplums de Miklos Rozsa, influence évidente dans la partition de « The Red Canvas ». On ne pourra ensuite qu’apprécier l’émotion de « Death and Resurrection II », même si l’on regrettera le côté souvent répétitif du score, Peterson se contenant bien souvent de répéter les mêmes thèmes avec peu de développements. Même problème pour « Bills and Tears », qui, malgré son lyrisme dramatique poignant, se contente bien souvent de répéter le même thème de cordes sans réels changements ni travail sur les notes ou la construction thématique.

Le thème du combat revient en force dans le puissant et virtuose « Jungle Rumble », alternant entre montées de cuivres massifs et percussions sauvages : du grand art, tout simplement ! Et si « Prayer » et « A Not-So-Conjugal Visit » tentent d’apaiser l’ambiance martiale de l’histoire avec une émotion toujours omniprésente associée à la famille de Johnny Sanchez et son obstination à devenir un grand combattant, on ne pourra qu’être subjugué par le morceau absolument incontournable de la partition de « The Red Canvas », « Ballet for Brawlers », 11 minutes 30 de déchaînement orchestral pur, entre envolées de cuivres épiques et marche tonitruante. « Ballet for Brawlers » a d’ailleurs réussi à devenir en peu de temps une sorte de mini-classique de la musique de film moderne, un morceau constamment cité et salué par tous ceux qui ont découvert récemment le travail de James Peterson sur « The Red Canvas » grâce à la récente édition CD de Movie Score Media. Pendant plus de 11 minutes, le compositeur développe tous ses principaux thèmes et motifs mélodiques/rythmiques de sa partition en nous offrant un formidable condensé et une parfaite synthèse de son savoir-faire : l’écriture des cuivres demeure extrêmement spectaculaire ici, soutenue par un contrepoint orchestral savamment élaboré et d’une richesse insoupçonnée. Ici aussi, l’influence de Rozsa est perceptible dès le début du film, avec cette superbe reprise du thème des combattants lors de la séquence du tournoi final, une sorte de marche de gladiateurs qui vont se jeter dans l’arène pour s’affronter lors de duels impitoyables. Rarement aura-t-on entendu dans une musique de film moderne un morceau respirer une telle force, véhiculer une telle puissance dans le jeu de l’orchestre et dans son écriture extrêmement riche et savante, et ce bien que le morceau souffre d’un défaut majeur (plus sur l’album que dans le film d’ailleurs) : un côté très (trop) répétitif et un certain manque de développement thématique - apparemment la principale faiblesse du compositeur. Peterson se contente bien trop souvent de créer ses passages musicaux par des juxtapositions de thèmes et de motifs rythmiques virtuoses (l’envolée des cuivres vers les 6 minutes est assez exceptionnelle dans son genre, parfois proche du « Sacre du Printemps » d’Igor Stravinsky). Malgré cela, « Ballet for Brawlers » s’avère être une conclusion épique et grandiose d’une puissance incroyable, idéale pour conclure le film en beauté.

Vous l’aurez donc compris, nous sommes bel et bien avec « The Red Canvas » en présence d’un classique instantané, une partition symphonique d’une richesse insoupçonnée et inattendue, étant donné la qualité médiocre et quelconque du film de Kenneth Chamitoff et Adam Boster. James Peterson semble avoir pris son rôle très au sérieux et affiche une passion véritable tout au long de son oeuvre, rappelant que la musique symphonique des grands maîtres d’antan n’est pas morte et qu’elle continue toujours de traverser les époques, un fait qui aurait de quoi nous rendre plutôt optimiste, car si un « petit » film très modeste comme « The Red Canvas » peut s’offrir une musique aussi puissante et riche, quid de toutes ces productions ultra-friquées qu’Hollywood nous balance à toutes les sauces aujourd’hui, avec parfois même des grands noms de la musique de film qui ne sont même pas capables de rivaliser avec le brio, la virtuosité et la conviction passionnée qu’affiche la partition de James Peterson ? Faut-il parfois moins de moyen pour pouvoir permettre aux compositeurs d’avoir plus de liberté artistique sur les films pour lesquels ils travaillent ? Les grands pontes de la musique de film U.S. actuelle devraient assurément en prendre de la graine, car, mine de rien, le score de « The Red Canvas », qui n’a pas la prétention de s’afficher aux côtés des gros mastodontes orchestraux du moment, reste une belle démonstration de savoir-faire et une véritable leçon de musique de film, et ce bien que l’opus symphonique de James Peterson n’est guère exempt de défaut : une tendance à la sur-dramatisation dans le film, un rapport image/musique parfois en défaveur des images, la musique résonnant de façon souvent trop riche et trop puissante pour des images relativement pauvres, et un certain manque de développement thématique associé à un côté parfois un peu répétitif dans la musique, des défauts de « jeunesse » dira-t-on, qui n’empêchent en rien le score de s’épanouir pleinement dans le film et sur l’album, qui inclut, en bonus, une « Moving Images Suite », oeuvre de concert composée spécialement pour les besoins du CD par le compositeur lui-même, une sorte d’exercice de style dans lequel Peterson s’amuser à pasticher différents styles musicaux, afin de rendre un hommage évident et passionné à la musique de film : la fanfare de « Moving Images Fanfare », « The Sorcerer » et ses allusions à John Williams et Jerry Goldsmith (on croirait entendre par moment « The Great Train Robbery »), « Americana » et ses allusions à Aaron Copland, « A Quirky Machine » et ses traits orchestraux drôles et inventifs, « Moonlit Desert Chase » et ses orchestrations extrêmement inventives, « Pastorale » et son lyrisme rétro rappelant James Horner, sans oublier le superbe et atonal « Transylvania 1955 » et ses envolées orchestrales gothiques et ténébreuses. Au final, on ressort totalement conquis et comblé par cet album d’un jeune compositeur extrêmement prometteur, en phase de devenir l’un des nouveaux maîtres de la musique de film américaine, s’il continue de garder ainsi le cap et de nous étonner encore plus sur des projets plus ambitieux ! Assurément la plus belle découverte du moment en matière de musique de film !



----Quentin Billard