1-Intro and Main Title 1.49
2-Bath/Attack 1.31
3-Beach Scene 1.05
4-Iceberg 1.29
5-Carla & Jerry 1.30
6-Carla's Room Wrecked 1.55
7-It Appears/The Entity 2.45
8-Carla 2.40
9-The Power 2.34
10-Relentless Attack 1.27
11-The Entity Lurks 1.29
12-Helium Attack 1.25
13-Mozart Source 2.23
14-Glimmer of Hope 2.36
15-Finale/Carla Leaves House 1.25

Bonus Tracks

17-Attack Music Deconstructed 1.09*
18-Attack Music Reject 0.56*
19-Main Title (Synth Version) 1.39*

*Introduit par le compositeur.

Musique  composée par:

Charles Bernstein

Editeur:

Intrada Special Collection Vol. 119

Album produit par:
Charles Bernstein, Nick Redman
Producteur exécutif du CD:
Douglass Fake, Roger Feigelson
Directeur de la bande son pour
20th Century Fox:
Tom Cavanaugh

Artwork and pictures (c) 1982/2009 Twentieth Century Fox Film Corporation. All rights reserved.

Note: ****
THE ENTITY
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Charles Bernstein
A l’origine, « The Entity » (L’Emprise) est un roman publié par Frank DeFelitta en 1978, et inspiré d’un fait divers survenu en Californie dans les années 70 : une jeune mère de famille, Doris Bither, prétend avoir été sauvagement agressée à plusieurs reprises par une entité invisible qui se serait ainsi acharnée sur elle pendant des années. L’histoire met ainsi en scène cette mère de famille dans la peau de la séduisante Barbara Hershey. Carla Moran mène ainsi une vie ordinaire dans sa maison située en plein coeur de la Californie du Sud. Elle élève seule son fils ado Billy, et ses deux petites filles, Julie et Kim. Un soir, alors qu’elle se trouve seule dans son lit, Carla est subitement attaquée et violée par une force invisible qui s’empare de son corps et la brutalise sauvagement. Terrifiée et profondément bouleversée, la jeune femme conserve des traces des blessures sur son corps, mais impossible de retrouver la moindre trace dans sa chambre : aucun doute possible, personne n’était avec elle dans sa chambre ce soir-là. Pensant d’abord qu’elle a fait un terrible cauchemar, la jeune Carla ne va pas tarder à réaliser que ces attaques sont bel et bien réelles et qu’elles continuent de se produire à intervalle régulier. C’est alors que la jeune femme décide de faire appel à des psychiatres qui vont tenter de l’aider, bien que le docteur Phil Sneiderman (Ron Silver) reste persuadé que tout ceci se passe dans sa tête, et que la jeune femme s’est infligée elle-même ses propres blessures. Puis, devant la réticence des psychiatres face à son cas désespéré, Carla décide alors de se tourner vers des spécialistes des événements surnaturels et des activités paranormales. Ces spécialistes semblent avoir compris que quelque chose de spécial se trouve dans la maison de Carla, une force invisible et incontrôlable totalement enragée et impossible à appréhender. « The Entity » permet ainsi au réalisateur Sidney J. Furie de nous offrir l’un de ses meilleurs films, et aussi un grand classique de l’épouvante U.S. du début des années 80. Ici, point de monstre et autre spectre à la « Poltergeist », le véritable défi du film consistait à suggérer la violence des attaques par le biais d’un agresseur totalement invisible. Le film développe ainsi cette atmosphère de paranormal et de terreur pure avec des séquences de viol assez dérangeantes (même pour l’époque), d’autant plus dérangeantes que l’agresseur n’est même pas visible et encore moins humain ! Le film vaut essentiellement par la qualité de la mise en scène de Sidney J. Furie et par l’interprétation remarquable et émouvante de Barbara Hershey, en femme tourmentée et violée qui tente désespérément de trouver une solution à un cauchemar qui semble sans fin. Un classique du genre en somme, totalement incontournable !

La musique de Charles Bernstein reste sans aucun doute l’un des points forts de « The Entity ». Le compositeur déclare dans le livret de l’album récemment édité par le label Intrada qu’il considère « The Entity » comme l’un de ses meilleurs projets, et aussi l’un des films les plus inhabituels qu’il lui ait été donné de mettre en musique. Pour les besoins de l’histoire, Bernstein a ainsi dû utiliser toute une pléiade de synthétiseurs expérimentaux, avec des sons qu’il a crée lui-même. Si cela peut paraître banal aujourd’hui, ce n’était pas si fréquent au début des années 80, où la technologie musicale était encore relativement peu évoluée. Le score de « The Entity » utilise ainsi une formation orchestrale très réduite, constituée principalement de cordes, d’un cor, et d’un ensemble instrumental incluant claviers/piano, guitares, basse, percussions et harpe, sans oublier la partie électronique, qui possède ici une importance cruciale dans la musique du film de Sidney J. Furie. Le film démarre au son de clusters graves de piano qui annoncent le ton sombre et mystérieux de la musique, puis enchaîne avec le thème principal, dominé par un motif dramatique de 5 notes aux synthétiseurs, un ostinato de cordes et de piano aux notes répétées - le compositeur avouant avoir voulu faire référence au « Tubular Bells » du « The Exorcist » de William Friedkin, un morceau alors très à la mode à cette époque et devenu indissociable du cinéma d’épouvante à la fin des années 70 et au début des années 80 ! Le morceau intervient au début et à la fin du film, formant une boucle dans la musique : « Intro and Main Title » et « End Credits ».

Autre élément mélodique important dans le score, le thème mélancolique et poignant associé à Carla, développé par un cor solitaire dans « Carla » sur fond de cordes. Bernstein signe là un thème d’une grande beauté, aux harmonies quasi impressionnistes (on croirait presque entendre la « Pavane pour une infante défunte » de Ravel !) et qui évoque clairement les tourments et les malheurs du personnage de Barbara Hershey dans le film. « Carla » apporte une émotion indispensable à un score somme toute relativement sombre et inquiétant. Charles Bernstein n’oublie pas ainsi d’illustrer la partie plus dramatique et humaine du récit, qu’il s’agisse du magnifique « Carla » ou de morceaux plus intimes et émouvants comme « Carla & Jerry », où le thème de Carla est développé par un mélange cordes/synthétiseurs assez réussi. Les synthétiseurs doublent ici les cordes afin de nuancer la chaleur des violons et de rappeler la malédiction qui s’est abattue sur Carla. Dans le film, l’émotion qui se dégage de ces morceaux reste remarquable, sans jamais en faire de trop : Bernstein joue ainsi sur une certaine retenue mélancolique assez poignante. Même chose pour un morceau comme « Carla’s Room Wrecked » ou « Beach Scene », qui reprend le thème de cordes/synthé de « Carla & Jerry ». Ces morceaux évoquent aussi les difficultés que rencontre la jeune femme dans sa vie privée et son impossibilité de s’occuper correctement de sa famille. Le thème de Carla revient enfin dans l’émouvant « Glimmer of Hope » et dans le thème de cor de « Finale : Carla Leaves House », qui laisse une impression d’amertume et de regret, alors que Carla doit enfin quitter sa maison après avoir survécu à sa malédiction.

Mais le score de « The Entity » est bien loin de se limiter simplement à ces passages intimes et mélancoliques, qui ne représentent qu’à peine 50% du travail effectué par le compositeur sur le film. A vrai dire, ce ne sont pas vraiment les morceaux comme « Carla » qui attirent ici notre attention mais bien tous les passages plus expérimentaux et atonaux associés aux méfaits de l’entité invisible, et ce à commencer par deux morceaux incontournables dans le score de « The Entity » : « Bath/Attack » et « The Entity Lurks ». Le réalisateur a d’ailleurs décidé d’utiliser constamment ces deux morceaux tout au long du film, pour la plupart des scènes où l’entité se manifeste et agresse Carla. Ces deux passages se distinguent par leur utilisation remarquable de nappes de synthétiseurs aigues et quasi stridentes et dissonantes, des sonorités électroniques étranges et vaporeuses qui semblent flotter mystérieusement dans l’air et qui annonce systématiquement dans le film chacune des « apparitions » de l’entité. A vrai dire, comment suggérer en musique une entité que l’on ne voit pas à l’écran ? Charles Bernstein nous propose sa propre vision du sujet et a décidé d’avoir recours à la froideur absolue des synthétiseurs et à leurs sonorités aigues, une sorte de signal sonore particulièrement mystérieux et angoissant dans le film, et qui revient systématiquement tout au long de l’histoire : dans l’album d’Intrada, ce ‘signal’ apparaît donc dans 2 morceaux, mais dans le film, on pourra compter pas moins d’une dizaine de reprises de ces deux passages particulièrement intenses. « Bath/Attack » et « The Entity Lurks » finissent ainsi par devenir extrêmement obsédants voire dérangeants dans le film, tant ils semblent apparaître et réapparaître systématiquement de façon de plus en plus inquiétante - à l’instar même des agressions de l’entité contre une Carla complètement dépassée par les événements. « Bath/Attack » et « The Entity Lurks » nous prouvent par la même occasion que l’on peut suggérer une menace et un danger sans avoir forcément recours à des notes graves, car, bien au contraire, le compositeur mise tout dans ces passages sur les notes les plus aigues possibles.

Charles Bernstein a donc parfaitement maîtrisé toutes les parties associées à l’entité invisible, et apporte une froideur et un suspense minimaliste extrêmement prenant à ces passages. Plus grave et inquiétant, « Iceberg » utilise des sonorités déformées de souffle humain pour la scène finale où l’entité est capturée dans un bloc de glace. Bernstein réutilise ici les synthétiseurs froids de l’entité, plongés ici dans un registre plus grave et menaçant, avec toujours cette forme de mystère surréaliste qui plane sur la musique. On retrouve une atmosphère similaire dans la première partie de « It Appears/The Entity », où l’on retrouve d’ailleurs le thème d’ouverture et de fin, vers le milieu du film. Plus étrange mais moins intéressant d’un point de vue sonore, « Helium Attack » illustre à l’écran la scène où Carla est à nouveau agressée par l’entité dans la pièce aménagée dans le gymnase par les parapsychologues vers la fin du film. « Helium Attack » se distingue surtout par ses glissandis étranges de synthétiseurs qui renforcent le caractère bizarre, expérimental et terrifiant de la musique. Quand aux passages des agressions, ils se distinguent essentiellement par des passages instrumentaux baptisés « thrashers » par le réalisateur lui-même. Ces passages « trash » permettent ainsi au compositeur d’utiliser une série de coups répétés rapidement et martelés de façon agressive et sauvage dans « Bath/Attack » et « Relentless Attack », joués à l’unisson par des notes répétées de guitares électriques, de batterie survoltée et de clusters graves de piano. Ces passages trash s’avèrent être très étonnants et plutôt inhabituels pour une scène de ce genre, et prouve à quel point le compositeur débordait d’idée sur le film de Sidney J. Furie.

A noter que le compositeur nous propose en guise de bonus un « Attack Music Deconstruction » à la fin de l’album d’Intrada, des passages durant lesquels le compositeur décortique ses passages trash des musiques d’attaque et explique ainsi à l’auditeur comment il a construit ces pièces « trash » et comment les différents éléments sonores se sont imbriqués les uns dans les autres pour obtenir un résultat aussi impressionnant à l’écran. Il faut croire que ces morceaux auront eu un certain impact sur le public par la suite, puisque le réalisateur Quentin Tarantino ira même jusqu’à réutiliser un passage de ces « Attack Music » dans la bande son de son film « Inglorious Basterds » (2009). En conclusion, Charles Bernstein signe bel et bien pour « The Entity » l’une de ses plus impressionnantes partitions pour le cinéma, bien plus abouti et maîtrisé qu’un « Deadly Friend » ou qu’un « Nightmare on Elm Street ». C’est probablement le côté inhabituel du film et les exigences du réalisateur Sidney J. Furie qui auront permis à Charles Bernstein d’écrire l’un de ses meilleurs travaux dans le registre du suspense psychologique et de l’épouvante. Voilà en tout cas un score à la fois mystérieux, angoissant, psychologique et mélancolique à redécouvrir enfin grâce à la récente édition salutaire d’Intrada, idéal pour se replonger dans l’ambiance froide et intense du film de Sidney J. Furie !



---Quentin Billard