1-Syriana 2.28
2-Driving in Geneva 2.45
3-Fields of Oil 2.10
4-The Commute 4.22
5-Beirut Taxi 3.46
6-Something Really Cool 1.38
7-Syriana (Piano Solo) 3.19
8-I'll Walk Around 2.38
9-Access Denied 2.51
10-Electricity 4.00
11-Falcons 0.58
12-The Abduction 4.17
13-Tortured 2.17
14-Take The Target Out 1.24
15-Truce 1.42
16-Mirage 1.39
17-Fathers and Sons 3.38

Musique  composée par:

Alexandre Desplat

Editeur:

Sony/RCA 82876-76121-2

Musique produite par:
Alexandre Desplat
Montage musique:
Nick Vidar

American Federation of Musicians.

Artwork and pictures (c) 2005 Warner Bros. Entertainment, Inc. All rights reserved.

Note: ***
SYRIANA
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Alexandre Desplat
Film de géopolitique dans la veine de « Traffic » de Soderbergh, « Syriana » permet au réalisateur Stephen Gaghan d’aborder plusieurs histoires indépendantes avec comme toile de fond l’influence de l’industrie pétrolière. Le géant de l’énergie Connex contrôle d’importants gisements de pétrole dans un pays dirigé par la famille Al-Subaii. Le prince Nasir (Alexander Siddig), fils de l’émir au pouvoir et ministre des affaires étrangères, décide de signer un accord autorisant une compagnie chinoise à effectuer différents forages dans le pays. Cet acte va remettre en cause les intérêts financiers de l’industrie pétrolière américaine et de son gouvernement. Au même moment, une compagnie pétrolière plus modeste, Killen, réussit à obtenir l’exclusivité des droits de forage au Kazakhstan. Ayant perdu ses marchés, Connex n’a plus d’autre choix que de fusionner avec Killen pour compenser ses pertes et récupérer des gisements de pétrole kazakh. La nouvelle compagnie née de cette fusion devient ainsi rapidement le cinquième plus grand groupe pétrolier mondial. Peu de temps après, des enquêteurs anti-trust du ministère de la justice américain commencent à soupçonner les dirigeants de Connex et Killen de corruption. Le cabinet juridique de Washington est dirigé par le vétéran Dean Whiting (Christopher Plummer) et l’enquête est confiée au jeune Bennett Holiday (Jeffrey Wright). L’histoire suit ainsi le destin croisé de différents individus : un agent de la CIA (George Clooney), un expert en ressources énergétiques (Matt Damon), un jeune ouvrier pakistanais sans emploi (Mazhar Munir) dans un émirat du Golfe Persique. A la fin, tous ces personnages convergeront vers une même réalité - et un même drame.

Adapté du roman de Robert Baer, « See No Evil » (La chute de la CIA), « Syriana » est un film long et ambitieux, produit par George Clooney et Steven Soderbergh via leur maison de production Section 8. Le film aborde les luttes de pouvoir et d’influence à l’oeuvre dans l’industrie pétrolière. Comme l’expliquait le réalisateur lui-même à la sortie du film en 2005, « Syriana » reflète la complexité de notre époque, jusque dans la narration du film : ici, pas de bons ni de méchants, pas de déroulement narratif classique, les questions restent ouvertes, les intrigues débouchant sur des questionnements qui mettent le doigt là où ça fait mal. George Clooney déclarait ainsi qu’ils n’avaient pas voulu faire ce film pour donner des leçons, mais plutôt pour lancer un débat sur la dépendance au pétrole, la corruption, le terrorisme, les relations complexes avec le Moyen-Orient et l’efficacité de la CIA. Construit à la manière d’un film choral dont le scénario reste l’élément-clé, « Syriana » est un film long et ambitieux, un gigantesque puzzle d’une grande complexité, captivant de bout en bout (malgré quelques longueurs), servi par un casting irréprochable, un film qui s’interroge - à la limite de la polémique - sur les intérêts américains au Moyen-Orient vis-à-vis du pétrole. Pour un film aussi calibré (gros budget, production Warner, stars incontournables, etc.), le parti-pris était risqué, et bien que le film ait été critique par certains partis politiques aux USA, « Syriana » a été une grande réussite et a reçu plusieurs récompenses.

La musique a été confiée à Alexandre Desplat, inattendu sur ce projet à l’époque, mais qui n’en était pas à son premier coup d’essai à Hollywood. Le compositeur français avait déjà écrit les musiques de films tels que « Birth », « The Upside of Anger », « Casanova » ou bien encore « Girl With a Pearl Earring ». Pour « Syriana », Desplat signe une partition orchestrale plutôt atmosphérique et rythmée, accompagnant les destins croisés de ces différents individus sur fond de corruption et d’industrie pétrolière. Le score repose sur un thème principal entendu en ouverture, « Syriana », thème plutôt intime aux notes descendantes, jouant sur une retenue constante. A vrai dire, une bonne partie de la musique de Desplat reste plutôt retenue et minimaliste, évitant constamment d’en faire de trop, le tout englobé d’un style atmosphérique et de quelques nappes synthétiques qui rappellent par moment le travail de Cliff Martinez sur « Traffic ». Le thème de « Syirana » se veut donc plutôt intime et retenu, évoquant davantage les individus que les situations elles-mêmes. La musique se veut plus humaine et délicate lorsque Desplat développe les notes de sa mélodie principale, d’abord confiée à une harpe sur fond de cordes puis repris au piano (« Syriana Piano Solo »). Les passages plus rythmés permettent souvent de crée des transitions entre deux séquences où de dynamiser les scènes où l’action devient primordiale, comme dans « Driving in Geneva », où l’un des personnages se rend à Genève vers le début du film. Ici, Desplat développe un ostinato de cordes agitées agrémenté d’un duduk (pour les sonorités orientales - un stéréotype qui a décidément la peau dure à Hollywood depuis « Gladiator » de Hans Zimmer !) et d’un piano. Mais même dans ces passages rythmés, on remarquera à quel point le compositeur fait tout pour tenter de restreindre le volume sonore de sa musique, qui, disons-le clairement, est loin d’être l’élément le plus intéressant du film de Stephen Gaghan.

Dans « Fields of Oil », le compositeur évoque les forages pétroliers du Moyen-Orient en mélangeant cordes, harpe et timbales avec brio, sans oublier les sonorités ethniques/orientales d’usage pour tous les passages se déroulant dans le film au Moyen-Orient : c’est pourquoi Desplat utilise le duduk mais aussi la flûte nay, ces instruments étant d’ailleurs bien souvent mixés de façon discrètes au sein de la formation orchestrale du compositeur. Ici aussi, priorité au minimalisme et à la retenue. A noter l’utilisation intéressante de synthétiseurs dans « The Commute » développant un motif de suspense avec waterphone cristalin, sample électronique (un son métallique employé des centaines de fois dans le sound design de certains scores d’action/suspense de ces 10 dernières années !), cordes, percussions ethniques et nappes synthétiques. A noter que ce motif de suspense aux 3 notes ascendantes reviendra à quelques reprises dans le film pour les passages plus sombres du récit. Dans « Beirut Taxi », la musique devient plus rythmée lorsque l’agent de la CIA (interprété par Clooney) se rend à Beyrouth pour y effectuer sa mission. On retrouve ici le sample métallique (que l’on a décidément trop entendu à Hollywood !) avec des cordes agitées sur fond de percussions ethniques/orientales, d’oud et de synthétiseurs. A noter que l’on retrouve le même genre de rythmes pour la scène où l’agent est enlevé dans « The Abduction », marquant le retour du motif de suspense de « The Commute » sur fond de percussions orientales déchaînées (principalement constituées d’un ensemble de darboukas). Autre morceau d’action rythmé, « Truce », et ses cordes staccatos déterminées sur fond de percussions martelées.

Le reste du score repose donc sur un style atmosphérique moins accrocheur et plus minimaliste. On pourra ainsi citer « Something Really Cool » avec son mélange cordes/bois/harpe sans surprise, « I’ll Walk Around » avec son utilisation assez intéressante de timbales solo, « Access Denied » et ses cordes plus sombres et tendues, « Electricity », « Falcons » et sa mélodie intimiste de piano, sans oublier le sinistre « Tortured » pour la séquence de torture de l’agent de la CIA vers la fin du film. Le morceau permet à Desplat de reprendre les sonorités de la flûte nay couplée au duduk sur fond de nappes de cordes sombres, synonyme de tension et de danger. La musique reste aussi sombre et minimaliste dans « Take The Target Out » lorsque la CIA décide de détruire la voiture du prince Nasir à la fin du film. Un morceau comme « Mirage » est assez représentatif de l’ambiance minimaliste et sobre voulue par Alexandre Desplat, avec juste une tenue de cordes et quelques notes de piano solitaire. Plus intéressant, « Fathers and Sons » reprend le thème principal dans un très bel arrangement orchestral avec cordes, piano, violoncelle, duduk, concluant le film sur une touche d’émotion toute en retenue et en sobriété.

La musique de Desplat se veut donc l’écho des personnages et de leurs sentiments, qu’il s’agisse de l’appréhension, de leurs doutes, de leurs craintes mais aussi de leurs erreurs et de leurs regrets, ce qu’exprime, de façon très minimaliste, le « Syriana Theme ». Néanmoins, on regrettera le côté tout à fait quelconque et fonctionnel d’une musique un peu ennuyeuse en dehors des images, mais qui apporte néanmoins une atmosphère musicale adéquate au film de Stephen Gaghan. En se plaçant du point de vue des personnages plus que des situations, la musique reste donc assez appréciable même si le côté atmosphérique de certains passages s’avère être assez fastidieux à l’écoute. Quand on sait de quoi est capable le compositeur, on ne peut qu’être déçu par le côté quelconque d’une composition un peu fade et trop retenue pour pouvoir susciter l’intérêt de l’auditeur. Dans le film, cela fonctionne bien, mais sur l’album, c’est une autre paire de manche. Reste que les fans d’Alexandre Desplat apprécieront certainement cette nouvelle partition orchestrale atmosphérique qui, à défaut d’offrir quelque chose de neuf, reste en parfaite adéquation avec les images du film de Stephen Gaghan, même si l’on aurait aimé entendre quelque chose d’un peu plus passionnant, de moins timide et de plus ambitieux pour un film de ce genre !



---Quentin Billard